Bouffier, Sophie - Hermary, Antoine (dir.): L’Occident grec de Marseille à Mégara Hyblaea. Hommages à Henri Tréziny, 296 p. - (Bibliothèque d’archéologie méditerranéenne et africaine ; 13). ISBN 978-2-87772-553-8, 39 €
(Éditions Errance, Arles / Centre Camille Jullian, Aix-en-Provence 2013)
 
Compte rendu par Maria Paola Castiglioni, Université Pierre Mendès France, Grenoble
 
Nombre de mots : 3752 mots
Publié en ligne le 2015-03-19
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2521
Lien pour commander ce livre
 
 

 

          Ce volume  d’hommages à Henri Tréziny édité par Sophie Bouffier et Antoine Hermary en 2013 dans la collection « Bibliothèque d’Archéologie méditerranéenne et africaine » (BiAMA) réunit vingt-deux contributions qui s’articulent autour des terrains de prédilection et des centres d’intérêt qu’Henri Tréziny a développés pendant son parcours scientifique, d’abord en Italie méridionale et en Sicile, notamment à partir de son séjour comme membre à l’École française de Rome (1977-1980), et ensuite au Centre Camille Jullian (CNRS).

 

         Précédé par une préface des curateurs qui retrace les principales étapes de la formation et de la carrière de ce normalien agrégé de Lettres Classiques qui se tourna à partir de la fin des années soixante vers l’archéologie de régions considérées à cette époque comme marginales, Marseille et l’Italie méridionale, ainsi que par la bibliographie d’Henri Tréziny, l’ouvrage est organisé en trois sections, qui donnent à cette entreprise un caractère structuré et cohérent : la première, intitulée « Marseille et le réseau phocéen » et la dernière, « Mégara Hyblaea et la Sicile », regroupent chacune neuf articles ; la deuxième, « Architecture et Urbanisme », rassemble en revanche quatre articles.

 

         Le premier volet s’ouvre avec la contribution d’Ömer Özyiğit (« Phocaean Horse and Griffon Protomes »), la seule en langue anglaise, qui concerne non pas l’Occident grec, mais la métropole de Marseille, Phocée, et tout particulièrement la découverte, en 2005 et 2006, à l’ouest du temple d’Athéna, de protomés en tuf en forme de griffon et de cheval datables du début du VIe s. av. J.-C. qui devaient vraisemblablement faire partie de la décoration du mur de la cella de ce temple. Le choix des griffons, attesté aussi dans d’autres centres archaïques, ne paraît pas anodin à Phocée, qui frappe ses premières monnaies en électrum avec l’effigie de cet animal fantastique, image monétaire qui se caractérise par ailleurs par des ressemblances étonnantes avec les profils des protomés. Selon l’auteur, le style des têtes des griffons s’inspirerait directement des exemples en bronze du milieu du VIIe, à leur tour fortement influencés par les modèles hittites.

 

         Avec l’article de Xavier Delestre (« À la découverte de Marseille grecque »),  le lecteur est conduit à se confronter avec le caractère extraordinaire de la fouille urbaine marseillaise, avec le cas exemplaire du chantier de la Bourse, dont H. Tréziny fut l’un des principaux animateurs. Suit une présentation synthétique des résultats des dernières campagnes (2005, collège du Vieux Port ; 2007, îlot Saint Martin), qui ont permis d’éclairer davantage la physionomie de l’urbanisme de Marseille grecque. Manuel Moliner (« La terre des ancêtres : à propos des nécropoles antiques de Marseille ») complète le tableau en dressant un riche bilan sur l’archéologie funéraire à Marseille pour les époques grecque et romaine, et en y intégrant les dernières découvertes, dont une partie encore inédite. Si les données funéraires concernant l’époque archaïque sont malheureusement très pauvres, des témoignages plus riches pour la période classique (enclos funéraire de la Bourse, tombes implantées dans l’ancien vallon Saint-Martin, nécropole de Saint-Mauront, etc.) permettent de définir un paysage funéraire suburbain plus complet. La période hellénistique se caractérisa quant à elle par des implantations plus dispersées, avec de nouveaux sites, jusqu’à une brusque interruption au cours des IIIe et IIe s. av. J.-C. L’époque romaine connut enfin une multiplication des sites funéraires (« auréole funéraire » qui se dessine autour de la ville) et un souci d’occupation intensive du terrain. Le passage à la période chrétienne marqua une continuité dans la densité d’occupation et, parallèlement, le début des sépultures intra-muros (groupe épiscopal situé sous la Vieille Major), qui témoignent d’un tournant culturel important dans l’histoire de la cité.

 

         Le panorama sur l’occupation du territoire marseillais est parachevé par une trilogie sur les découvertes du chantier d’archéologie préventive de l’Alcazar, à l’est de l’espace urbain de Marseille antique. La première contribution, signée par Marc Bouiron (« Ainsi la main humaine a introduit la mer dans la terre… »), est consacrée aux carrières d’argile qui ont été découvertes sur ce site. Ces carrières, d’une surface de 4000 m2, ont été exploitées entre le milieu du VIe s. et le début du Ve s. av. J.-C. L’estimation du volume d’argile extrait (au moins 204 400 m3) en moins d’un demi-siècle conduit l’auteur à supposer que cette terre a été utilisée non seulement par les potiers (notamment pour la production d’amphores massaliètes, documentée pour le dernier tiers du VIe s., et pour la vaisselle de table en pâte claire), mais aussi pour la réalisation de briques en adobe, probablement destinées à l’élévation de l’enceinte et à la construction domestique (murs et sols). La phase d’extraction documentée par les carrières de l’Alcazar ne constituait que la première étape d’une chaîne de travail plus longue et complexe qui prévoyait la fabrication des briques (et donc la disponibilité d’espaces destinés au séchage) et l’acheminement de ce matériel dans des entrepôts et, finalement, dans les lieux d’utilisation. En ce sens, la découverte de ces carrières, qui devaient employer une part notable de la population, a un impact essentiel dans la définition du dynamisme artisanal de la Marseille archaïque.

 

         Une découverte effectuée lors des fouilles de l’Alcazar, un bloc de calcaire blanc avec des graffiti, fait l’objet des articles d’Antoine Hermary (« Le premier Marseillais ? Un graffito des fouilles d’Alcazar ») et de Patrice Pomey (« Les graffiti navals de l’Alcazar à Marseille : des pentécontores phocéennes ? »). L’article de P. Pomey, qui aurait pu plus logiquement figurer avant celui d’A. Hermary, explique le contexte de la découverte de ces graffiti du VIe s., donne une description détaillée du bloc et étudie tout particulièrement deux graffiti navals, probablement de la même main, figurant des navires longs de combat datables entre 550 et 510 av. J.-C., peut-être des pentécontores phocéennes, célébrées dans l’Antiquité pour leur capacité. Le même bloc comportait également un graffito représentant une silhouette masculine dont on distingue plus nettement le profil de la tête barbue et que des prises de vue réalisées en 2010 ont permis à A. Hermary de mieux étudier. La comparaison stylistique avec des exemples grecs archaïques lui permet de proposer une datation probable au VIe s.. Ce graffito, qui serait donc contemporain de ceux des deux navires, serait alors la plus ancienne représentation d’un visage humain à Massalia.

 

         Un casque corinthien exhumé il y a deux siècles dans l’arrière-pays provençal, aux Baux-de-Provence, est au centre de l’hommage de Dominique Garcia (« Le casque corinthien des Baux-de-Provence ») : cet exemplaire exceptionnel, malheureusement isolé de son contexte d’origine, mais qui connaît un parallèle à Delphes, est daté par l’auteur du deuxième quart du VIe s. et constitue un cas rare de présence d’une pièce d’armement grec en contexte celtique.

 

         La première section de l’ouvrage se termine avec deux articles sur la Péninsule ibérique, région qui connut des rapports privilégiés avec les Phocéens. Dans le premier, Rosa Plana-Mallart (« Le fait urbain sur le littoral oriental de la Péninsule ibérique (VIe-IIe s. av. J.-C.) ») considère la question de la typologie et de la hiérarchie du peuplement sur le littoral oriental de la Péninsule ibérique. À partir du VIe (mais surtout au Ve et IVe) s., la Péninsule ibérique connut en effet le développement d’un petit nombre de vastes agglomérations au centre de réseaux d’établissements secondaires: Ullastret dans la partie septentrionale de la côte catalane, Burriac, dans la partie centrale, et Tarragone, dans la partie méridionale. Le développement de ces centres était principalement lié à leur rôle d’intermédiaires entre l’arrière-pays, dont ils drainaient les ressources agricoles grâce à leur proximité avec les vallées fluviales, et les colonies grecques du littoral, avec lesquelles ils étaient en contact direct. Leur insertion dans les circuits commerciaux régionaux et méditerranéens (témoignée par une grande quantité d’objets d’importation), le contrôle renforcé des voies de communication et des espaces agricoles ont ainsi favorisé le développement des structures urbaines, avec trames urbaines et îlots d’habitation, canalisations, citernes, édifices à caractère religieux et fortifications et, parallèlement, l’émergence d’une élite sociale. Le centre grec qui a eu le plus fort impact sur ce processus, notamment à Ullastret, a été sans aucun doute Emporion, auquel est consacrée la contribution en espagnol de Marta Santos, Père Castanyer et Joaquim Tremoleda (« Emporion arcaica : los ritmos y las fisonomías de los dos establecimientos originarios, a partir de los últimos datos arqueológicos ») qui livrent les résultats des fouilles récentes ayant permis de mieux comprendre les phases les plus anciennes de l’occupation du site (VIe s.). Les découvertes effectuées à Sant Martí d’Empúries ont confirmé le caractère originairement emporique de l’établissement, comme du reste l’indique son toponyme. À une première présence indigène plutôt stable et consistante, attestée à partir de la fin du IIe millénaire et confirmée au VIIe s.  par une exploitation agricole plus étendue du territoire environnant, ainsi que par une intensification des échanges avec le monde phénicien, étrusque et grec, surtout massaliote, fit suite, lors du second quart du VIe s., une rupture due à l’installation effective et permanente de commerçants phocéens et donc à la création d’une enclave emporique (avec augmentation du matériel d’importation et nouvelle organisation de l’espace urbain, introduction de nouvelles techniques de construction, début d’une production céramique liée, par la technologie et le répertoire figuré, à la production phocéenne occidentale). Ces changements n’empêchèrent cependant pas la persistance de nombreux éléments indigènes. San Martí présente donc une réalité culturellement mixte, liée à la nature emporique de l’établissement, avec ses activités commerciale et artisanale, où le rôle de la population autochtone restait essentiel. Les fouilles conduites à partir de 2005 à Néapolis livrent en revanche pour ce site une physionomie différente : les données, plus récentes (troisième quart VIe- début du Ve s.) donnent l’image d’un noyau caractérisé par l’implantation de nouveaux espaces d’habitation, de structures liées à la production artisanale, et de bâtiments ayant une fonction cultuelle. Le tout avec une identité plus nettement coloniale que l’étude en cours du matériel permettra de mieux définir.

 

         La section sur l’architecture et l’urbanisme s’ouvre avec la contribution de Michel Bats (« L’oikopédon-standard de la colonie massaliète d’Olbia de Provence (vers 325 av. J.-C.) ») qui, en partant du concept de l’oikopédon-standard de Mégara Hyblaea, s’interroge sur le système d’axes orthogonaux, avec des îlots prédéfinis avec des lots à leur intérieur, utilisé à Olbia de Provence. En calculant l’extension de l’oikopédon-standard et l’organisation  des lots avec leur prédéfinition architecturale (maisons à pastas), il suppose que, lors de la fondation d’Olbia de Provence, le plan aurait été pensé avant la distribution des lots aux colons et, en suggérant une comparaison avec le modèle de la clérouquie, il considère Olbia comme un épiteikhisma de Marseille.

 

         Sophie Bouffier (« Évacuer l’eau hors des murailles en Occident grec ») traite dans sa contribution la question du système d’évacuation des eaux en relation avec la présence de fortifications, obstacle potentiel pour le drainage hors des centres urbains des eaux pluviales, généralement canalisées dans des conduites conçues en relation avec le plan d’urbanisme de la ville. En partant des exemples documentés archéologiquement en Sicile (Sélinonte, Géla, Mégara Hyblaea, Agrigente), Grande Grèce (Locres) et Illyrie (Apollonia) et à travers une analyse détaillée des solutions connues, l’auteur conclut que, d’une façon générale, les fortifications tenaient compte de ce besoin d’évacuation : si la solution la plus souvent adoptée fut celle de l’écoulement des eaux par la porte, des passages de l’eau à travers le rempart furent parfois privilégiés. Dans ces cas, la solution de la sécurité (à travers des passages étroits ne permettant pas à l’ennemi d’entrer dans la ville en traversant les canalisations), l’emporta par rapport à l’efficacité de l’installation.

 

         Un autre type d’aménagement, les bâtiments avec des fonctions politiques, constitue l’objet de l’étude de Marie-Christine Hellmann (« Réflexions sur l’architecture politique en Grèce d’Occident »), qui répertorie tous les exemples connus de ekklèsiastèria, bouleutèria et prytanées dans l’Occident grec italiote et sicéliote et met l’accent sur la difficulté d’identification de ces édifices publics, liée en grande partie à la tendance des spécialistes à les ranger a priori dans une typologie architecturale, alors que l’architecture à  elle seule ne détermine pas la fonction politique d’un édifice. Seule la prise en compte d’autres constructions et le matériel associé, sans oublier les spécificités régionales, surtout en Occident, pourra faire avancer correctement la recherche.

 

         Le dernier article de cette section, de Pierre Moret (« L’abbé Fourmont, inventeur de Messène »), nous conduit loin de l’Occident grec, sur les pas des explorations effectuées en Messénie en 1730 par l’abbé Michel Fourmont. L’auteur livre quelques passages des descriptions fantaisistes et hyperboliques, pleines d’inventions et d’erreurs, laissées par ce voyageur et, dans une analyse que l’on pourrait qualifier de « psychologie rétrospective », explique les falsifications du récit de l’abbé à la lumière de la biographie et des psychoses de ce personnage singulier.

 

         La section consacrée à Mégara Hyblaea et à la Sicile, chapitre central de l’expérience scientifique d’Henry Tréziny, s’ouvre avec une étude très stimulante de François Villard (« Épicharme ou la richesse de la vie culturelle à Mégara Hyblaea ») qui mêle savamment les informations documentaires sur le poète comique Épicharme, considéré comme l’un des inventeurs du genre comique au début du Ve s., et qui vécut à Mégara Hyblaea après son émigration de Cos (et avant la destruction de la ville en 483 par Gélon), et la découverte à Mégara Hyblaea d’un masque en terre-cuite. Celui-ci, de production corinthienne et datable à l’époque archaïque, a surement servi lors des premières représentations théâtrales en Sicile, dans un contexte culturel fleurissant où, à la présence d’Épicharme, Fr. Villard ajoute l’hypothèse d’un séjour à Mégara Hyblaea de Phormis, associé par Aristote à Épicharme dans l’invention de la comédie.

 

         Suivent quatre articles plus proprement archéologiques, sur des découvertes et des études récentes à Mégara Hyblaea :

 

- Lorenzo Guzzardi (« Recenti dati di scavi e prospettive di ricerca a Megara Hyblaea e nel suo comprensorio ») livre les résultats des fouilles effectuées entre 2006 et 2008 sur l’île de Forte Vittoria et sur le site du phare, où ont été retrouvées des traces d’occupation préhistorique remontant à l’époque néolithique (trous de poteaux, fragments céramiques et lithiques) qui laissent supposer une occupation du site bien avant la fondation coloniale. D’autres trous de poteaux, dans la zone du temple C, appartiennent en revanche à une phase plus récente : sur la base de leurs orientations, en partie correspondant au plan du temple archaïque, l’auteur propose de les identifier comme les indices d’une installation en bois qui aurait précédé la construction du  temple archaïque. On aurait ainsi un précieux témoignage de la première phase d’urbanisation de la colonie (ou alors d’un établissement qui précéda de peu l’occupation coloniale).

 

- Laurent Claquin et Claudio Capelli, (« Les braséros tripodes à Mégara Hyblaea : analyses topographiques et archéométriques ») livrent les résultats des analyses archéométriques accomplies sur les braséros retrouvés à Mégara Hyblaea, où ce genre de dispositif de cuisson mobile, datés entre la fin du VIIe s. et le début du Ve s, semble beaucoup plus représenté que les foyers permanents. Les analyses pétrographiques des pâtes effectuées sur quelques échantillons ont montré que ces objets n’étaient pas réalisés sur place, mais avaient été importés depuis la Sicile nord-orientale, la Calabre méridionale et la zone égéenne.

 

- Frédéric Mège (« Bain et hygiène en contexte privé à Mégara Hyblaea : quelques exemples de salles de bain ») étudie les vestiges des bains d’époque hellénistique repérés sur le site de l’habitat de Mégara Hyblaea (canalisation, revêtements imperméables, baignoires, etc.). La comparaison avec des exemples contemporains en Grèce, Sicile et Grande Grèce montre que les dispositifs de Mégara Hyblaea se caractérisaient par la pauvreté des décors et des moyens techniques, ce qui contraste avec la relative richesse des édifices publics, des bâtiments cultuels et des fortifications de la cité à la même période.

 

- Henri Duday, Reine-Marie Bérard et Jean-Christophe Sourisseau, (« Les vases en céramique utilisés comme réceptacles funéraires : sépultures primaires à inhumation ou dépôts secondaires à crémation ? Quelques réflexions à propos de la nécropole méridionale de Mégara Hyblaea ») livrent, dans une analyse exhaustive et fascinante, les résultats de la révision de plus de 365 vases en céramique, la plupart brisés, trouvés dans des tombes de l’époque archaïque (du dernier quart du VIIIe s. au premier quart du Ve s.). L’étude du type de sépulture et des typologies de vases utilisés pour les inhumations d’individus morts en période périnatale et pendant l’enfance (amphore ou pithos) et la crémation d’adultes ou d’adolescents (stamnos, hydrie, amphore de table, lékanè ou pyxis avec couvercle, dinos, cratère sur pied ajouré, cratère laconien) permet de jeter une lumière nouvelle sur les coutumes funéraires de la colonie grecque.

 

         Les quatre dernières contributions concernent d’autres sites siciliens : celle de Rosa Maria Albanese Procelli (« Sul deposito votivo di Monte Casale in Sicilia : dépôt archaïque ») fait une mise au point sur le dépôt votif de Monte Casale, site identifiable peut-être avec la colonie syracusaine de  Kasménai et qui connut une présence grecque probablement à partir de la fin du VIIe s. (sur la base des découvertes dans l’habitat et dans la nécropole, ainsi que de la [faible] documentation épigraphique, en langue grecque). Les objets retrouvés dans le dépôt, constitué de 266 pièces, font supposer l’existence d’un lieu de culte lié au monde de la guerre (nombreuses sont les armes de fer, dont une partie en miniature), qui aurait été fréquenté non seulement par les Grecs, mais aussi par les indigènes, en vertu de la position stratégique du sanctuaire, à la frontière entre les aires d’intérêt de Géla et Syracuse mais aussi avec l’arrière-pays indigène.

 

         Un autre sanctuaire, de type extra-urbain, à Cozzo Spolentino, dans l’arrière-pays sicane, à 1000 m d’altitude, qui domine la route entre Palerme et Agrigente, fait l’objet de l’article de Francesca Spatafora, (« Tracce di culto nell’entroterra sicano : il santuario extraurbano di Cozzo Spolentino (Palermo) » ) : l’analyse du mobilier, du IVe s., constitué de fragments de vases utilisés pour les rituels ou comme offrandes, terres cuites votives (statuettes féminines), petits objets en pâte de verre et en bronze, pesons (24) et monnaies (8), fait dans ce cas supposer sa destination à un culte féminin, probablement à des divinités dont la sphère d’action concernait la jeunesse et la fécondité féminine.

 

         Oscar Belvedere (« Himera. Casa VI 5 : un tentativo di analisi funzionale ») et Stefano Vassallo, (« Considerazioni sul sito di Himera : gli spazi dell’abitato, l’acqua, l’argilla ») signalent deux aspects différents de la colonie d’Himère. Le premier fait une analyse fonctionnelle et planimétrique d’une maison fouillée en 1972 et occupée jusqu’à 408, date de la destruction d’Himère par les Carthaginois : la maison était structurée en une partie publique, avec des salles de réception et des parcours qui y conduisaient, et une privée, ou plutôt semi-publique. Le deuxième souligne comment la position avantageuse du point de vue commercial (situation côtière à la charnière entre l’aire du détroit et la Sicile punico-phénicienne) et agricole (plaine côtière fertile), avec une riche nappe phréatique et des fleuves permettant d’établir facilement des contacts avec l’arrière-pays indigène, ont eu une influence décisive sur le choix de l’établissement colonial d’Himère en 648 et sur son développement, autour de deux unités topographiques distinctes, avec une ville basse et une ville haute, à cause des irrégularités du terrain.

 

         Le volume se termine par une postface signée par Michel Gras, qui revient brièvement et affectueusement sur les étapes du parcours de recherche de son collègue et ami Henri Tréziny et sur son rôle de « catalyseur », à la fois sur le front sicilien et marseillais.

 

         Inutile d’ajouter que ce rôle ressort de manière très évidente dans la nature même de cet ouvrage. Réunir des hommages se révèle souvent une tâche extrêmement complexe, les curateurs devant trouver une cohérence dans un ensemble de contributions généralement hétérogène. Dans ce cas, S. Bouffier et A. Hermary ont su structurer un ensemble  homogène, lié par le caractère archéologique de la totalité des contributions, et partagé en deux blocs équilibrés et équivalents, à l’image de la carrière d’Henri Tréziny et de ses intérêts bipartis. On soulignera également le caractère international de cette publication, qui réunit les articles de chercheurs de nationalités différentes et travaillant à des projets français, italiens, espagnols et grecs. On sait que l’exploitation scientifique des hommages est parfois difficile, à cause, encore une fois, de la multitude de thèmes abordés et, en général, de leur visibilité moindre par rapport aux monographies ou aux actes de colloque, qui affichent en revanche une unité thématique. Dans ce cas, les lecteurs ont au contraire l’occasion de voir réunies des informations précieuses, qui renvoient souvent à des recherches plus approfondies en cours de réalisation mais pas encore publiées et qui permettent par conséquent de se faire une idée sur les avancées archéologiques récentes, sur le territoire de Marseille (Catalogne comprise) comme en Sicile (et à Mégara Hyblaea tout particulièrement).

 

 

 

 

Sommaire

 

Préface : Sophie BOUFFIER et Antoine HERMARY, p. 7

Bibliographie d’Henri Tréziny, p. 10

 MARSEILLE ET LE RÉSEAU PHOCÉEN

Phocaean Horse and Griffon Protomes
Omer ÖZYIGIT, p. 5

À la découverte de Marseille grecque
Xavier DELESTRE, p. 27

La terre des ancêtres : à propos des nécropoles antiques de Marseille
Manuel MOLINER, p. 35

« Ainsi la main humaine a introduit la mer dans la terre ». Réflexions sur les carrières d’argile de Marseille grecque archaïque
Marc BOUIRON, p. 57

Le premier Marseillais ? Un graffito des fouilles de l’Alcazar
Antoine HERMARY, p. 69

Les graffiti navals de l’Alcazar à Marseille : des pentécontores phocéennes ?
Patrice POMEY, p. 79

Le casque corinthien des Baux-de-Provence
Dominique GARCIA, p. 85

Le fait urbain sur le littoral oriental de la Péninsule ibérique (VIe-IIe s. av. J.-C.) : une approche de la question
Rosa PLANA-MALLART, p. 91

Emporion arcaica : los ritmos y las fisonomias de los dos establecimientos originarios .a partir de los ultimos datos arqueologicos
Marta SANTOS, Pere CASTANYER, Joaquim TREMOLEDA, p. 103

 ARCHITECTURE ET URBANISME

L’oikopédon-standard de la colonie massaliète d’Olbia de Provence (vers 325 av. J.-C.)
Michel BATS, p. 115

Évacuer l’eau hors des murailles en Occident grec
Sophie BOUFFIER, p. 121

Réflexions sur l’architecture politique en Grèce d’Occident
Marie-Christine HELLMANN, p. 137

L’abbé Fourmont, inventeur de Messène
Pierre MORET, p. 153

 MEGARA HYBLAEA ET LA SICILE

Épicharme ou la richesse de la vie culturelle à Mégara Hyblaea
François VILLARD, p. 171

Recenti dati di scavo e prospettive di ricerca a Megara Hyblaea e nel suo comprensorio
Lorenzo GUZZARDI, p. 177

Les braséros tripodes à Mégara Hyblaea : analyses typologiques et archéométriques
Laurent CLAQUIN et Claudio CAPELLI, p. 185

Bain et hygiène en contexte privé à Mégara Hyblaea : quelques exemples de salles de bain
Frédéric MÈGE, p. 203

Les vases en céramique utilisés comme réceptacles funéraires : sépultures primaires à inhumation ou dépôts secondaires à crémation ? Quelques réflexions à propos de la nécropole méridionale de Mégara Hyblaea
Henri DUDAY, Reine-Marie BÉRARD, Jean-Christophe SOURISSEAU, p. 215

Sul deposito votivo di Monte Casale in Sicilia
Rosa Maria ALBANESE PROCELLI, p. 229

Himera. Casa VI.5 : un tentativo di analisi funzionale
Oscar BELVEDERE, p. 241

Considerazioni sul sito di Himera : gli spazi dell’abitato, l’acqua, l’argilla
Stefano VASSALLO, p. 265

Tracee di culto nell’entroterra sicano : il santuario extraurbano di Cozzo Spolentino (Palermo)
Francesca SPATAFORA, p. 277

Postface : Michel GRAS, p. 295