Giardino, Liliana - Tagliamonte, Gianluca (a cura di): Archeologia dei luoghi e delle pratiche di culto. Atti del Convegno (Cavallino, 26-27 gennaio 2012), 312 p., 21.00 x 30.00 cm, ISBN: 978-88-7228-710-1, 50 €
(Edipuglia, Bari 2013)
 
Reviewed by Jean-Claude Lacam, Université Paris I-Panthéon-Sorbonne
 
Number of words : 2366 words
Published online 2015-06-17
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2426
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          Ces actes de colloque, édités par deux professeurs de l’Università del Salento, s’inscrivent à la fois dans le nouvel intérêt des recherches antiques pour l’archéologie religieuse[1] et dans le renouvellement des approches régionales des religions, particulièrement italiennes[2].

     

         Les études de cet ouvrage, menées pour la plupart par des chercheurs (enseignants et étudiants) de Lecce, sont classées en trois parties : sept contributions s’intéressent à plusieurs sites de la Méditerranée orientale (Turquie actuelle, Proche-Orient, Égypte et Soudan), deux à l’Italie méridionale (Alife) et à la Sicile (Gela), sept enfin à la région du Salento. Par-delà leur diversité géographique et chronologique (de la préhistoire à la période protobyzantine), toutes ces analyses présentent une démarche et un objectif communs : mieux comprendre, en passant au crible les données archéologiques, tant les lieux de culte que les pratiques religieuses dans les espaces de la Méditerranée antique.

 

 

         Méditerranée orientale

     

         Dans le premier article, Isabella Caneva s’attelle à la tâche délicate d’identification de lieux cultuels dans les contextes archéologiques des sociétés préhistoriques, en se concentrant sur des sites prénéolithiques du centre du Soudan : elle interprète ainsi comme un lieu de cérémonies funéraires et religieuses une petite place entourée de gros blocs de granit dont la surface est creusée de cavités peu profondes, et au pied desquels ont été mis au jour de nombreux restes humains.

 

         Francesca Baffi revient quant à elle sur le temple de Jérusalem qui, selon la Bible, aurait été créé par Salomon. Elle insiste sur le grand écart chronologique qui existe entre ce qui est généralement attribué au fils de David et la réalité qui émerge des fouilles : à l’évidence, les rédacteurs bibliques ont attribué au règne de Salomon des réalisations bien exagérées au regard des preuves archéologiques.

 

         C’est au culte d’Apollon Daphnephoros à Érétrie que s’intéresse Giovanni Boffa, au prisme de la documentation épigraphique du VIIIe s. av. J.-C., qu’il réexamine en s’aidant particulièrement des témoignages d’autres sites (comme ceux de Methone, Pithekoussia ou Lefkandi). Oubliant parfois la problématique du colloque, l’auteur livre finalement une étude plus linguistique que religieuse, offrant un panorama de la plus ancienne écriture érétrienne et même quelques réflexions sur l’origine de l’alphabet grec.

 

         Croisant les textes (des papyrus démotiques) et les données archéologiques mises au jour récemment par le Centro di Studi Papirologici dell’Ateneo salentino à Dime es-Seba, l’antique Soknopaiou Nesos (une implantation gréco-romaine localisée dans le désert égyptien, aux marges du Fayoum), Paola Davoli propose de nouvelles interprétations des différentes phases de construction du sanctuaire qui s’y élevait mais aussi des pratiques cultuelles qui y avaient cours. La chercheuse estime que ce temple monumental construit au sommet d’une petite colline naturelle était déjà important aux temps pharaoniques, qu’il a été reconstruit à l’époque ptolémaïque et achevé au début de l’époque romaine. Une comparaison avec le sanctuaire de Dionysias à Bakchias lui fait suggérer l’existence de cérémonies – en lien avec la nouvelle année et le cycle osirien – accomplies sur le toit même du temple. Le panthéon de ce site est plus difficile à percevoir : il est cependant assuré qu’à l’époque romaine, le temple principal était dédié à Isis Nepherses et Soknopaios, un dieu de la fertilité pourvu de caractères solaires et cosmiques, dont l’aspect corporel empruntait au crocodile et au faucon.

 

         Grazia Semeraro et Florinda Notarstefano ont recours aux nouvelles technologies pour mieux cerner les offrandes et les objets rituels dans les sanctuaires d’Astarté et d’Héra à Tas Silg (Malte) et d’Apollon à Hierapolis (Turquie), durant la période hellénistico-républicaine : elles ont soumis aux analyses chimiques les traces alimentaires présentes dans la vaisselle retrouvée dans ces sites. Elles démontrent ainsi l’importance de la consommation de poisson dans les rituels accomplis en l’honneur de la déesse phénicienne, de même que l’utilisation du miel comme accompagnement. À Hierapolis, l’analyse des traces organiques vient conforter le contenu d’une inscription du IIe s. qui préconisait de brûler des plantes aromatiques à Apollon Kareios, de verser des libations de lait et de miel et d’accomplir des sacrifices de bovins et d’agneaux.

 

         Ce dernier site est l’objet d’un approfondissement de la part de Giuseppe Scardozzi qui s’appuie sur de nouvelles données archéologiques pour présenter les sanctuaires de l’époque romaine impériale (Ier-IVe s.) présents sur le territoire de Hierapolis. Deux aires sacrées dont l’existence était présumée sur la foi d’inscriptions grecques ont été dégagées : celle de Karios, une divinité indigène assimilée à Apollon par les Grecs qui ont fondé Hierapolis et le sanctuaire dédié aux divinités vénérées par le démos de Motaleis (Zeus, Artémis, Men et un dieu à cheval - Apollon Karios ou Apollon Helios Lairbenos) ; d’autres lieux de culte ont été identifiés aux alentours du village de Thiounta, dans lesquels étaient honorés Zeus, Hermès, Hélios, Tyche et probablement Gordios. Cette étude révèle la variété des zones sacrées, leur rayonnement différencié tout comme la complexité des panthéons au sein desquels les caractéristiques indigènes se mêlent aux éléments grecs.

 

         Franchissant quelques siècles, Valeria D’Ercole s’attarde sur la route des pèlerins qui rejoignait Constantinople à Jérusalem et qui était émaillée de nombreux sanctuaires. L’auteur examine, par le biais des sources littéraires et archéologiques, les différents facteurs qui ont contribué à la formation et à l’extension du complexe monastique (dominé par la basilique de l’archange Michel) fondé au VIIe s. par Théodore de Sykeon en Galatie et qui attirait des foules toujours plus fournies de pèlerins.

 

 

         Italie méridionale et Sicile

 

         C’est en Italie que s’enracine l’étude de Gianluca Tagliamonte qui utilise de récents témoignages archéologiques, encore épars et fragmentaires (pour la plupart, du matériel votif), pour dessiner le paysage religieux du territoire d’Alife, sur le versant campanien du Matese, la « montagne sacrée » des Samnites, du Ve s. au Ier s. av. J.-C. Au final, apparaissent de petits lieux de culte agraires, gérés par des communautés locales, sous la forme bien souvent de luci ou de simples enceintes qui enserraient un autel.

 

         C’est à une date plus ancienne (milieu du VIIe s.-fin du Ve s. av. J.-C.) que s’inscrit l’analyse de Tommaso Ismaelli sur le sanctuaire découvert en 1959 dans la cité de Gela en Sicile. Étudiant les nombreux objets rituels inventoriés, l’auteur discerne deux phases chronologiques dans la vie de ce lieu de culte : dans la première (650/640-550 av. J.-C.), domine l’offrande de lampes, dans la seconde (550-405 av. J.-C.) le don de visages en terre cuite, qui marquerait la volonté de la part du dédicant d’offrir de lui une reproduction. La divinité propriétaire de ce lieu paraît plus énigmatique : Héra, Athéna, Artémis, Korè ou encore Aphrodite sont envisageables.

 

 

         Salento

 

         L’étude de Giovanna Maggiulli sur la déposition d’objets en métal au temple de Roca, à l’époque du Bronze final, ouvre la partie consacrée à la région du Salento. La chercheuse italienne estime que ce matériel hétéroclite, en bronze et en or (armes, outils, ornements,...), dont une part non négligeable a été importée depuis le monde égéen, était offert soit à même le sol, soit dans des cavités, durant des cérémonies communautaires, au sein d’une structure cultuelle publique.

 

         Mario Lombardo élargit la perspective en prenant en compte l’ensemble de la Messapie pour s’intéresser aux inscriptions porteuses de termes religieux : après une analyse quantitative de leur distribution spatiale et chronologique, il souligne leur lien avec les pratiques funéraires et cultuelles, insistant sur la variété des situations (il est des lieux où sont nombreuses à la fois les tombes et les inscriptions et d’autres où des tombes en abondance révèlent un maigre corpus épigraphique). Il relève, comme d’autres avant lui, la présence fréquente sur les inscriptions funéraires, dans les seules régions proches de la colonie de Tarente, du terme tabara (i. e. prêtresse) employé en relation avec les théonymes Damatra et Aprodita, tous deux d’origine grecque. Il se concentre enfin sur le temple de Santa Maria d’Anagno, près d’Ostuni, traditionnellement assigné au culte de Déméter sur la base de données archéologiques – hypothèse battue en brèche par des études linguistiques récentes qui le rapportent plutôt à une divinité masculine (Tarnas ou Trannas).

 

         C’est au sud du Salento, à Muro Leccese, dans la localité Cunella, que Liliana Giardino et Francesco Meo se proposent, dans un long article, de « reconstruire » des espaces et des pratiques cultuels des Ve-IVe s. av. J.-C., en exploitant des données archéologiques retrouvées en contexte domestique, au sein d’une maison aristocratique. Ils ont repéré au milieu d’une large aire sans toit, à proximité d’un autel, à l’intérieur de petites fosses, des ossements de chèvres et de brebis dont l’une était gravide ; une déposition semblable de restes caprins et ovins s’observe à peu de distance, à côté d’un tombeau. De telles pratiques s’apparenteraient, selon les deux auteurs, à des rites de clôture d’espaces sacrés, attestés ailleurs (comme en Lucanie à Torre di Satriano et dans les Pouilles à Ascoli Satriano).

 

         L’étude de Jacopo De Grossi Mazzorin et Nicoletta Perrone paraît quelque peu redondante avec celle qui précède puisqu’il s’agit à nouveau de la description – plus précise - des ossements découverts dans les fosses de la même demeure de Muro Leccese, avec les mêmes illustrations et ... conclusions.

 

         C’est également à trois fosses rituelles que s’intéresse Giovanni Mastronuzzi dans son article sur le sanctuaire mis au jour sous la Piazza Dante à Vaste : il en examine les dépôts pour en définir la chronologie et en tirer des enseignements sur les rites qu’ils révèlent. L’offrande de produits agricoles et de porcelets oriente le chercheur italien vers un culte rendu à la déesse Déméter, si présente en Messapie, et dont le visage semble apparaître sur un fragment en calcaire.

 

         Maria Teresa Giannotta reprend le matériel archéologique – votif pour l’essentiel -  mis au jour sur le site de Casino Guardiano, dans le territoire de Mesagne : vases, matériel votif en terre cuite attestent de l’existence d’un lieu de culte extra-urbain ; la présence de protomés féminins suggère qu’il était fréquenté par des femmes et consacré à une déesse (peut-être Déméter, comme peuvent le laisser penser des inscriptions retrouvées dans des localités voisines).

 

         L’ultime contribution, celle de Katia Mannino, entend faire le point sur le culte d’Artémis à Brindisi en croisant toutes les sources, particulièrement archéologiques. Une statuette d’Artémis découverte en 1988, ainsi qu’un antéfixe avec la tête d’Artémis Bendis laissent envisager la construction d’un sanctuaire dans la zone de la Piazza Duomo aux IIe-Ies. av. J.-C.

 

         Ce volume, qui se clôt par vingt pages d’illustrations en couleurs d’excellente qualité et par de commodes résumés, en anglais (à l’exception d’un seul), des différentes communications, offre donc aux chercheurs des religions antiques un ample panorama de divers sites méditerranéens (à l’avantage toutefois du Salento qui occupe plus de la moitié de l’ouvrage). L’ensemble apparaît parfois un peu hétéroclite, du fait de la dispersion géographique et temporelle des études de cas, mais aussi parce que certaines contributions s’avèrent mieux insérées dans la problématique ou plus approfondies et mieux documentées, voire novatrices, que d’autres : les articles, dont la longueur varie entre huit et trente-neuf pages, oscillent entre catalogues de données et réflexions historiques. Si la très grande majorité des études offre d’abondantes et utiles photographies, cartes et tableaux statistiques et s’appuient sur une bibliographie récente, la similitude des deux articles sur le site de Muro Leccese est peu compréhensible. Plus que de rares coquilles (concernant souvent des termes en français), l’on peut regretter l’absence d’une synthèse plus consistante que la seule introduction de trois pages, qui aurait fait le lien entre les seize contributions, dont on oublie les confluences hormis la démarche archéologique : il aurait été sans doute profitable de jeter des passerelles entre ces études aux horizons si divers.

     

         Tout ceci ne remet nullement en cause la validité du questionnement proposé, la pertinence de nombreuses analyses ni la richesse des points de vue qui font de cet ouvrage une lecture fructueuse pour qui s’intéresse à l’archéologie de la religion et un témoignage supplémentaire du bienfait du croisement de toutes les sources à disposition des historiens.

 

 

[1] Depuis C. Renfrew (éd.), The Archeology of Cult : The Sanctuary of Phylakopi, Londres, 1985 jusqu’à K. W. Wesler, An Archeology of Religion, New York, 2012, en passant par S. Lepetz, W. Van Andringa (éd.), Archéologie du sacrifice animal en Gaule romaine. Rituels et pratiques alimentaires, Montagnac, 2008 et T. Insoll (éd.), Oxford Handbook of the Archeology of Ritual and Religion, Oxford, 2011

 

[2] Voir par exemple M. L. Nava, M. Osanna, Lo spazio del rito. Santuari e culti in Italia meridionale tra Indigeni e Greci, Atti delle Giornate di Studio (Matera, 28-29 giugno 2002), Bari, 2005 ; T. Cinquantaquattro, G. Pescatori (éd.), Fana, templa, delubra. Corpus dei luoghi di culto dell’Italia antica (FTD), 2. Regio I. Avella, Atripalda, Salerno, Rome, 2013.

 

 

 

Sommaire

 

L. Giardino, G. Tagliamonte, Introduzione (p. 5-8)

I. Mediterraneo

I. Caneva, Prima degli dei : riti di memoria e di appartenenza nelle comunità preistoriche del Vicino Oriente (p. 11-21)

F. Baffi, Il Tempio di Salomone : quale modello ? (p. 23-30)

G. Boffa, Il santuario di Apollo ad Eretria. Osservazioni sulla documentazione epigrafica di età geometrica (p. 31-43)

P. Davoli, Il tempio di Soknopaios e Iside Nepherses a Soknopaiou Nesos/Dime (El-Fayyum) (p. 45-56)

G. Semeraro, F. Notarstefano, Integrated methodologies for the study of cultual contexts. Case studies from the Mediterranean area : Malta and Hierapolis (p. 57-68)

G. Scardozzi, I santuari del territorio di Hierapolis di Frigia : nuovi dati dalle ricognizioni archeologiche (p. 69-88)

V. d’Ercole, Santuari di pellegrinaggio di epoca protobizantina lungo la c. d. Pilgrim’s road. Aspetti liturgici e percorsi dei pellegrini : la testimonianza del Bios di Teodoro di Sykeon (p. 89-103)

II. Italia meridionale e Sicilia

G. Tagliamonte, Santuari e luoghi di culto preromani del territorio alifano (p. 107-118)

T. Ismaelli, Pratiche votive e comunicazione rituale nel santuario del Predio Sola a Gela (p. 119-142)

III. Salento

G. Maggiulli, La deposizione di manufatti metallici nell’ambito di pratiche cultuali di tipo comunitario : la testimonianza dei ripostigli dell’età del Bronzo Finale di Roca (LE) (p. 145-164)

M. Lombardo, Tombe, iscrizioni, sacerdoti e culti nei centri messapici : aspetti peculiari tra sincronia e diacronia (p. 155-164)

L. Giardino, F. Meo, Attestazioni di pratiche rituali di età arcaica nell’abitato messapico di Muro Leccese (LE) (p. 165-203)

J. De Grossi Mazzorin, N. Perrone, I resti animali da alcuni contesti cultuali di Muro Leccese (LE), loc. Cunella (p. 205-212)

G. Mastronuzzi, Alcune osservazioni sulla cronologia del luogo di culto di Piazza Dante a Vaste (LE) : contesti stratigrafici con monete (p. 213-243)

M. T. Giannotta, Testimonianze cultuali dal territorio di Mesagne : località Casino Guardiano (p. 245-255)

K. Mannino, Nuovi dati per una messa a punto su Artemide a Brindisi (p. 257-266)

Tavole (p. 267-200))

Abstracts (p. 301-307)