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Compte rendu par Guy Meyer Nombre de mots : 1114 mots Publié en ligne le 2015-05-27 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2102 Lien pour commander ce livre
Les États fédéraux, les éthné, et toutes les formes d'organisation politique grecques différentes de la cité font l'objet d'un intérêt soutenu depuis déjà une bonne vingtaine d'années. En 2014, Cinzia Bearzot a publié une brève synthèse, Il federalismo Greco (Bologne, Il Mulino) et, dans le même temps, une équipe travaille sous la direction de l'un des coéditeurs de l'ouvrage dont il est rendu compte ici à la refonte de l'ouvrage classique de J. O A. Larsen, sur les États fédéraux, Greek federal states: their institutions and history (Oxford, 1968). Si l'on s'en tient au titre, « les États fédéraux et leurs sanctuaires : identité et intégration », on s'attend à trouver des communications traitant du rôle et de la place des sanctuaires fédéraux dans la construction idéologique et institutionnelle de ces derniers. Or si certains exposés remplissent parfaitement ce programme, tel celui d'Athanasios Rizakis, d'autres n'évoquent les sanctuaires fédéraux qu'en passant, voire pas du tout.
Le décalage entre le titre et l'objet du colloque se marque dès l'exposé liminaire de Peter Funke. Ce dernier distingue trois niveaux de sanctuaires : des sanctuaires panhelléniques, des sanctuaires transrégionaux et des sanctuaires interrégionaux. Ces distinctions qui demanderaient des définitions précises sont expliquées, ou plutôt illustrées, au travers de l'exemple du temple de Delphes : « Ainsi, le sanctuaire de Delphes, par exemple, ne fonctionnait comme un sanctuaire panhellénique qu'en certaines occasions seulement. Autrement, il servait de centre amphictyonique, étant ainsi limité à un plus petit cercle de participants ; de plus, il comprenait un oracle dont l'influence s'étendait au-delà des limites du monde grec. En même temps, le sanctuaire demeura toujours un endroit qui accueillait les cultes locaux » (page 9). Si l’on comprend bien, le sanctuaire delphique regrouperait en un même endroit les trois étages en question : un oracle panhellénique et international, un sanctuaire transrégional amphictyonique et des cultes locaux de la cité de Delphes. Le rayonnement de Delphes, de son oracle et de ses concours attire, incontestablement, un public panhellénique, voire au-delà. Il y a, en revanche, un partage clair et net entre l'amphictyonie, qui ne se réunit à Delphes que deux fois par an, et la cité de Delphes. L'amphictyonie assure la gestion du sanctuaire delphique ainsi que de celui de Déméter aux Pyles, et la protection des propriétés d'Apollon, alors que la cité prend en charge le fonctionnement du culte, sacrifices, désignation des prêtres et de la pythie, etc. Il n'y a pas dans l'enceinte sacrée d'Apollon, à proprement parler, de cultes locaux, si ce n'est, peut-être, un petit sanctuaire consacré tardivement à Asclépios, en retrait de la voie sacrée. La dimension transrégionale (ou plus simplement régionale) de Delphes n’a rien à voir avec l'amphictyonique, elle a été mise en lumière par Catherine Morgan pour l'époque archaïque lorsque le sanctuaire rayonne sur le golfe de Corinthe, cf. Athletes and oracles: the transformation of Olympia and Delphi in the eighth century (Cambridge, 1990) et son article « Corinth, the Corinthian gulf and western Greece... », ABSA, 83 (1988), pp. 313-338. Le sanctuaire delphique est à la fois un sanctuaire de la cité de Delphes avec un rayonnement international, tout comme Olympie qui appartient à la cité d'Élis, mais la gestion du patrimoine d'Apollon échappe à la cité ; elle dépend de l'amphictyonie. Les trois catégories distinguées par Funke semblent plaquées sur une réalité bien connue et maintes fois étudiée.
Dans cette même introduction, Funke estime qu'on aurait sous-estimé le rôle des amphictyonies, en général, dans la genèse des structures étatiques (page 10). Il oublie un peu vite que la plupart des amphictyonies (Delphes, Calauria, etc.) n'ont jamais débouché sur des États, même si elles ont pu servir d'exemple d'organisations « internationales ». Il est piquant de remarquer qu'il cite alors en exemple (page 11) aux côtés de Delphes, le Panionion et le Triopion, alors qu'aucune communication ne traite de l'Asie Mineure. La dislocation de l'alliance des Ioniens d'Asie devant la conquête perse montre que l'établissement d'un sanctuaire commun ne suffit pas à construire un État fédéral, même s'il y contribue. Mais, d'autre part, trois études signalent des États fédéraux qui n'ont pas de sanctuaires nationaux, ou, tout du moins, qui ne sont pas identifiables en fonction des informations dont nous disposons (Freitag, Busarelis, pour le Koinon crétois ; Nielsen) : les sanctuaires fédéraux ne seraient donc pas une condition nécessaire. L'exposé de Miltiade Hatzopoulos démontre, cependant, qu'il n'est pas toujours facile d'identifier un sanctuaire fédéral.
Les communications rentrent dans le cadre posé en introduction. Les auteurs accordent donc souvent plus d'importance à l'intégration des populations dans de vastes ensembles politiques et à la constitution d'identités locales, au travers de la religion au sens large (mythes, offrandes, sanctuaires) qu'aux États fédéraux proprement dits et à leurs sanctuaires nationaux. Giovanna Daverio Rocchi, par exemple, n'évoque les sanctuaires fédéraux, à propos des Locriens orientaux et occidentaux, qu'à l'occasion, s'intéressant plus aux vierges locriennes consacrées à Athéna Ilias. L'exposé, excellent au demeurant, de James Roy, ne traite d'aucun État fédéral, puisqu'il est consacré au sanctuaire d'Olympie et à la cité d'Élis. Son titre, « Olympia, identity and integration: Elis, Eleia and Hellas » montre que les concepteurs et les participants du colloque ont surtout mis en avant les termes d'identité et d'intégration. Une remarque : Richard Bouchon, page 209, mentionne une inscription « trouvée à Agai (sic) en Troade » ; elle provient d'Aigai en Éolide, dans la montagne au Sud de Pergame, comme l'écrit Bruno Helly, page 218.
Une fois ces réserves émises, il faut reconnaître que les études régionales qui composent l'ouvrage sont souvent intéressantes. Elles fournissent de nombreux exemples du rôle des cultes et des mythes dans la constitution des États fédéraux et apportent des mises au point souvent importantes sur ces derniers.
Table des matières :
Peter Funke, Greek federal states and their sanctuaries: identity and integration. Some introductory remarks, p. 7.
Athanasios D. Rizakis, États fédéraux et sanctuaires: Zeus Homarios et la construction de l'identité achéenne, p. 9.
Peter Funke, Thermika und Panaitolika, Alte und neue Zentren im Aitolische Bund, p. 13.
Klaus Freitag, Die Akarnanen: ein Ethnos ohne religiöses Zentrum und gemeinsame Feste ?, p. 65.
Angela Ganter, A two-sided story of integration: the cultic dimension of Boiotian ethnogenesis, p. 85.
James Roy, Olympia, identity and integration: Elis, Eleia, and Hellas,p. 107.
Michael Fonda, Southern Italy: sanctuary, Panegyris and Italiote identity, p. 123.
Giovanna Daverio Rocchi, Ethnic identity, cults and territorial settlement: east and west Locrians, p. 139.
Milthiades Hatzopoulos, Was Dion Macedonia's religious centre, p. 163.
Kostas Busarelis, Confederacies, royal policies and sanctuaries in the hellenistic Aegean: the cases of Nesiotai, Lesbioi and Kretaieis, p. 173.
Jeremy McInerney, Making Phokian space: sanctuary and community in the definition of Phokis, p. 185.
Richard Bouchon, Bruno Helly, Construire et reconstruire l'État fédéral thessalien (époque classique, époque hellénistique et romaine). Cultes et sanctuaires thessaliens, p. 205.
Thomas Heine Nielsen, Can 'federal sanctuaries' Be identified in Triphylia and Arkadia ?, p. 227.
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Éditeurs : Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |