Greiling, Werner - Schirmer, Uwe - Schwalbe , Ronny (Hg.): Der Altar von Lucas Cranach d.Ä. in Neustadt an der Orla und die Kirchenverhältnisse im Zeitalter der Reformation. 527 S. 93 s/w- u. 63 farb. Abb. Gb. (Quellen und Forschungen zu Thüringen im Zeitalter der Reformation, Band 3). ISBN 978-3-412-22341-0, 41,10 € [A]
(Böhlau Verlag, Köln 2014)
 
Reseña de Frank Muller, Université de Strasbourg
 
Número de palabras : 2074 palabras
Publicado en línea el 2015-12-17
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2430
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          Le présent volume d’actes est le résultat d’un colloque tenu en automne 2013 à Neustadt an der Orla, petite ville de l’est de la Thuringe, à l’occasion du 500e anniversaire de la consécration du retable de Lucas Cranach l’Ancien conservé dans l’église paroissiale Saint-Jean Baptiste. Comme l’indique la seconde partie du titre, il s’agit aussi de préciser dans quel environnement historique se situait cette commande importante, étant donné le nombre d’habitants de cette ville qui devait s’élever à l’époque à environ 2500, et plus généralement, les conditions ecclésiales de la période pré-réformatrice qui a vu naître ledit retable et les bouleversements dus à la Réforme. Il n’est évidemment pas possible d’évoquer le contenu de toutes les contributions, malgré leur intérêt historique certain, dans la mesure où elles dressent le portrait d’une petite ville sans doute assez typique de la fin du XVe siècle et des premières décennies de la Réforme, celle-ci ayant été introduite à la fin des années 1520 sous l’égide de l’électeur de Saxe. Je me centrerai plus précisément sur les conditions de réalisation et l’iconographie du retable, en mentionnant ce qui paraît important pour le situer dans son contexte.

 

          Notons d’abord que, chose assez rare, on connaît de façon assez exacte le montant du retable : 220 gulden (florins), ce qui n’était pas trop cher payé, l’atelier Cranach semblant avoir pratiqué des prix relativement modérés, eu égard à sa réputation ; c’était sans doute une stratégie commerciale pour s’assurer un grand nombre de commandes, Cranach faisant preuve tout au long de sa carrière d’un solide sens commercial. Mais si l’on considère que le salaire annuel d’un bon maître-artisan était au mieux de 50 gulden et que, l’année de son installation en tant que peintre de l’électeur de Saxe, en 1505, Cranach reçut 100 gulden, ce qui en faisait un des artistes les mieux payés de l’époque en Allemagne, on voit que la petite ville était confrontée à une forte dépense. Or la municipalité y a très peu participé en tant que telle : en dehors de quelques dons relativement minimes, le retable a été payé dans sa quasi- totalité par trois bourgeois fortunés, souvent membres du Conseil de la ville, et par un prêtre, lui-même issu d’une vieille famille patricienne. Il s’agit donc clairement d’un achat de prestige, la ville profitant évidemment du renom de l’artiste, à la réputation justifiée de novateur, les acquéreurs pour leur part espérant ainsi s’assurer une place privilégiée dans l’au-delà, le don d’une « image » cultuelle, d’un vitrail ou d’une chapelle étant considéré à l’époque comme une « bonne œuvre » dans le cadre de la théologie médiévale des œuvres. Le retable de Cranach apparaît ainsi comme le centre symbolique d’une communauté strictement hiérarchisée, où épitaphes, portraits et pierres tombales rappelaient le souvenir des autorités ecclésiales, prêtres, puis pasteurs (leurs tombes occupant les places les plus proches du maître-autel), et des principaux représentants des autorités civiles comme la distribution des bancs indiquaient les rangs sociaux des vivants, et ce jusqu’au début du XIXe siècle.

 

          Ce retable est à plus d’un égard un témoin important de l’art de Cranach dans son contexte historique. En effet, il s’agit de l’œuvre la plus monumentale conservée de ses débuts en 1505 en tant que peintre de la cour de l’électeur de Saxe, mais aussi de sa première commande extérieure pour une ville autre que Wittenberg. De plus, c’est un des rares retables de l’atelier de l’artiste qui réunisse peinture et sculpture, d’une taille impressionnante (6m de large sur 7m de haut), avec des personnages en grandeur nature, ce qui, ainsi que le fait remarquer une auteure, permettait au spectateur debout devant l’autel de s’identifier à ceux-ci, mais s’il s’éloignait, l’ensemble monumental, largement rehaussé d’or, le plaçait dans un monde imaginaire, celui du sacré. Pour ce faire, Cranach s’est inspiré notamment de différentes gravures de Dürer, mais en changeant la position de certains personnages (bourreau dans La décapitation de saint Jean-Baptiste, intercesseurs dans Le Jugement dernier de la prédelle), de façon à ce qu’ils regardent le spectateur. On notera aussi que c’est le seul retable de cette époque qui présente un fond de nature dans certains de ces volets, ce qui contribue au « réalisme » de l’ensemble.

 

          Le retable se présente de façon assez classique sous la forme d’un triptyque à prédelle peinte et couronnement sculpté. Dans son état fermé, deux panneaux centraux peints, représentant les adieux du Christ à sa mère, en continuité, sont légèrement plus haut que les panneaux latéraux, qui montrent, à gauche, le Baptiste en prédicateur, avec l’Agneau portant la bannière de l’Église et, à droite, saint Simon et saint Jude. Une fois ouvert, les panneaux latéraux représentent, à gauche, le Baptême du Christ et, à droite, la décapitation du Baptiste, alors que le panneau central sculpté présente les effigies de ce dernier au centre, de Simon à gauche ainsi que Jude Thaddée à droite. Jean-Baptiste était le patron de l’église et Simon et Jude ceux de l’église-mère de Neunhofen, qui avait autorité sur l’église paroissiale de Neustadt jusqu’à son détachement en 1527-1528, à l’issue de la consolidation de l’introduction de la Réforme par l’électeur Jean le Constant. De part et d’autre du triptyque se trouvent les statues de saint Georges à gauche et saint Florian à droite, en tant que « gardiens » du retable, alors que le couronnement, très ouvragé, s’orne de statues de saint Martin, patron de l’archevêché de Mayence, dont dépendait jusqu’à la Réforme la région de l’Orla, entouré des saintes Catherine et Barbe et, plus haut, au-dessus de saint Martin, la Trinité de sainte Anne. Enfin la prédelle représente un Jugement dernier assez classique à première vue, avec  la  Vierge et le Baptiste en intercesseurs.

 

          Malgré son aspect peu original à première vue, le retable présente en réalité certains éléments assez peu courants. Pour évoquer d’abord les sculptures, si celles du couronnement corroborent simplement la prédilection de la fin du Moyen Âge pour la représentation de ces jeunes saintes et la vogue, plus récente, du culte de sainte Anne, particulièrement actif en Saxe dans le district minier d’Annaberg, l’idée de placer des « gardiens » de part et d’autre du retable est assez rare, d’autant plus qu’on ne voit pas à première vue ce que viennent faire là saint Georges et saint Florian. En fait, il s’agit très probablement de portraits de l’électeur Frédéric le Sage et de son successeur déjà désigné à l’époque, Jean le Constant ; le choix de saint Georges, patron de la noblesse, s’explique ainsi, mais celui de saint Florian est moins évident, dans la mesure où son culte n’était guère développé qu’en Autriche, en Bavière et en Pologne ; serait-ce parce que selon une des légendes le concernant, il aurait été un chef militaire romain ? Toujours est-il que les trois groupes de sculptures (« gardiens », statues du couronnement et statues du panneau central) paraissent bien être de trois mains différentes et l’auteur de la contribution sur ce sujet montre bien que leur provenance reste inconnue, même si certaines statues s’inspirent de gravures de Cranach. En tant que maître d’œuvre, celui-ci a dû sous-traiter tout ce qui était sculpture, sans qu’on puisse aller  plus loin, d’autant plus que peu de sculpteurs sont repérables en Saxe et en Thuringe à l’époque.

 

          Les portraits, cette fois très reconnaissables, des deux princes précités se retrouvent dans la Décapitation de saint Jean-Baptiste, ce qui souligne la volonté des autorités municipales de se mettre sous la protection des princes les plus puissants d’Allemagne centrale. Mais les aspects les plus intéressants de l’iconographie du retable concernent la prédelle et le panneau central peint. En effet, on relève des variantes curieuses dans la représentation habituellement assez stéréotypée du Jugement dernier : au lieu des saints et saintes habituellement figurés dans les nuées, on trouve des personnages bien terrestres, les anges à la trompette habituels sont remplacés par des têtes de putti et surtout on ne trouve pas de tombes en train de s’ouvrir, comme c’est normalement le cas entre le groupe des élus et celui des réprouvés. En fait, selon l’auteur de la communication et au terme d’une démonstration assez convaincante, il pourrait s’agir de la mise en image d’une question théologique déjà débattue dans les années avant la Réforme, celle de la prédestination ; or c’est le maître de Luther, Johann von Staupitz, qui a le plus développé ce thème, annonçant ainsi la justification par la foi luthérienne. Les élus et les réprouvés le seraient donc dès avant leur vie terrestre, mais la foi est alors conçue comme don de Dieu, d’où ces modifications de l’imagerie. Cela paraît d’autant plus convaincant que Staupitz était jusqu’en 1512 professeur à l’université de Wittenberg, où Luther lui succéda. Dans une petite ville comme Wittenberg, il est évident que Cranach connaissait les deux théologiens et devait sans doute prendre conseil auprès d’eux, bien avant sa collaboration officielle avec Luther à partir de 1520.

 

          Le fait que ces particularités de la prédelle aient pu être influencées par les conceptions de Staupitz paraît d’autant plus probable qu’il faut considérer maintenant Les adieux du Christ à sa mère du panneau central, en retenant d’emblée qu’il s’agit d’une scène assez rarement représentée sur un retable et quand c’est le cas, elle se trouve sur un panneau latéral, le centre étant le plus souvent dévolu à une Crucifixion (on pense d’ailleurs qu’il a pu y avoir à l’origine une grande croix ou un crucifix dressé devant l’autel). Or on dispose de la transcription d’une série de sermons que Staupitz a tenus en mars 1512 à Salzbourg, le premier étant consacré à ce thème. Dans la mesure où Marie est déchirée entre son amour filial et l’obéissance à son fils divin, qui la convainc qu’il doit partir vers son destin, la prédestination dont elle fait l’objet ne s’applique pas seulement au fait qu’elle ait conçu sans péché, mais aussi à ce qu’acceptant le verdict divin, elle peut goûter la « douceur divine », selon les mots de Staupitz. La créature peut donc surmonter sa nature pécheresse par la grâce de Dieu, thématique qui sera celle de Luther. Ainsi cette image est clairement une image de dévotion, un appel aux sentiments du spectateur pour qu’il mette son âme en état de recevoir la grâce divine, invite qui au-delà de Staupitz peut renvoyer aux formulations mystiques d’un texte anonyme du XIVe siècle, la Theologia deutsch, assez répandu à l’époque chez certains clercs et que Luther éditera quelques années plus tard.

 

          Ajoutons que le dernier texte du recueil, qui ne traite qu’indirectement du retable, est consacré aux recherches sur Cranach « à l’ère de l’internet ». Il présente divers sites intéressants sur le sujet, notamment celui dont l’auteur de l’article est l’initiateur, porté par la Bibliothèque universitaire de l’Université de Heidelberg et intitulé cranach.net, tout un programme pour de futures recherches sur cet artiste.

 

 

Inhalt

 

Vorwort, 9

 

Werner Greiling

Luther und Legenden? Die Reformationszeit in der

Erinnerungskultur von Neustadt an der Orla,13

 

Volker Leppin

Martin Luther und Thüringen, 43

 

Enno Bünz

Die Bürger von Neustadt an der Orla und ihre Kirchen am

Vorabend der Reformation, 59

 

Rainer Müller

Die Stadtkirche St. Johannis in Neustadt an der Orla.

Bemerkungen zur Baugeschichte und Baugestalt, 101

 

Ronny Schwalbe

Kirchenmusikalische Praxis in Neustadt an der Orla im

Zeitalter der Reformation, 123

 

Alexander Krünes

Stadtbürger kaufen Kunst. Zu den wirtschaftlichen

Voraussetzungen für den Erwerb des Cranach-Altars, 147

 

Hans-Peter Hasse

Luthers Visitationsreise in Thüringen im August 1524:

Jena – Kahla – Neustadt an der Orla –

Orlamünde, 169

 

Alexander Krünes

Anmerkungen zur frühen Reformation in Neustadt an der Orla, 203

 

Joachim Bauer

Landesherrschaft und Reformation. Die ersten Visitationen

im Saale-Orla-Raum, 219

 

Armin Kohnle

Der Neustädter Superintendent Konrad Limmer (1522–1592)

in den theologischen Konflikten seiner Zeit,  233

 

Uwe Schirmer

Die Ausbreitung der Reformation im Spiegel serieller Quellen.

Beobachtungen aus dem thüringisch-osterländischen

Raum (1517–1525), 247

 

Georg Schmidt

Die ernestinisch-thüringische Alternative: wahres Luthertum

und offensive Politik , 269

 

Stefan Dornheim

Der Kirchenraum als Erinnerungsraum. St. Johannis und

das vormoderne Gedächtnis der Stadt, 285

 

Josef Pilvousek

„Et introibo ad altare Dei, ad Deum qui lætificat juventutem

meam.“ (Ps. 43,4). Der Altar als Opfer- und Mahlstätte in

Spätmittelalter und Reformation, 309

 

Elke Anna Werner

Der Wert der Kunst. Der Neustädter Altar und Cranachs

Anfänge als Maler-Unternehmer, 321

 

Matthias Weniger

Die Bildwerke des Neustädter Hochaltars, 341

 

Michael Hoff

Frömmigkeitsbilder auf dem Altar: Zur Ikonologie der

Außenansicht von Cranachs Neustädter Retabel,  365

 

David Wagner

Der „Abschied Jesu von den Seinen“ auf der Werktagsseite

des Neustädter Cranach-Altars. Predigt zum Festgottesdienst

anlässlich des 500. Jubiläums der Altarweihe, 387

 

Sabine Maier

Die Muster der Bildgenerierung in der Wittenberger

Cranach-Werkstatt. Kunsttechnologische Erkenntnisse

zum Neustädter Altar,  393

 

Andreas Tacke

Aus einem Stamm. Zum Ende einer Kontroverse über die konfessionelle Ausrichtung der Cranach-d.-Ä.-Werkstatt nach 1517,  417

 

Michael Hofbauer Cranach-Forschung im Zeit alter des Internet,  427

 

Alexander Krünes

Quellen zur Finanzierung und zu m Kauf des Cranach-Altars , 445

a.) Quellenerläuterung,  445

b.) Quellenübersicht, 457

c.) Quellenedition, 464

 

Ronny Schwalbe

Bibliographie zum Neustädter Cranach-Altar, 477

Farbabbildungsteil, 481

Abkürzungsverzeichnis, 513

Abbildungsnachweis, 515

Ortsregister, 517

Personenregister, 520

Verzeichnis der Autoren, 526