Vottero, Mickaël: La peinture de genre en France, après 1850. 17,5 x 25 cm, 392 p., Couleurs et N & B, ISBN : 978-2-7535-2005-9, 24 €
(Presses universitaires de Rennes, Rennes 2012)
 
Recensione di Adeline Leydet, Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand II)
 
Numero di parole: 1753 parole
Pubblicato on line il 2013-09-26
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1868
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          Michaël Vottero, lauréat de la Fondation Napoléon, a soutenu une thèse en histoire de l’art contemporain, sous la direction de Barthélemy Jobert, portant sur La peinture de genre en France sous le Second empire et les premières années de la IIIe République. Depuis 2010, M. Vottero est conservateur du patrimoine à la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Bourgogne à Dijon. Par ailleurs, il est l’un des auteurs de Femmes peintres et salons au temps de Proust : De Madeleine Lemaire à Berthe Morisot (Hazan) ainsi que Flaubert et les artistes de son temps. Éléments pour une conversation entre écrivains, peintres et musiciens (Eurédit), tous deux parus en 2010. Le présent ouvrage, publié sous le titre La peinture de genre en France, après 1850, constituant la publication de sa thèse, vient enrichir la collection « art et société », dirigée par Jean-Yves Andrieux et Marianne Grivel, aux Presses universitaire de Rennes. Cette étude vise à dresser un vaste panorama de la peinture de scène de genre dans la seconde moitié du XIXe siècle. Disons-le d’emblée : ce travail constitue une somme remarquable, alliant avec brio recherche approfondie et synthèse. De plus, selon les standards de la collection, il s’agit d’un livre de qualité de 390 pages et dont l’iconographie comporte, d’une part, pas moins de 150 illustrations, certes monochromes mais de taille satisfaisante pour une lecture détaillée et efficace, et d’autre part, les traditionnelles planches en couleurs -trente-deux au total- sur papier glacé et cartonné, chacune étant une exemplification claire des différents types de peinture que l’auteur analyse.

 

          Dans sa préface, Barthélemy Jobert, le directeur de thèse, explique l’évolution du titre de l’ouvrage et par là même des problématiques envisagées. B. Jobert en dit davantage sur le choix du sujet en lui-même ; il évoque brièvement l’historiographie de la peinture du XIXe siècle : en effet, encore aujourd’hui, les travaux de Léon Rosenthal (Du romantisme au réalisme, essai sur l’évolution de la peinture en France de 1830 à 1848, 1914) ou ceux de Jean Locquin (La Peinture d’histoire en France de 1747 à 1785, étude sur l’évolution des idées artistiques dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, 1912) constituent les points d’appuis de référence, et en raison de leurs dates, une nouvelle approche paraissait nécessaire. Cet ouvrage résulte donc d’un travail de fond engagé par l’auteur et pour Barthélemy Jobert il s’agit d’une « bonne thèse » car le travail s’avère fourni et complet. D’ailleurs, Michaël Vottero avait déjà commencé à entrevoir ces problématiques lors d’un Diplôme d’études approfondies, dirigé par Bruno Foucard, consacré au peintre Hugues Merle. B. Jobert regrette seulement le gommage de toute référence au Second Empire dans le titre alors qu’elle est centrale dans cet ouvrage. D’ailleurs B. Jobert l’écrit : « Depuis la grande rétrospective franco-américaine de 1979, L’Art en France sous le Second Empire, aucune grande exposition, ni même aucun livre, ne l’a abordé de front dans son ensemble » (p. III), un constat auquel nous ne pouvons que souscrire.

 

          L’introduction est fidèle à ce que l’on attend d’une bonne synthèse : Michaël Vottero replace son sujet dans son époque et son historiographie, en essayant de donner une définition de ce qu’est la peinture de genre. De quoi parle-t-on exactement ? Selon les auteurs, la scène de genre ne recouvre pas les mêmes réalités. M. Vottero choisit une définition en particulier, celle de Dario Gamboni, qui estime que la peinture de genre se limite « aux scènes de la vie quotidienne dans lesquelles les figures humaines sont traitées comme des types (au contraire des portraits individuels) et dont les actions sont susceptibles de répétition (au contraire de l’événement historique) ». Pour son étude, M. Vottero s’est appuyé sur un corpus d’œuvres bien défini, en l’occurrence les peintures exposées au Salon de peinture de 1852 à 1878. Ces dates n’ont pas été choisies au hasard ; l’étude commence en 1852, car à cette date le jury se fait plus sévère et le nombre d’œuvres exposées s’en voit réduit : le Salon devient réellement commercial - à l’image des galeries privées qui connaissent alors leur essor ; 1878, date de l’Exposition Universelle, marque aussi l’abandon par la plupart des peintres de genre de leur spécialité pour la peinture d’histoire. Cette entreprise vaste demandait une bonne méthodologie, c’est pourquoi Michaël Vottero a commencé par une recension de l’ouvrage Bibliography of Salon criticism in Second Empire Paris de C. Parson et M. Ward ; il s’est aussi penché sur les journaux contemporains afin de pouvoir appréhender la réception de ce type de peinture : ainsi L’Artiste, la Gazette des beaux-arts ou encore Le Journal des artistes sont mis à contribution.

 

          Cinq parties développent ensuite le propos, respectivement : « Approche et contexte artistique de la peinture de genre du Second Empire » (p. 21-76), « Peinture d’histoire anecdotique ou scène de genre historique » (p.79-133), « Les peintres voyageurs » (p. 139-207), « Images de la société contemporaine, la scène de genre en quête de vie moderne » (p. 209-299), et « La peinture de genre, un tournant commercial des arts ? » (p. 303-360). On apprécie ce découpage limpide, qui permet de structurer clairement l’argumentaire en définissant chaque style de peinture indépendamment les uns des autres ; en outre, cela met en œuvre une bibliographie spécifique – beaucoup plus commode d’utilisation pour le chercheur.

 

          La première partie, une sorte d’introduction détaillée, constitue la mise en place du sujet dans laquelle l’auteur rappelle la place de la scène de genre au sein de la hiérarchie des genres ainsi que ses évolutions dans l’histoire de l’art ; ensuite M. Vottero s’attache à décrire le fonctionnement du système de formation des futurs artistes qui fréquentent l’École des Beaux-Arts de Paris ainsi que les évolutions du cursus honorum (avec l’abandon du Prix de Rome). Ce texte, d’un peu moins de soixante pages et n’apportant rien de nouveau – l’ouvrage d’Alain Bonnet restant à ce jour la référence – se révèle d’une grande clarté et un passage obligé pour la compréhension des problèmes soulevés dans le reste du texte.

 

          La deuxième partie s’intitulant « Peinture d’histoire anecdotique ou scène de genre historique ? » (p. 79-133) couvre plusieurs courants. Tout d’abord le style néo-grec ; pour ce style - comme pour les autres qui suivent - l’auteur commence par étudier son émergence, tout en la repositionnant dans son contexte (il nuance notamment la nouveauté du genre) et ensuite présente quelques tableaux exposés au Salon caractérisant ce genre –M. Vottero présentant leurs auteurs individuellement. C’est là un des aspects les plus intéressants de cette étude, à savoir la découverte, ou du moins leur mise en valeur, de peintres oubliés – qui seront à l’avenir remis à l’honneur par les historiens de l’art. Viennent à la suite les tableaux s’inspirant de la Renaissance, cette partie est l’occasion pour l’auteur de relater la réalité des ateliers de peintres avec la difficile attribution des œuvres ; puis la scène de genre Pompadour –pastichant le rocaille.

 

          La troisième partie traite des scènes de genres reprenant des styles « étrangers » (p. 139-204), ce que l’auteur a nommé « les peintres voyageurs » : dans l’ordre, la scène de genre italienne, espagnole et orientaliste. Ces chapitres se révèlent particulièrement clairs, concis et recherchés. Mais ce sont, selon nous, les deux dernières parties qui sont les plus intéressantes car elles démontrent toute la réflexion et l’esprit de synthèse dont M. Vottero a su faire preuve.

 

          Après avoir développé, décrit et analysé les différents types de scène de genre existant à cette époque, la quatrième partie « Images de la société contemporaine, la scène de genre en quête de moderne » (p. 209-299) est l’occasion pour lui d’affiner sa pensée et d’approfondir ses problématiques - l’ensemble découpé en cinq chapitres. Il traite de questions inhérentes à la scène de genre : à savoir celles liées à la production « provinciale »  avec les voyages d’artistes, les influences de la bourgeoisie (achats, mise en scène de leurs valeurs…) et de la classe paysanne ou encore les différents types de réalismes. D’autres aspects sont également analysés avec beaucoup de minutie, ainsi le costume contemporain avec les peintres dits de la modernité mais aussi la scène de genre militaire.

 

           Dans la dernière et cinquième partie titrée « La peinture de genre, un tournant commercial des arts ? », M. Vottero développe un premier chapitre, « Un phénomène international : la scène de genre étrangère aux expositions parisiennes », qui permet de mettre en évidence l’émergence d’un nouveau marché : de plus en plus le marché de l’art n’est plus centré sur la seule France, de plus en plus d’artistes étrangers exposent au Salon et dans les galeries ; le second « La peinture de genre et le marché de l’art français : du Salon aux vitrines des marchands », montre le glissement progressif qui s’opère durant cette période charnière : les galeries d’art deviennent le passage obligé pour vendre, même si le Salon reste toujours une caution pour nombre d’acquéreurs potentiels. Enfin, le dernier chapitre évoque «La peinture de genre française dans les collections américaines de la seconde moitié du XIXe siècle » au sein duquel il exemplifie cet aspect grâce à ses précédentes recherches sur le peintre Hugues Merle, dont il est le spécialiste.

 

          La conclusion générale est très brève, à peine trois pages, mais l’analyse poussée contenue dans le livre ainsi que les conclusions de parties la rendent presque inutile. Aussi nous nous contenterons d’en reprendre les trois dernières lignes : « La production la plus novatrice s’en inspirait [de la scène de genre] ou s’y opposait et nous pouvons conclure, en reprenant les mots des Goncourt, que « c’est l’école du petit genre, autrefois si mésestimé, qui doit faire la fortune du XIXe siècle ». Les dernières pages sont consacrées à la bibliographie et à l’index. Notons encore que La peinture de genre sous-tend d’autres questions disséminées ici et là, que nous n’aurons pas la place d’évoquer ; outre la hiérarchie des genres qui s’en trouve chamboulée au cours de cette période, un autre aspect nous a particulièrement intéressé : celui de la reproduction des œuvres et de leur diffusion grâce aux lithographies et aux gravures. Quelques coquilles sont à noter mais elles sont en nombre limité et ne brouillent pas la lecture. L’on pourra seulement regretter l’absence de mention des dimensions exactes des œuvres, que ce soit dans les légendes ou dans le texte, qui aurait permis une meilleure interprétation du raisonnement de l’auteur, puisque le changement d’échelle est l’une des clés de l’évolution de la peinture durant tout le XIXe siècle, et plus particulièrement au sein des problématiques formulées par l’auteur. M. Vottero réussit à prendre cette période "à revers" et renouvelle la bibliographie et les bases du genre.