Falezza, G.: Antenor Quaderni. 25. I santuari della Macedonia romana. Persistenze e cambiamenti del paesaggio sacro provinciale tra II secolo a.C. e IV secolo d.C., brossura; 21x29,7; ill. in bn; 404 pp.; 978-88-7140-495-0; € 72,00
(Edizioni Quasar, Roma 2013)
 
Compte rendu par Jacques des Courtils, Université Michel de Montaigne (Bordeaux 3)
 
Nombre de mots : 1035 mots
Publié en ligne le 2014-06-24
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1984
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          Ce livre vient heureusement s’inscrire dans un courant récent de regain d’intérêt pour l’étude de la période romaine en Grèce. Traitant de la Macédoine, il a aussi l’avantage de porter l’accent sur une période qui, dans cette région, a été quelque peu occultée par les spectaculaires trouvailles archéologiques et les riches études épigraphiques qui ont bouleversé l’histoire de la monarchie macédonienne. L’ouvrage se divise en trois parties. La première est une étude diachronique de l’évolution des sanctuaires au cours de la période considérée, la seconde analyse les phénomènes religieux sous une variété d’angles, la troisième est un catalogue des sanctuaires macédoniens (qui inclut l’île de Thasos en raison de ses rapports privilégiés avec le pouvoir romain).

 

          L’étude diachronique est découpée en trois périodes : la conquête, l’instauration de l’Empire,  les IIIe et IVe s.  L’époque de la conquête, le IIe s. a. C., révèle naturellement des perturbations dans la plupart des sites, avec en particulier l’abandon d’une douzaine de sanctuaires. Il apparaît que les cultes frappés d’arrêt sont ceux de divinités poliades ou à fort pouvoir d’identification pour les populations locales (sanctuaire de Zeus Olympien à Dion, sanctuaire « national » des Macédoniens, ou bien sanctuaire d’Eucléia à Aigai, qui était le sanctuaire familial des Téménides) : la domination romaine efface de gré ou de force les cultes à forte connotation politique. Parallèlement se manifestent ou s’intensifient des manifestations de piété soit pour des dieux proches des hommes (Asclépios), soit pour des divinités orientales (égyptiennes tout particulièrement, mais aussi Attis, Syria Parthenos…). La prospérité intacte du sanctuaire de Sérapis à Thessalonique est caractéristique d’une autre tendance qui va se préciser au cours du Ier s. a. C. : les sanctuaires situés le long de la via Egnatia sont les moins perturbés et profitent les premiers de la renaissance ultérieure. Sans surprise, cela sera particulièrement vrai pour les colonies romaines (Philippes). La situation intermédiaire des sanctuaires de Dion peut être considérée comme représentant l’habileté tactique des responsables romains : au moment de Pydna, tout est fait par l’occupant pour que les cultes soient respectés, mais ensuite Metellus emportera à Rome le fameux groupe de Lysippe mettant en scène Alexandre. La suite confirmera la prospérité des sanctuaires dans les colonies romaines ou les villes alliées de Rome (Thessalonique, Dion, Philippes, Thasos, voire Edessa et Béroia qui sont mal connues) et sera marquée, comme le reste du monde grec, par une renaissance de cultes traditionnels, non sans accommodements. Ainsi à Dion, le culte de Zeus Olympien refait surface sous les traits de Zeus Hypsistos, et le sanctuaire de Zeus Ammon à Aphytis, remontant à l’époque classique, connaît une période de splendeur. L’auteur remarque en outre que, si ces développements sont conformes à ce qui se passe ailleurs en Grèce, la Macédoine occupe une place à part et présente un décalage chronologique (la renaissance ne s’y amorce pas avant le milieu du IIe s. et se prolonge largement dans le IIIe). De plus, on y trouve une variété inhabituelle de cultes (notamment locaux). Autre remarque importante : la Macédoine du IIIe s. permet d’observer la longévité de ses cultes locaux, souvent agraires, alors que ceux des grandes villes déclinent. Quant aux causes de ce déclin, l’auteur la voit moins dans une lutte victorieuse des chrétiens contre le paganisme que comme une conséquence des catastrophes naturelles et des invasions que cette région a subies plus intensément que beaucoup d’autres.

 

          La seconde partie de l’ouvrage est une synthèse découpée en plusieurs thématiques : le culte, les célébrations, l’activité édilitaire, dédicants et dédicaces, les lieux de culte et la politique romaine. Y sont rassemblés et approfondis les éléments présents dans la première partie, fournissant ainsi les véritables fruits de l’enquête. Le régime des cultes en Macédoine n’apparaît pas foncièrement différent de ce qu’il est dans le reste de la Grèce, mais le tableau est ici d’autant plus clair que la présence romaine y est précoce et prégnante, ce qui se traduit tout particulièrement, comme on l’a vu, par l’extinction des cultes poliades traditionnels et le développement spectaculaire du culte impérial, en particulier à Thessalonique et Kalindoia. On assiste logiquement aussi au développement des cultes égyptiens et plus particulièrement orientaux, dont certains avaient des antécédents à l’époque macédonienne (question qui aurait peut-être mérité d’être approfondie). La nouvelle carte des cultes à l’époque romaine se superpose parfaitement à la géopolitique résultant de la nouvelle administration.

 

La troisième partie de l’ouvrage est un catalogue des sanctuaires, répartis en deux régions (est et ouest). On y trouve l’essentiel des renseignements (topographie, architecture, trouvailles importantes, inscriptions) et une bibliographie à jour. Les inscriptions sont déclinées dans des tableaux très clairs : les moins importantes sont simplement mentionnées avec bibliographie, les textes majeurs sont intégralement cités dans la traduction de leurs éditeurs respectifs. Dans un souci d’exhaustivité, sont mentionnés des sanctuaires qui ne présentent pas de trace d’activité après l’époque hellénistique. Ajouté à des illustrations de bonne qualité, à des tableaux récapitulatifs très commodes et aux cartes qui parsèment l’ouvrage, ce catalogue fournit une base de travail très pratique qui constitue l’une des grandes qualités du volume.

 

          Le livre de G. Falezza est donc une très intéressante synthèse régionale et s’impose comme un instrument de travail extrêmement utile. Certes, abordant tant d’aspects, il ne saurait les traiter tous intégralement. Parmi les regrets que l’on pourrait exprimer, il y a celui de ne pas trouver un traitement plus systématique de l’utilisation politique des cultes égyptiens ou une synthèse sur le héros cavalier, mais les éléments principaux les concernant sont présents ainsi que la bibliographie. De même, une synthèse sur les aspects architecturaux particuliers de cette région (nombreuses salles de culte mais très peu de temples) reste à faire. On peut aussi s’interroger sur la pertinence archéologique de certains choix : ainsi, dans le cas de Thasos, l’auteur ne retient pour l’époque romaine que l’Artémision, le « sanctuaire » de Théagénès et celui d’Aliki, écartant délibérément les autres sanctuaires, fautes de trouvailles remontant à l’époque romaine. Ainsi, par exemple, se trouve éliminé du débat le sanctuaire d’Héraclès, dont on connaît pourtant un prêtre à vie d’époque impériale et à côté duquel fut construit au IIe s. l’arc ultérieurement dédié à Caracalla : l’absence de trouvailles positives peut traduire une déshérence mais pas nécessairement une cessation complète d’activité comme l’auteur l’affirme parfois catégoriquement, car cette absence peut évidemment résulter des destructions ou transformations ultérieures. De ce point de vue, le bilan fourni par G. Falezza ne laisse pas tout à fait assez de place au doute concernant plusieurs sanctuaires macédoniens peu fouillés ou mal connus. Cette réserve ne diminue pas le grand intérêt ni l’utilité évidente de cet ouvrage.