Delorme, Jean-Claude - Dubois, Anne-Marie - Targat, Gilles: Passages couverts parisiens. 1 vol., 191 p., bibliogr. p. 186-188, chronol., ill., 21 cm, ISBN : 9782840968771, 19,90 €
(Parigramme, Paris 2014)
 
Compte rendu par Amélie Duntze, Université Blaise Pascal Clermont-Ferrand
 
Nombre de mots : 1087 mots
Publié en ligne le 2015-03-20
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2213
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          L’ouvrage de Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois sur les Passages couverts parisiens, illustré des photographies de Gilles Tayat, est un guide historico-touristique. Après un court avant-propos, l’architecte et la journaliste ont fait le choix de scinder l’ouvrage en deux parties : une première traitant de l’histoire des passages couverts parisiens du XVIIIe  siècle au XXe siècle (p. 8-75), puis un guide nous invitant à découvrir certains d’entre eux, toujours existants ou non, dans cinq quartiers parisiens (p. 77-183). La partie historique est composée de deux sections : Gloire et misère des passages et Urbanisme et architecture. Le texte principal des deux auteurs est accompagné d’encarts avec des citations d’écrivains, des gravures et des photographies ainsi que de planches d’élévations extérieures ou intérieures présentant l’ordonnancement de l’architecture et des décors. Enfin, l’ouvrage est complété par une bibliographie (p. 186-188), dans laquelle nous retrouvons bien évidemment le livre de Johann Friedrich Geist paru en 1989 Le Passage un type architectural du XIXe siècle qui fait autorité en la matière, et une chronologie (p. 189-191).

 

          Dans la première partie, les auteurs nous présentent différents passages couverts « ou plus exactement vitrés », plus intimistes que ceux qui se construisent aux mêmes époques à Milan ou dans le reste de l’Europe. À Paris, deux périodes de constructions sont remarquables à la fin du XVIIIe siècle et au milieu du XIXe siècle. Le premier essai de passage couvert parisien est celui de la galerie de bois du Palais-Royal en 1706. Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle, au lendemain de la Révolution française, pour que les premiers vrais passages couverts fassent leur apparition dans le tissu urbain parisien : le passage Feydeau en 1791, et ceux du Caire et des Panoramas en 1799. Seuls lieux éclairés dans la nuit, ils sont alors les nouveaux lieux à fréquenter pour les riches parisiens. Des magasins, des salons de thé s’y installent et permettent alors la flânerie tout en étant protégé de l’agitation de la ville et des conditions climatiques. Les passages font aussi les heures de gloires de nombreuses maisons d’éditions qui s’installent dans ces endroits hors du temps, ainsi que de lithographes, de libraires et de graveurs. Le nouvel urbanisme du Second Empire orchestré par le Baron Haussmann sonne le glas des passages couverts parisiens. De grands boulevards sont créés, qui tout comme les grands magasins, proposent un espace public et commercial aux dimensions démesurées par rapport à celui des passages. Les nouvelles gares de Paris aux verrières gigantesques rendent « minuscules » celles des passages qui sont alors voués à disparaître.

 

          La seconde partie, Urbanisme et architecture offre, tout d’abord, aux lecteurs un aperçu de l’importance des passages dans l’urbanisme parisien. Au-delà des vocations commerciales, ils permettent également la desserte de nombreux logements. La vie urbaine est entremêlée : « le passage permet de traverser l’épaisseur de l’îlot, le piéton peut passer de l’extérieur à l’intérieur de la cité » (p. 32). La rationalisation haussmannienne éclate l’îlot et par « la technique du ̏ zoning ̋ différencie les espaces logements des espaces commerciaux ». Les passages couverts parisiens sont donc les reflets d’un Paris préhaussmannien à l’inverse des grands boulevards tracés au travers de la ville. Inspiré des souks orientaux, ils leur empruntent la « répétition des travées » et « l’éclairage zénithal » (p. 37). Les passages adoptent des styles bien particuliers en fonctions des époques : celui du Caire est le reflet de l’égyptomanie ambiante qui se propage au début du XIXe siècle. Le néoclassicisme pose son empreinte sur la plupart des passages couverts parisiens, comme celui du Grand-Cerf ou des Princes. Autre style, autres galeries : à l’instar des galeries Vivienne et Colbert, mosaïques, fresques polychromes rappellent les découvertes archéologiques de Pompéi et d’Herculanum. Le décor est un des éléments importants du passage couvert parisien marquant son identité. L’éclairage zénithal en est un autre. Les verrières de la Grande Galerie du Louvre sont les premières d’une longue série : verrières en bâtière, cintrées, et rotondes voient bientôt le jour. L’emploi du fer dans les verrières et la généralisation de l’utilisation domestique du verre facilitent la création de ces imposantes structures. Le passage Delorme est le premier des passages couverts parisiens à revêtir une couverture de fer et de verre. Paris invente les passages couverts à des fins commerciales et inspire les principales villes d’Europe en ce début de XIXe siècle. Tout au long du XIXe siècle, les architectes rivalisent d’ingéniosité pour élever les passages et les verrières. La galerie Vittorio-Emanuele de Milan culmine à 47 mètres avec « une coupole de verre de 36,60 mètres de diamètre » (p. 70-71). La galerie Umberto Ier à Naples, en 1891, bat tous les records architecturaux réalisés alors à Milan. Pour conclure cette seconde partie, les auteurs s’interrogent sur l’appropriation du schéma architectural et urbanistique par des architectes du XXe siècle comme Henri Sauvage et Le Corbusier. Ils posent aussi la question du devenir des passages couverts parisiens « entre recomposition muséographique et (…) abandons purs et simples » (p. 75).

 

          La seconde partie de l’ouvrage s'apparente à un guide. Vingt-un passages et galeries, dont deux disparues de nos jours, sont recensés. Mis à part le passage de l’Opéra et les galeries du Palais-Royal qui sont détruites, les études des passages sont réunies par quartiers. Une carte de ces derniers est proposée indiquant la situation géographique des passages étudiés. Pour chacun d’entre eux, le lecteur dispose de l’adresse précise d’entrée et de sortie, ainsi que de la bouche de métro la plus proche. Un historique, enrichi de photographies, d’extraits littéraires de l’époque et d’élévations, est ensuite proposé au lecteur-promeneur afin d’enrichir sa visite. Les passages de cinq quartiers sont ainsi étudiés : Du Palais-Royal à la Bourse (p. 86-115), Les passages du Boulevard (p. 116-139), Autour des rues Saint-Denis et du Faubourg-Saint-Denis (p. 140-167), De la Madeleine aux Champs-Élysées (p. 168-177), et enfin Les Galeries des Champs-Élysées (p. 178-183).

 

          Une conclusion intitulée Réapprendre à faire la ville vient clore l’ouvrage : les auteurs, quelque peu nostalgiques, s’interrogent à nouveau sur cette « leçon d’urbanisme » que peuvent nous offrir les passages dans un XXIe siècle où le rationalisme règne en maître.

 

          Malgré quelques redites entre les deux parties Gloire et misère des passages et Urbanisme et architecture, l’ouvrage est à classer dans la catégorie « beau guide », s’il en existe une. La maison d’édition Parigramme et les auteurs nous permettent d’appréhender la capitale française avec un regard plus intime que celui que l’échelle urbanistique des passages couverts parisiens impose aux promeneurs.