Plouvier, Martine (dir.): Guide des sources de l’histoire de l’art aux Archives nationales et aux Archives de Paris. 742 p., ill. n&b, 32 p. couleur, 17 x 22 cm, ISBN 978-2-7355-0772-6, 35 €
(CTHS, Paris 2012)
 
Compte rendu par Pascale Cugy
 
Nombre de mots : 2513 mots
Publié en ligne le 2013-09-30
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1891
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          Le Comité des travaux historiques et scientifiques a publié, à la fin de l’année 2012, un nouvel outil destiné à compléter la suite des guides de recherche des Archives nationales. Dirigée par Martine Plouvier, conservateur en chef, cette publication survient peu de temps après celle du deuxième tome des Documents du Minutier central des notaires de Paris de Marie-Antoinette Fleury, venant elle aussi compléter la série de volumes concernant l’histoire de l’art, dont l’étagère, dans la salle des inventaires, est finalement assez peu fournie, surtout si l’on exclut de son champ l’histoire littéraire et l’histoire du théâtre. Malgré l’immense richesse des sources et les nombreux travaux des historiens et érudits qui ont sollicité les documents conservés aux Archives depuis le XIXe siècle, de Jules Guiffrey à Antoine Schnapper, il faut bien reconnaître que peu de publications ou d’ouvrages généraux concernent en fait le domaine de l’histoire de l’art au sein de l’institution. Le principal était celui de Mireille Rambaud, intitulé Les sources de l’histoire de l’art aux Archives nationales et publié en 1955. C’est ce dernier volume qui sert de base à ce nouveau travail des conservateurs, chargés d’étude, secrétaires de documentation et chercheurs des Archives nationales, qui prend le parti de l’enrichir tout en conservant ses orientations, déjà larges, puisqu’elles concernaient à la fois les fonds du site de la rue des Francs-Bourgeois et ceux des Archives de la Seine.

 

          Si le Rambaud sert de matrice à l’ouvrage de Martine Plouvier, ce dernier n’en est pas une simple version augmentée, mais un renouvellement prenant en considération l’important élargissement des champs d’investigation de la discipline survenu depuis les années 1950. On devine à le parcourir l’ampleur de l’entreprise, qu’il est agréable de voir éditée sous forme de livre, alors que les inventaires et cadres de classement sont désormais largement et très commodément disponibles en ligne sur le site web des Archives nationales (http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/). Probablement ce format papier est-il appelé à devenir de plus en plus rare pour les ouvrages de ce type ; il est ainsi nécessaire de souligner le plaisir que l’on prend à le feuilleter, qui semble devoir faire naître de nombreuses idées et pistes de recherches ; soulignons aussi la clarté de sa présentation, qui rend la lecture très agréable malgré le poids que lui confèrent ses quelque 742 pages, ainsi que la qualité de son iconographie. Des reproductions des documents les plus divers – dessin de Giacomo Torelli et Nicolas Cochin pour un décor de théâtre, photographies d’un chantier de fouilles à Saint-Bertrand-de-Comminges, plan des jardins de Thorigny-près-Sens par Claude Martin Goupy, lettre de Paul Gauguin au ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts… – donnent en effet au fil des pages un aperçu de la richesse des fonds, que l’on aurait tort de réduire à de simples liasses de papiers administratifs.

 

          Comme le Rambaud, l’ouvrage reflète la variété et la disparité des documents relatifs à l’histoire de l’art, susceptibles de se trouver dans presque toutes les séries. La tâche des auteurs était immense, puisqu’il ne pouvait évidemment s’agir de se limiter aux séries intitulées « beaux-arts », aux habituelles O/1 (Maison du Roi) et F/21 (Beaux-Arts), souvent désignées aux étudiants comme les bases essentielles de leurs recherches à venir. Les sources de l’histoire de l’art irriguent en fait l’ensemble des secteurs et peuvent prendre les formes les plus diverses. Sept chapitres sont distingués : Fonds de l’Ancien Régime (chapitre I), Fonds publics postérieurs à la Révolution française (chapitre II), Minutier central des notaires de Paris (chapitre III), Archives d’origine privée (chapitre IV), Archives imprimées (chapitre V), Typologies particulières (chapitre  VI) et Archives de Paris et de l’ancien département de la Seine (chapitre VII) ; de multiples entrées au sein de chacun d’entre eux indiquent des pistes capables d’intéresser le chercheur et, si les intitulés des séries peuvent sembler parfois obscurs ou définitivement éloignés de l’art et de son histoire au néophyte, les commentaires des auteurs font parfaitement comprendre l’intérêt potentiel des documents, qui peuvent être sources mais aussi sujets de l’histoire de l’art.

 

          Il est en effet possible de rencontrer des œuvres elles-mêmes dans les fonds, comme l’ont montré, récemment, des expositions et publications mettant en valeur des documents peu connus voire inédits, comme les dessins des grands recueils de décorations des Menus-Plaisirs du roi étudiés par Jérôme de La Gorce et Pierre Jugie (objets, en 2011, d’une exposition et d’une base de données spécifique, accessible via ARCHIM), ou bien Le Gant rouge d’Edmond Rostand, première pièce de son célèbre auteur que ce dernier avait tenté de faire disparaître mais dont la censure gardait un exemplaire manuscrit ; sont aussi à ranger dans cette catégorie les dessins préparatoires et projets d’architecture annexés aux contrats, les documents administratifs enluminés ou ornés de vignettes, ainsi que les recueils de portraits gravés (p. 132 et 137) ou le fonds iconographique du Ministère du Tourisme, dans lequel se trouvent des clichés de Janine Nièpce ou Willy Ronis (p. 370).

 

          Si ces objets d’étude considérés comme de véritables œuvres ne sont pas vraiment rares dans les fonds, la plupart des documents s’apparente évidemment plutôt à des sources écrites, à la forme plus classique. Une grande variété est cependant là aussi la règle, puisque les renseignements repérés au fil des chapitres peuvent se rattacher à l’histoire administrative et institutionnelle, consister en des éléments biographiques ou en des données permettant des études économiques ou sociologiques. Parmi les papiers intéressant immédiatement l’histoire de l’art, se trouvent à la fois des documents administratifs (rapports d’experts du Parc civil du Châtelet de Paris, p. 78-79, dossiers sur les statues de George Sand aux jardins du Luxembourg et de Versailles, p. 167, documents relevant des services de l’équipement et de l’urbanisme, p. 354-362…) et des papiers privés, comme ceux de Johann Georg Wille (p. 446) ou de la Maison de France, branche d’Orléans (p. 453-456). Les meilleures sources concernant la biographie des artistes se trouvent quant à elles souvent dans des fonds a priori sans rapport avec l’art – et en premier lieu sans doute dans le Minutier central, qui fait l’objet d’un important développement de Marie-Françoise Limon-Bonnet, accompagné de nombreux exemples choisis au sein de sa masse considérable.

 

          Les sources étant susceptibles de se trouver partout, l’une des principales difficultés des guides des Archives nationales est probablement de ne pas se limiter et de parvenir à appréhender l’ensemble du cadre de classement ; l’ouvrage dirigé par Martine Plouvier fait en ce sens preuve d’une grande ouverture malgré le choix qui a été fait d’exclure les Archives nationales d’outre-mer et les Archives nationales du monde du travail. Les trois sites franciliens des Archives nationales – Paris, Fontainebleau et Pierrefitte-sur-Seine – sont présentés, auxquels s’ajoute, comme dans le travail de Mireille Rambaud, le site des Archives de Paris (anciennes Archives de la Seine), qui concerne des institutions très diverses, avec des fonds datant de l’Ancien Régime (ainsi de la Juridiction consulaire de Paris, créée en 1563, qui devient Tribunal de commerce à la Révolution, p. 669-670), mais aussi des archives très récentes, comme celles-ci issues de la DRAC Île-de-France (p. 663-668), qui vont jusqu’en 1996, ou du Bureau des enseignements artistiques, qui s’étalent de 1952 à 2007 (p. 642-644).

 

          Cette ouverture à la période contemporaine accompagne une conception très étendue de l’histoire de l’art ; le guide s’est ainsi adapté à l’élargissement continu des champs d’investigation de la discipline, cherchant à mettre en valeur, plutôt que l’ « histoire de l’art traditionnelle », le vaste domaine du « patrimoine culturel » évoqué par Agnès Magnien dans son introduction. L’archéologie, l’industrie, la photographie, la musique, l’opéra ou la danse figurent ainsi à côté de la peinture, de la sculpture ou de l’architecture. L’évolution de l’histoire de l’art se mesure d’ailleurs parfaitement dans le vis-à-vis avec les années 1950 permis par la reprise de l’introduction de l’ouvrage de Mireille Rambaud ; le directeur des Archives, Charles Braibant, n’hésitait pas y à suggérer, à partir des séries de l’Administration (F), l’écriture d’une « histoire souvent curieuse et parfois attristante du goût à travers les régimes qui se sont succédé en France », dans laquelle l’on s’apercevrait « que le culte du laid a atteint ses “pointes” dans les grandes époques de création ou de régénération administrative » et qui serait l’occasion de se demander à qui doit revenir « la palme », « de la décoration architecturale de la Restauration, qui fait grincer des dents, ou de la statuaire radicale de la soi-disant “belle époque” ».

 

          Le fait que les renseignements puissent se trouver dans les papiers de la Réunion des fabricants de bronzes (p. 536-537) comme dans ceux du Ministère de l’Agriculture (p. 369) est entièrement pris en compte et les exemples abondent d’œuvres considérées comme purement documentaires au moment de leur collecte, désormais susceptibles d’être conçues et étudiées comme des œuvres à part entière – c’est le cas des collections d’affiches, d’estampes, de sceaux, de moulages, de placards de thèses ou de photographies, qui ont pu faire l’objet de recherches spécifiques au cours des dernières années. Face à l’accroissement constant des champs d’intérêt des historiens de l’art, le guide ouvre de larges perspectives, signalant notamment des pistes pour l’historiographie (papiers Marc Bloch, p. 397, rapport d’Alexandre Boutroue sur une mission archéologique en Algérie et en Tunisie, p. 406) ou les recherches sur le marché de l’art (papiers de Louis Carré, p. 476). La volonté de laisser ouvertes toutes ces possibilités est parfaitement lisible dans le souhait des auteurs de mentionner les documents les plus divers.

 

          Le guide, qui s’appuie sur le cadre de classement général et le modèle fourni par le « Guide méthodique des fonds d’Ancien Régime », consultables en ligne, est ainsi extrêmement clair et complet. Les ressources des trois sites des Archives nationales et de celui des Archives de Paris sont décrites de manière homogène, selon la norme internationale ISAD(G). Pour chaque notice, les dates extrêmes, l’importance matérielle et les références du fonds sont ainsi présentées dans un cartel, avant un développement concernant l’historique du producteur et la description du contenu. Certains articles sont suivis d’une bibliographie, qui fait le point sur les publications les plus récentes, tandis que des notes rappellent les bases de données à consulter ou les travaux en cours, quand elles ne signalent pas, avec leurs cotes exactes, des documents conservés dans d’autres institutions (Institut français d’architecture, Service des archives et de la recherche parlementaire, Service des archives du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris…). De nombreuses suggestions renvoient ainsi précisément au fil des notices à d’autres références.

 

          Si la description de chaque fonds est assez poussée, les auteurs ne pouvaient évidemment que donner quelques exemples précis concernant les documents conservés en leur sein ; s’ils citent bien des noms d’artistes, l’exhaustivité en la matière est évidemment impossible. La consultation des index pourra ainsi s’avérer décevante pour les lecteurs à la recherche d’un nom d’artiste ou d’une personnalité précise ; les plus chanceux y trouveront des indications sur l’objet de leur étude – en particulier dans les domaines les mieux représentés, comme l’architecture ou les grandes familles de collectionneurs, où plusieurs fonds sont directement nominatifs. Encore faut-il rappeler que le détail des noms n’est évidemment pas le but de l’ouvrage, en dépit de ses deux index (noms de personnes et noms géographiques), dans lesquels on regrettera peut-être que ne figurent pas des catégories artistiques précises, des disciplines et métiers (brodeurs, graveurs, enlumineurs…), tout en reconnaissant les difficultés qu’aurait occasionnées un tel ajout. Les notices sont donc évidemment à compléter par les bases de données et publications indiquées en référence, mais aussi par des dépouillements patients pour les nombreuses séries qui n’ont pas encore fait l’objet de véritables travaux.

 

          L’on serait ainsi tenté, pour conclure, de reprendre ce que Jean Adhémar écrivait du guide Rambaud dans La Bibliothèque de l’École des chartes en 1957 : « Il va orienter une nouvelle génération vers des recherches dans un domaine où mainte découverte reste (encore) à faire. » Même si l’essentiel des recherches préliminaires se déroule désormais en ligne, il demeurera probablement, comme son prédécesseur, un ouvrage d’une « utilité incontestable » pour les lecteurs qui auront le plaisir de le prendre en main.

 

 

Sommaire

 

Agnès Magnien

Avant-propos de la nouvelle édition,7

 

Charles Braibant

Avant-propos de l’ancienne édition, 9

 

Ghislain Brunel et Martine Plouvier

La recherche aux Archives nationales : méthodologie suivie pour la présentation des sources, 13

 

Cadre de classement, 23

Définitions, 27

Liste des abréviations utilisées, 29

 

Chapitre I : Fonds de l’Ancien Régime, 33

Administration centrale du royaume, 33

Juridictions, 70

Ville de Paris, 89

Cathédrales, chapitres, monastères et paroisses, 94

Universités et collèges, 109

Séminaires et congrégations, 130

Mélanges de recueils d’histoire et d’art, 136

Ordres militaires et hospitaliers, 138

Archives de principautés et de familles séquestrées à la Révolution, 140

 

Chapitre II : Fonds publics postérieurs à la Révolution française, 165

Pouvoir législatif, pouvoir exécutif, grands corps de l’État et organismes particuliers en temps de guerre, 165

Ministères de l’Intérieur et de la Justice, 218

Éducation, culture, recherche, 262

Santé publique, action sociale, travail et population, 349

Équipement, aménagement du territoire, industrie, commerce, agriculture, tourisme, 354

 

Chapitre III : Minutier central des notaires de Paris, 373

 

Chapitre IV : Archives d’origine privée, 385

Série AB. Papiers d’érudits, collections factices, thèses et catalogues de ventes, 389

Série AP. Archives personnelles et familiales, 408

Série AQ. Archives économiques, 519

Série AR. Archives de presse, 521

Série AS. Archives d’associations, 527

Série Mi. Microfilms de complément, 540

Série EX. Extraits, 547

 

Chapitre V : Archives imprimées, 549

 

Chapitre VI : Typologies particulières, 563

Cartes, plans, fonds d’architectes, agences d’architecture, cadastre et photographies, 565

Manuscrits enluminés, 612

Collections sigillographiques, 617

Objets historiques et mobiliers, 622

 

Chapitre VII : Archives de Paris et de l’ancien département de la Seine, 625

 

Index des noms de personnes, 687

Index des noms géographiques, 717

Crédits photographiques, 739

Personnes ayant contribué à cet ouvrage, 741

Table des matières, 743

 

 

 

La rédaction du Guide des sources de l’histoire de l’art a été effectuée sous la direction de Martine Plouvier, conservateur en chef aux Archives Nationales.

 

L’équipe de projet était constituée par Claire Béchu, conservateur général, responsable de la mission de la coordination et de la diffusion scientifique des Archives nationales ; Bruno Galland, conservateur général, directeur scientifique du site de Paris des Archives nationales ; Catherine Gros, déléguée générale du Comité des travaux historiques et scientifiques.

 

Les notices ont été rédigées par Jean-Baptiste Auzel, Philippe Béchu, Clément Blanc, Yoann Brault, Nicole Brondel, Ghislain Brunel, Sandrine Bula, Jean-Charles Cappronnier, Jean-Philippe Chaumont, Pierre-Dominique Cheynet, Noëlle Choublier-Grimbert, Michèle Conchon, Patricia Da Costa, Ségolène de Dainville-Barbiche, Christiane Demeulenaere-Douyère, Isabelle Foucher, Nadine Gastaldi, Pascal Geneste, Thibault Hair, Françoise Hildesheimer, Yvette Isselin, Pierre Jugie, Marie-Thérèse Lalaguë-Guilhemsans, Sylvie Le Clech, Sylvie Le Goëdec, Armelle Le Goff, Marie-Françoise Limon-Bonnet, Elsa Marguin, Catherine Mérot, Anne Mézin, Sébastien Nadiras, Denise Ogilvie, Anne Pérotin-Dumon, Thierry Pin, Martine Plouvier, Annie Poinsot, Damien Richard, Isabelle Rouge-Ducos, Roseline Salmon, Véronique Salze, Brigitte Schmauch, Marie-Paule Schmitt, Cécile Souchon, Marion Veyssière et Valentine Weiss, pour les Archives nationales ; Nathalie Bonnard, Alexandra Machado, Claudine Mizzi, Juliette Nunez et Jean-Charles Virmaux, pour les Archives de Paris.