Stewart, Andrew : Art in the Hellenistic World. An Introduction. 371 pages, 254 x 177 x 18 mm, 39 b/w illus. 131 colour illus. 3 maps , isbn: 9781107625921, £19.99
(Cambridge University Press, Cambridge 2014)
 
Rezension von Vasiliki Machaira, Académie d’Athènes
 
Anzahl Wörter : 1910 Wörter
Online publiziert am 2015-10-29
Zitat: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2507
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          Modifiant le titre du manuel de J. J. Pollitt, Art in the Hellenistic Age (1986), A. Stewart (University of California at Berkeley) se lance, trente ans après, dans l'aventure de traiter de l'art du monde hellénistique[1]. En guise d’introduction, S. met en exergue les particularités de l'art dans les différentes unités du monde hellénistique dans son immense étendue. Après une première étape marquée par le gros volume de Bieber, Hellenistic Sculpture dans les années 1950, mis à jour par Smith en 1991 et élargi par les trois volumes de Ridgway dans les années 1990-2002, on voit paraître des approches plus amples concernant l'art dans son sens le plus large. Ainsi S., chez le même éditeur que Pollitt, comme Ridgway aussi, traite de ces trois siècles avant J.-C.

 

          Dans son Introduction (p. 1-25), l'auteur tente de préciser et d'éclairer les caractéristiques propres de la période hellénistique et, par conséquent, de l'art durant cette période. Il fait preuve d'une connaissance en profondeur des questions liées à la floraison des sciences, des lettres et des arts dans les différentes parties de ces royaumes étendus issus des conquêtes d'Alexandre le Grand.

 

          La distribution des chapitres est assez originale : l'auteur donne l'impression de prendre appui essentiellement sur la sculpture et l'art de la mosaïque, sans ignorer du tout les arts mineurs. En fait, la pensée de S. se déploie en de nombreux chapitres qui couvrent les diverses manifestations : douze chapitres, deux focus et deux appendices (voir la table des matières à la fin). Il recourt à des notions abstraites, telles que Power, Luxury ou Wisdom pour désigner l'architecture ou l'art du portrait ou la façon d'afficher le pouvoir de la part des princes hellénistiques. Dans des « boîtes » (Box), des cadres au fond diversement coloré, S. explique des notions, comme p. ex. le baroque (p. 17-18, Box 1, Classicism and the Baroque) ou cite un poème inspiré d'une œuvre de l'Antiquité (p. 81, Box 3: Lord Byron), ou donne des précisions concernant la circulation des monnaies (p. 23 et 24). Nous avons rencontré ce type de maquette plus abondamment utilisé chez F. Queyrel, L'Autel de Pergame, Paris 2005.

 

          S. se concentre sur deux points essentiels, Focus I. L'Autel de Pergame et Focus II. Les mosaïques hellénistiques. En tête des quatre premiers chapitres, S. résume le fait que l'art du pouvoir a été profondément transformé par Alexandre le Grand dans le dernier quart du IVe siècle av. J.-C.  En témoignent les habitations (p. 26-43), l’affirmation du pouvoir (p. 44-46) et la célébration de la victoire (p. 67-85). Dans ce cadre du pouvoir s'inscrit la bienfaisance (Chapitre 4. Benefaction), en tant que manifestation de la force (p. 86-104). La diplomatie hellénistique est largement nourrie par ce type de bienfaisance, ou euergésia. Le Focus I, sur l'Autel de Pergame, résume les sujets discutés dans ces quatre premiers chapitres.

 

          Dans le Ve chapitre, sous le titre Prowess d'Alexandre le Grand et des diadoques, sont prises en considération les statues des héros d'une part (p. 116-123), des athlètes d'autre part (p. 124-132).

 

          Le VIe chapitre, sous le titre Wisdom, réunit d’un côté des représentations de savants, de poètes et de philosophes (p. 134-149), et de l’autre des représentations d’hommes politiques et d’orateurs (p. 149-153).

 

          En ce qui concerne la piété (Piety), l'auteur inclut les sanctuaires, temples et autels (p. 156-161), mais également les images de culte (p. 161-168), les ex-voto (p. 168-173) et le culte des souverains (p. 173-176), dans la mesure où tout cela est compris comme marque de piété et objet de culte en commun.

 

          Vient ensuite le désir qui, lui, est limité à l'image d'Aphrodite connue comme la cnidienne (p. 177-180), ses successeurs hellénistiques (p. 180-185) ainsi que les enfants de l'amour, comme Éros et Hermaphrodite (p. 186-191). S. conclut ce chapitre avec les représentations des groupes érotiques, quintessence du rococo hellénistique récent, faisant allusion aux figures en relief sur les miroirs à boîte en bronze, qui datent de périodes antérieures (p. 192-195).

 

          Le luxe (Chapitre IX), dont le goût est hérité de l'Orient, peut être retrouvé dans la façon de vivre à l'époque hellénistique et dans les palais ou les demeures luxueuses (p. 213-215) ainsi que dans certaines habitudes bien distinctes : celle de manger et de boire pour les hommes d’une part (p. 215-220) et celle de l’usage des objets et bijoux précieux pour les femmes d'autre part (p. 221-226).

 

          Le Xe chapitre, très instructif pour l'époque hellénistique, présente les personnages, loin de l'idéal, au point de devenir parfois des grotesques, de l’Underclass (p. 233-239). C’est une innovation dans l’esprit grec au même titre que les rois. Dans ce cadre, l'auteur intègre les Romains, comme s'il s'agissait de personnages marginaux (p. 239-244).

 

          Arrivant à la mort (Chapitre XI), S. donne la priorité à la Macédoine et à la mer Égée (p. 246-254) prenant en compte plutôt les cités micrasiatiques que les îles ; il est étonnant que même Rhénée, dont les monuments funéraires sont bien connus et suffisamment publiés, n’y soit pas représentée. Sur les figurines en terre cuite, les Tanagréennes, qu’il surnomme des Tanagrettes, S. conclut à une diffusion panhellénique (p. 254-258). Mais ces figurines sont-elles uniquement liées à la mort ? Un grand nombre vient des sanctuaires, comme p. ex. de l'Artémision de Thasos pour ne citer que le plus connu, et des maisons ; les fouilles récentes en fournissent de plus en plus la preuve.

 

          Ensuite, S. aborde la question de l'hellénisation, la divisant en deux suivant son expansion géographique d’abord vers le Sud et ensuite vers l’Est : I) la Phénicie, Alexandrie et l'Égypte (p. 258-262) ; II) la Judée, Pétra et la plus lointaine Commagène (p. 262-267). L'ensemble repose sur un fond historique.

 

          Dans le chapitre XII, que l'auteur intitule Réception (p. 268-283), il cherche des analogies entre la poésie alexandrine et l’art funéraire hellénistique ou la rhétorique et le baroque, plutôt asiatique. Il s'agit en effet d’un jeu de va-et-vient entre poésie ou prose et art pictural (les peintures murales de Pompéi) qui fait directement allusion aux idylles, ou à des tableaux vivants transmis par des poètes. L'auteur décrit plus en détail les merveilles d'Alexandrie dans l'appendice B (p. 294-300), suivant le récit d'Athénée.

 

          Dans l'appendice A (p. 285-293), S. pose le problème des artistes, sculpteurs, peintres et architectes, faisant le rapport entre les sources écrites sur le sujet et les œuvres conservées jusqu'à nos jours, parfois sans lien avec un artiste de renom. Il aborde ensuite la question des ateliers, des signatures des artisans, sans oublier les ateliers des artistes grecs actifs à Rome.

 

          Un glossaire des mots grecs et latins est très utile pour le grand public. Il est suivi d'un schéma chronologique pour que le lecteur puisse suivre les grands événements de cette période troublée (p. 307-310). Les schémas biographiques (p. 311-320) comprennent des rubriques concernant les princes hellénistiques, les rois, des artistes, des personnages politiques et même des auteurs antiques dans une énumération unique sans distinctions. La carte 1 (p. 9) donne l'idée du territoire en question. L'index unique (p. 349-357) est enfin très utile et facilement maniable.

 

          Sa bibliographie, forcément très sélective (p. 321-331), ne comprend, à quelques exceptions près, que la bibliographie anglophone. On peut s’étonner, pourtant, de l'absence du catalogue de la grande exposition présentée à Berlin en 2011-2012 au Musée de Pergame, Pergamon. Panorama der antiken Metropole, sous la direction d'Andreas Scholl, conçu et organisé par Ralf Grüßinger et Volker Kästner ; de même, la grande exposition au Louvre Au royaume d'Alexandre le Grand. La Macédoine antique, sous la direction de Sophie Descamps-Lequime, présentée en 2011 à Paris, et enfin l’exposition plus large d’un point de vue thématique, s'adressant à un public plus varié, intitulée The immortal Alexander the Great. The myth, the reality, his journey, his legacy, présentée au musée de l’Ermitage d’Amsterdam en 2010.

 

          Deux omissions regrettables : le livre Haus und Stadt (1994, seconde édition) par Wolfram Hoepfner et Ernst-Ludwig Schwandner (d'où est extraite l'illustration p. 30, fig. 12 : cf. p. 342 pour les crédits photographiques) et le volume collectif Basileia. Die Paläste der hellenistischen Könige (1996, actes du colloque qui a eu lieu à Berlin en décembre 1992), où, sous la direction de Wolfram Hoepfner et Gunnar Brands, sont réunis des articles concernant les palais ou les demeures luxueuses de plusieurs cités de l'empire fondées par Alexandre le Grand, si actives et florissantes pendant la période hellénistique. La bibliographie allemande serait-elle trop érudite pour le grand public ou l'auteur s'adresse-t-il simplement à un grand public essentiellement anglophone ? Ajoutons encore les manuels récents de Marie-Christine Hellmann, L'architecture grecque, surtout les volumes 2. Architecture religieuse et funéraire (2006) et 3. Habitat, urbanisme et fortifications (2010). Pour les artistes manque, entre autres, l'article de Georges Despinis, « Studien zur hellenistischen Plastik I », MDAI(A) 1995, p. 321-372, à côté des contributions de Goodlett [p. 331 (Appendix A. The Artist)] ; concernant E. E. Rice, dans la même rubrique, manque la référence au BSA 81, 1986, p. 209-250.

 

          Avec une bibliographie très limitée – mais pas à l'essentiel –, presque exclusivement en langue anglaise, et des légendes d’images comportant des explications suffisantes[2], nous nous demandons à quel public ce livre peut s'adresser. Serait-ce aux historiens d'art ainsi qu’aux étudiants en histoire de l'art ? Mais ce livre très inspiré présuppose d'emblée une connaissance profonde de cette période ; sans cette connaissance de base, on se demande comment le lecteur peut apprécier et comprendre de manière méthodique les images accompagnant le développement des notions qui servent de chapitres.

 

          À vrai dire, ce livre très compliqué à suivre est produit par un grand connaisseur de la période hellénistique qui essaie de mettre en rapport les sources écrites, l'art et la topographie ainsi que la géographie de la période. On a l’impression qu'il s'agit en fait d'un condensé issu des recherches de S. et de sa connaissance profonde de la période, ce qui impose sans doute une présentation sélective des œuvres et des courants sans éviter les généralités. Faisant preuve d'une maîtrise et d'une ingéniosité remarquables, S. réussit dans les 300 pages de son manuel à présenter la multiplicité et l'étendue de la période hellénistique dans les trois continents jusqu'au Moyen-Orient. Il ne s'agit toutefois que d'un overview  très général.

 

          Les divisions de la Table des matières nous semblent intéressantes, tendant à démontrer l'originalité de cette approche de la période hellénistique et à mettre ainsi en valeur les différents domaines de l'art et du cadre historique qui sont traités.

 


[1] G. Shipley, The Greek World after Alexander, 323–30 B.C., New York, Routledge, 2000.

[2] Pour une documentation analogue dans les légendes des planches et des figures, cf. la série sous la direction de P. C. Bol, Die Geschichte der antiken Bildhauerkunst. Hellenistische Plastik (t. III, Mainz am Rhein 2007). Cependant, dans ce manuel, la documentation bibliographique est limitée aux légendes des illustrations. Il nous semble indispensable de prendre en considération le compte rendu de B. Holtzmann dans Topoi 17.2 (2011), p. 529-546.

 

 

 

Table des matières

 

Introduction, 1-25

 

1. Settlement, 26-43

2. Power, 44-66

3. Victory, 67-85

4. Benefaction, 86-104

 

Focus I: The Great Altar of Pergamon, 105-113

 

5. Prowess, 114-132

6. Wisdom, 133-153

7. Piety, 154-176

8. Desire, 177-195

 

Focus II: Hellenistic Mosaics, 197-205

 

9. Luxury, 206-226

10. Difference, 227-244

11. Death, 245-267

12. Reception, 268-283

 

Appendix A. The Artist, 285-293

Appendix B. Kallixeinos of Rhodes on the Wonders of Alexandreia, 294-300

Glossaire, 301-306

Timeline, 307-310

Biographical sketches, 311-320

Select bibliography and further reading, 321-331

References, 332-340

Sources of illustrations, 341-347