Ghisetti Giavarina, Adriano: Disegni di Michele Sanmicheli e della sua cerchia. Osservazioni e proposte. 80 pp., 33 ill., in-8°, Isbn 978-88-6322-207-4, € 12,00
(Terra Ferma Edizioni, Crocetta del Montello (Treviso) 2013)
 
Recensione di Sabine Frommel, EPHE
 
Numero di parole: 1069 parole
Pubblicato on line il 2016-12-24
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2267
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          À en croire Giorgio Vasari, Michele Sanmicheli (1484-1559) s’est consacré pendant seize ans à l’étude des monuments et des ruines de l’Antiquité romaine et comptait parmi les spécialistes de ce domaine. Avant qu’il ne débute sa carrière en tant qu’architecte dans les États de l’Église en 1526, le Véronais aurait fait des expériences au contact du patrimoine antique, d’abord à Rome et dans le Latium, puis en Ombrie et, plus tard encore, à Vérone, sa ville natale. Le résultat, toujours d’après l’historiographe arétin, en fut un important recueil qui a disparu depuis. En s’appuyant sur une hypothèse énoncée par Howard Burns et Lionello Puppi, selon laquelle Andrea Palladio (1508-1580) aurait copié certains de ces dessins, Adriano Ghisetti Giavarina a effectué une analyse détaillée des représentations graphiques susceptibles d’avoir été reprises par le Vicentin (A. Ghisetti Giavarina, «Andrea Palladio e le antichità dell’Umbria» in Annali di Architettura [Rivista del Centro Internazionale di Studi di Architettura Andrea Palladio], 18-19, 2006-2007, pp. 115-128). Sur le plan méthodologique, son approche scientifique est pertinente, puisque dès le début du Quattrocento les architectes soucieux de constituer un répertoire de modèles classiques étaient à la quête de relevés à calquer. L’identification d’un prototype exige une étude minutieuse des spécificités graphiques, des calligraphies et de la datation. Les représentations du temple de la Minerve à Assise (Londres, RIBA, XI, 9r), du tempietto de Clitumno (Vicence, Museo Civico, D.22r), du portail de la basilique de San Salvatore et du mausolée dit « la Basilica » à Spolète (Londres, RIBA, IX/17r), dotées d’unités de mesure véronaises, ont été ôtées du catalogue de l’artiste véronais Giovan Maria Falconetto (1468-1535), puisque les filigranes suggèrent une datation après 1535, l’année de sa mort. La paternité des dessins a été ensuite accordée à Andrea Palladio sans que l’existence du piede local ait été clarifiée. Le tempietto de Clitumno et le mausolée à Spolète sont en revanche mesurés en palmo romano et trahissent une familiarité avec l’ambiance romaine de la part du dessinateur. Selon A. Ghisetti Giavarina, Palladio pourrait avoir copié ces dessins de Michele Sanmicheli, qui les avait effectués pendant son séjour en Romagne en 1526, lorsqu’il collaborait avec Antonio da Sangallo le Jeune pour l’inspection des fortifications. On connaît l’influence de Sanmicheli sur le jeune Vicentin, qui notait même sur l’un de ces dessins (Londres, RIBA, X/20r) que les mesures correspondaient à celles d’un relevé de « mes. Michiele ». Ainsi le temple de Clitumno pourrait être retracé depuis une restitution détaillée, que Sanmicheli aurait pu produire à partir des croquis effectués par Sangallo à l’occasion de ce même voyage (Cabinet des dessins et des estampes des Offices 1162r/v).

 

          La calligraphie étaie l’attribution à Sanmicheli, même si pour les années 1520, dont datent les prototypes en question, on manque de témoignages de son écriture permettant une confrontation. À ceci s’ajoutent les fréquents changements quant à sa manière d’écrire qui troublent quelque peu les observations (entre 1535 et 1548, il conçoit la lettre « h » selon cinq modes différents). Son ductus dépendait aussi de la typologie de l’écrit et variait s’il s’agissait, par exemple, d’un bref message, une lettre de caractère officiel ou bien d’un coupon joint à un document. Reste constante sa manière d’allonger verticalement les lettres et de former des crochets.

 

          Des spécificités graphiques et la calligraphie suggèrent que Palladio ait aussi copié, sans doute pendant la même période, les dessins de Sanmicheli de la Porta dei Borsari et de l’arc des Leoni à Vérone, conservés à Londres (RIBA XII/16r ev, XII/21r/v ; XII/20r ev, XII/18r e v). Cela aurait pu se produire dans les années 1530, après que Sanmicheli fut rentré dans sa ville natale avec un portefeuille plein de relevés de grand intérêt pour un architecte en début de carrière comme Palladio. A. Ghisetti Giavarina soutient, en s’accordant avec des observations de Howard Burns, que l’architecte vicentin aurait ensuite développé différentes versions du prototype. Il ne serait pas étonnant qu’il ait également calqué les annotations, étant donné qu’il dut rendre le dessin à son propriétaire et qu’il souhaitait signaler sa provenance. Il semble que Palladio ait ensuite utilisé cette calligraphie, qu’il maîtrisait presque comme la sienne propre, pour les légendes de ses projets de ces années-là (par exemple la lettre « e » ou bien l’abréviation du mot « che »).

 

         Le livre discute ensuite l’attribution d’un groupe de onze dessins, en approfondissant les études de Paul Davies et David Hemsoll sur la représentation graphique du Véronais et de son atelier. Quant au projet d’un palais vénitien, probablement le Palazzo Grimani, d’une riche fortune critique, il est ici donné à Matteo Sanmicheli, un cousin du maître.  Est confirmée l'attribution du très beau dessin relatif au projet de la Porte de Terraferma à Zara (GDSU 1739), caractérisé par une variation raffinée de la superficie en bossages, fruit du séjour de l’architecte dans la ville éternelle et l’expérience des œuvres de Bramante et Giuliano da Sangallo.

 

          A. Ghisetti Giavarina cherche aussi à identifier des dessins du jeune Sanmicheli pendant son séjour romain. Dans la seconde édition des Vite de Vasari (1568), Vincenzo Scamozzi (1548-1616), disciple de Palladio, signale dans une annotation qu’il a copié des dessins du sculpteur Giovanni da Porlezza (1495-1542), un parent de Sanmicheli. Étant donné que le séjour à Rome et dans le centre de l’Italie de ce dernier coïncidait avec celui de Giovanni, entre 1502 et 1512, les deux étaient vraisemblablement en contact. A. Ghisetti Giavarina propose d’attribuer au sculpteur la paternité de quelques dessins représentant des détails antiques conservés au GDSU, attribués en 1882 par Heinrich von Geymüller à Fra Giocondo et aujourd’hui considérés comme des productions de différents artistes anonymes. Par exemple, le dessin GDSU 1881A, dont le verso contient des références à un séjour dans la ville éternelle et à l’atelier d’un « mastro michelle » (Michele Sanmicheli ?), pourrait être rapproché, au sein de cette réflexion, au cercle de Michele Sanmicheli. La feuille GDSU 202Ar avec les détails d’une base et d’un entablement de San Lorenzo degli Speziali, rehaussés d’un chiaroscuro recherché, présente des annotations qui semblent évoquer la calligraphie de Sanmicheli. 

 

          Ces attributions exigent certainement encore des approfondissements. Elles ouvrent cependant des pistes pour une lecture plus détaillée des relevés du jeune Sanmicheli et de certains dessins de Palladio débutant dans sa carrière, qui fait fructifier de manière efficace l'apport de la production graphique d’une autorité ayant marqué son itinéraire artistique.