Casanova, Michèle : Le Lapis-Lazuli dans l’orient ancien. Production et circulation néolithique au IIe millénaire av. J.C. 284 p., ISBN 2735507319, 45 €
(Éditions du CTHS 2013)
 
Reseña de Dorian Vanhulle
 
Número de palabras : 3317 palabras
Publicado en línea el 2013-08-30
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1913
Enlace para pedir este libro
 
 

 

          Michèle Casanova, actuellement professeure d’archéologie orientale à l’Université de Lyon II et rattachée à l’UMR 5133 Archéorient du CNRS, nous présente dans cet ouvrage les résultats de sa thèse de doctorat. L’auteure s’y interroge sur l’« important growth of the social role of lapis lazuli in the ancient Near East and Egypt » au 3e millénaire (p. 9) et aborde des questions traitant de l’évolution de l’artisanat de la pierre, du développement des composantes politique, économique et religieuse ainsi que, plus largement encore, de la hiérarchisation progressive des sociétés proche-orientales. L’ensemble est articulé en trois parties, scindées en chapitres constitués de diverses sections thématiques.

 

          Un résumé de l’ouvrage en anglais (p. 9-10) précède l’introduction (p. 11-16). Celle-ci présente le contexte chronologique et géographique de l’étude et comprend un volet détaillant la problématique et la méthodologie utilisée. L’auteure y réaffirme le rôle social, politique et religieux joué par la pierre bleue : « Parure funéraire la plus révérée et recherchée (…), pierre que louent les textes mythopoïétiques, le lapis-lazuli est désormais également présent dans la statuaire, dans les trésors des temples, dans les maisons privées, dans les quartiers administratifs ou dans certaines pièces des palais ». Marqueur de statut social, il est étroitement associé au pouvoir royal et aux hautes sphères de la société. Cela fait de cette pierre, originaire des montagnes du Badakhshan, un objet archéologique de premier plan dans l’étude des sociétés du Proche-Orient antique. Cette introduction est également l’occasion d’aborder les différents points qui seront traités plus en détail au cours de la publication.

 

           M. Casanova concentre son travail sur les régions d’Irak, de Syrie et d’Iran, mais aussi d’Asie centrale, du Pakistan, du Balûchistân et de la côte orientale de la Péninsule arabique. Elle évoque également les obstacles principaux qui ont été les siens durant ses recherches : état lacunaire des informations relatives aux fouilles les plus anciennes, disparités dans la qualité de leurs publications, mauvaise identification de la pierre par les archéologues ou encore problèmes liés à la datation des objets en lapis-lazuli. L’auteure conclut cette introduction en renvoyant à sa thèse de doctorat, « Le Lapis-Lazuli dans l’orient ancien : gisements, production et circulation, des origines au début IIe millénaire av. J.-C. » (Université Paris I, 1998) et à ses diverses publications antérieures. Trois cartes de qualité agrémentent cette section, l’une présentant les principaux sites d’Iran, d’Asie centrale, de la Vallée de l’Indus et d’Arabie orientale, une autre se concentrant sur la Syro-Mésopotamie et, enfin, une dernière s’axant sur l’Égypte, le Levant et la côte méditerranéenne.

 

          La première partie de l’ouvrage (p. 17-91) est consacrée aux sites ayant offert du lapis-lazuli. Son articulation consiste en un découpage chronologique et géographique. Ainsi, chacun des deux chapitres la composant se consacre à une période précise et se subdivise en sections traitant des régions abordées par l’auteure. Ces sections se scindent à leur tour en sous-sections dédiées à un site particulier. Des tableaux récapitulatifs, dressés pour chacune de ces régions, référencent le nombre d’objets en lapis-lazuli par catégorie (perles, incrustations, glyptique, objets, éléments de fabrication) et par période (Chalcolithique moyen et récent, les quatre phases du Bronze ancien et les deux du Bronze moyen). Les tableaux relatifs à la Mésopotamie et la Syrie sont agrémentés, lorsque c’est possible, de précisions relatives aux périodes d’Obeid et d’Uruk. Une présentation du système chronologique privilégié par l’auteure et un excursus relatif aux problèmes de correspondances entre les différents systèmes existants se voient complétés par un tableau confrontant les grandes périodes proche-orientales, iraniennes et d’Asie centrale/Pakistan. Il débute par le Néolithique acéramique (ca. 10000-6500 av. J.-C.) et s’achève sur le Bronze récent II (ca. 1400-1200 av. J.-C.). Ce système utilise la « chronologie moyenne » et tire parti des ouvrages Chronologies in Old World Archaeology (1) et Civilization of the Ancient Near East (2). Enfin, chacun des sites traités dans ce chapitre est replacé dans son contexte géographique tandis qu’un résumé de l’histoire de sa découverte et des recherches lui étant consacrées est fourni. Ces mises en contexte témoignent de la complexité à synthétiser les données issues de rapports de fouilles anciens et de qualité inégale.

 

          Le premier chapitre (p. 21-43), « L’apparition des pierres fines dans l’art de la parure », offre un état de la question relatif au développement des premières parures entre le Paléolithique supérieur et la fin du Chalcolithique. Le développement des techniques du polissage et de la taille au Néolithique permet d’élargir la gamme de matériaux utilisés jusqu’alors (essentiellement os, ivoire et coquillages) aux pierres de dureté faible (comme le calcaire) voire, bien qu’en quantité marginale, de dureté moyenne et élevée (tels la turquoise, la cornaline ou le marbre notamment). Le phénomène est très visible en Mésopotamie et en Syrie et les tableaux de recensement fournis par M. Casanova illustrent très bien son caractère croissant au Proche-Orient dès cette époque. Le site de Mehrgarh, au Pakistan, a offert quelques-unes des plus anciennes attestations de perles en lapis-lazuli puisque la pierre y apparaît dès le 7e millénaire (p. 25) et témoigne du développement des techniques artisanales. Le Chalcolithique (ca. 4000-3000 av. J-C.) voit le phénomène s’amplifier.

 

        Le chapitre 2 (p. 45-91), « l’âge d’or du lapis-lazuli », traite du Chalcolithique. La pierre est en effet présente dans chacune des régions précitées en quantités parfois importantes et sous diverses formes (perles et pendentifs, mais également cylindres-sceaux, incrustations, petits objets, etc.). La première section du chapitre décrit les différents sites de l’actuel Irak ayant offert du lapis-lazuli durant le Bronze ancien I-III (ca. 3100-2350 av. J-C.). Parmi les associations au lapis-lazuli les plus fréquentes figurent l’or et la cornaline. Les découvertes faites à Ur sont largement détaillées dans cette section (p. 51-62). L’auteure fournit dans ce cas précis des plans du site extraits des travaux de L. Wooley (3) ainsi que neuf tableaux de recensement consacrés aux différentes zones, tombes et autres puits où la pierre bleue est attestée. La nécropole royale d’Ur est de loin l’endroit concentrant la plus grande quantité de lapis-lazuli puisqu’y sont représentés « 79% de l’ensemble des découvertes (parmi les trois zones du Proche-Orient circonscrites par l’auteure, du Néolithique à l’âge du Bronze), 82% de celles de l’âge du Bronze et 91% de celles de la Mésopotamie et la Syrie à l’âge du Bronze » (p. 57). La section suivante traite du Bronze ancien IV (ca. 2350-2200 av. J-C.) en Irak. Elle précède une courte section traitant du Bronze moyen I-II (ca. 2000-1600 av. J-C.), pour laquelle seul le site de Tello est cité, et une autre regroupant les attestations mal datées. Le même schéma chronologique est ensuite utilisé pour les sites syriens (essentiellement Mari et Ebla), iraniens, du Balûchistân et d’Asie orientale. Le chapitre se referme sur quelques sites situés le long de la côte de l’Arabie orientale.

 

          La deuxième partie de l’ouvrage (p. 93-197), intitulée « Les objets en lapis-lazuli. Fabrication et typologie », se consacre aux méthodes de fabrication des perles en lapis-lazuli et aux outillages. M. Casanova a pour ce faire eu accès à diverses collections importantes : celles provenant de Suse (Louvre), d’Ur (British Museum), de Mundigak (Musée Guimet), d’Altyn Tepe (Institut d’histoire de la culture matérielle, Saint-Pétersbourg), de Sarazm (Tadjikistan) et de Shahr-i Sokhta (l’Istituto italiano per il Medio ed Estremo Oriente cité par l’auteure est l’actuel Istituto Italiano per l’Africa e l’Oriente, Rome). Cette étude met en évidence l’existence de « traits originaux », d’un point de vue matériel et technologique, propres à l’Asie centrale et l’Iran d’une part, aux régions de Suse, de la Mésopotamie et de la Syrie d’autre part.

 

           Le premier chapitre (p. 95-141), « Production et tradition régionales », passe en revue, selon le même canevas que la partie précédente, les différents sites ayant offert des perles en lapis- lazuli. L’auteure n’y cite que ceux permettant d’approcher les différentes étapes de fabrication grâce à la découverte d’atelier de taille ou d’autres indices spécifiques. Le lapis-lazuli découvert au Proche-Orient est le plus souvent de qualité moyenne voire médiocre (couleur terne, forte présence de pyrite présentant une teinte « rouille » et/ou forte présence d’inclusion de calcite) tandis que celui mis au jour en Asie centrale et en Iran est globalement de bonne qualité. Quelques rares objets mis au jour à Tello témoignent quant à eux d’une technique particulière caractérisée par la réduction du lapis en poudre afin d’en faire des incrustations en pâte colorée (p. 101). En ce qui concerne les outils employés dans la confection de ces perles, ce sont essentiellement les sites iraniens de Tepe Hissar et Sharh-i Sokhta qui nous ont livré des informations sous la forme de forets en silex et d’espaces artisanaux. Les sites de Mundigak et de Shortughai confirment ces données et témoignent de l’utilisation du cuivre dans l’outillage local.

 

          Le chapitre 2 (p. 143-164) se concentre sur la « Fabrication des objets en lapis-lazuli », aux techniques et outils ainsi qu’aux conditions de travail des artisans. L’auteure y mentionne brièvement les apports de l’ethnographie, de l’histoire de l’art (tels les célèbres bas-reliefs du Nouvel Empire égyptien décrivant diverses activités artisanales, dont la réalisation de perles) ainsi que ceux des rares textes antiques faisant mention de ce type d’activité. Au sujet de ces derniers, M. Casanova insiste sur le caractère conjectural des informations qui en sont tirées et sur les dangers de la surinterprétation.

 

           C’est par le biais de l’archéologie expérimentale que l’auteure tente de reconstituer les gestes du passé et ainsi obtenir des perles en lapis-lazuli telles que celles issues des fouilles. Elle insiste alors sur la nécessité d’établir un protocole d’expérimentation strict et cohérent et illustre ses propos de nombreux schémas retraçant les différentes étapes nécessaires à la confection d’une perle en pierre : préparation de la matière brute, taille (ébauche et préforme), abrasion, perforation, polissage-lustrage et enfin, en fonction des cas, coloration par cuisson.

 

            Après une introduction aux méthodes, antiques et modernes, d’extraction du lapis-lazuli, l’auteure détaille son expérimentation, menée sur un bloc originaire du Pamir. De nombreuses photographies en illustrent les différentes étapes. Il en ressort notamment que le processus d’élaboration de ces perles est semblable pour chacune des régions étudiées et que les particularités résident plutôt dans la qualité du bloc utilisé, les formes réalisées et les méthodes d’exécution (p. 155). En ce qui concerne l’étape de dégrossissage et de préparation du bloc, l’auteure constate que la technique la plus concluante est celle du « lissage-sciage- fendage », celles consistant en des percussions, directes ou indirectes, étant possibles, mais bien plus laborieuses. La qualité de la pierre est évidemment importante : plus celle-ci est homogène, moins elle risquera de se briser et plus le rendu du polissage sera concluant. La perforation est une étape à ce point délicate que l’auteure et son collègue, J. Pelegrin, n’ont pu la mener à son terme. Le fait qu’il ne semble pas exister de technique bien établie pour polir et lustrer les perles terminées explique que cette dernière phase demeure, quant à elle, mal connue.

 

           Dans le chapitre 3, « la typologie des objets en lapis-lazuli » (p. 165-197), M. Casanova présente les différentes catégories d’objets qu’elle a identifiées, classées selon une terminologie précise et agencées en fonction du nombre d’éléments qu’elles ont offert : les perles (32.396 items sur un total estimé à 40.142) ; les incrustations, difficilement dénombrables (ca. 5034 items) ; les éléments de fabrication (2386 items), comprenant la matière brute, les déchets issus du travail de la pierre, les éclats, les esquilles, les ébauches ou encore les objets restés au stade de préformage ; la glyptique, comprenant sceaux-cylindres et autres cachets (211 items) et les objets sculptés (81 items). Les différentes typologies de perles sont précisément décrites par l’auteure, qui base son classement sur les travaux de L. Wooley (4) pour les perles d’Ur, sur ceux de L.S. Dubin (5) pour les autres. En tout, 23 types et 57 sous types de perles ont été déterminés par l’auteure. Les perles séparatrices, pendentifs, amulettes et autres têtes d’épingle forment une catégorie à part.

 

          L’auteure apporte un état de la question relatif à chacune de ces catégories et les illustre par différentes photographies utiles et de bonne qualité. Chaque catégorie d’objets et de perles est soigneusement dénombrée et les informations relatives à leurs répartitions chronologique et géographique sont fournies. Le chapitre se termine sur une analyse de « la place du lapis- lazuli au sein de l’évolution des parures » (p. 187-197). Sur base des données fournies au sein de la première partie de l’ouvrage, M. Casanova montre que les parures en lapis-lazuli, peu courantes avant la fin du 4e millénaire et surtout présentes en Asie centrale, au Balûchistân et en Iran connaissent un « formidable élargissement » au millénaire suivant. Cela se remarque particulièrement en Syrie et en Mésopotamie, la nécropole d’Ur jouant un rôle majeur dans ce contexte. Certains des colliers et parures de têtes ou vestimentaires en provenant, remarquablement bien décrits lors de leur découverte, sont détaillés en guise d’exemples-types pour cette période. Enfin, la pierre bleue se raréfie dans les parures à partir du 2e millénaire, au profit de l’agate, de la cornaline et de l’or.

 

           La troisième et dernière partie de l’ouvrage s’intitule « échanges, valeur marchande et valeur symbolique du lapis-lazuli de l’Orient ancien » (p. 199-251). La pierre bleue permet en effet d’aborder les complexes questions du développement de rapports commerciaux s’étalant sur de grandes distances et de « l’émergence d’une valeur marchande conférée aux objets en pierres fines ». La dimension symbolique conférée à la pierre, étroitement associée à sa couleur particulière, joue un rôle clé dans son succès.

 

          Le chapitre 1 tente d’identifier la « circulation, l’approvisionnement et la gestion des échanges » (p. 201-223). L’auteure définit d’emblée les limites d’une telle étude, l’état inégal des données archéologiques et textuelles constituant un obstacle. Une première étape est l’identification des gisements ayant desservi le Proche-Orient. Les analyses géologiques ciblent les mines de Sar-i Sang, dans le Badakhshan, les monts de Chaghai, au Pakistan, et du Pamir, au Tadjikistan. M. Casanova décrit en détail les mines de Sar-i Sang, toujours exploitées et qu’elle a visitées, et passe plus rapidement sur les deux autres gisements. Celui des monts de Chaghai, duquel proviendraient des échantillons, est, par ailleurs, contesté puisque les conditions géologiques à la formation de lapis-lazuli n’y sont pas réunies. À nouveau, le texte est accompagné de photographies, cartes et schémas.

 

          M. Casanova s’attarde ensuite sur « l’apport des analyses physico-chimiques » (p. 210), réalisées dans l’objectif d’identifier l’origine précise du lapis-lazuli utilisé dans les parures. 39 échantillons ont été analysés, dont 13 issus des carrières précitées et de l’Oural, et 26 provenant de Shahr-i Sokhta et Tepe Sialk. Si aucun lien avec l’Oural n’est apparu, les résultats ne permettent toutefois pas de différencier les gisements du Badakhshan de ceux du Pamir ou du Pakistan : « Le fait que des échantillons archéologiques offrent des parallèles avec des échantillons de différents gisements peut s’expliquer par le fait (…) qu’il s’agit de gisements appartenant au même ensemble montagneux d’Asie centrale et que les conditions de formation sont probablement identiques » (p. 212).

 

          M. Casanova s’en réfère à nouveau aux textes pour traiter des moyens utilisés pour transporter le minéral. Ils étaient variés et dépendaient à la fois des endroits et des périodes : les caravanes pédestres ou composées d’animaux étaient la norme. Des embarcations, poussées par l’Euphrate, ont également pu être employées. Les sites de Dilmun, Magan, Meluhha et celui, controversé, d’Aratta sont passés en revue parce que régulièrement cités par les textes relatifs à l’approvisionnement du Proche-Orient en lapis-lazuli. Au cours de son cheminement, la pierre bleue transite par trois grandes aires géographiques : le nord-est de l’Afghanistan, où elle est extraite, les hauts plateaux iraniens ensuite et, enfin, la Mésopotamie et l’Elam. Si les sites de Mundigak et de Sharh-i Sokhta ont très vraisemblablement importé et exporté du lapis-lazuli, la présence de la pierre dans les autres sites n’implique pas forcément qu’ils aient joué un rôle de distributeur. L’auteure rappelle donc, à raison, qu’identifier les routes empruntées par les caravanes est un exercice délicat aux résultats hypothétiques. Cette section résume les différentes propositions d’itinéraires, émises principalement entre 1960 et 1980 et caractérisées par une forte multiplicité des routes envisagées.

 

          L’approvisionnement, strictement contrôlé par les dirigeants, du lapis-lazuli en Mésopotamie pouvait se faire selon différents modus operandi : rapporté comme butin de guerre, reçu en tribut ou résultant d’un système de dons et contre-dons, de taxes ou d’échanges de nature commerciale. Le lien étroit unissant pouvoir et symbolisme au lapis-lazuli est indéniable et c’est sur ces différents points, passés en revue par l’auteure, que se conclut ce chapitre.

 

         Aucune mention n’est faite de la brusque apparition du lapis-lazuli en Égypte au Nagada IIC (ca. 3500 av. J-C.) et des parallèles évidents existant entre la Vallée du Nil prédynastique et le Proche-Orient en ce qui concerne son utilisation, son étroite association au pouvoir naissant et son insertion dans un univers symbolique alors en pleine élaboration. Plusieurs études récentes ont fait le point sur cette question (6).

 

          « La valeur marchande du lapis-lazuli » est l’objet du chapitre 2 (p. 225-231). Il y est fait remarquer que les sources textuelles attestent du lien de plus en plus étroit unissant valeurs symbolique et marchande des matériaux précieux aux 3e et 2e millénaires. Ces valeurs étaient évaluées en poids métallique : celui de l’argent par la Syro-Mésopotamie, celui du cuivre en Égypte. Ce chapitre comporte plusieurs passages répétant des informations déjà livrées au sein du chapitre précédent, notamment en ce qui concerne la difficulté à tracer la circulation des matériaux et la disparité des sources. L’auteure termine ce chapitre en livrant une synthèse sur « l’émergence du marché et le rôle des prix » au Proche-Orient et en Égypte à ces périodes (p. 229-231).

 

          Le troisième et dernier chapitre se penche sur « les valeurs idéologiques du lapis-lazuli » (p. 233-251). Les textes épiques des 3e et 2e millénaires insèrent en effet la pierre dans leurs récits, l’associant aux forces naturelles, mais également surnaturelles. L’auteure met en évidence l’élaboration d’une sémantique des pierres fines, perceptible dès le 7e millénaire et en tout cas indéniable dans le courant du crucial 4e millénaire, où elle évolue en parallèle à la hiérarchisation de la société et au développement des cités-états mésopotamiennes. La nécropole d’Ur est, une nouvelle fois, longuement abordée.

 

          En guise de conclusion (p. 253-255), M. Casanova synthétise l’ensemble des données présentées en un texte clair, livrant une histoire de l’utilisation du lapis-lazuli au Proche-Orient et en Asie centrale du 7e au 2e millénaire. Son contenu, très utile au lecteur qui pourrait se sentir quelque peu désorienté après une telle quantité d’informations, suit le même agencement que les différents chapitres et donne tout son sens à l’important et ambitieux travail effectué. L’ouvrage se termine sur un index des noms de lieux (p. 257-258), une bibliographie (p. 259-278) et la table des matières (p. 279-281). Il nous faut mentionner l’absence au sein de cet index de Dilmun et Magan, ainsi que celle d’Aratta et de Meluhha.

 

          Cette étude, mêlant archéologie, analyses textuelles, expérimentations et travaux de laboratoire, démontre tout l’intérêt de la multidisciplinarité en archéologie. M. Casanova, grâce à un travail rigoureux où toute prise de position et choix méthodologiques sont explicités, parvient à faire « parler les pierres » et nous livre un ouvrage qui se révèlera utile à bon nombre de chercheurs.

 

(1) R.W. Ehrich (dir.), Chronologies in Old World Archaeology, Chicago-Londres, 1992.

(2) J. Sasson (éd.), Civilization of the Ancient Near East, New York, 1995.

(3) L. Wooley, Ur Excavations II. The Royal Cemetery, Londres-Philadelphie, 1934 et Ur Excavations IV. The Early Period, Londres-Philadelphie, 1955.

(4) L. Wooley, Ur Excavations II. The Royal Cemetery, Londres-Philadelphie, 1934.

(5) L.S. Dubin, The History of Beads. From 30.000 B.C. to the Present, Londres, 1987.

(6) L. Bavay, « Matières premières et commerce à longue distance : le lapis-lazuli et l’Égypte prédynastique », Archéo-Nil 7, 1997 : 79-100 ; S. Hendrickx et L. Bavay, « The relative chronological position of Egyptian Predynastic and Early Dynastic tombs with objects imported from the Near East and the nature of interregional contacts », dans T.E. Levy et E.C.M Van Den Brink (éds.), Egypt and the Levant. Interrelations from the 4th through the early 3rd Millennium B.C.E., 2002, Londres-New York : 58-80