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Compte rendu par Christian Mazet, EPHE Nombre de mots : 5412 mots Publié en ligne le 2016-03-15 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2062 Lien pour commander ce livre
Aux époques orientalisante et archaïque (fin VIIIe - VIe siècle av. J.-C.), l'art méditerranéen se peuple d'images venues en grande majorité du Proche-Orient, réinterprétées dans différentes aires culturelles, avec leurs motifs végétaux, l'adoption des figures d'êtres fantastiques, représentations animales et hybrides ; ces dernières sont caractéristiques de ce que l'on a appelé par convention le "phénomène orientalisant". Depuis quelques décennies, les chercheurs s'opposent quant à l'intensité à accorder à ces emprunts orientaux et l'on réévalue la question de l'orientalisation des productions méditerranéennes à la lumière des nouvelles découvertes archéologiques et archéométriques, de notre connaissance désormais plus développée des contacts et des échanges en Méditerranée, ainsi que de l'ouverture de la discipline au domaine des sciences sociales. Au regard des grands corpus réunis pour l'art grec archaïque, la péninsule italique manquait cruellement d'études iconographiques spécifiques sur le sujet, à l'exception des études sur les monstres et les démons anonymes en Étrurie, principalement côtière, de Giovanangelo Camporeale et Ingrid Krauskopf au sein de l'entreprise colossale du Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'ouvrage publié sous la direction de Maria Cristina Biella, Enrico Giovanelli et Lucio Giuseppe Perego, qui constitue, en reprenant leurs termes, un "dossier de départ" ayant pour vocation de rassembler un corpus conséquent d'images afin de susciter la discussion et favoriser une approche transdisciplinaire dans notre compréhension de l'orientalisation des cultures figuratives étrusques et italiques. Ce volume dense (521 pages) rassemble vingt contributions organisées en trois sessions principales et classées de manière chronologique.
La première session consiste en deux études qui analysent les phénomènes de continuité et de discontinuité entre le premier âge du fer et la période orientalisante à proprement parler, souhaitant ainsi démontrer l'existence d'un bestiaire fantastique dans la péninsule italique antérieur à la vague d'orientalisation de la fin du VIIIe et du VIIe siècle av. J.-C.
Luciana Drago (p. 15-33) propose une vision large des premières représentations zoomorphes du premier âge du fer, visibles notamment sur la petite plastique en terre cuite et la toreutique, qu'elles soient réalistes ou fantastiques. Leurs utilisations en contextes funéraires relèvent surtout d'une symbolique et de croyances complexes liées au monde de l'au-delà et du surnaturel. Dans le cas de l'Étrurie méridionale (l'exemple pris est celui des nécropoles villanoviennes de Véies), la distinction entre les figures réelles et fantastiques n'est pas évidente car le schématisme des représentations zoomorphes empêche une classification nette ou une identification précise des images pouvant correspondre aux entités hybrides les plus diffusées de l'époque orientalisante. Parmi les formes les plus attestées, il faut citer les représentations tauromorphes, ornithomorphes, équines ou canines, toutes quatre liées symboliquement au monde masculin, soit par leurs capacités régénératives (taureau), soit par leurs connotations viriles (cheval, chien). Certaines représentations hybrides sont uniques, comme la figure mi-équine mi-loup formant l'anse d'une cruche biconique en impasto, déposée dans une tombe d'enfant appartenant à l'une des plus importantes familles présentes dans la nécropole de Casale del Fosso. L. Drago en déduit que ce type d'images zoomorphes et anthropomorphes, parfois hybrides, est utilisé en particulier dans des sépultures attribuables aux classes sociales les plus élevées de la communauté villanovienne, peut-être en fonction du rôle, du sexe ou de l'âge des défunts. En conclusion, l'attestation de ces images ornithomorphes, taurines, équines, mais aussi caprines et canines, suggèrerait donc une continuité partielle du bestiaire du premier âge du fer à l'époque orientalisante. Néanmoins, pour la plupart des représentations évoquées, on est en mesure de s’interroger sur le bien-fondé de leur insertion dans le corpus d’images étudiées dans ce recueil, car la dimension supranaturelle qu’on leur accorde ne leur confère pas obligatoirement un caractère fantastique. Un problème similaire se pose pour la communication suivante.
À partir de l'étude du matériel inédit de la nécropole de La Petrina à Narce (Agro Falisco, fin VIIIe – 1er quart du VIIe siècle av. J.-C.), Jacopo Tabolli (p. 35-52) analyse les représentations animalières de chiens et de petites tortues terrestres, qui s'insèrent dans une tradition ancienne, remontant à la fin du premier âge du fer. J. Tabolli réfléchit au caractère réel ou fantastique de ces images, puisqu'à l'époque il ne s'agit pas d'espèces inconnues. Il voit dans l'image des chiens, qui prennent la forme de décorations plastiques sur la céramique en impasto, des représentations fortement symboliques en fonction de leur position sur le vase (sur le couvercle ou formant l'anse). C'est le cas aussi des images de tortues, auparavant interprétées comme des volatiles, particulièrement rares dans la culture figurative italique d'époque orientalisante. On les retrouve dans des tombes féminines, comme à Narce, dès le IXe siècle à Capoue (Nuovo Mattatoio), à Pontecagnano (Tombe 509) ou dans le Latium (Osteria dell'Osa). C'est surtout la technique ajourée employée pour la réalisation de ces tortues sur certains skyphoi, à laquelle on attribue une valeur rituelle, qui serait pour l'auteur l'indication d'une fonction symbolique, et donc fantastique, de ce type de représentation. Certes, l'image de la tortue doit être mise en relation avec l'univers féminin et on lui cède volontiers une fonction symbolique en tant qu'animal de longue vie ; on peut néanmoins s'interroger, à l'instar de l'image du chien, sur la pertinence de son caractère fantastique. Pour l'auteur, c'est leur insertion dans des traditions symboliques et rituelles qui les éloignent de simples représentations réalistes. Si son analyse a le mérite de montrer la permanence de deux iconographies locales et leur lien avec la sphère du religieux, elle sort quelque peu du thème général de cette publication puisqu'il faut surtout comprendre le bestiaire fantastique orientalisant comme peuplé de créatures liminaires et monstrueuses, ce que l'auteur admet d’ailleurs en conclusion.
La deuxième session de l'ouvrage, la plus importante (13 contributions), est consacrée à l'étude du bestiaire fantastique dans l'Italie centrale tyrrhénienne du VIIe siècle av. J.-C. Les cinq premières contributions s'intéressent en particulier aux productions céramiques.
Sara Neri (p. 55-76) aborde dans un premier temps le bestiaire fantastique de la céramique italo-géométrique en Étrurie méridionale à l’époque orientalisante, mêlant au fond régional et aux influences coloniales des apports eubéo-cycladiques tardo-géométriques, puis surtout protocorinthiens. À partir de l’activité du Peintre de Narce (Véies), de l’atelier du Peintre des Grues (Véies), du Peintre de l’Eptacorde et de son cercle (Cerveteri), l’auteur propose une classification typologique des rares images fantastiques attestées : lions, griffons, chevaux ailés, sphinx barbu mais aussi serpent-dragon tricéphale sur la célèbre amphore en red-on-white du Peintre d’Amsterdam (Cerveteri, milieu VIIe), accompagnant la magicienne Médée selon Marina Martelli, récemment identifiée par Giovannangelo Camporeale, à tort selon l’auteur, comme une maîtresse des animaux. À l’exception de cette représentation unique, et visiblement narrative, L. Neri prône une utilisation purement décorative du bestiaire monstrueux, relégué à de simples "scènes de genre" : rien ne permet par exemple d’identifier Pégase dans les quelques attestations de cheval ailé de l’atelier du Peintre des Grues. Néanmoins, les images de lions sur deux ollai du Peintre de Narce, dont l’une fut découverte dans la tombe des Lions rugissants de Véies, sont interprétées en s’inspirant des analyses d’Alessandro Naso et de Francesco Boitani comme des représentations du défunt dans la tombe. Si l’on accepte cette dernière proposition, l’utilisation d’un bestiaire allogène - de modèle ici hellénique - afin d’illustrer des croyances religieuses locales serait le signe révélateur d’une ouverture encore plus importante des aristocraties étrusques à l’influence grecque, cette dernière étant même capable d’investir, au moins iconographiquement, certains secteurs les plus conservateurs de la pensée étrusque.
Lucilla Medori (p. 77-116) étudie ensuite le bestiaire fantastique de la céramique en white-on-red étrusque et de l'Agro falisco (VIIe – milieu VIIe s.), où de nombreuses images sont attestées : chimère ailée, prenant l'apparence d'un lion doté d'une protomé de chèvre sur la croupe, chimère équine, cheval avec jambe et queue de félin, cheval ailé, sirènes, centaures, taureau ailé, lion, lion ailé, sanglier ailé, griffon, sphinx masculin et féminin ainsi que la panthère à deux corps, que l'on retrouve d'habitude dans la céramique corinthienne et étrusco-corinthienne. D'autres images citées ne nous paraissent pas devoir être incluses dans ce corpus d'animaux fantastiques : le serpent, le héron, ainsi que le poisson bicéphale. Dans le dernier cas, le dédoublement du corps du poisson renforcent l'efficacité visuelle de l'image, mais celle-ci pourrait également constituer une représentation purement artistique de l'animal, sans référence à la sphère du monstrueux[1]. L’analyse se distingue par la place importante accordée à l'initiative de l’artisan, à son innovation et à sa "capacité expérimentale" : la genèse d’une représentation particulière est attribuée à la fantaisie et l’imagination de l’artisan, sans que cette image ne revête forcément une signification propre. À l’instar du Peintre des Grues, créateur des plus anciennes hybridations à Cerveteri dans les trente premières années du VIIe siècle av. J.-C., ces artisans doivent être perçus comme le fer de lance de la création artistique étrusque et latiale au cours de la période orientalisante, ouverts aux innovations technologiques et iconographiques d’un courant qualifié d’ "hellénisant" (p. 98), mais évoluant aussi dans une logique interne d’émulation entre ateliers céramiques (cérétains, vulciens, falisques, capénates, étrusco-corinthiens…). L’invention de nouveaux animaux fantastiques est alors la manifestation des expérimentations de ces artisans, souvent "bilingues" car utilisant des matériaux et des techniques diverses et se distinguant par l’exécution soit de thèmes figuratifs tirés de l’epos grec, soit de représentations plus "routinières" comme les frises zoomorphes des séries dites sub-géométriques.
La contribution de Maria Cristina Biella (p. 117-143), spécialiste de la céramique orientalisante en impasto de l'aire falisco-capénate, offre un regard inédit sur les animaux fantastiques et les figures hybrides de l'Italie centrale qui, a contrario des représentations de l'Étrurie côtière, témoignent d'une plus grande variabilité d'adaptation des modèles grecs et orientaux. Ce phénomène s'explique à la fois par l'environnement artisanal autonome de ces territoires, aire de "micro-déplacements" et "micro-rapports" artisanaux, mais aussi par une ouverture moindre aux fréquentations et aux influences étrangères, manifestement plus directes en Étrurie côtière. Dans la production en impasto incisé de l'aire falisque, la présence d'animaux fantastiques est limitée, c'est aussi le cas dans la white-on-red et la red-on-white falisque : on y retrouve quelques quadrupèdes ailés (chevaux en majorité, lions et taureaux), des centaures (surtout à Narce et une attestation probable à Faléries), un griffon et une chimère équine. Ces images ne sont pas attestées à Nepi et Corchiano, du moins dans le matériel archéologique connu. Dans les productions de la cité de Capena et de son territoire, ce type de représentation semble plus important, notamment sur la céramique en impasto incisé et excisé et sur la céramique utilisant la technique du red-on-white : chevaux, caprins et lions ailés constituent des thèmes récurrents, parfois associés aux éléments végétaux (fleurs de lotus, palmettes ou volutes) terminant les ailes, les queues ou les protomés animales placées seules ou multipliées (lions, chèvres, rapaces, griffons) sur le dos des lions et des chèvres, autre élément caractéristique des expérimentations des artisans capénates. Sont aussi présentes les figures de griffons ailés et aptères et celles de la chimère, dont les variations sont si nombreuses (au moins 17 formes) que l'auteur en vient à s'interroger sur les appellations, souvent utilisées par défaut, de "chimère léonine", "chimère équine" et éventuellement "chimère caprine". À la suite de L. Medori, la capacité de l'artisan capénate à "lire, relire et réinventer le répertoire animalier" à des fins décoratives est ainsi mise en avant. Ces représentations capénates, distinguées par leur foisonnement décoratif, sont d'ailleurs diffusées dans l'aire voisine de la Sabine tibérine, comme le démontre la présentation de Magda Cantù (p. 145-169) sur la céramique en impasto de Poggio Sommavilla et Magliano Sabina (Giglio), complémentaire des contributions précédentes. Chimères équines, chevaux ailés, à protomé caprine ou caractères félins, lion ailé, hippogriffe (mi-cheval, mi-griffon) ou poisson-serpent à protomé tauromorphe sont énumérés, influencés diversement par les images étrusco-corinthiennes (corps des chevaux), falisques (hippogriffe, poisson-serpent) mais majoritairement capénates. Les liens avec l'aire ombrienne et médio-adriatique, outre-Apennins, sont aussi attestés par l'utilisation de l'application de protomés plastiques de griffons sur certaines céramiques, offrant ainsi la vision d'artisans sabins ouverts aux divers apports des communautés voisines.
Phil Perkins (p. 171-187) expose ensuite un dossier fort intéressant pour la culture matérielle de l'Étrurie septentrionale, en présentant les motifs estampés d'animaux fantastiques sur le bucchero orientalisant tardif (650-600) découvert sur le site étrusque de Poggio Colla, à 45 km au nord-ouest de Florence. Si nous comprenons l'insertion du centaure (d'origine de Chiusi), du sphinx et du griffon (aux modèles phéniciens mais aussi corinthiens pour le sphinx) dans les images d'animaux fantastiques, la prise en compte des images d'oiseau, du lion et de la chèvre sauvage, bien que présentés dans l'article comme des espèces existantes (p. 172), ne nous paraît pas cohérente avec le titre proposé et le sujet général de l'ouvrage. L'attestation du motif de la chèvre sauvage est cependant particulièrement intéressante afin d'illustrer l'apport de la céramique de la Grèce de l'Est dans la production de bucchero étrusque : ces images méritent d'ailleurs d'être réévaluées à l'aune des recherches récentes sur le sujet[2], l'auteur ne citant que les études, certes fondamentales mais désormais dépassées, de R. M. Cook et P. Dupont.
Après les céramiques, quelques images d'êtres fantastiques dans les productions luxueuses de la glyptique préromaine d'époque orientalisante (scaraboïdes, ivoires, ambres...) sont étudiées par Enrico Giovanelli (p. 189-206), auteur d'une récente monographie sur les scarabées et les scaraboïdes en Étrurie, dans l'Agro Falisco et le Latium archaïque[3]. Il faut louer le parti pris de traiter le sujet en contextualisant les objets choisis selon un critère géographique et non strictement classificatoire : sont ainsi présentés les découvertes d'Étrurie (scaraboïde de Vetulonia, ivoires du tumulus de Montefortini de Comeana, matériel du tumulus della Montagnola à Quinto Fiorentino, matériel du complexe palatial de Murlo), du Latium Vetus (tombe des ambres de Satricum) puis du Picenum (Pitino, San Severino Marche). L'analyse des modèles iconographiques et des réinventions stylistiques, en réévaluant les études de John Boardman ou encore de Giulia Rocco pour le Picenum, est précise et rigoureuse ; elle met en valeur les apports levantins, en particulier néo-assyriens et néo-hittites, probablement transmis via le monde gréco-insulaire comme le montrent les plaquettes de Comeana et Quinto Fiorentino, qui présentent notamment des images de Mischwesen assimilables aux figures mythologiques de Géryon, de Triton, de la sirène ou de Typhon. D'autres pistes de recherches restent ouvertes, puisque certaines images ne trouvent de modèles précis ni dans le monde grec ni au Proche-Orient : elles seraient alors l’expression de réélaborations strictement locales, indépendantes de toute influence étrangère.
En terminant sur l'analyse de quelques ivoires de Pitino, E. Giovanelli trace la voie à l'étude engagée par Alessandra Coen (p. 207-238) du bestiaire picénien d'époque orientalisante et archaïque, surtout attesté dans la céramique, mal connue, et la production de bronzes. L’analyse reste encore débitrice d’une méconnaissance quant à la localisation précise des ateliers de bronziers en territoire picénien, et des questionnements relatifs à la présence d’artisans grecs puis étrusques, visiblement à l’origine de productions artisanales originales à partir de "prototypes" étrangers. Dans l’étude du répertoire animalier picénien, deux phases se distinguent. Pendant l’Orientalisant Moyen et Récent, les influences sont tributaires de l’aire étrusco-méridionale (dont Vulci) et falisque, mais également de l’aire padane et vénète. À la fin du VIIe siècle, les rapports avec le monde grec s’intensifient, surtout avec la Grèce de l’Est, et l’emporion de Numana devient un centre névralgique dans le renouvellement des échanges. L’étude renouvelée des contextes picéniens, notamment les nécropoles de Matelica, de certaines importations prestigieuses (kylix ionienne en bronze de Pitino di San Severino, aryballes en faïence de Numana…) ainsi que des productions locales comme les ivoires ou les bronzes confirment les rapports privilégiés entre le Picenum et le monde grec. C’est d’ailleurs peut-être par la présence de populations micrasiatiques, commerçants et artisans, déjà installés sur la côte ionienne, qu’il faudrait expliquer l’arrivée dans la région et la diffusion en Italie du Nord et vers les Alpes du matériel laconien d’Occident[4]. Néanmoins, l’auteur met bien en évidence que les liens inter-appenins ne se perdent pas et que l’influence étrusque dans l’iconographie picénienne, perdure dans la 2e moitié du VIe siècle, notamment par l’axe du Tibre et de l’aire pérugine. Concernant le bestiaire fantastique, on retiendra entre autres l’importance des animaux ailés des frises animalières de la toreutique de la 2e moitié du VIIe siècle. On n’en citera qu’une : l’image singulière des sphinx ailés du casque en bronze nord-picénien de la tombe 31 de Monte Penna di Pitino (San Severino Marche, 3e quart du VIIe s.) qui présentent pour certains un corps entièrement couvert d’écailles, associant ainsi les caractéristiques d’animaux terrestres (le lion), célestes (l’oiseau) et aquatiques (le poisson), et qui méritent une analyse plus approfondie[5].
Après les travaux centrés sur des ateliers ou des sites particuliers, cinq contributions se focalisent sur l’étude d’une image spécifique en Étrurie orientalisante, abordant selon différentes approches les représentations anthropo-zoomorphes du sphinx, du centaure et du monstre Scylla.
Fernandino Sciacca (p. 239-285) dresse un inventaire systématique des premières représentations du sphinx, le Mischwesen le plus représenté. Il insiste sur la complexité de l'acquisition de l'image dont le processus de sélection des modèles par les artisans d'Étrurie et du Latium "a porté à élaborer un concept iconographique nouveau et original" (p. 253). Quatre phénomènes majeurs, quasi contemporains, sont énoncés, témoignages de l'ouverture culturelle des aristocraties de l'Italie tyrrhénienne : l'importation des orientalia (bronzes et ivoires), celle des céramiques grecques figurées (protocorinthiennes et ioniennes), ainsi que le rôle crucial qu'ont joué, dans la fabrication de biens de prestige à destination de l'élite, les artisans immigrés et locaux. Dans la première partie de l'article, consacrée aux origines proche-orientales et aux attestations grecques, nous signalons également les études fondamentales sur le sujet entreprises par Nota Kourou ainsi que la récente publication de Lorenz Winckler-Horaček[6].
Outre une première partie consacrée aux attestations et à l'analyse synthétique de leurs différentes composantes iconographiques, Elena Smoquina (p. 289-314) revient ensuite sur la question débattue du caractère purement décoratif des images du centaure et du sphinx. Elle met en évidence, par l'étude de leur morphologie et leur place dans les compositions imagées, leur insertion au sein de nouveaux contextes communicatifs propres à l'imagerie étrusque orientalisante. L'image du sphinx, associée à des animaux réels (lions, panthères, cervidés, oiseaux) ou fantastiques (centaures, sirènes, chimères, griffons), semble dans la plupart des cas, à l'exception des chasses fantastiques ou des scènes mythologiques inexpliquées, ne jouer qu'un rôle décoratif sans volonté narrative. L'association du centaure à la pratique aristocratique de la chasse, et par conséquent de la guerre, mais aussi le lien de l'hybride avec le cavalier sont explicités, l'adoption de l'image grecque étant destinée à magnifier l'excellence des principes (p. 304). Cette originalité de la figure du centaure dans la péninsule italique est développée par Massimiliano Di Fazio (p. 317-335) qui réfléchit sur les mécanismes des constructions intellectuelles qu'implique la création de l'image, proposant une introduction théorique à la question. L'essai accentue l'attention majeure accordée au centaure dans l'espace centro-italique. La présence de l'épée comme attribut dans certaines représentations étrusques et falisques, sans parallèles en Grèce, constitue par exemple une anomalie distinctive de l'interprétation locale de l'image, expliquée non pas comme une référence mythographique (Chiron ou Héraclès et Nessos), mais plutôt comme un élément culturel caractéristique, une spécificité locale faisant du centaure un protecteur a contrario de l'imagerie grecque. Faisons néanmoins remarquer que certaines représentations grecques orientalisantes, en particulier celles de l'orfèvrerie rhodienne où le centaure est également représenté en maître des animaux, évoquent aussi un rôle protecteur.
Suit la contribution d'Andrea Martelli (p. 337-350), étudiant le bucchero a cilindretto de Chiusi, qui porte à la connaissance de la communauté scientifique une nouvelle image d'un centaure ailé, rare dans la production étrusque, découvert dans le tumulus du Molinello di Asciano. L'article est l'occasion de redéfinir le corpus iconographique de cette image particulière au monde étrusque, d'abord attestée à Chiusi, en mettant en évidence ses transmissions dans l'artisanat vénète (l'art des situles) et ses possibles significations. La présence des ailes, du bâton comme attribut et de la maîtrise des animaux (lion, cerf, oiseau) insiste, comme pour d'autres iconographies plus traditionnelles du centaure, sur son habilité à la chasse et sa capacité à dominer les puissances sauvages. Nous ajouterions au dossier comparatif les sceaux grecs-orientaux d'époque archaïque présentant l'image de la gorgone chevaline ailée maîtrisant un lion.
Francesca Brizzi (p. 351-369) aborde enfin une nouvelle figure fantastique jusqu'alors passée sous silence : celle du monstre homérique Scylla à partir de sa représentation unique sur la célèbre pyxide de la Pania, découverte dans la deuxième inhumation de la tombe qui porte son nom, près de la cité de Chiusi, datée vers la fin du VIIe siècle. La tradition narrée dans l'Odyssée, dont l'auteur accorde une datation haute, vers 760, fait de Scylla un monstre hybride composé de nombreuses espèces marines, sans éléments anthropomorphes. En faisant sienne l'interprétation de Neira Jimenez, qui voit en Scylla une sorte de personnification de la Mer, espace des ténèbres, encore dangereuse et souvent inconnue des marins, F. Brizzi interprète la Scylla de la pyxide comme un être lié à une Mer pensée comme liminaire, qui ouvre et surveille l'accès au règne des morts. Il s'agirait donc d'un monstre lié à la sphère infernale, jouant un rôle de gardien, à mettre en relation directe avec la scène du départ du chef guerrier de la face IV, devant être aussi comprise selon Mauro Cristofani comme une scène funéraire. Ce que F. Brizzi apporte, c'est qu'il faut voir dans le programme iconographique de la pyxide non pas une simple allusion à la dimension de la mort, mais surtout une volonté ou un espoir du princeps étrusque (commanditaire ou destinataire) de s'approprier les mêmes qualités qu'Ulysse : la valeur, la ruse et la prudence.
La contribution de Maria Taloni (p. 371-397) clôt cette deuxième partie dédiée à la période orientalisante en développant le dossier des œnochoés à tête plastique de bélier (Ram-Headed Oinochoai), sujet précis et à première vue éloigné du thème du recueil. Cependant, l’analyse de cette classe de matériel sert au propos général. Elle permet d’illustrer non seulement l’adoption en Italie médio-tyrrhénienne d’un goût esthétique venu de Méditerranée orientale mais aussi la réadaptation de pratiques cultuelles par le biais, visiblement, des artisans phéniciens immigrés.
La troisième partie de l'ouvrage poursuit l'investigation durant l'époque archaïque sous forme d'études de cas liés à l'Étrurie, soit une classe de matériel, soit une représentation iconographique particulière.
Chiara Procacci (p. 401-431) étudie le groupe des anneaux de doigt dits "à cartouche" de la 2e moitié du VIe siècle, dont une centaine d’exemplaires, trouvés surtout à Vulci et Cerveteri, présentent un vaste répertoire d’animaux fantastiques : cheval ailé, centaure, chimère, griffon, hippocampe, lion ailé, sphinx, sirène ou triton semblent inspirés des représentations grecques-orientales, les parallèles iconographiques les plus probants étant perçus dans la céramique dite "pontique". L'image du monstre, à l'interprétation complexe, pourrait être mise en relation avec l'objet-même, signe d'un status social important du commanditaire, et évocateur de son pouvoir.
Viviana Traficante (p. 433-448) revient ensuite sur la représentation, assez répandue, du monstre marin, ou Triton, en analysant la manière dont les Étrusques ont réinventé une image ichtyomorphe originaire du Proche-Orient (Phénicie et Assyrie) et adoptée via le monde grec, tout d'abord sous l'influence de Corinthe à partir de la fin du VIIe, puis sous celle de l'Attique au milieu du VIe siècle. Quelques figurations étrusques ne présentent aucun parallèle avec les images grecques et sont perçues comme des innovations locales, liées au thiase dionysiaque : triton barbu à tête de silène ou silène à queue pisciforme, triton anthropomorphisé vêtu d'un chiton ou portant une couronne de lierre. D'autres images singulières évoquent de manière générique la lutte entre Héraklès et le monstre marin, interprété selon la tradition attique soit comme Nérée, soit comme Triton, soit comme un simple monstre marin : le triton "chimérique", le triton tri-corporel portant un jeune homme sur son dos, le triton tri-corporel en lutte avec un héros. Enfin, l'association monstre marin et hippocampe, visible notamment sur les peintures de Tarquinia, est spécifiquement liée à l'imaginaire funéraire étrusque. Afin d'expliquer ces particularités locales ainsi que ces difficultés d'assimilation de l'image grecque, l'auteur présuppose l'existence de figures marines supranaturelles et plurielles bien avant l'arrivée du panthéon hellénique.
Suit l'étude d'une péliké étrusque à figure noire de Pontecagnano (Piazza Risorgimento), datée de la fin du VIe siècle et attribuée au Groupe d’Orvieto, où Alessandra Gobbi (p. 449-487) réévalue l'image de la métamorphose des centaures qui y est représentée, en reprenant notamment le travail non publié de Bruno d’Agostino sur l’objet. La forme inhabituelle du vase, le sujet iconographique et son contexte de découverte, une fosse à crémation datée de la deuxième moitié du Ve siècle, donc bien postérieure à l’objet, soulignent la destination funéraire de ce dernier, appartenant vraisemblablement à une sépulture précédente et refonctionnalisé avec d’autres objets non brûlés dans l’espace funéraire d’une sépulture plus récente, juste après le bûcher funéraire. Pour l’auteur, l’image représentée sur cet objet manipulé, conservé et réutilisé intentionnellement à un moment-clé du rituel funèbre, revêt alors une "importance évocative" : ces hybrides en métamorphose, à la frontière entre le civilisé et le sauvage, au passage de la réalité humaine à une autre dimension, font symboliquement allusion à la transition vers le royaume des morts. C’est aussi ce rapport à une pensée idéologique précise, celle du passage d’une dimension à une autre, qui est évoqué par Lucio Giuseppe Perego (p. 489-503). Il s’intéresse aux êtres mi-homme mi-chien ou loup (cynomorphes), réelle interpretatio étrusque dont la principale caractéristique réside dans l’absence d’un "standard graphique canonisé" (p. 493). Son raisonnement érudit exprime une vision plus globale des Mischwesen étrusques, évoquant la notion d’imaginaire et le caractère rituel que certaines images devaient revêtir au sein d’un "background culturel", et qui aujourd’hui nous échappent.
L'ouvrage se conclut par une brillante analyse iconographique menée par Flavia Morandini (p. 505-521) sur la figure d’un hybride mi-lion mi-chèvre d’une stèle en pierre de la cité de Felsina (actuelle Bologne), datée du milieu du Ve siècle. Reprenant de manière critique les études antérieures de Llewellyn Brown et Guido Mansuelli, elle retrace l’histoire du motif de l’hybride à travers les comparaisons proche-orientales (Ras Shamra, Ziwije, Arslan Tasch) et les différentes formules étrusques, spécialement les productions vulciennes, clusiennes et cérétaines de l’Orientalisant Récent : œuf de Pitino-San Severino, ivoire de Comeana, plaques de Copenhague, qui représentent les images les plus proches de la version felsinéenne et dont le répertoire figuratif mêle à la fois des éléments syro-phéniciens (en particulier nord-syriens) et des traits corinthiens. L’auteur accorde un rôle moteur à l’Étrurie septentrionale dans la transmission de l’imagerie orientalisante en aire padane, perceptible dès le VIe siècle dans l’iconographie les stèles protofelsinéennes (capridés, béliers, arbres de vie), bien que l’on doive y noter l’absence du lion-chèvre en question.
Par la richesse et la complémentarité des contributions, dont l'enchaînement reste cohérent, l'abondance des illustrations et des références, les éditeurs ont réussi leur pari : cet ouvrage constitue désormais une somme de connaissances considérable pour l'étude des images étrusques, capénates, falisques, latines et italiques de la période orientalisante. Il vient ainsi combler une lacune en examinant concrètement l'importance des apports méditerranéens, grecs et proche-orientaux, dans la construction d'une culture figurative originale, sans oublier les traditions endémiques et les contacts internes de l'Italie centrale tyrrhénienne. Il met aussi en lumière la diversité des approches théoriques du sujet et la nécessité d'un travail de synthèse, notamment typologique, à l'échelle du monde méditerranéen, qui reste à entreprendre. Dans une démarche plus transversale relative à la compréhension et à l'interprétation de ces images fantastiques, nous aurions souhaité que le propos soit parfois recentré sur les questions de transferts et d’échanges idéologiques qu'implique bien souvent la représentation hybride, ne serait-ce que pour les interroger. Les deux volumes publiés sous l'égide d'Igor Baglioni, Monstra. Costruzione e percezione delle entità ibride e mostruose nel Mediterraneo antico (Rome, Edizioni Quazar, 2013), constituent dès lors une lecture annexe à cet ouvrage résolument iconographique. Un nouvel ouvrage, Nuovi studi sul bestiario di età orientalizzante nella penisola italiana (éds. M. C. Biella, E. Giovanelli), résultant d’un colloque organisé le 13 février 2014 à la British School at Rome, est en cours de publication.
[1] Pour le poisson à deux têtes, M. C. Biella remet aussi en cause cette association avec une figure hybride, p. 118, note 6 dans cet ouvrage. Notons par ailleurs que le jeu de la facialité, bien présent dans les images de la panthère bi-corporelle, est absent des poissons bicéphaux. [2] M. Kerschner, U. Schlotzauer, "A New Classification System for East Greek Pottery", in Ancient West & East 4 (2005), p. 1-56. Voir aussi dernièrement : A. Coulié, La céramique grecque aux époques géométrique et orientalisante (XIe-VIe siècle av. J.-C.), Paris, Picard & Epona, 2013 ; id., La céramique de la Grèce de l'est : le style des chèvres sauvages : la collection du musée du Louvre, Le style des chèvres sauvages, Paris, Musée du Louvre, 2014 [3] E. Giovanelli, Scarabei e scaraboidi in Etruria, Agro Falisco e Lazio Arcaico dall’VIII al V sec. a.C., Trente, Tangram Edizioni Scientifiche, 2015. [4] Voir par ex. les hydries de Treia et de Grächwil. Si l’auteur mentionne les excellentes études de B. B. Shefton, C. M. Stibbe et G. Rocco sur le sujet, notons l'absence des recherches de Claude Rolley sur le sujet, par ex. Cl. Rolley, "Production et circulation des vases de bronze, de la Grande Grèce à l'Europe hallstattienne", in OCNUS III (1995), p. 163-178. [5] Le casque est interprété soit comme l’œuvre d’un bronzier étrusque travaillant dans l’aire picénienne (Sgubini Moretti), soit comme une création d’un artisan évoluant en contexte nord-adriatique mais subissant les influences du Picenum septentrional (Naso ; Landolfi). [6] N. Kourou, "Aegean Orientalizing versus Oriental Art: the Evidence of Monsters", in V. Karageorghis (ed.), The Civilizations of the Aegean and their Diffusion in Cyprus and the Eastern Mediterranean, 2000-600 B.C. Proceedings of the International Symposium at the Pieridis Foundation Larnaca 1989, Nicosie, 1992, p. 110-12 ; N. Kourou, "Sphinx", in LIMC VIII,1997, p. 1149-1165 ; N. Kourou, "Following the Sphinx. Tradition and innovation in Early Iron Age Crete", in G. Rizza (ed.), Identità culturale, etnicità, processi di transformazione a Creta fra Dark Age e Arcaismo, Convegno di Studi, Atene 9-12 novembre 2006, Per I cento anni dello scavo di Prinias 1906-2006, Rome, CNR, 2011 p. 165-177 ; L. Winkler-Horaček, Monster in der frühgriechischen Kunst. Die Überwindung des Unfassbaren, Berlin-Boston, De Gruyter, 2015.
Sommaire :
Maria Cristina Biella, Enrico Giovanelli, Lucio G. Perego, Premessa, p. 11-12
TRA ETÀ DEL FERRO E ORIENTALIZZANTE ANTICO Luciana Drago, Ricerche sul tema del bestiario fantastico di età orientalizzante. I precedenti della prima età del Ferro: continuità o discontinuità?, p. 15-33 Jacopo Tabolli, I cani e le testuggini de La Petrina: animali reali o fantastici da Narce, p. 35-52
L'ORIENTALIZZANTE Sara Neri, Il bestiario nella ceramica italo-geometrica di età orientalizzante in Etruria meridionale, p. 55-76 Lucilla Medori, Il Bestiario fantastico nella white-on-red in Etruria e nell'Agro falisco, p. 77-116 Maria Cristina Biella, Il lungo viaggio dei Mischwesen. La trasformazione del bestiario orientalizzante nell'Italia centrale, p. 117-143 Magda Cantù, Il bestiario fantastico sugli impasti di età orientalizzante e arcaica nella Sabina tiberina, p. 145-169 Phil Perkins, Fantastic animal stamps on bucchero from Poggio Colla, p. 171-187 Enrico Giovanelli, Esseri fantastici alle origini della glittica preromana: spunti preliminari su alcuni intagli, p. 189-206 Alessandra Coen, Il bestiario di età orientalizzante e arcaica in area picena: modelli di riferimento e tradizioni locali, p. 207-238 Fernandino Sciacca, Le prime sfingi in Etruria: iconografie e contesti, p. 239-285 Elena Smoquina, I centauri e le sfingi nell'Etruria di età orientalizzante: tra decorazione e narrazione, p. 289-314 Massimiliano Di Fazio, Il problema dei centauri, p. 317-335 Andrea Martelli, Viaggiando sulle ali del centauro, p. 337-350 Francesca Brizzi, La pisside della Pania e la vera Scilla, p. 351-369 Maria Taloni, Ram-Headed Oinochoai, p. 371-397
L'ETÀ ARCAICA E OLTRE Chiara Procacci, Aurea monstra. La rappresentazione dell'animale fantastico negli anelli a "cartouche" etruschi di epoca arcaica, p. 401-431 Viviana Traficante, I mostri marini: la rappresentazione del tritone nell'arte etrusca arcaica, p. 433-448 Alessandra Gobbi, Tra fuoco e vino: la metamorfosi dei centauri su una pelike a figure nere da Pontecagnano, p. 449-487 Lucio G. Perego, A proposito di Mischwesen cinomorfi: commistioni animali-uomo tra "lettura del reale" e rito, p. 489-503 Flavia Morandini, Leoni-Capri: qualche annotazione sulla stele felsinea n. 82, p. 505-521
N.B. : Christian Mazet est doctorant à l’École pratique des hautes études (et chargé d'études et de recherche à l'INHA). Il prépare une thèse portant sur l'iconographie des hybrides féminins en Méditerranée orientalisante et archaïque (fin VIIIe – VIe s. av. J.-C.), sous la co-direction de Stéphane Verger et Anne Coulié.
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Éditeurs : Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |