Colonna, Cécile: De Rouge et de Noir. Les vases grecs de la collection de Luynes, Format : 19,5 × 27 cm à la française. 128 pages. Environ 150 reproductions couleurs. Ouvrage broché. ISBN 978-2-35340-170-3. 29 €
(Éditions Gourcuff Gradenigo, Montreuil 2013)
 
Compte rendu par Frédéric Dewez, Université Catholique de Louvain
 
Nombre de mots : 1408 mots
Publié en ligne le 2016-05-31
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2246
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          Grâce au travail de Cécile Colonna, conservateur au département des Monnaies, médailles et antiques, la collection des vases grecs du duc de Luynes est présentée au grand public, dans une exposition qui se tient à la Bibliothèque Nationale de France depuis le 29 octobre 2013. Ce catalogue a été publié à cette occasion. Cécile Colonna nous présente en quelques mots les éléments essentiels de la biographie du duc de Luynes : né dans une des plus grandes familles de France en 1802,il fait brièvement carrière dans un corps militaire avant d’occuper des fonctions politiques, au niveau local pour commencer, avant d’être élu député à la nouvelle assemblée constituante puis législative de la toute nouvelle Seconde République. Le coup d’État de décembre 1851 met fin à cette carrière politique. Son goût pour l’art lui vient principalement de la vie qu’il mène dans les maisons familiales ; les nombreux voyages qu’il effectue en Italie, en Grèce et en Méditerranée orientale vont l’aider à parfaire ses connaissances de l’Antiquité.  Il fondera l’Instituto di Correspondenza Archeologica, premier institut consacré entièrement à la recherche archéologique. En 1825, il est nommé directeur adjoint au musée Charles X : il y est en charge du classement des collections égyptiennes et grecques. Le 24 décembre 1830, il sera élu membre libre à l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

 

          Il se spécialise dans la céramique grecque  et publie, en 1832, un article important : il y fait état de ses recherches en la matière, notamment sur les procédés de fabrication et sur l’histoire de la céramique antique. Cette passion pour ces créations motivera ses choix de collectionneur.  Il entame sa collection dès sa jeunesse pour l’enrichir tout au long de sa vie.  Ses objets de prédilection sont d’une part les monnaies et d’autre part les vases grecs dont il déchiffre les inscriptions et les représentations.  Il s’intéresse également aux œuvres orientales et travaille alors sur des textes phéniciens, palmyréens et araméens.  La plupart des pièces qui composent la collection proviennent des fouilles effectuées en Italie et plus précisément à Vulci, à Nola ou encore à Cumes.  Elles proviennent également de collections privées ou encore de fouilles récentes comme ces deux cratères découverts dans une tombe de Cumes (catalogue pages 39 et 45) ou le cratère lucanien trouvé à Pisticci (catalogue page 114).  Comme le souligne la commissaire de l’exposition, le nombre de vases grecs acquis par le duc peut paraître faible.  C’est tout simplement qu’il a choisi des vases qui correspondaient tant à son goût personnel qu’à son intérêt. Style et iconographie font des vases grecs de Luynes une collection très personnelle et très homogène. Il est à noter que ces pièces sont dans un excellent état de conservation et que certaines d’entre elles ont été restaurées avec le plus grand soin. On peut ainsi juger de la qualité de ces restaurations sur une amphore  pointue attique à figures rouges reprise à la page 58 du catalogue.

 

         Cécile Colonna dresse ensuite en quelques pages le portrait de cette collection de vases grecs.

 

         Les 86 vases qui composent la collection sont essentiellement des productions attiques de très bonne facture. Les deux tiers de ces vases sont des céramiques à figures rouges que le duc affectionnait particulièrement. Il mettait un point d’honneur à ce que ses vases puissent être étudiés et imités.  Ainsi, il fit largement connaître sa collection, en publia un catalogue et se fit lui-même artisan grec dans son laboratoire de Dampierre : il y travaillait le métal et tentait de reconstituer le vernis noir typique de la céramique attique.  C’est aussi à Dampierre qu’il voulait aménager son cabinet destiné à recevoir ces pièces. Il leur réservera la grande galerie à éclairage zénithal dont il confiera l’aménagement à des artistes comme Paul et Hippolyte Flandrin, Pierre-Charles Simart ou encore Jean-Auguste Dominique Ingres à qui il confie l’exécution de deux grandes fresques à sujet antique. Le peintre débute la première de ces fresques, sans même l’achever. Le duc fut donc contraint de laisser ses collections dans la bibliothèque archéologique de son hôtel particulier de Paris. 

 

         L’auteure termine cette introduction en expliquant comment la collection est passée du cabinet privé de Luynes au cabinet des médailles.  Le duc a été frappé de plusieurs deuils qui l’ont profondément marqué : veuf en première noce à 22 ans, il perd son fils en 1854 et sa seconde épouse en 1861. Ces événements douloureux l’éloignent définitivement de la culture antique. Il décide alors de léguer l’ensemble de ses collections au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale : ce ne sont pas moins de sept mille pièces de monnaie et d’un millier d’objets antiques, d’une valeur artistique et historique inestimable, qui sont ainsi offerts.  En contrepartie de ce legs, il demande que sa collection soit exposée de manière permanente dans une salle séparée et à son nom afin que l’on puisse étudier et copier ses œuvres. Il complètera ce don par des séries de monnaies et par l’épée de l’émir Boabdil (catalogue page 19) qu’il offre en 1865 à l’occasion de l’installation des salles d’exposition dans leurs nouveaux locaux.

 

         Alors que les grandes collections que Cécile Colonna cite au début de son introduction ont été dispersées dans des grandes ventes, la collection de Luynes a été préservée dans son unité et est encore visible de tous à l’heure actuelle.

 

         Le catalogue proprement dit, reprend tous les vases de la collection du duc léguée en 1862.  Les notices sont ordonnées selon la disposition thématique de l’exposition à savoir les images des dieux (notices 1 à 36), les héros (notices 37 à 53), les Athéniens (notices 54 à 73).  Les dernières notices (74 à 85) concernent quelques vases qui ne sont pas attiques.  Deux annexes complètent ce catalogue : d’une part un explicatif de la forme des vases et de l’autre une bibliographie.

 

         La mythologie reste le principal sujet des vases attiques. On y retrouve les principaux dieux olympiens, mais on constatera, en parcourant le catalogue,  que la déesse Aphrodite est peu présente (une notice en page 37) contrairement à Dionysos et à son univers qui occupent une place importante (13 notices, de la page 52 à la page 67).      Héraclès et Thésée  sont les héros qui sont les plus représentés (7 notices, de la page 70 à  la page 76) tandis que la troisième partie du catalogue privilégie la mise en relief de la grandeur athlétique et militaire.  L’univers de la guerre est bien exposé  depuis les scènes figurant la préparation du guerrier (3 notices, de la page 89 à la page 91), le départ à la guerre (notice 61 en page 92) jusqu’aux scènes de combat (5 notices, de la page 93 à la page 66).

 

         Chacune des notices est présentée de manière structurée : le titre du vase est clairement donné. La signalétique reprend le type de vase, l’artiste présumé, les dimensions, l’état de conservation, le lieu de découverte et les principales références bibliographiques.  L’accent est mis principalement sur les scènes figurées sur les vases et leur signification. Il convient également de souligner que ce catalogue présente des images uniques, comme cette coupe attique à figures rouges (notice 5, en page 30) sur laquelle est peinte la rencontre d’Héra et de Prométhée, une amphore antique à figures rouges et à anses torses sur laquelle on peut reconnaître Œdipe enfant (notice 50, en page 81) ou encore cette amphore pseudopanathénaïque à figures rouges (notice 53, en page 84) dont la scène pose des problèmes d’interprétation. L’ouvrage présente enfin dix vases non attiques (12 notices, des pages 106 à 121) de très belle facture et dont les représentations sont assez singulières, comme une coupe étrusque à figures rouges dont l’intérieur offre une représentation unique du Minotaure enfant (notice 76, en page 109) ou une hydrie lucanienne à figures rouges dont la scène principale est disposée sur l’épaule.  

 

         C’est une publication claire et agréable à parcourir qui permet de se familiariser avec la collection avant de la découvrir in situ. Comme le souligne Frédérique Duyrat, qui signe la préface,  ce catalogue s’inscrit bien dans la volonté du duc de Luynes de donner l’accès de l’ensemble de sa collection à tous. Cécile Colonna nous propose des notices détaillées.  Chaque image est clairement explicitée et permet à tout un chacun de découvrir les éléments essentiels d’une riche civilisation.

 

 

Sommaire

 

« Rares et admirés » : le duc de Luynes et les vases grecs, 7
 

Catalogue des œuvres
                Les dieux (1-36), 26
                Les héros (37-53), 68
                Les Athéniens (54-73), 86
                Influence des images attiques (74-85), 106

Annexe
                Forme des vases, 124
                Bibliographie, 125