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Compte rendu par Françoise Plateaux / des Boscs, Université de Pau et des Pays de l’Adour Nombre de mots : 3752 mots Publié en ligne le 2017-09-20 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2551 Lien pour commander ce livre
Le volume consacré à la Gaule Aquitaine par A. Bouet comprend 167 pages. Il comporte de très nombreuses illustrations, planches, photographies et cartes qui rendent son parcours agréable et accessible à différents types de lecteurs. Il est le dernier de trois volumes dédiés à la Gaule proposés par les éditions Picard.
Après une courte introduction relative aux paysages et aux limites géographiques de l’Aquitaine augustéenne qui constitue le cadre de l’ouvrage, le cœur du propos est organisé en deux grandes parties d’inégale importance.
La première, et la plus volumineuse, se focalise sur l’Aquitaine du Haut-Empire (p. 9-24) et la seconde (p. 125-152) sur l’Antiquité tardive, chacune comprenant une introduction replaçant l’évolution de l’Aquitaine dans un contexte chronologique plus large, suivie par des chapitres thématiques portant sur les villes, les campagnes, les religions et le monde des morts.
L’introduction à l’Aquitaine du Haut-Empire insiste sur l’opposition entre les grands peuples du nord de la Garonne et les petits peuples obscurs du sud de ce fleuve, davantage apparentés aux Ibères, selon les sources anciennes. Elle aborde la relative précocité de l’influence romaine qui se fait sentir, notamment sur le plan commercial, dès la fin du IIe s. av. J.-C. et a trouvé finalement son aboutissement dans la conquête de César. C’est à Octavien néanmoins qu’il est revenu de pacifier définitivement ce territoire et à Auguste de réorganiser la zone entre 16 et 13 av. J.-C., en délimitant une vaste province et en la subdivisant en cités dont les limites reprennent plus ou moins fidèlement celles des anciennes tribus (fig. 9). L’auteur rappelle ensuite les différentes marques de la domination romaine que constituent les trophées et pose (p. 20) le problème de la capitale de la province qui n’est pas encore résolu. Saintes, Poitiers ou Bordeaux ont pu jouer ce rôle avant que cette dernière ne s’impose de manière effective à la fin du IIIe s. À l’exception de sa participation à la révolte fiscale de 21 ap. J.-C, la province semble avoir joui par la suite d’une tranquillité certaine, favorable à la diffusion du droit latin, et qui paraît avoir perduré jusqu’aux premières décennies du IIIe siècle, avec les premiers raids de peuples germaniques.
Cette situation a sans conteste profité aux villes et agglomérations secondaires, dont l’étude, sur 30 pages (p. 24-54), constitue la partie la plus développée de l’ouvrage. Après avoir rappelé que certaines des capitales de cités ont été construites sur des sites neufs comme Auch, Dax, Eauze, Lectoure, Périgueux, Limoges, Saintes, St Bertrand de Comminges, tandis que d’autres avaient connu une fréquentation antérieure telles Bordeaux, Poitiers, Bourges et Rodez, que la province comptait aussi plusieurs agglomérations portuaires (Barzan, Rezé, Bordeaux), mais que nous ne disposions que d’une vision très parcellaire des premiers temps de ces villes dont les superficies sont généralement beaucoup plus vastes au nord de la Garonne qu’au sud, l’auteur s’attache ensuite à décrire les centres monumentaux. Sont ainsi passés en revue successivement les fora - qui ne sont que 8 à 10 à être connus, mais au sein desquels la présence de quelques éléments de décors luxueux témoigne de l’adhésion des élites au système romain -, puis les sanctuaires urbains (p. 29-32), les édifices de spectacles (p. 32-34), dont le Palais Gallien (amphithéâtre de Bordeaux), le mieux conservé de la province, tandis qu’à Javols, on rencontre un édifice « gallo-romain » où l’on donnait à la fois des représentations théâtrales et des spectacles d’arène. Viennent ensuite les thermes et les fontaines (p. 34-37), les macella, dont nous n’avons pas une connaissance très étendue puisque le seul à avoir été fouillé intégralement est celui de St Bertrand de Comminges qui, avec ses 1226 m2, est l’un des plus grands de l’Occident et dont la construction a dû être financée par des évergètes. Viennent enfin les sièges des collèges (p. 37-38) au sein desquels sont traités les campus, lieux d’entraînement pour les associations de jeunes des élites locales. Une mention particulière est accordée à celui de St Bertrand de Comminges, qui comprenait une aire pour la pratique sportive, un bassin de natation, des thermes et des espaces communautaires.
Un deuxième axe s’attache à décrire les différentes façons d’« habiter » ces villes qui en moyenne devaient compter autour de 10 000 habitants. Sont abordés ici la diversité de l’habitat selon les niveaux sociaux, les demeures des élites faisant partie intégrante de l’autoreprésentation, et l’habitat des boutiquiers, qui vivaient le plus souvent sur leur lieu de travail, accédant à une mezzanine par une échelle.
Les chapitres 3 et 4 sont ensuite consacrés à l’organisation des campagnes (p. 55-68) et à leur exploitation (p. 69-83). On observe dans l’ensemble de l’Aquitaine une expansion rurale perceptible dès la fin du Ier s. av. J.-C, mais la densité maximale d’occupation paraît atteinte dans la 1ère moitié du IIe s. ap. J.-C.. Les villae constituent traditionnellement la catégorie la mieux connue de cet habitat dispersé et il est intéressant de souligner qu’en Aquitaine, bon nombre de constructions romaines se situent à l’emplacement de structures fossoyées de la Tène finale (40% d’entre elles chez les Bituriges et de 25 à 52% chez les Arvernes). Cette continuité se perçoit aussi parfois dans les techniques architecturales comme à Jonzac (Charente Maritime). Le réseau de villae s’est mis en place progressivement. Elles apparaissent dès 10-20 ap. J.-C dans la partie sud de l’Aquitaine, mais leur généralisation ne se fait pas avant l’époque de Claude, voire des Flaviens. Dans les régions centrales, autour de Clermont et Bourges, elles sont de moins en moins présentes à mesure que l’on s’éloigne des chefs-lieux, alors qu’autour d’Eauze et d’Auch, les sites découverts en deçà de 10 km du chef-lieu sont de taille très réduite, ce qui laisse penser que les propriétaires et les travailleurs agricoles habitaient en ville et se rendaient aux champs durant la journée. Ici, les grandes villas sont plus éloignées. Dans le Berry, on rencontre également un certain nombre de villas autour des agglomérations secondaires et tout cela montre une certaine diversité dans les modalités d’occupation du sol. Ces villas, comme on le retrouve ailleurs, sont de tailles et de plans variés. Les p. 58-59 nous en donnent différents exemples. À côté des villae, ont été mises en évidence des formes d’habitat plus modeste, fermes (dont les superficie vont de 500 m2 autour d’Auch à 2000 environ dans le Berry), mais aussi gisements de faible extension qui pourraient correspondre à des annexes agricoles ou des abris. Il est souligné cependant qu’à partir du IIe s., ces formes d’habitat plus modeste ont tendance à s’étioler, tandis que les villae tendent à se développer, ce qui plaide en faveur d’une concentration de la propriété et d’une restructuration des systèmes d’exploitation. Ces campagnes, alimentant des villes desservies par un réseau de voies de communication (p. 62-66 et fig. 54) et des aqueducs dont l’auteur répertorie p. 67 les différentes traces, se caractérisent par un accroissement de leur exploitation qui fait l’objet du chapitre suivant (p. 69-82). Sont envisagées les productions agricoles et animales, au sein desquelles on notera l’importance déjà accordée à la vigne dans certaines régions, comme on peut le voir sur la carte de la p. 71 (fig. 60), tandis que sont présentées quelques installations vinicoles comme celle du site de Lestagnac à St Médard qui a livré une des plus grandes cella vinaria de la province ou celle de la villa de Haute-Sarrazine en Charente qui comportait au moins trois salles utilisées comme chais. Vient ensuite une présentation de l’exploitation du milieu naturel, bois, mines et carrières, au sein de laquelle notre intérêt s’est particulièrement porté sur le paragraphe consacré à l’océan (p. 81-83). Ce dernier souligne la rareté des installations de salaisons trouvées en Aquitaine (une seule a été fouillée à Guéthary) malgré l’importance croissante de la pêche à partir du Ier s., et l’engouement pour la consommation de coquillages qui faisaient l’objet, à tout le moins, d’un commerce régional, les huîtres étant par exemple diffusées jusqu’à Toulouse et Agen. Le chapitre suivant s’intéresse à l’artisanat et au commerce. On y trouve une analyse exhaustive des bâtiments ayant eu une possible vocation artisanale ou commerciale (p. 84-85), puis une présentation de toutes les activités artisanales reconnues sur le territoire aquitain (sidérurgie, alliages à base de cuivre, os, verre, chaux, bois textiles, etc.) au sein de laquelle un paragraphe consistant (p. 88-90) est consacré à la production céramique. Celle-ci s’est épanouie particulièrement dans les ateliers bien connus de Montans, de La Graufesenque et de Lezoux qui ont produit de grosses quantités de sigillée, mais aussi de matériaux de construction respectivement au Ier et au IIe s. ap. J.-C.. L’auteur rappelle ensuite (p. 94) le destin exceptionnel de ces productions exportées au loin vers la Bretagne, le Maroc et l’Europe centrale (Lezoux), tandis que d’autres données (ILA, Bordeaux 224, CIL XIII, 2448, trésor d’Eauze et trésor de Garonne) témoignent de l’existence de différents flux commerciaux et notamment d’un commerce de textiles.
La religion est abordée ensuite, de la p. 96 à la p. 112. Un premier paragraphe décrit les diverses divinités rencontrées en Aquitaine. Parmi les divinités romaines, outre Jupiter, Mercure, Apollon et Mars semblent avoir joui en Aquitaine d’une vénération particulière. Des divinités indigènes, en particulier des « déesses-mères », sont aussi fréquemment honorées. Cependant, ce qui semble caractériser la province, de ce point de vue, c’est le particularisme de l’Aquitaine « ethnique », d’entre Garonne et Pyrénées. Il se serait manifesté, dans le cadre du culte impérial, par leur possible non rattachement au sanctuaire fédéral de Lyon au profit d’un autre sanctuaire fédéral sans doute sis à St Bertrand de Comminges et s’exprime aussi par un grand attachement aux divinités indigènes liées aux puissances de la nature et bien souvent inconnues en dehors de cette région. L’ensemble du territoire apparaît quadrillé par une multitude de sites permettant la célébration des rituels. Outre leur présence sur le forum et dans les périmètres urbains, les sanctuaires se retrouvent aussi en périphérie des villes, comme à Poitiers, ville autour de laquelle trois sanctuaires à Mercure ont été identifiés, mais ils structurent aussi certaines agglomérations secondaires, comme Vendeuvre du Poitou, Barzan, Chassenon (Charente), Eysses à Villeneuve-su- Lot. On rencontre également d’autres types de sanctuaires, de source, organisés au-dessus d’un captage, domaniaux, comme par exemple au centre de la cour de la villa de Jonzac (fig. 51 b, mais aussi 49 c et d), sanctuaires de plein air ou de grottes qui n’ont pas fait l’objet d’aménagements architecturaux et sont identifiés grâce au mobilier votif exhumé. Dans le Massif Central ou dans les Pyrénées, sont ainsi connues plusieurs grottes-sanctuaires qui ont pu être fréquentées sur une très longue durée, du IIe s. av. J.-C. au IVe ap. J.-C. Ces sanctuaires (fanum), traditionnellement constitués d’un temple (aedes) et d’un autel (ara), sont d’une grande variété de plans, dont il est donné divers exemples p. 107-108, et notamment celui du spectaculaire sanctuaire de Mercure édifié au sommet du Puy de Dôme au début du IIe s. Ils sont parfois dotés d’aménagements supplémentaires, enceintes, majoritairement maçonnées, associées à des portiques comme à Néris- les -Bains. Ces sanctuaires témoignent dans l’ensemble de nombreuses phases de travaux. S’ils se sont développés dès l’époque augustéenne, les plus nombreux et aussi les plus monumentaux datent de la seconde moitié du Ier s. et surtout du IIe s. Le chapitre suivant, p. 112-124, se penche sur le monde des morts, les nécropoles, qui se développent aux portes des villes, le long des voies, non en de grands ensembles, mais en une multitude de noyaux qui finissent par se rejoindre. Les tombes sont marquées au sol de diverses manières : tumuli, stèles en matériau périssable ou en pierre, sur lesquelles est inscrit au minimum le nom du défunt. Les stèles ou cippes à décor de personnages ne sont pas connues pour le moment dans l’ensemble de la province. Elles se concentrent dans les deux cités des Bituriges (Bordeaux et St Ambroix) et sont plus rares chez les Santons, Lémovices et Arvernes. La fig. 107 a, b, c, d en donne de très beaux exemples. Ces stèles permettent d’appréhender essentiellement les représentants d’une classe moyenne d’artisans, de commerçants, d’agriculteurs, mais aussi certains rites, comme celui de la dédicace sub ascia : l’appel à cet instrument de maçon, tailleur de pierre ou charpentier, placerait la tombe sous tutelle divine. La crémation est l’usage le plus fréquent et l’on a pu retrouver par endroits le lieu (ustrina) où elle se déroulait, comme dans la nécropole du Camp de l’Image à Argentomagus, ou celle du col de Ceyssat, dans le Puy de Dôme, qui a révélé une fosse (4,8 x 3,8 m sur 1,8 m de profondeur) du milieu du IIe s. remarquable par ses dimensions et l’abondance de son mobilier. Malgré tout, si la crémation était la pratique la plus fréquente, divers types d’inhumation sont attestés dès le début du Ier s. ainsi qu’en témoigne par exemple la nécropole des Martres-de-Veyre qui a livré des cercueils en chêne ou châtaigner. Un dernier paragraphe, avec d’intéressantes photographies, se concentre sur les tombes des élites, dont certaines s’inscrivent dans la tradition protohistorique, tandis que d’autres sont ancrées dans la tradition méditerranéenne. Ces dernières sont particulièrement monumentales et exaltent le défunt à travers un décor sculpté abondant. On peut les trouver aux abords des villes, mais aussi dans les campagnes, comme le mausolée des Pomponii à Lanuéjols en Lozère, qui comprend, sur un podium, une chapelle funéraire précédée d’un vestibule à colonnade (fig. 112) ou celui de la villa des Cars ( fig. 113). Le sud-ouest se distingue par un ensemble de constructions remarquables par leur homogénéité : des piles funéraires (18 ont été reconnues) dont certaines conservent une élévation de 10 m, concentrées notamment dans le Gers, autour de St Bertrand de Comminges. Édifiées en petit appareil, elles comportent deux étages et au second niveau, une niche enduite accueillait une ou plusieurs statues (fig. 114). Ces monuments édifiés souvent dans les campagnes au Ier et IIe s. semblent être l’expression d’une émulation entre propriétaires.
S’ouvre ensuite (p. 126) la seconde partie sur l’Antiquité tardive qui, dans un chapitre intitulé « Restructuration et déstructuration de l’Aquitaine augustéenne » présente les réformes administratives introduites par Dioclétien à la fin du IIIe s. afin de mieux faire face aux périls barbares et aux usurpations consécutives du pouvoir. L’Aquitaine est ainsi démembrée en trois provinces, l’Aquitaine Première avec à sa tête Bourges, l’Aquitaine Seconde avec comme capitale Bordeaux, et la Novempopulanie, qui comprend les territoires sis au sud de la Garonne avec à sa tête Auch, puis Eauze vers 500 (carte, p. 126, fig. 115). Ces provinces sont intégrées à leur tour dans le diocèse de Viennoise, nouveau district administratif comprenant plusieurs provinces et dirigé par un vicaire du préfet du prétoire. Ces nouvelles dispositions qui ont connu quelques modifications dans le cours du IVe s. semblent avoir assuré durant ce siècle une relative tranquillité au territoire aquitain. Mais cette période prit fin dès le début du Ve s. avec les grandes migrations germaniques. Dès 408-409, les cités des nouvelles provinces sont atteintes par les Vandales, Alains et Suèves et en 413 les Goths s’installent à Bordeaux qu’ils réduisent en cendres avant de la quitter un an plus tard. Finalement en 418, les Wisigoths sont installés au nom de l’empereur dans un espace situé entre Bordeaux et Toulouse et sur une bande côtière allant des Pyrénées à la Loire, soit dans la province d’Aquitaine Seconde, la cité de Toulouse et quelques cités de Novempopulanie. Les Wisigoths étendirent progressivement leur territoire aux cités d’Aquitaine Première qui seraient tombées entre leur mains vers 475. Bien qu’elles soient dirigées désormais par les comtes, nouveaux fonctionnaires wisigoths, les institutions des cités semblent toutefois perdurer. Mais, dans les années 490, les Wisigoths sont à leur tour menacés par les Francs et leur domination sur la région disparaît progressivement dès les premières décennies du VIe s.
Il faut toutefois souligner que, contrairement à ce dont nous disposons pour le Haut-Empire, les sources de l’Antiquité tardive nous permettent de conserver le souvenir d’un certain nombre de hauts personnages, membres de l’aristocratie sénatoriale, tels Pontius Paulinus, Ausonius, rhéteur et consul en 379, Paulin de Pella et plus tard des aristocrates qui devinrent évêques, tels Sidoine Apollinaire à Clermont en 471.
Du point de vue de l’organisation des espaces et des modes de vie, cette période se caractérise d’abord par une rétractation de l’espace urbain induite par la construction de remparts que l’on constate dans de très nombreuses cités. L’homogénéité de leurs caractéristiques architecturales laisse penser que ces remparts ont été conçus entre la fin du IIIe s. et le début du IVe et qu’ils relèvent d’un plan d’ensemble élaboré par le pouvoir impérial. Le grand soin apporté à ces nouvelles constructions ne donne pas non plus l’impression de travaux accomplis dans la précipitation. Une seconde vague, plus tardive, datée d’entre 375 et 450, a concerné essentiellement les cités de Novempopulanie (St Bertrand, St Lizier, Oloron, St Lézer), mais aussi Clermont. La construction de ces remparts ne semble pas avoir affecté outre mesure la vie urbaine : les institutions semblent encore fonctionner, les riches demeures n’ont pas disparu et dans certaines cités comme St Bertrand, l’activité édilitaire ne se dément pas au IVe s. De fait, ce sont les agglomérations secondaires qui semblent avoir connu les transformations les plus importantes : certaines, comme Barzan, sont abandonnées, d’autres continuent d’être fréquentées avec une parure monumentale en déshérence.
L’un des changements les plus importants que l’on peut percevoir dans les cités est plutôt lié à l’avènement des « christiana tempora » (p. 138-141). Durant le IVe siècle, les évêchés se constituent progressivement et apparaît le premier monachisme avec la figure de Martin de Tours qui crée le premier monastère des Gaules à Ligugé (Vienne). Ces nouveautés se traduisent par l’implantation, dans les chefs-lieux de cités, de groupes cathédraux comprenant au moins la cathédrale et un baptistère. Ainsi à Poitiers, c’est une domus du Haut-Empire qui est d’abord agrandie, puis réorganisée à la fin du IVe s. autour d’un bassin utilisé comme piscine baptismale (fig. 122 a). À ceci, il faut ajouter la domus ecclesiae, résidence de l’évêque, vaste à Bourges et plus modeste à Clermont. D’autres monument chrétiens apparaissent aussi plutôt en périphérie des villes à partir du Ve s. : les basiliques construites sur les tombes de saints, de martyrs, ou d’évêques fondateurs et que l’on peut même rencontrer à l’emplacement d’anciennes agglomérations secondaires comme à Brive-la-Gaillarde. Ainsi cette période se caractérise par une christianisation progressive de l’espace urbain et péri-urbain. Dans les campagnes (p. 142-149), on constate une accélération de l’abandon des petits habitats ruraux, allant de pair avec une phase de rénovation, voire d’extension et d’embellissement des villae, qui témoigne d’un mouvement de concentration foncière. Cependant, les constructions nouvelles, telles la villa du Pont d’Oly à Jurançon (Pyrénées-Atlantiques) sont rares. Ces vastes résidences s’avèrent particulièrement nombreuses dans la vallée de la Garonne et ses affluents, preuve d’une conjoncture encore favorable dans cette zone. Les remodelages que connaissent ces villae peuvent être assez nombreux et vont dans le sens d’un accroissement de la monumentalité, dans lequel le rapport à l’eau et à la beauté du paysage semble avoir joué aussi un rôle important. Les figures 126 a, b, c, d, e, p. 143-144, donnent un bon aperçu des nouveaux plans mis en œuvre dans lesquels on constate une dilatation des espaces de réception et de vastes vestibules. Cette période voit aussi le développement des thermes, situés souvent à la périphérie de la villa et qui se signalent par un secteur froid de plus en plus monumental lui aussi. Une profusion de décors caractérise également ces villae, peintures murales, placages de marbre, sculptures, mais surtout mosaïques qui connaissent alors un essor remarquable et dont plusieurs photographies (p. 149) rendent compte. Bon nombre de ces villae ont continué d’être occupées au Ve s., voire au VIe s., mais elles paraissent avoir connu dès lors une démolition assez systématique avec transformation en chaux des éléments du décor.
Dans le monde des morts (p. 150-152), les changements sont essentiellement liés à la généralisation du rite de l’inhumation et au développement du christianisme. Le mobilier devient plus rare et de nouvelles nécropoles apparaissent autour des basiliques, comme celle de St Seurin de Bordeaux. Autour de la basilique du quartier du Plan à St Bertrand de Comminges, les tombes sont installées dans un second temps, à partir du VIe s. Les grandes tombes reprennent les mêmes formes que celles des villae, avec une abondance de courbes et de pans coupés. Ainsi en est-il du Mausolée de Louin (fin du IVe s. ; fig. 132). Le mobilier, et particulièrement les textiles retrouvés sur les corps des deux tombes de Naintré (près de Poitiers), datées du début du IVe s., témoigne de la grande richesse des élites pictonnes, mais aussi de leur christianisation progressive, si l’interprétation donnée des signes gravés sur le sarcophage est la bonne. La multiplication des sarcophages ornés de symboles chrétiens ou historiés a d’ailleurs accompagné la christianisation des élites. D’abord venus de Rome, ces sarcophages ont ensuite été produits sur place dans des ateliers qui utilisaient du marbre de St Béat. Appelée « école d’Aquitaine », cette production locale se retrouve prioritairement autour de St Bertrand, à Bordeaux, Agen, mais aussi en Narbonnaise et dans le nord de la Gaule. On y produit des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, dans un style parfois naïf, des scènes de la vie quotidienne, mais une des originalités est l’abondance de décors floraux et géométriques qui laisse peu de place au vide.
Pour conclure, cet ouvrage offre une bonne première approche synthétique de l’Aquitaine antique et de ses évolutions pour un public diversifié. Toutefois - mais comment faire autrement ? - le plan adopté donne à l'ouvrage, notamment dans la longue première partie, un caractère de catalogue des monuments ou des activités économiques un peu fastidieux. Néanmoins, nous ne doutons pas que la richesse de la documentation ainsi mise à notre portée, comme celle des illustrations, puissent séduire le curieux, comme l’étudiant et l’enseignant en quête de matière pour illustrer ses cours. Le chercheur, lui, trouvera des indications de sites à explorer et, si l’on peut regretter l’absence de notes de bas de page permettant un accès immédiat à la bibliographie, on pourra apprécier les références bibliographiques plus précises situées à la fin de l’ouvrage pour approfondir.
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Éditeurs : Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |