Baron, Anne: Provenance et circulation des objets en roches noires (« lignite ») à l’âge du Fer en Europe celtique (VIIIème-Ier s. av. J.-C.), 589 pages; illustrated throughout. In French with German, Spanish and English abstracts. Gazetteer of nearly 900 sites; catalogue of over 700 artefacts, ISBN 9781407310619. £60.00
(Archaeopress, Oxford 2012)
 
Recensione di Claire Leger, Centre international de recherche, Glux-en-Glenne
 
Numero di parole: 1728 parole
Pubblicato on line il 2014-05-27
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1899
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          Cet ouvrage est le fruit d’un travail de thèse, soutenue en 2009 à l’université de Strasbourg sur le thème de la circulation et la provenance des objets en roches noires (« lignite ») à l’Âge du Fer en Europe celtique, et encadrée par Anne-Marie Adam. Publiée par les British Archaeological Reports avec l’aide d’une allocation de bourse de recherche accordée par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, cette étude vient compléter des publications antérieures de l’auteur telles qu’un article paru en 2007 dans le numéro 31 d’Archéoscience. Consacré à la recherche de la provenance des roches noires (« Les objets de parure en black shales à l’Âge du Fer en Europe celtique : recherche de provenance par l’analyse élémentaire (LA-ICP/MS) », p. 88-96), cet article dresse le bilan des premiers résultats du travail d’Anne Baron.

           

          Les « black shales » sont des roches sédimentaires qui ont servi à fabriquer des objets depuis le Paléolithique jusqu’à nos jours. Le statut particulier de ces artefacts semble induit par deux critères distincts. Leur valeur marchande semble indiscutable au vu, d’une part, des circuits de commercialisation et de distribution géographique très large (p. 7) et, d’autre part, de l’extraction du matériau ainsi que de la fabrication d’objets résultant de la taille de plusieurs types de roches (dont les seuls points communs sont la couleur noire et une facilité de travail, comme le souligne l’auteur). Ce volume se présente donc comme une somme  de données acquises qui permettent de restituer la filiation entre les objets archéologiques et les ressources géologiques exploitées, afin de dresser des schémas de circulation. L’ampleur de la tâche a nécessité un cadrage chronologique (VIIIe – Ier s. av. J.-C.) et géographique (l’Europe celtique). Une approche pluridisciplinaire s’avérait indispensable pour recueillir ces informations. Le sommaire de l’ouvrage suit ces différents niveaux d’interprétation. Scindé en cinq chapitres, le volume permet d’aborder les aspects archéologiques et géologiques.

           

          Le premier chapitre est une synthèse des travaux et méthodes antérieurs publiés sur le sujet. Il permet également de dresser le cadre chronologique et géographique de cette étude. Anne Baron examine ainsi directement le problème de la concordance entre les systèmes chronologiques britannique et allemand (p. 9). À ce titre, un tableau synoptique des différentes chronologies est proposé (p. 10) permettant une correspondance  rapide. En outre, les découpages chronologiques pour ces périodes sont toujours objet de discorde et l’auteur préfère donc utiliser les positions moyennes communément admises excluant, de fait, toute date fixe. La zone géographique d’étude se calque sur l’ensemble des territoires occupés par les populations celtes durant toutes les phases de l’Âge du Fer mais également pendant  la transition entre le Bronze final et le Hallstatt ainsi qu’entre la Tène finale et l’époque gallo-romaine, soit une zone géographique qui s’étend à la plupart des pays de l’Europe actuelle. De plus, A. Baron se heurte, dès son historique des recherches, à une disparité méthodologique selon les pays, qui se traduit par une absence d’étude globale. Les Allemands sont les précurseurs dans l’examen des objets en roche noire, notamment en ce qui concerne les démarches archéométriques, avec des travaux datant de 1888 pour les premiers. Il faudra attendre 1960 et les recherches de O. Rochna pour véritablement aborder le recensement, l’identification de certains gisements et l’analyse des objets archéologiques.

           

          Ainsi, ce premier chapitre (p. 9-21) dresse les limites de cette thèse mais également de la méthodologie employée et des objectifs à atteindre. Le recensement des données archéologiques s’est fait en grande partie par le dépouillement bibliographique, mais également par l’étude de mobilier inédit. Au vu du nombre conséquent d’objets et de sites concernés, un échantillonnage de 26 sites a été effectué (p. 9), permettant l’étude de 725 artefacts parmi lesquels 222 ont fait l’objet d’analyses physico-chimiques. Cet échantillonnage est compréhensible compte tenu de l’accessibilité de certaines collections mais surtout, comme le souligne l’auteur, de l’appréhension des institutions et musées vis-à-vis de l’analyse et donc du prélèvement de matière sur un objet archéologique. On regrettera peut-être qu’A. Baron n’ait pas pu échantillonner dans les îles Britanniques, pourtant réputées pour leur gisement, tout comme l’Europe de l’Est.

 

          La deuxième partie (p. 22-71) est consacrée au recensement et à la disponibilité des données archéologiques, notamment à travers la production des objets, leur évolution chronologique, les méthodes de fabrication ainsi que les sites de production. 896 sites ont été répertoriés par l’auteur comme ayant livré du mobilier en roche noire. Outre les éléments de parure qui sont majoritaires, la vaisselle, datant de la Tène, est intégrée au corpus. Catégorie par catégorie et de manière brève, l’auteur présente les différents types d’artefacts rencontrés, qui sont accompagnés, dans la plupart des cas, de planches illustratives et de cartes de répartition. Ces dernières ne concernent que certaines catégories et il aurait été intéressant de les confronter, par analogie, à d’autres matériaux tels que les bracelets et perles en verre. Suite à cette énumération, une réflexion sur l’aspect typologique et, au-delà, typo-chronologique est engagée. L’évolution des objets est alors abordée sous forme de catégories fonctionnelles, l’objectif étant d’observer si les réseaux d’échanges commerciaux empruntés sont identiques ou non, selon les types de produits, s’ils évoluent et changent selon la nature des objets. L’auteur intègre ainsi dans cet ouvrage (p. 43) les recherches de classification menées antérieurement dans le cadre d’un mémoire de DEA afin d’aboutir à un tableau présentant l’évolution chronologique des objets en roches noires à l’Âge du Fer (p. 45). Les techniques de fabrication sont succinctement abordées en fin de chapitre, l’auteur démontrant la faible complexité de la chaîne opératoire mais, dans un même temps, la méconnaissance de ce travail compte tenu de l’absence de déchets de fabrication, ce qui rend difficile l’identification de sites d’artisanats. Pour clôturer ce chapitre, A. Baron croise les données afin de générer des cartes de répartitions par période, par contexte archéologique et par zone géographique. On regrettera l’absence d’une carte globale plus grande et en couleur au vu du nombre d’informations présentes (fig. 55 et 56, p. 70). Il apparaît, au terme de ce chapitre, que la distance n’entre pas en ligne de compte dans les circuits d’approvisionnement, comme l’atteste l’exportation des ressources anglaises ou tchèques.

           

          Ce premier postulat débouche sur la seconde partie de ce travail de thèse qui se développe dès le troisième chapitre. Il cerne les aspects géologiques de chaque gisement sélectionné et propose l’analyse d’un échantillonnage d’objets. Le croisement de ces résultats permet à l’auteur l’établissement d’une filiation entre les objets archéologiques, leur site de mise en œuvre et leur source d’extraction. Ce chapitre trois (p. 72 – 93) définit donc les matériaux géologiques qui entrent en considération dans la fabrication des objets en roches noires et notamment l’identification des charbons à travers la détermination des composants organiques. Ainsi, le terme de «lignite», communément employé par les archéologues, semble erroné et doit être proscrit, comme l’indique l’auteur. En effet, aucun objet archéologique n’a été identifié comme étant en lignite, au sens géologique du terme. Cette partie apparaît comme très spécialisée et dense du point de vue de la caractérisation des matériaux géologiques, plus proche des sciences de la terre que de l’archéologie. On notera deux cartes de qualité médiocre (p. 82 et 84) qui auraient mérité d’être retouchées avant d’être publiées.

 

          La partie suivante permet à l’auteur de s’attarder sur la caractérisation de chaque matériau. Elle explique le protocole d’analyse utilisé pour chaque échantillon associé à une sous-partie concernant la fiabilité des résultats et la marge d’erreurs inhérente à toutes nouvelles recherches. En outre, comme le souligne A. Baron (p. 97), bien que cette méthode d’analyse soit non destructrice, elle suppose un prélèvement de matière qui, selon la taille, implique des variations de composition dues à l’hétérogénéité des roches.

 

          L’interprétation des résultats (p. 99) propose un traitement des données par une étude de la variabilité à deux échelles mais également en tenant compte du pouvoir discriminant de certains éléments. Les formules mathématiques qui suivent sont complexes, voire incompréhensibles pour les néophytes. L’auteur s’oriente vers une conclusion favorable à l’hypothèse selon laquelle les gisements exploités pour le premier et le second Âge du Fer ne sont pas identiques, ce qui induit un choix particulier des matériaux opéré par les populations celtiques. Cette hypothèse est à saluer, avec une réserve cependant, bien évoquée par l’auteur : il conviendrait de compléter la lithotèque qui, pour le moment, manque de comparaison.

 

          Enfin le chapitre cinq est une synthèse des différentes conclusions obtenues dans le cadre de cette recherche. Le croisement des résultats a permis de proposer des hypothèses de diffusion globale ainsi que la mise en évidence de mutations socio-économiques qui se sont opérées à l’Âge du Fer, notamment en termes d’évolution des voies commerciales. L’une des principales avancées de cette étude est la différence de matériaux employés entre le premier et le second Âge du Fer qui peut s’expliquer, soit par une recherche de facilité, soit par la volonté d’accéder à de nouveaux gisements présentant des qualités différentes. L’auteur conclut par l’affirmation que le choix du matériau correspondrait au type d’objet à réaliser.

 

          L’ouvrage se termine par 12 annexes composées des différents catalogues, fiches de sites et tableaux des résultats.

 

          Pour conclure, ce volume propose une réflexion neuve sur un sujet d’étude peu exploité. L’approche pluridisciplinaire est primordiale même si, de fait, certaines parties sont denses et difficiles d’accès pour les non-spécialistes. Le croisement des données a permis la création d’un référentiel à la fois archéologique et géologique tout à fait inédit. Cette base de données se veut un socle de travail pour les recherches futures accompagné d’un élargissement du champ tant chronologique que celui des populations concernées, afin de confronter ce référentiel à d’autres problématiques. Anne Baron crée ainsi un équilibre entre état de la question, critique, démarche analytique et ouverture du sujet. La conclusion associée à la synthèse permet une vision ample du sujet. On est en droit de s’interroger sur la pertinence du terme « lignite » dans le titre alors même que l’auteur invite à le proscrire mais il serait malvenu de lui en tenir rigueur. Il convient en revanche de saluer la rapidité de publication, malgré les quelques défauts mentionnés ci-dessus qui lui sont imputables. En définitive, ce volume se révèle indispensable pour qui souhaite étudier les objets en roches noires et en appréhender les problématiques.