Férault , Marie-Agnès: Chaumont-sur-Loire, un château, un bourg. 24,3 x 29,7 cm, 128 pages, 350 images, collection Images du patrimoine, ISBN 978-2-914528-88-7, 25 €
(Lieux Dits éditions, Lyon 2011)
 
Compte rendu par Julien Noblet, Service archéologique de la ville d’Orléans
 
Nombre de mots : 971 mots
Publié en ligne le 2014-07-22
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2087
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          Consacré à la seule ville de Chaumont-sur-Loire, ce numéro de la collection Images du Patrimoine se divise en deux parties : une large introduction permet à la fois de présenter les caractéristiques géographiques du site et de dresser un rapide historique, tandis que des pages richement illustrées abordent de manière exhaustive tous les patrimoines conservés par la commune, bien entendu le château et ses dépendances, mais aussi son architecture civile et vernaculaire, ancienne et contemporaine.

 

          En bord de Loire, le site de Chaumont a toujours été considéré comme un emplacement stratégique. Dès la fin du Xe siècle, le site est fortifié par le comte de Blois Eudes Ier pour contrer les avancées de Foulques Nerra. Ce premier château, associé au prieuré Saint-Martin, joue un rôle important dans la fixation de la population. Passée aux mains de la famille d’Amboise en 1054, la seigneurie reste dans son giron pendant cinq siècles environ. Démoli par ordre de Louis XI, le château est vite reconstruit en deux campagnes en raison de sa proximité avec les résidences royales par Pierre d’Amboise puis par son fils aîné Charles Ier, ce dernier confiant la surveillance du chantier à son célèbre oncle, le cardinal ministre Georges d’Amboise. Outre les travaux de Diane de Poitiers entre 1560 et 1566, le château ne subit guère de modifications avant de devenir en 1750 la propriété de Jacques Donatien Le Ray, qui n’hésite pas à faire raser l’aile nord du château afin de jouir, depuis la cour, du panorama sur la Loire. Néanmoins, les principales modifications résultent des importantes campagnes de restaurations subies par l’édifice dans la seconde moitié du XIXe siècle, la première dirigée par l’architecte Jules-Edouard Potier de La Morandière, la deuxième par Paul-Ernest Sanson, lequel travaille pour la richissime Marie-Charlotte-Constance Say et son époux Henri-Amédée de Broglie, acquéreurs du château en 1875.

 

          On sait gré à l’auteur d’avoir particulièrement bien mis en évidence les notables modifications apportées au château au XIXe siècle. Grâce à une riche iconographie, mêlant relevés d’architectes et photographies anciennes, la transformation de l’aile sud par exemple, inachevée depuis le XVIe siècle, est révélée au lecteur. À l’inverse, l’analyse du parti originel est moins fouillée : si l’originalité de l’escalier demi hors-œuvre de plan pentagonal, antérieur à celui de l’aile François Ier de Blois, est soulignée, la particularité de la tour d’Amboise, parfaitement isolable en cas d’attaque grâce à un pont-levis au niveau du chemin de ronde, n’est pas mentionnée. Un tel dispositif se retrouvait auparavant au château du Plessis-Bourré (Maine-et-Loire) et atteste à Chaumont, à côté d’autres éléments militaires au rôle purement symbolique tels les mâchicoulis du chemin de ronde, une réelle volonté de mise en défense. De même, le château n’est pas replacé au cœur de l’abondant mécénat architectural de la famille d’Amboise et le rôle joué par Georges Ier aurait dû inciter à comparer Chaumont aux nombreuses demeures commandées par ce dernier, notamment le château de Givry, en région parisienne, dont le châtelet d’entrée fait directement écho à celui des bords de Loire.

 

          En parallèle du réaménagement de leur château, les nouveaux propriétaires vont entamer des négociations pour s’approprier les terrains aux alentours. Deux hameaux et l’église paroissiale sont rasés, le cimetière translaté afin de permettre l’aménagement d’un vaste parc, la construction de gigantesques communs, ainsi que d’une ferme modèle. Pour les écuries, l’architecte Sanson s’inspire des élévations de l’aile Louis XII du château de Blois, afin que les nouveaux bâtiments s’harmonisent avec le château voisin ; quant au projet de basse-cour, partiellement réalisé, il témoigne d’une volonté d’organisation rationnelle de l’espace. À l’inverse, le parc, confié à Henri Duchêne, le réinventeur du style à la française, vise à ériger la nature en œuvre d’art. Ce jardin à l’anglaise, dépourvu de statuaire ou de pièce d’eau, est aménagé en contiguïté avec le château. Quant à la ferme-modèle, elle participe du mouvement de recherches sur le développement et la rationalisation de l’agriculture auquel adhère Broglie. Ce dernier achète 2500 ha et sept fermes, avec l’optique de moderniser le monde agricole ou d’améliorer les races animales. Les bâtiments, construits entre 1904 et 1913 par Marcel Boille, intègrent aussi des techniques novatrices : la vacherie possède ainsi un monte-charge, des stalles en béton, des portes-cochères coulissantes…

 

          L’étude du bourg englobe l’ensemble des constructions, dont les plus anciennes remontent à la fin du XVe siècle : l’habitat se caractérise par une absence de cave, en raison de la proximité de la Loire, et par la présence de hauts perrons, pour maintenir le rez-de-chaussée hors de portée des crues. La première concentration d’habitat se situe à proximité du port. Simple grève jusqu’en 1784, les berges sont alors revêtues de perrés et des cales aménagées : s’étendant sur 900 m, le port témoigne de l’importance du trafic fluvial des marchandises, notamment du bois et du vin, jusqu’à l’arrivée du chemin de fer en 1845. Un village neuf, destiné à reloger les habitants expropriés, est construit entre 1880 et 1884 : il est installé à proximité de la nouvelle église paroissiale, érigée par Sanson dans un style néo-gothique flamboyant, afin de remplacer le sanctuaire détruit. La faible documentation ne permet pas de déterminer avec précision les différentes phases de construction de l’ancien lieu de culte dont seules quatre statues ont été conservées et installées dans l’église du XIXe siècle.

 

          Enfin, l’ouvrage prend également en compte les bâtiments communaux, comme les écoles, la mairie ou la poste, permettant aux lecteurs, comme aux promeneurs, de disposer d’une documentation historique et figurée sur tous les monuments de la commune de Chaumont. Ainsi, cet ouvrage, qui comporte une bibliographie succincte et un appréciable glossaire, peut se révéler un très bon guide, permettant aux visiteurs, grâce à sa riche iconographie, de découvrir des espaces intérieurs parfois fermés aux touristes.