Bos, Agnès: Meubles et panneaux en ébène. Le décor des cabinets en France au XVIIe siècle au musée national de la Renaissance d’Ecouen, 21x27 cm, 160 p., 260 illustrations, broché, 70 euros, ISBN 978-2-7118-5342-7
(Rmn, Paris 2007)
 
Compte rendu par Véronique Castagnet, Université d’Artois
 
Nombre de mots : 712 mots
Publié en ligne le 2009-03-23
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=234
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    Cet ouvrage propose un catalogue raisonné d’une partie des collections du Musée national de la Renaissance, à savoir 124 objets en ébène sculptée ou gravée. Il coïncide avec un grand effort fait sur le plan muséographique pour valoriser une partie de cette collection au rez-de-chaussée du château. Cette dernière présente quelque singularité dans le cas d’Écouen. En effet, la plupart des pièces constitutives de la collection du musée national de la Renaissance correspond à des éléments démontés d’anciens cabinets des centres de production parisiens au cours des deux premiers tiers du XVIIe siècle. De plus, la plupart de ces éléments ont été remployés pour orner des meubles de l’appartement du Sommerard, sis dans l’hôtel des abbés de  Cluny à Paris, au moment de son décès en 1842 (armoires à deux corps par exemple) et reflètent une nouvelle mode au XIXe siècle.

    Le cabinet parisien se signale par ses dimensions importantes (hauteur proche de 2 mètres, longueur légèrement inférieure à 2 mètres et une profondeur avoisinant les 60 centimètres). Des colonnes (pilastres ou cariatides) supportent un corps supérieur doté de deux vantaux, de tiroirs et d’une niche (autrement appelée caisson ou théâtre). L’ensemble est couronné par une frise et une corniche. Sur une structure en bois indigène sont ainsi plaqués des panneaux d’ébène sculptée ou gravée, selon des modèles de plus en plus complexes, révélés par un jeu de couleurs et de matériaux (marqueterie de bois de couleur ou d’os, miroirs, peintures sur bois ou sur carton, bronze doré). Des écarts de prix importants sont alors à observer (d’un peu moins de 200 livres tournois, à 600, voire 1000 pour les plus précieux), selon les dimensions du meuble, la richesse des matériaux et la quantité du travail réalisé par l’ébéniste. Des cabinets luxueux sont acquis par Richelieu, Mazarin, le chancelier Séguier, le premier duc de La Force (Jacques Nompar de Caumont) ; d’autres par les membres de la bourgeoisie (les médecins dont la culture matérielle a déjà été étudiée) ou par des acheteurs étrangers (montrant ainsi le rayonnement de cette activité artisanale au-delà du royaume de France).
    Les marchés de commande, retrouvés d’après des documents d’archives (par exemple, le minutier central des notaires parisiens aux Archives nationales site de Paris), semblent indiquer trois périodes distinctes : 1620-1640, période d’émergence de la mode des cabinets ; 1640-1650, apogée de cette mode, dont la tendance décline après 1660. Au cours de la décennie 1660, le goût pour les cabinets en ébène cède la première place au mobilier en marqueterie de bois de couleur ou plaqué d’écaille. Entre-temps, les ébénistes parisiens ont su diversifier l’offre en bois d’ébène en fabriquant des cadres de tableaux ou de miroirs, des tables, des guéridons, des écritoires.

    Les travaux des historiens et des historiens de l’art ont montré l’évolution du décor des cabinets : d’abord une phase à encadrement géométrique puis à encadrement sculpté et enfin à encadrement architectural. Mais la question des démontages et recompositions précédemment évoquées peut troubler l’analyse, selon Agnès Bos, de même que les possibles chevauchements de phase dans un même cabinet. Dans cette recherche d’ornementation, les ébénistes parisiens se réfèrent à des modèles issus des gravures du XVIIe siècle, d’où l’importance des scènes mythologiques et religieuses aux références vétéro-testamentaires plus que néo-testamentaires. Les autres sources d’inspiration, minoritaires, sont les scènes inspirées de romans illustrés, des épisodes de l’histoire romaine, des paysages et des décors végétaux. Il paraît pourtant difficile, d’après les sources consultées, de connaître les modalités du choix de telle ou telle représentation et la liberté des modèles laissée à l’ébéniste. Pour donner un exemple, très rapidement, la peinture française est « transposée » pour les panneaux d’ébène, avec tous les problèmes techniques engendrés, pour lesquels les artistes offrent des réponses variées : ces solutions vont de la recherche absolue de fidélité à la gravure-modèle ou au tableau-source, en passant par des choix plus radicaux (ajout/suppression de personnage, modification des décors à l’arrière-plan) au détriment parfois d’une cohérence avec l’iconographie.
    La fin de l’ouvrage est consacrée à la présentation d’un catalogue richement illustré des photographies des cabinets décrits. De façon très judicieuse, le choix éditorial permet au lecteur de mettre immédiatement en relation le panneau d’ébène, avec une gravure ou un tableau contemporains, probables sources d’inspiration pour l’ébéniste.

    En somme, ce livre participe du renouveau de l’historiographie de l’étude des meubles et cabinets de l’époque moderne, depuis une vingtaine d’années. L’étude de la collection du musée national  de la Renaissance d’Écouen complète des ouvrages de synthèse comme ceux de D. Alcouffe (et De Bellaigue, Le mobilier français de la Renaissance à Louis XV, Paris, Éditions Fabri, collection « Antiquités et objets d’art », 2002), ou de Stéphane Castelleccio (Le style Louis XIII, Paris, Éditions de l’Amateur, 2002).