Ben Hassen, Habib - Landes, Christian: Oudhna / Uthina. Redécouverte d’une cité de l’Afrique romaine, exposition musée archéologique Henri Prades de l’Agglomération de Montpellier, 2 février - 18 mai 2008, ISBN 2-9516679-5-7
(Musée archéologique Henri Prades, Montpellier 2008)

 
Compte rendu par Meriem Sebaï, Paris 1 Panthéon-Sorbonne
 
Nombre de mots : 780 mots
Publié en ligne le 2008-10-09
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=229
 
 

Oudhna/Uthina. Redécouverte d’une cité de l’Afrique romaine est une brochure qui met à la disposition du public les textes des panneaux didactiques présentés lors de l’exposition qui s’est tenue à Lattes, au musée archéologique Henri Prades de l’agglomération de Montpellier, du 2 février au 18 mai 2008. Signalons d’emblée que cette exposition est issue d’un projet de collaboration entre l’Institut National d’Histoire de l’Art, l’Agence de Mise en valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle tunisien, l’Institut National du Patrimoine de Tunis et Montpellier Agglomération et qu’elle augure d’une autre manifestation qui sera organisée au cœur même du site d’Oudhna/Uthina, en Tunisie actuelle. Dans le cadre d’un Plan d’action associant mise en valeur touristique et travaux de publication, un fonds d’objets archéologiques restés inédits depuis leur mise au jour entre 1892 et 1896 par l’archéologue français P. Gauckler, ainsi que de nombreux autres objets découverts lors des derniers travaux d’exploration seront présentés au public. Il faut donc saluer cette initiative qui s’insère dans une vaste entreprise franco-tunisienne de mise en valeur muséographique d’un patrimoine archéologique et archivistique concernant l’un des sites majeurs de l’Afrique romaine, une colonie romaine fondée par les vétérans de la 13e légion, proche de Carthage et participant au rayonnement de la culture romaine dans toutes ses dimensions.

En attendant la publication du catalogue annoncé dans l’avertissement, ce fascicule rend compte de l’effort conjugué des institutions citées, concentré vers un même objectif : montrer au public scientifique et cultivé une série de 129 objets inédits et une partie des archives de P. Gauckler relatives au site. Il s’agit bien de la redécouverte de cette colonie romaine d’Afrique proconsulaire que les aléas de la recherche avaient durant plusieurs décennies fait tomber dans l’oubli et cette exposition représente une initiative encore trop rare : la publication d’archives datant de l’époque de l’exploration archéologique de la Tunisie, durant le Protectorat français.

 

En guise de prologue, on trouve une présentation synthétique de l’histoire du site qui rend compte des débats scientifiques les plus récents relatifs à la question de sa fondation comme à celle de son insertion dans un hinterland libyco-punique densément urbanisé. On y trouve notamment les derniers développements relatifs à l’identité de certaines cités pérégrines des alentours, comme Thimida Regia.

Mais l’essentiel de cette brochure offre une remarquable rétrospective de l’ensemble de nos connaissances sur les structures archéologiques mises au jour par P. Gauckler au xixe siècle. Aménagement hydrauliques, parure monumentale publique, demeures de notables : c’est la vie quotidienne d’une colonie romaine proche d’une capitale provinciale de l’Empire romain qui se déroule au gré des photos et des documents d’archives placés en regard des textes composés par les commissaires de l’exposition. Chaque élément structurel de l’urbanisme d’Uthina est dévoilé dans son contexte historique et archéologique, ce qui permet très vite de remarquer que tous les éléments de datation convergent pour placer la construction des grands monuments publics  ‑ le capitole, les grands thermes, le théâtre, l’amphithéâtre – dans la première moitié du IIe siècle de n. è., c’est-à-dire sous les Antonins. Les études statistiques ont montré que les grands monuments d’Uthina plaçaient la colonie au rang des cités les plus importantes de l’Afrique proconsulaire. Si l’on veut tenter de mieux comprendre les implications de telles informations, il suffit de se rappeler qu’à quelques kilomètres au nord d’Uthina, Carthage se dote à la même époque de nouvelles structures urbanistiques de prestige. Dès lors, il est clair qu’une colonie comme Uthina semble parfaitement représentative du grand mouvement d’aemulatio urbanistique qui a touché l’Afrique Proconsulaire à la suite de sa capitale.

 

Mais l’apport réel de cette brochure, le catalogue des objets, est le point de focalisation du projet de mise en valeur touristique du site d’Uthina. Mis au jour lors des dégagements des grands monuments publics évoqués plus haut, ils permettent une appréhension plus concrète de la somptuosité de la parure urbaine, tant sur le plan des revêtements des monuments que sur celui de leur ornementation statuaire. Parvenus jusqu’à nous sous forme de fragments de dimensions imposantes, majoritairement en marbre, ces objets évoquent sans peine la somptuosité des dépenses municipales. Outre les statues de divinités, les portraits de notables, les fragments de corniches ou de chapiteaux, on remarque une série de reliefs rappelant a priori des scènes de processions de magistrats ou de prêtres appartenant aux collèges majeurs de l’État romain.

 

Cette brochure, ainsi que les illustrations photographiques ou topographiques qui l’enrichissent, illustre bien l’importance du croisement des archives photographiques et du travail sur les sources archéologiques. Elle montre également l’importance de l’utilisation des archives du xixe siècle dans la construction de l’histoire des découvertes archéologiques en Tunisie. Elle constitue par conséquent une excellente invitation à la découverte ou à la redécouverte du travail des chercheurs in situ.