Hermary, Antoine - Dubois, Cécile (dir.): L’enfant et la mort dans l’Antiquité. III. Le matériel associé aux tombes d’enfants, actes de la table ronde internationale organisée à la MMSH d’Aix-en-Provence, 20-22 janvier 2011 (Bibliothèque d’archéologie méditerranéenne et africaine 12), 459 p. 400 fig., format 22x28, ISBN 978-2-87772-522-4, 39 €
(Errance, Paris 2012)
 
Recensione di Fabien Bièvre Perrin, Université Lyon II
 
Numero di parole: 2460 parole
Pubblicato on line il 2013-02-26
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1845
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          Le volume présenté ici rassemble les actes d’une table ronde organisée à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme (MMSH) d’Aix-en-Provence en janvier 2011 sur le thème du matériel associé aux tombes d’enfants dans l’antiquité. Il s’agit de la dernière des trois rencontres organisées dans le cadre du programme de recherche ANR L’enfant et la mort dans l’antiquité, coordonné par Anne-Marie Guimier-Sorbets et Yvettes Morizot (Arcsan), Jean-Yves Empereur et Marie-Dominique Nenna (Centre d’Études Alexandrines) et Antoine Hermary (CCJ). Ces actes sont publiés dans un contexte de regain d’intérêt pour un certain type de matériel associé aux enfants : les jouets. L’exposition Des jouets et des hommes au Musée des Arts Décoratifs de Paris en 2011-2012 et son catalogue en témoignent. En 2009, la synthèse de Stefano De’ Siena Il gioco e i giocattoli nel mondo classico signait le retour de ce thème d’étude délaissé depuis 1991, année de la publication accompagnant l’exposition Jouer dans l’antiquité à Marseille. L’ouvrage s’ordonne autour de trois sections principales. La première est vouée aux études locales et régionales, réunies dans trois ensembles géographiques (Grèce, Italie du Sud, Sicile : sept contributions ; Gaule : cinq contributions ; Afrique : quatre contributions), la seconde rassemble des études thématiques (sept contributions) et la dernière est consacrée aux nouveautés (deux contributions). Les vingt-six participations abordent les spécificités des pratiques funéraires liées aux enfants du point de vue du matériel. L’âge, le sexe ou le lieu sont-ils synonymes de particularités ? Le volume se présente comme une somme de données, de bilans et de problématiques.

 

          Un article de synthèse inaugure le volume : « Cherchez l’enfant ! La question de l’identité à partir du matériel funéraire ». Véronique Dasen y aborde le problème de l’identification du sexe et de l’âge des enfants en fonction du matériel trouvé dans leur tombe ; elle propose de lister les objets pertinents (surtout des jouets de simulacre) tout en rappelant les débats importants qui existent autour de cette méthode et la prudence dont nous devons faire preuve puisqu’aucun objet ne permet d’être catégorique (particulièrement en ce qui concerne les objets miniaturisés, fréquents dans les tombes, qui sont parfois identifiés à tort comme des jouets).

 

          Olivier Mariaud entame ensuite la section consacrée aux régions grecques avec une contribution centrée sur l’Égée orientale archaïque. Sur la base du matériel de cette région, il montre que l’âge n’est qu’un critère parmi d’autres lors du choix du traitement et du matériel et que seul l’anonymat semble caractériser les tombes d’enfants. Si, selon lui, il n’est pas possible d’attribuer un âge au défunt sur la seule base d’ « objets-marqueurs », certains, comme les masques et les protomés, marquent bien un changement de statut pour le défunt, un rite de passage. Cette façon d’exprimer l’âge dans le langage funéraire accompagne selon l’auteur l’accroissement du rôle joué par les classes d’âge dans les structures sociales. Dans sa contribution, Diego Elia distingue quant à lui la situation habituellement identifiée en Grèce de celle qu’il observe en Italie du sud, le matériel de tombes d’individus morts jeunes y étant parfois très riche (alors même qu’il observe une standardisation et une sobriété croissante des pratiques funéraires) et lié à la sphère des adultes plutôt qu’à celle des enfants, évoquant le statut qu’aurait dû atteindre le défunt s’il avait vécu plus longuement. C’est à propos de la Sicile, entre le VIIIe et le IVe siècle, que Sophie Bouffier consacre une synthèse au lien entre le mobilier funéraire et le statut social des enfants. Comme Diego Elia, elle souligne l’intérêt des sociétés grecques de ces régions pour leur descendance et leur besoin de s’affirmer en tant que nouvelles entités dans les territoires colonisés. Valeria Meirano s’intéresse elle aussi à la situation en Grande Grèce : sa contribution se concentre sur les terres cuites, rares en contexte funéraire, et les facteurs qui ont pu mener à  leur utilisation comme matériel funéraire pour les sujets immatures avant la période hellénistique (certains modèles leur sont parfois réservés de manière exclusive comme dans le cas des arulae miniatures). La contribution d’Alexandra Alexandridou aborde le cas des tombes d’enfants remontant aux VIIe – VIe siècles à Vari en Attique. Son étude atteste que, chez l’élite, le très jeune âge d’un défunt ne l’exclut pas des pratiques et des rituels de vénération observés pour les adultes, malgré une volonté de regrouper les défunts selon leur maturité. Jutta Stroszeck traite ensuite d’un aspect particulier du matériel à Athènes : les coquillages, majoritairement associés dans le monde grec aux tombes de très jeunes enfants. La signification de ces objets renvoie à la naissance et à la petite enfance : ils ont pu servir de cuillères ou de contenants pour de très petites quantités adaptées aux nouveaux-nés. Ils sont par ailleurs liés à la sphère féminine à travers les cultes d’Aphrodite et des Muses, qui jouent un rôle de protectrices lors du mariage et de la maternité. La contribution de Zoé Kotitsa concerne quant à elle les pratiques funéraires relatives aux enfants dans le cimetière nord de Pydna au IVe siècle, en Macédoine, dont les tombes contiennent une quantité nettement plus élevée de matériel que celles des adultes ; elle constate une nette différenciation dans la forme des tombes (les tombes couvertes de tuiles en bâtière et les cercueils en bois sont avant tout destinés aux enfants) mais observe des similitudes entre les tombes d’enfants et les tombes féminines en ce qui concerne certaines catégories de matériel comme les bijoux.

 

          La section suivante est dédiée à la Gaule et débute par la contribution de Bernard Dedet sur le lien entre mobilier funéraire et statut des enfants dans le monde indigène protohistorique du sud de la France. Dans ce contexte, trois césures sont visibles : la première vers six mois, quand le nouveau-né s’agrège à la société, la seconde vers six ans lorsqu’une socialisation différenciée selon le sexe fait son apparition, et la troisième autour de l’âge de quinze ans, le matériel funéraire devenant alors identique à celui des adultes (la maturité y est donc considérée d’un point de vue social et non biologique). La synthèse de Manuel Moliner sur le mobilier des tombes d’enfants dans les colonies grecques de Marseille, Agde et Ampurias, offre un corpus et une analyse diachronique des offrandes. Valérie Bel poursuit sur la Gaule Narbonnaise au Haut-Empire avec l’analyse de cent quarante-quatre tombes, bien documentées du point de vue anthropologique contrairement à ce que l’on observe par ailleurs dans le volume. Elle établit notamment que la pratique du banquet funéraire est associée à tous les groupes d’âge, bien que plus rarement aux nourrissons, et que l’intégration à la société survenait très tôt (le matériel des tombes d’enfants ne présente plus de spécificité dès l’âge de six ans). S’ensuit l’étude par Gérald Barbet d’un groupe de soixante-deux périnataux inhumés sous imbrex à Tavaux dans le Jura, parfois avec des offrandes. Son analyse remet elle aussi en cause le texte de Plutarque selon lequel les rites habituels pour les adultes ne sont pas accomplis pour les très jeunes enfants. Sandra Jaeggi propose enfin de réexaminer les données des anciennes fouilles, datant de 1950, du « cimetière de bébés » d’Alésia.

 

          La partie consacrée à l’Afrique débute par une étude du mobilier d’accompagnement des enfants en Égypte pharaonique par Amandine Marshall. Sans lien manifeste avec l’enfance, celui-ci est présent dans la plupart des cas et sa quantité croît avec l’âge. Marie-Dominique Nenna s’intéresse également à l’Égypte, gréco-romaine cette fois-ci. L’auteur rappelle la nature fragmentaire de la documentation et propose pour remédier à ce problème une étude aussi bien du matériel archéologique que de ses représentations sur les contenants funéraires. L’Afrique du Nord est abordée ensuite à travers les travaux de Hélène Bénichou-Safar sur Carthage. Ceux-ci établissent que les enfants puniques ne sont quant à eux accompagnés que d’un mobilier réduit, voire inexistant. Ils font l’objet en revanche d’un traitement particulier, puisque leurs tombes se trouvent principalement concentrées dans le Tophet où un rôle de médiateurs avec le divin leur est assigné (et toute individualisation refusée). Solenn de Larminat clôt les études régionales en se consacrant à l’Afrique du Nord à l’époque romaine : des spécificités apparaissent selon l’âge du défunt et la région étudiée. On constate également que certaines pratiques libyco-puniques persistent au moins jusqu’au Ier siècle de notre ère.

 

Viennent ensuite les études thématiques, qui auraient pour la plupart trouvé leur place dans les trois sections « régionales » que nous venons d’évoquer. La première, de Sébastien Lepetz, est consacrée aux restes d’animaux sacrifiés à la période romaine à travers les cas de Pompéi, Pupput et Soissons : des choix différents sont effectués selon la région en ce qui concerne les espèces et les parties anatomiques offertes. Céline Dubois aborde la situation des nourrissons dans le monde grec entre le VIIIe et le IVe siècle. Elle aussi démontre que les très jeunes enfants ne sont pas aussi systématiquement exclus des pratiques funéraires que ce que les sources écrites suggèrent, comme le prouve la présence récurrente d’objets prophylactiques. Stéphanie Huysecom-Haxhi, Irini-Despina Papaikonomou et Stratis Papadopoulos s’intéressent au cas particulier des figurines de jeunes filles nues assises, évoquant peut-être le devenir interrompu des enfants qu’elles accompagnent. Les figurines en terre cuite intéressent également Marcella Pisani qui propose une synthèse sur leur iconographie et leurs fonctions à partir du matériel de la nécropole nord-est de Thèbes. Ces deux études témoignent du rôle protecteur de ces figurines et de leur lien avec les rites de passage attachés à la fin de la puberté. À Thèbes, elles sont probablement un indicateur fiable pour l’identification des tombes d’enfants et d’adolescents. Carla Scilabra aborde ensuite la portée sémantique et la raison de la présence dans les tombes d’enfants, dans le contexte des colonies grecques occidentales, de deux catégories d’objets : les « poupées » articulées, habituellement considérées comme des instruments de jeu, et les jouets à roulette. Barbara Carè reprend le dossier des astragales, dont la présence est généralement considérée dans la littérature scientifique comme synonyme de l’immaturité des défunts auprès desquels ils sont placés, approche que l’auteur rejette au vu de l’ambiguïté sémantique qui les entoure et des évidences archéologiques, notamment à Locres. Antoine Hermary clôt cette section thématique par l’étude d’un astragale inscrit (en fait un askos plastique) d’Apollonia du Pont à partir duquel il développe une courte synthèse sur les rapports entre érastes et éromènes, un aspect peu développé par ailleurs dans les recherches sur l’enfance.

 

          Le volume se termine sur deux articles concernant des découvertes récentes à Alexandrie. Le premier concerne la mise au jour inattendue d’un Boubasteion dans lequel un matériel remarquable (notamment des représentations de chattes et d’enfants en terre cuite et en calcaire) a été mis en évidence, dévoilant l’importance du culte de la déesse Boubastis dès l’arrivée des premiers Grecs. Le second se concentre sur deux marqueurs de tombes figurés : sur l’un est peint un enfant en train de jouer avec des animaux domestiques, sur l’autre une femme assise avec un bébé et une jeune fille ; les deux scènes sont intégrées dans un décor architectural en perspective.

 

          Une conclusion générale sur la question du matériel associé aux tombes d’enfants aurait été appréciée des lecteurs souhaitant disposer d’une vue d’ensemble sur le sujet. Dans le même esprit, une bibliographie générale n’eût pas été superflue et un index se serait révélé utile, particulièrement en ce qui concerne la première partie dans laquelle les éditeurs ont choisi une présentation par zones géographiques. Néanmoins il serait malvenu d’en tenir rigueur aux responsables de la publication dont il convient de saluer la rapidité : la publication des actes d’une table ronde moins d’un an après sa tenue témoigne d’une belle efficacité.

 

         En définitive, même si son titre peut prêter à confusion – l’Italie romaine n’est véritablement abordée que dans la contribution de Sébastien Lepetz, alors même que le monde grec bénificie d’un traitement très ample –, ce volume bien illustré (souvent en couleur) se révèle indispensable pour qui souhaite suivre l’actualité de la recherche sur ce sujet et appréhender les problématiques attenantes émergentes.

 

 

Table des matières


Introduction (A. Hermary) : p. 7-8.

Cherchez l’enfant ! La question de l’identité à partir du matériel funéraire (V. Dasen) : p. 9-22.

Études locales et régionales :

Grèce, Italie du Sud, Sicile

Mobilier funéraire et classes d’âge dans les cités grecques d’Égée orientale à l’époque archaïque (O. Mariaud) : p. 23-37.

Le traitement funéraire des immatures dans la nécropole archaïque de Vari (A. Alexandridou) : p. 39-56.

Grave gifts in Child Burials in the Athenian Kerameikos: The Evidence of Sea Shells (J. Stroszeck) : p. 57-75.

Tombes d’enfants du IVe s. av. J.-C. à Pydna (Z. Kotitsa) : p. 77-96.

Sepolture di pre-adulti nelle necropoli greche dell’Italie meridionale: osservazioni sulle strategie di rappresentazione tra periodo tardo arcaico ed età classica (D. Elia) : p. 97-109.

Les terres cuites dans les sépultures d’individus immatures en Grèce d’Occident, de l’époque archaïque au milieu du IVe s. av. J.-C. : types, contextes, significations (V. Meirano) : p. 111-130.

Mobilier funéraire et statut social des enfants dans les nécropoles grecques de Sicile (S. Bouffier) : p. 131-148.

Gaule

Mobilier funéraire et statut des enfants dans le monde indigène protohistorique du Sud de la France (B. Dedet) : p. 149-169.

Le mobilier déposé dans les tombes d’enfants des colonies grecques de Marseille, Agde et Ampurias (M. Moliner) : p. 171-192.

Les dépôts de mobilier dans les tombes d’enfants et d’adolescents en Gaule Narbonnaise au Haut-Empire (V. Bel) : p. 193-216.

Tavaux (Jura) : un matériel associé aux tombes d’enfants (G. Barbet) : p. 217-224.

Le « cimetière des bébés » d’Alésia : un mobilier funéraire inédit (S. Jaeggi) : p. 225-241.

Afrique

Le mobilier d’accompagnement des enfants en Égypte ancienne, à l’époque pharaonique (A. Marshall) : p. 243-261.

Le statut de l’enfant punique et les objets funéraires (H. Bénichou-Safar) : p. 263-272.

Remarques sur le mobilier des tombes d’enfants dans l’Égypte gréco-romaine : mobilier associé et mobilier représenté (M.-D. Nenna) : p. 273-292.

Le mobilier déposé dans les sépultures d’enfants en Afrique du Nord et à l’époque romaine (S. de Larminat) : p. 293-312.

Études thématiques

Les restes d’animaux dans les tombes d’enfants à la période romaine : l’exemple de trois grandes nécropoles d’Italie, de Tunisie et du Nord de la France (S. Lepetz) : p. 313-328.

Des objets pour les bébés ? Le dépôt de matériel dans les sépultures d’enfants en bas âge du monde grec (VIIIe-IVe s. av. notre ère) (C. Dubois) : p. 329-342.

Les figurines en terre cuite dans les sépultures d’enfants en Grèce ancienne : le cas des jeunes filles nues assises (S. Huysecom-Haxhi, I.-D. Papaikonomou, S. Papadopoulos) : p. 343-366.

Iconographia e funzione delle terrrecotte figurate nelle sepolture ellenistiche d’infanti e di adolescenti della necropoli nord-orientale di Tebe (M. Pisani) : p. 367-385.

Veneri pupa negata. Giocattoli in tomba: casi di studio dall’Occidente greco (C. Scilabra) : p. 387-402.

L’astragalo in tomba nel monde greco: un indicatore infantile? Vecchi problem e nuove osservazioni a proposito di un aspetto del costume funerario (B. Carè) : p. 403-416.

L’amour des jeunes garçons dans la Grèce classique : à propos d’un astragale inscrit d’Apollonia du Pont (A. Hermary) : p. 417-425.

Nouveautés, varia

La fouille du Boubasteion d’Alexandrie : présentation préliminaire (M. Abd El-Maksoud, A. Abd El-Fattah, M. Seif El-Din) : p. 427-446.

Marqueurs de tombes d’enfants à Alexandrie : de nouveaux documents peints (A.-M. Guimier-Sorbets) : p. 447-459.

Annexe

Liste des auteurs (et coordonnées) : p. 460-461.