De Haan, Nathalie : Römische Privatbäder. Entwicklung, Verbreitung, Struktur und sozialer Status. 426 S., zahlr. Abb., Tab. und Graf., ISBN 978-3-631-60069-6, 100.95 €
(Peter Lang, Pieterlen 2010)
 
Compte rendu par Séverine Blin, Université de Strasbourg
 
Nombre de mots : 1154 mots
Publié en ligne le 2015-04-30
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2327
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          L’ouvrage de Nathalie de Haan s’annonce comme une synthèse très complète, qui aborde tous les aspects  – élaboration, diffusion, aménagements, statut social – de ces structures balnéaires aux dimensions et aménagements parfois très modestes découvertes dans les habitations privées, qu’ils s’agissent de domus ou de villa. L’étude apporte donc un contrepoint utile dans une bibliographie certes pléthorique, mais composée de nombreux ouvrages monographiques ou de synthèse essentiellement consacrés aux thermes publics. Ceux-ci  prennent rarement en compte les balnea à usage domestique. Si plusieurs synthèses régionales rassemblent tout de même les deux corpus, en Espagne ([i]), en Gaule ([ii]) ou en Afrique du Nord ([iii]) par exemple, les bains privés ne bénéficiaient toutefois pas encore d’une étude exhaustive.

 

          Dans cet ouvrage, qui est une version remaniée d’une thèse de doctorat soutenue à l’université de Nimègue en 2003, l’A. privilégie trois zones géographiques, l’Italie (Campanie et Latium), l’Afrique du Nord et l’Angleterre du Sud. Ce choix restreint et limite ainsi un corpus d’étude qui compte déjà plusieurs centaines d’exemples. C’est tout autant la question de la formation d’un modèle de confort privé, qui se développe entre la fin de l’époque républicaine et l’époque impériale, qui est abordée, que celle de la diffusion du goût, des pratiques et des techniques de la construction balnéaire dans les provinces jusqu’à l’époque tardive. Ces différents aspects sont traités dans la première partie de l’ouvrage (140 pages). L’étude se fonde également sur l’analyse d’une importante documentation archéologique présentée sous la forme d’un ample corpus qui occupe la plus grande part de la publication (215 pages). Divisé en deux parties, il comprend un catalogue détaillé de soixante édifices, suivi en appendice d’une liste de deux cent soixante-seize notices plus succinctes. Malgré l’ampleur du travail, cette compilation assez systématique des caractéristiques planimétriques, des structures et des aménagements internes des pièces reste difficile à manier en l’absence de toute carte de répartition ou de tableaux synthétiques. La documentation graphique placée à la suite est composée de 120 planches, qui rassemblent 60 plans et 130 figures en noir et blanc. Dans une volonté d’uniformisation du rendu graphique des documents anciens, tous les plans ont été repris. On peut regretter qu’ils demeurent assez schématiques et qu’ils ne s’accompagnent d’aucun plan de situation, ni de coupe ou d’élévation, mais la documentation primaire ne le permettait sans doute pas. Les photographies de l’A. fournissent par ailleurs une documentation très utile, malgré la mauvaise qualité de leur reproduction par l’éditeur, quelquefois.

 

          La définition de bain privé est rapidement évoquée en introduction. L’A. choisit de ne traiter que les structures découvertes en contexte domestique et qui présentent un caractère permanent. La genèse et le développement des structures associées à la pratique du bain (Die Entwicklung der Privatbäder) imposent de longs développements sur l’influence des techniques mises au point en Grèce et en Grande Grèce. Leur diffusion dans l’architecture privée s’accompagne d’un bouleversement des pratiques et d’un renouvellement des normes du confort de l’habitat qu’illustrent les nombreux témoignages de la cité de Pompéi. L’A. associe par ailleurs cette nouvelle mode du confort domestique à un phénomène de standardisation des techniques et des matériaux, notamment des matériaux en terre cuite, qui apparaît conjointement avec le développement et la rationalisation d’un artisanat spécialisé.

 

          La diffusion des formes et des pratiques du bain dans les provinces est abordée dans le second chapitre (Verbreitung der Privatbäder). L’effort de conceptualisation sur la question de l’apparition du confort privé amène naturellement l’A. à traiter des notions de romanisation, d’acculturation ou d’imitation pour l’Afrique du Nord et l’Angleterre. Sur cette question, Y. Thébert a rédigé de très belles pages qui restent incontournables ([iv]). Pour le Latium, par ailleurs, des travaux récents spécialisés sur cette région permettent de réévaluer et de modifier l’ampleur du corpus, ainsi que certaines conclusions ([v]).

 

          Dans le chapitre consacré aux matériaux, aux techniques et aménagements des bains (Die Struktur der Privatbäder), l’A. tente de synthétiser l’abondante moisson de données collectées au cours de ses recherches. Elle y évoque les différents éléments structurels (voûte, système de chauffage, système hydraulique, aménagements des pièces, etc.). Les développements relatifs à chacun de ces aspects sont toutefois présentés de manière un peu trop descriptive ou trop concise, en convoquant essentiellement les exemples de Pompéi et d’Herculanum. La question des décors des pavements et des parois est très rapidement évoquée par exemple ([vi]). Des relevés de détails ou des schémas auraient peut-être permis d’illustrer efficacement les nombreuses observations techniques faites par l’A.

 

          C’est finalement dans les deux derniers chapitres que l’A. se consacre aux problématiques les plus originales. La question de l’inscription des bains privés dans la cadre de la cité (Der städtische Kontext) à travers l’étude de leur raccord au système d’adduction d’eau public ou des contraintes qui pèsent sur les propriétaires, et celle du statut de ces balnea (Benutzung und sozialer Status), à travers la population qui les fréquente ou leur rôle de marqueurs sociaux, constituent en effet les parties les plus nouvelles et les plus fécondes d’un point de vue historique ([vii]).

 

          En conclusion, cette publication propose une synthèse riche, fondée sur une abondante documentation, dont les points forts résident dans une très bonne connaissance des vestiges des cités du Vésuve. Les réflexions très stimulantes apportées sur les questions urbanistiques, juridiques et sociales constituent par ailleurs de beaux chapitres. Accompagné d’une bibliographie complète et d’un index des sources écrites, l’ouvrage de N. de Haan fournit donc un état des connaissances très utile et désormais incontournable pour tout chercheur qui s’intéresse aux bains privés.

 

 

 

[i] Pour une synthèse récente des travaux, cf. PERÉX, M. J., FERNÁNDEZ OCHOA, C., GARCÍA-ENTERO, V., MIRÓ I ALAIX, C., GONZÁLEZ SOUTELO, S., « Thermes et balaneia en Hispanie. Un état de la question », In 25 siècles de bains collectifs en Orient, Proche-Orient, Égypte et Péninsule Arabique, Actes du 3e colloque Balnéorient, Institut français d’Archéologie orientale, 2014, p. 67-82.

 

[ii]  BOUET, A., Thermae Gallicae, les thermes de Barzan (Charente-Maritime) et les thermes des provinces gauloises, Bordeaux, Ausonius, 2003.

 

[iii] THEBERT, Y., Les thermes romains d’Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen, Rome, École Française de Rome, 2003.

 

[iv] THÉBERT, Y., Les thermes romains d’Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen, Rome, École Française de Rome, 2003, p. 11-41.

 

[v] FOULCHE, A.-L., Le paysage balnéaire de Rome dans l'Antiquité : aspects topographiques, juridiques et sociaux. Thèse de l’Université de Grenoble, 2011.

 

[vi] Sur cette question, l'auteur aurait pu utilement citer DUBOIS-PÈLERIN, E., Le luxe privé à Rome et en Italie au Ier siècle après J.-C., Naples, Centre Jean Bérard, 2008.

 

[vii] Des études, explorant des questions similaires, menées sur les thermes d’Ostie, ne sont toutefois pas citées, par exemple : BUKOWIECKI É., DESSALES H. et DUBOULOZ J., Ostie. L’eau dans la ville : châteaux d’eau et réseaux d’adduction, Rome, Collection École Française de Rome 402, 2008.