Coarelli, Filippo: Collis. Il Quirinale e il Viminale nell’antichità. F.to 15,5x24 cm; brossura; 350 pagine; 130 ill. ca.; ISBN 978-88-7140-547-6; prezzo € 45,00
(Edizioni Quasar, Roma 2014)
 
Compte rendu par André Buisson, Université Lyon 3
 
Nombre de mots : 1281 mots
Publié en ligne le 2014-12-16
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2265
Lien pour commander ce livre
 
 

 

         Philippo Coarelli consacre un nouveau volume à l’analyse historique et topographique de Rome antique, portant sur les Regiones VI et VII de l'Urbs, après le Guide archéologique de Rome, le Palatin à l'époque archaïque, le Champ de Mars, le Forum romain ou le Forum Boarium. Celui-ci a une dimension peut-être plus « symbolique » que les autres, car le quartier des « collines » est celui de la gare de Termini, par lequel tous les touristes, chercheurs et pèlerins débutent leur visite de Rome. C'est aussi, très certainement, le plus « ingrat » car s'il est un quartier de Rome que l'on visite pour ses ruines antiques, ce n'est certainement pas celui-là ! L'auteur a débuté cette entreprise, il le dit lui-même, en 1989. Cette durée s'explique en grande partie par la difficulté de rédiger un atlas archéologique urbain, fût-ce celui de la Ville. C'est un travail d'une grande ingratitude, pour lequel il faut relire avec précision les textes des auteurs antiques, revoir les traductions des détails les plus insignifiants.

 

         Comme l'auteur l'indique, le quartier présente l'intérêt d'abriter quelques-uns des plus anciens monuments de Rome,dont certains sont parmi les plus vastes, comme le temple de Quirinus ou celui de Sérapis. Les Anciens lui avaient donné le nom de Collis  et non de montes  pour décrire la particularité de ses reliefs ; le Quirinal est aussi attaché au peuple des Sabins, comme le fut également la gens Flavia, d'origine sabine, qui y fit édifier le templum gentis Flaviae. Pourtant, le Quirinal présente un relief « très bouleversé » depuis l'Antiquité (travaux impériaux à proximité du forum, travaux pontificaux autour du palais du Quirinal...L'ouvrage est conçu suivant un plan en 4 parties, qui étudient tour à tour « le cadre général », « les cultes », « les domus du Quirinal » et « le Viminal ».

 

         Dans la première partie, il passe en revue l'ossature du quartier, constituée par le réseau viaire, principalement formé de chemins archaïques, existant dès l'Age du fer, à commencer par la via salaria vetus, le vicus Longus  et d'autres qui témoignent des anciens escarpements du quartier (clivus Florae, clivus Mamuri, alta semita...), autrefois empruntés par les processions religieuses et les particuliers. Les anciens murs de la Ville sont également recensés, ainsi que des aménagements inattendus, comme celui du Palazzo Antonelli, en forme de porte mais destiné à faciliter le transit de l'eau (p.49), aménagement repéré également dans l’enceinte augustéenne de Nîmes [1].La base de départ de cet inventaire est fournie par la position des sanctuaires des Argées, qui étaient au nombre de 27, disséminés dans les 4 régions primitives et, dans l'inventaire des Régionnaires, qui identifiaient ces deux régions parmi les plus populaires, avec plus de 7200 insulae, 270 domus, 32 vici et environ 26000 habitants.

 

         La seconde partie, « les cultes », retient un inventaire de 19 dieux ou déesses dont le (ou l'un des) temple était placé dans le quartier. Tous comptent parmi les plus anciens dieux du panthéon romain, avant même, quelquefois, l'invention de la triade capitoline. Parmi ceux-là, le culte et le temple de Quirinus (rapidement associé à Romulus), de Semo Sanctus (divinité sabine), de Sol Indiges (à qui Enée sacrifia en posant le pied au Latium), celui de Mamurius (qui fabriqua pour Numa les 11 anciles identiques à celui reçu du dieu Mars et utilisés dans les danses des Féciaux), de Iuppiter LatiarisIuppiter Victor, Vénus Erycine, Flora et autres Febris ou Verminus. La localisation des temples de ces divinités est quelquefois déterminée par la découverte très ancienne d'un seul témoignage, comme un autel en peperino, mais aussi, quelquefois, par des restes impressionnants. C'est le cas de l'esplanade du Quirinal et sa retombée sur le Champ de Mars en forme de belvédère, avec les restes (encore visibles) du temple de Sérapis, avec plus de 16000 m2 d’emprise aujourd’hui dans les jardins du palazzo Colonna [2] où l'analyse pointue de l'auteur rapproche les statues des Dioscures et celles des dieux fleuves de la piazza del Campidoglio, datables de l’époque sévérienne, avec l'ornementation du fronton du temple de ce dernier (p. 229s., fig. 71-82) [3]. A quelques dizaines de mètres plus au nord, dans l’emprise du palais du Quirinal, on trouve les restes du temple de Quirinus [4], de plus de 13000 m2.

 

         Les discussions sont nombreuses sur la localisation de tel ou tel temple, comme c’est le cas pour celui de la Vénus Erycine, dont un autre temple était situé sur le Capitole [5]. F. Coarelli tranche ici pour l’existence de plusieurs temples, l’un sur le Capitole, mais également deux sur le Quirinal, près de la porte Colline, dans les jardins de Salluste (d’où proviennent des découvertes significatives, comme celle du fameux « trône Ludovisi » - originaire vraisemblablement de Locres – et dont le lien est très étroit avec le temple de l'Aphrodite sicilienne. De la même manière, l’auteur, à propos du temple de Flora, pour lequel les archéologues hésitent entre le palazzo Barberini et la via delle quatro fontane [6], prend parti pour sa proximité avec le Capitolium vetus, que Platner et Ashby (p. 98) situaient à l’emplacement du Ministère de la guerre.

 

         La troisième partie est consacrée à l'étude des domus. Dans cette recherche, l'histoire démontre que le quartier a été relativement conservé depuis l'Antiquité, avec l'extension des vigne (maisons des champs) ayant appartenu au cardinal d'Este (palais du Quirinal), des familles Boccaci ou Grimani, qui procurent une description très intéressante de la colline au XVIè siècle. L'étude montre en fait que la colline formait une zone résidentielle de l'aristocratie romaine dès l'époque tardo-républicaine et jusqu'à l'empire romain tardif. Auparavant, la zone était rattachée au territoire sabin, comme semblent l'attester les cultes de Semo Sanctus, de Quirinus et de Flora. Peut-être pourrait-on localiser là une résidence de Numa ou de M' Curius Dentatus (p.257) ? et un temple dédié à la gens Fabia dont on sait qu'elle avait revendiqué des territoires en Sabine au 4e siècle avant notre ère. Une liste des domus est donnée (p. 312-326), parmi lesquelles on remarque celle de M. Pomponius Atticus ou celle du poète Martial (domus que le poète décrit lui-même avec soin).

 

         La quatrième partie est consacrée à l'inventaire des découvertes de la colline du Viminal, avec un plan qui reprend les trois parties précédentes. Retenons, dans l'examen de ce quartier, la place et l'intérêt des découvertes effectuées sous le Ministère de l'Intérieur et l'apport à l'étude de l'urbanisme que fournissent les fragments de la Forma Urbis Marmorea.

 

         Comme nous l'avons souligné au début de ce propos, la première impression que nous retrouvons est celle d'un quartier très « bouleversé » depuis l'Antiquité, avec des enfouissements de niveaux antiques supérieurs quelquefois à 15 m (voir par exemple la stratigraphie autour de l'église Sainte Pudentienne, les 14 m d'enfouissement des vestiges via Sallustio, ou le cas du quartier de la via delle Quattro Fontane) ! La seconde impression est que, comme dans toute reconstitution « littéraire », la part de l’hypothèse est très grande, mais les discussions de l’auteur sont menées avec une argumentation systématique et démontrent, s’il était encore besoin de le prouver, sa parfaite connaissance de la Ville dont il est citoyen d’honneur. L'ouvrage comporte enfin un index analytique et six cartes hors texte en couleur d'après la Forma Urbis Romae (FUR).

 

 


[1] VEYRAC A., 2006, Nîmes romaine et l’eau, Paris, CNRS éd., 57e suppl. à Gallia, 424 p., 225 plans, 18 tabl.

 

[2] Photographies dans NASH, II, p. 376-382.

 

[3] Pour NASH, II, p. 442-447, ils appartenaient au décor des thermes de Constantin, près du temple de Sérapis.

 

[4] Déjà PLATNER, ASHBY, p . 438-439, pour qui les textes antiques indiquaient une position au nord de l’alta semita.

 

[5] PLATNER, ASHBY, p. 551, pour qui « le » temple serait situé à l’ouest de la via Salaria (emplacement de la via Beliserio actuelle).

 

[6] PLATNER, ASHBY, p. 210.