Rose, Charles Brian: The Archaeology of Greek and Roman Troy. 442 pages, 253 x 177 mm, 158 b/w illus. 29 colour illus, isbn: 9780521762076, 99 $
(Cambridge University Press, Cambridge (UK) 2013)
 
Reseña de Laurence Cavalier, Université Bordeaux 3
 
Número de palabras : 1222 palabras
Publicado en línea el 2014-09-15
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2105
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          Après avoir dirigé les fouilles de Troie, en collaboration avec M. Korfmann, pendant près de 25 ans, Ch.-B. Rose publie aujourd’hui une grande synthèse sur l’exploration archéologique de ce site extraordinaire redécouvert par Schliemann il y a plus de 150 ans. Les résultats des trois grandes campagnes de fouilles menées à la fin du XIXe siècle, dans les années 30 du XXe siècle et enfin entre 1988 et 2012 sont présentés de façon chronologique, de l’âge du Bronze jusqu’à l’époque byzantine, avec une attention particulière pour la période entre 1000 a.C et 300 p.C. Le texte de 340 pages est richement illustré de 150 images en noir et blanc et 29 planches en couleur, dont 9 cartes, placées en début d’ouvrage. Une bibliographie exhaustive (p. 343 à 393) et un index général font de ce livre un excellent ouvrage de référence sur le sujet.

 

          Le livre comporte 12 chapitres. Le premier est logiquement consacré aux premières périodes d’occupation de la ville et présente les résultats obtenus par M. Korfmann qui dirigea jusqu’à sa mort en 2005 les fouilles de la Troie de l’Âge du Bronze. Sur les 9 phases d’occupation déterminées, 7 appartiennent à cette période (entre ca. 3000 a.C et 1000 a.C), les trois phases les mieux connues du public étant Troie II (« trésors ») et Troie VI et VIIa (Troie « homérique »). Dans le sous-chapitre « Troie, le monde égéen et l’Anatolie centrale », les relations complexes entre Troie et les rois hittites sont étudiées, de même que les opérations menées en Anatolie de l’Ouest par les Achéens (« Ahhiyawa »). Cette partie s’achève sur  les événements du XIIe siècle et la destruction violente de la ville, suivis par l’arrivée d’une nouvelle population venant probablement des Balkans. Il est difficile de retracer l’histoire de Troie à l’époque archaïque, les travaux nécessaires à la mise en place du sanctuaire d’Athéna, au IIIe siècle, n’ayant laissé en place que peu de strates archéologiques antérieures. Il est cependant possible, grâce aux fouilles récentes, de proposer une chronologie pour les grandes phases de développement de la ville dans la première moitié du Ier millénaire. À la fin de l’époque géométrique, une série de 29 cercles pavés de pierres sont mis en place le long du rempart de Troie VI, au-dessus d’un lieu de culte plus ancien. Les assemblages de céramiques permettent de mettre en rapport  cette installation avec des banquets et peut-être aussi avec un culte héroïque. Les cultes de ce type se trouvent également à la même époque à Mycènes et Tirynthe, au moment où l’Iliade est sans doute composée. Un nouveau désastre touche Troie au milieu du VIIe siècle. Lors de la reconstruction, des techniques nouvelles sont employées, la céramique attique et corinthienne ainsi que des vases du style « des chèvres sauvages » (Grèce de l’Est) apparaissent dans les assemblages. Ces nouveautés indiquent des échanges plus fréquents avec les colonies grecques, notamment Sigée, colonie athénienne située à proximité. C’est aussi dès cette époque que la Troie homérique est identifiée à l’Ilion historique et les tumulus avoisinants aux tombes des héros homériques.

 

          Les 4 chapitres suivants concernent les tombes de la vallée du Granique. Une trentaine de pages sont consacrées à l’extraordinaire « sarcophage de Polyxène » (Chap. 3). Découvert dans le tumulus de Kizöldün lors de fouilles de sauvetage en 1994, avec les restes du char funèbre, il est stylistiquement daté de ca. 500 a.C. et possède un décor sculpté aussi remarquable qu’inhabituel. Quatre reliefs décorent les parois du sarcophage, deux des thèmes représentés sont mythologiques (sacrifice de Polyxène, lamentations d’Hécube), le troisième thème, la représentation d’une fête, occupe les deux parois restantes. Le sarcophage est en marbre de Proconnèse, un matériau largement employé pour les tombes de la vallée du Granique dont certaines sont peut-être l’œuvre de sculpteurs de Cyzique. À proximité du sarcophage de Polyxène, dans le même tumulus, se trouvait le « sarcophage de l’enfant » (Chap. 4), lui aussi en marbre de Proconnèse mais non décoré et daté par le matériel (étudié en détail dans le texte) de vers 450 a. C.  La fouille du tumulus de Dedetepe (Chap. 5) est présentée de façon très détaillée (plans et élévation de la chambre funéraire ; matériel). Ces résultats, associés à ceux de la fouille du tumulus de Kızöldün, permettent de reconstituer, au moins partiellement, les rites et banquets funéraires d’époque achéménide. L’étude du sarcophage de Çan (Chap. 6) clôt cette partie de l’ouvrage. Datable du IVe a.C, il est décoré de reliefs de chasse et de scènes de bataille dont certains portent encore des traces de polychromie. L’analyse des ossements du propriétaire de la tombe montre que celui-ci est probablement mort au combat, peut-être celui représenté sur son sarcophage.

 

          Le chapitre 7 concerne l’époque classique. Bien que la population d’Ilion ait fortement décru, la cité est désormais reconnue comme la légendaire Troie. La visite de Xerxès en 480 marque le début d’une série de « pélerinages » royaux qui durera pendant toute l’Antiquité et au-delà. En 420, Ilion passe sous le contrôle d’Athènes qui met en valeur son rôle dans la guerre de Troie. C’est à cette époque que l’iconographie des Troyens change : impossibles à distinguer des Grecs à l’époque archaïque, ils sont désormais clairement identifiés comme des Orientaux par leurs vêtements. Athènes met de plus en plus l’accent sur ses liens avec Ilion, notamment sur l’acropole (cheval de bronze du Brauronion imitant le cheval de Troie ; Ilioupersis des métopes du Parthénon…). À partir du deuxième quart du IVe siècle, les sanctuaires d’Ilion connaissent un regain d’activité lié à la tradition homérique (sacrifices de chevaux) et, peut-être, à une imitation des rites athéniens (tissage de la tunique d’Athéna). Le huitième chapitre est consacré à Ilion à la haute époque hellénistique. C’est alors qu’Ilion devient le centre religieux majeur de Troade, commence à battre monnaie et met en place des Panathénées, sur le modèle d’Athènes. Cet essor s’accompagne de la construction de nouveaux édifices (bouleutérion, théâtre). Une partie importante de ce chapitre concerne le grand programme de construction mené par Antiochos Hiérax qui comprend un nouveau bouleutérion, un nouveau temple d’Athéna (le plus grand temple dorique de l’Asie Mineure du Nord-Ouest, par ailleurs remarquable pour ses métopes décorées) et un nouveau rempart. Ces deux derniers édifices sont étudiés de façon très complète par l’auteur. Un chapitre entier (Chap. 9) est dévolu à l’évolution du sanctuaire ouest, en activité au moins depuis l’époque Troie V, aux IIIe et IIe siècles a.C. Les édifices, mais aussi les cultes qu’ils abritaient sont présentés. Le chapitre 10 retrace l’histoire et l’archéologie d’Ilion à la fin de l’époque hellénistique et au début de l’époque impériale, et traite, en particulier, des rénovations de la ville promues par Auguste et ses successeurs. Sous les Flaviens, les travaux édilitaires concernent le théâtre, le sanctuaire ouest et, surtout, la ville basse qui se développe rapidement jusque vers 100 p.C quand Ilion est à nouveau détruite pour une raison inconnue. La reconstruction est soutenue par l’empereur Hadrien et, comme partout en Asie Mineure, on observe une intense activité de construction à Ilion sous les Antonins. Après une période de prospérité économique, Ilion est dévastée par les Goths (Chap. 11) et commence à décliner. Le IVe siècle marque pourtant une nouvelle période faste caractérisée notamment par la construction de résidences de luxe comparables aux maisons d’Ephèse. Au VIIe siècle, Ilion est désertée par ses habitants. Le chapitre 12, qui sert de conclusion à l’ouvrage, est centré sur l’image de Troie après l’Antiquité et la fascination qu’elle a exercée et qu’elle exerce encore sur tous les peuples.

 

          Avec ce très beau livre, Ch. B. Rose offre au public une somme sur l’archéologie troyenne. C’est aussi une œuvre d’historien qui s’attache à replacer les grandes phases de développement de la ville dans leur contexte régional et international. Les nombreuses analyses stylistiques ajoutent encore à l’intérêt de cet ouvrage qu’on ne peut que recommander à tous ceux qui veulent comprendre l’histoire complexe et le rôle de conservatoire homérique de cette cité mythique.