Sambin De Norcen, Maria Teresa: Il cortigiano architetto. Edilizia, politica, umanesimo nel Quattrocento ferrarese. 140 p., 46 ill., ISBN 978-88-317-1341-2, 24 €
(Marsilio Editori, Venezia 2012)
 
Reseña de Juliette Ferdinand, EPHE
 
Número de palabras : 898 palabras
Publicado en línea el 2015-09-28
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2243
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          Le livre de Maria Teresa Sambin de Norcen, fruit de sa thèse de doctorat, met en lumière un protagoniste oublié qui joua pourtant un rôle de premier ordre dans la Ferrare du XVe siècle, Bartolomeo Pendaglia (1395-1462). Il ne s’agit pas pour l’auteur d’en faire surgir un portrait à proprement parler biographique, mais de reconstituer et d’analyser son activité de mécénat architectural. Cette enquête autour de demeures qui ont pour la plupart disparu se fonde sur une approche contextuelle qui permet à l’auteur de tracer non seulement la personnalité de cet homme remarquable, mais aussi le milieu dont il faisait partie. Ami de Guarino Veronese et Flavio Biondo, intime des marquis d’Este, ce personnage bénéficiait à l’époque d’une réputation de bâtisseur exceptionnel. C’est cette image que l’ouvrage entend examiner, pour clarifier l’implication, directe ou non, de Pendaglia dans la réalisation de ses demeures. En d’autres termes, pourquoi faut-il le considérer comme un « courtisan – architecte » comme le titre de l’ouvrage le suggère, plutôt qu’un simple promoteur économique ? Avait-il véritablement une culture architecturale qui lui permettait de définir l’aspect des édifices réalisés pour lui, comme le laisse entendre son oraison funèbre? Pour répondre à de telles interrogations, l’auteur établit son enquête sur la comparaison entre le rôle d’architectus et les qualités humanistes décrites par l’oraison, et les données concrètes à notre disposition, pour comprendre quel rôle le courtisan ferrarais a véritablement joué dans l’édification de ses demeures.

 

         L’ouvrage se compose de cinq chapitres, précédés d’une introduction du spécialiste de l’architecture de la Renaissance Richard Schofield, et suivis de deux annexes, l’oraison funèbre et l’épitaphe en l’honneur de Bartolomeo Pendaglia.

 

         C’est en quelque sorte par la fin que cette enquête débute, avec l’analyse de l’éloge funèbre prononcée en mars 1462 par Ludovico Carbone (1430-1485), orateur prodige et professeur de Lettres à l’université de Ferrare dès 1456. Ce texte est de fait le document le plus riche d’informations sur la vie de Pendaglia et, surtout, il constitue le fondement de l’approche de M. T. Sambin de Norcen, puisqu’il est un exemple unique à l’époque à Ferrare de célébration fondée sur le mécénat architectural d’un homme. L’éloge de Carbone évoque non seulement ses qualités de mécène, mais aussi une connaissance de l’ars aedificatoria antique loin d’être commune à tous les commanditaires de l’époque. L’auteur commence par évoquer le contexte culturel de l’époque, pour qui l’architecture était considérée comme un moyen pour s’élever dans la hiérarchie sociale et démontrer son propre statut. Au cours du XVe siècle en Italie, pour l’élite qui veut se placer en héritière de la culture classique romaine, le fait de construire des édifices est un acte de liberalitas et magnificentia, parce qu’il contribue à embellir la ville. Cette mentalité est reflétée dans sa médaille honoraire où il fait inscrire Insignis Liberalitatis et munificentiae exemplum, et sur le verso Caesariana Liberalitas. Toutefois, M. T. Sambin de Norcen montre justement que la libéralité de Pendaglia est en fait bien éloignée de la générosité envers la res publica telle que la concevait les romains, et qu’il s’agissait pour lui d’initiatives absolument privées, poussées par le désir d’immortaliser son propre nom en servant celui de ses seigneurs, les marquis d’Este.

 

         Grâce à de nombreux nouveaux documents d’archives, à la comparaison avec d’autres textes de l’époque et à une lecture perspicace, la spécialiste retrace l’ascension de Pendaglia, patricien qui, grâce à ses alliances, à l’estime dont il jouit auprès des marquis d’Este, et à sa richesse devient l’un des courtisans les plus en vue de la ville. L’auteur met parfaitement en lumière de quelle manière Pendaglia traduisit son pouvoir et sa prospérité par ses réalisations architecturales, dont elle évoque la construction ; elle éclaircit à ce sujet l’épisode complexe qui conduit Pendaglia à les céder aux Este en 1440. Afin d’approfondir la connaissance de la relation entre le courtisan et l’architecture, la spécialiste a cherché ses liens avec des professionnels de la construction, ingénieurs, nobles, un patricien, Giovanni Gualengo, connu pour son goût des pièces antiques et aedificandi solertissimus, et une dynastie de menuisiers, les Roncogallo, qui travaillèrent de manière répétée à son service. En outre, l’auteur analyse le style, entre innovation et tradition, des constructions voulues par le patricien ferrarais, ainsi que leurs fresques, et tente de restituer la villa de Consandolo, hélas complètement disparue, première dans la province de Ferrare à répondre aux idéaux humanistes.

 

         L’enquête démontre le rôle non seulement de mécène du courtisan ferrarais mais aussi d’innovateur et de directeur des travaux, en tant que « connaisseur » de l’architecture antique, comme on le qualifierait aujourd’hui. Le dernier chapitre ouvre des pistes de réflexions sur le rôle que des courtisans tels que Pendaglia ont pu jouer dans la renovatio des villes italiennes au XVe siècle. Pendaglia est-il un cas isolé ou y en a-t-il de nombreux autres, aujourd’hui oubliés ? Il semble, bien qu’il soit probablement une exception pour sa grande culture architecturale, qu’aujourd’hui encore l’histoire sous-évalue les initiatives individuelles de protagonistes qui, comme lui, contribuèrent à la diffusion des innovations dans ce domaine, au même titre que leurs puissants seigneurs. Cette étude d’un cas individuel est particulièrement stimulante en ce qu’elle soulève des enjeux qui dépassent largement le cadre de l’histoire locale. C’est le dynamisme et l’esprit d’initiative, la culture et le goût, ainsi que la soif de reconnaissance de certains hommes fortunés qui gravitaient autour des cours européennes qui sont ici invoqués et qui pourraient donner lieu à d’autres travaux significatifs.