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Compte rendu par Nicolas Mathieu, Université Pierre Mendès-France Grenoble Nombre de mots : 1701 mots Publié en ligne le 2015-08-25 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2553 Lien pour commander ce livre
L’ouvrage reprend la plupart des communications présentées au colloque du même nom organisé à Aix-en-Provence, à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme (Camille Jullian) les 26 et 27 novembre 2009, qui avait pour sous-titre « sous le regard croisé de la sculpture et de l’épigraphie ». Les éditrices ont ajouté, en guise de « leçon inaugurale », une communication faite par A. Sartori au colloque Signa et tituli 3, qui s’est tenu à Lattes, les 29-30 novembre 2012. Le livre comporte, p. 7-11, un hommage à Michel Janon, ingénieur de recherche au CNRS, bien connu des archéologues et des épigraphiste de Narbonnaise - il fut entre autres éditeur, avec J. Gascou, du premier volume des ILN, celui de Fréjus, en 1985, et éditeur des blocs à décor de rinceaux de Narbonne -, décédé le 31 mai 2010.
Premier d’une série de colloques intitulés Signa et tituli, le présent volume s’inscrit dans la perspective désormais établie chez les historiens et les archéologues de croisement des regards sur les sources, les monuments, dans un dialogue scientifique fructueux entre spécialistes - archéologues, historiens, historiens de l’art, épigraphistes notamment - comme le rappellent en « Introduction » les deux éditrices, p. 13-15. L’ouvrage est organisé en trois parties : 1. Espaces civiques et représentations, p. 31-110, qui comprend cinq communications ; 2. Espaces et monuments funéraires, p. 111-205 avec six communications ; 3. Espaces de la religion, p. 207-239, avec deux communications. Chacune des communications comporte, au début, un résumé bilingue (langue de la rédaction et anglais) et, à la fin, une bibliographie.
Plusieurs approches et perspectives se dégagent, dans la veine dessinée par l’article introductif d’A. Sartori. Celui-ci pose, à partir de quelques exemples choisis de monuments à motifs religieux, la question de la concordance entre texte et image, des ambiguïtés qui peuvent exister entre eux et de la difficulté de l’interprétation d’un monument complexe. Il pose la question de la valeur seulement décorative ou plus allusive de certains motifs iconographiques, s’intéresse aux images dans le texte et inversement au texte dans l’image, par exemple dans les mosaïques (AE, 2006, 1011, motif de la première de couverture). Un premier groupe de communications aborde le thème du colloque par le vocabulaire épigraphique, soit dans une perspective topographique et sociale en cherchant à localiser les monuments voire à évaluer socialement les donateurs (S. Agusta-Boularot, avec les attestations de signum, statua, simulacrum, imago, pour un total de 36 occurrences en Narbonnaise ; B. Rémy et N. Géroudet, pour la seule cité de Vienne, avec le même vocabulaire, en y ajoutant sigillum et en prêtant attention aux indices matériels du support qui pouvait avoir servi de base à une statue sans que celle-ci ait été mentionnée dans l’inscription, pour un total de 21 occurrences ; dans une moindre mesure, C. Chulsky qui s’appuie sur la concentration des inscriptions de magistrats et de chevaliers dans le secteur de La Fontaine à Nîmes pour interpréter la fonction du lieu), soit dans une perspective socio-culturelle (N. Laubry avec l’analyse comparée d’une même formule épigraphique - consecratio in formam deorum - dans deux contextes très différents). Un deuxième groupe de communications est fondé sur une étude stylistique ou symbolique dans laquelle l’épigraphie est sinon seconde du moins à l’arrière-plan. Il en est ainsi des communications de St. Morabito, avec les stèles en forme de porte dans les Alpes maritimae, de V. Gaggadis-Robin et M. Heijmans pour les stèles à portrait(s) découvertes dans la cité d’Arles ou de M. Christol et D. Terrer, exemplaire d’une analyse croisée du texte et de l’image - tituli et signa - dans le monument de M. Attius Paternus à Clarensac. Enfin, un troisième groupe de communications est fondé sur l’approche archéologique et le contexte archéologique dans une perspective topographique pour localiser les monuments épigraphiques ou anépigraphes et donner une interprétation fonctionnelle aux lieux où ils pouvaient se situer ou bien d’où ils pouvaient provenir. Il s’agit alors moins d’une perspective sociale que d’une perspective civique et politique ou religieuse. Ainsi, les communications de M. Cadario sur les espaces publics entre mémoire civique et célébration impériale à Luni et en Cisalpine, de M. Claveria et I. Rodà sur les monuments funéraires de Barcelone découverts pour la plupart en fragments en remploi, de Ph. Bridel pour le nouveau groupe statuaire de la famille impériale découvert dans le sanctuaire de la Grange des Dîmes à Avenches ou de R. Golosetti avec les monuments anépigraphes ou épigraphiques aux déesses-mères de deux sanctuaires de la moyenne vallée du Rhône (cité des Tricastins). Au croisement de ces différentes approches et perspectives relevons les articles de F. Salvazzi, sur les deux seules inscriptions avec noms de sculpteurs connues en Narbonnaise (Myron à Vienne et les bustes de la uilla de Crest, dans la Drôme) et de Chr. Stein sur l’époque tardive, avec notamment une réflexion sur le sens de l’inscription de la tombe du grand-père de Sidoine Apollinaire et la relation entre monumentum et mémoire à une époque où la tradition écrite classique s’estompe.
Afin de donner une idée de cette diversité d’approches, mentionnons trois exemples. En examinant avec minutie le petit corpus des stèles en forme de porte attestées dans la province des Alpes maritimes (cinq seulement), St. Morabito propose (p. 113-121) un intéressant mais prudent rapprochement avec des stèles de militaires du littoral dalmate. Forme des monuments à fronton triangulaire, disposition de l’inscription dans un cartouche, présence de symboles militaires, autres motifs décoratifs conduisent à s’interroger sur la transmission d’un style de monuments. V. Gaggadis-Robin et M. Heijmans livrent une très précise étude typologique et stylistique de six stèles et d’un autel funéraires avec portraits et inscriptions découverts en remploi à Arles. Ils concluent à une proximité avec des productions d’Italie du Nord. Si les aspects typologiques artistiques sont convaincants, il reste à approfondir les aspects historiques et les interprétations sociales parfois inaboutis. N. Laubry (p. 159-173), en étudiant deux dossiers, celui des inscriptions à Claudia Semnè (CIL, VI, 15593, dédicace du mausolée de Claudia Semnè qui indique que les aedicula qui renfermaient les statues de la défunte se trouvaient non dans la chambre funéraire du monument mais dans le jardin et CIL, VI, 15594, autel inscrit pour le mausolée, « consacré à Fortune, à Spes, à Vénus et à la mémoire de Claudia Semnè ») et une dédicace à Vénus de Gabies par un négociant en soie, Aulus Plotius Epaphroditus (CIL, XIV, 2793), éclaire une mise en scène de la piété et montre que l’expression religieuse participe à la construction du statut des morts dans la communauté des vivants.
Le grand format de la collection est propice à la lisibilité des illustrations toutes de très bonne qualité, la mise en page est soignée et procure un grand confort de lecture que vient renforcer la qualité globale des articles - écrits dans une langue claire et fluide, à l’exception du dernier - soit par la précision et la richesse des informations et de la documentation fournie, soit par les perspectives de la réflexion. On n’en déplore que davantage l’absence désolante du moindre index et le trop long délai entre la tenue du colloque et sa publication : en six ans, la bibliographie sur le sujet s’est enrichie d’articles et d’ouvrages. À l’exception de quelques-uns (A. Sartori, M. Morabito, N. Laubry, M. Claveri et I. Rodà, Ph. Bridel), sans doute parce qu’ils étaient eux-mêmes auteurs d’articles publiés dans l’intervalle, les auteurs ne semblent pas avoir mis à jour les bibliographies. Cela aurait pu être le travail des éditrices dans une introduction, d’autant que deux autres colloques sous le même intitulé générique ont eu lieu : Signa et tituli 2, sur les corpora et les scholae en Gaule méridionale, tenu au Carré d’Art, à Nîmes en novembre 2010, a été publié dans la Bulletin de l’École antique de Nîmes, et Signa et tituli 3, consacré aux lieux de culte en Gaule Narbonnaise et dans les régions voisines, tenu à Lattes, au Musée archéologique Henri Prades en novembre 2012. Une telle introduction aurait pu mettre en perspective la réelle cohérence de l’ensemble du volume, établir des correspondances entre les articles sur la documentation ou la méthode, et dégager des pistes de recherche. Une rapide bibliographie générale complémentaire aurait pu mettre à jour ces correspondances et montrer les grandes tendances de l’historiographie (voir par exemple M. Corbier, Donner à voir, donner à lire, Paris, CNRS, 2006, ou les travaux de B. Goffaux qui seront prochainement accessibles regroupés dans un recueil en hommage à ce chercheur (La vie publique des cités dans l’Occident romain. Scripta varia, D. Ackermann et al. [éd.], Rennes, PUR). Souhaitons qu’il en soit ainsi lorsque paraîtra le troisième colloque.
Sommaire
Première partie : espaces civiques de représentation - Statues des dieux, statues des hommes. La mention de statues dans les inscriptions de gaule Narbonnaise, S. Agusta-Boularot, p. 33-53. - Signa et tituli dans l’épigraphie de la cité de Vienne au Haut-Empire, B. Rémy, N. Géroudet, p. 55-73. - Firme o didascalie. Due contesti narrons e qualche riflassions su copie e nomi di artisti, F. Slavazzi, p. 75-80. - Précisions sur l’Augusteum de Nîmes grâce aux inscriptions de magistrats, C. Chulsky, p. 81-90. - Gli spazi pubblici di rappresentazione tra memoria civica e celebrazione imperiale a Luni e in Cisalpina, M. Cadario, p. 91-110.
Deuxième partie : espaces et monuments funéraires - Signa et tituli dans les Alpes maritimae : l’exemple des stèles funéraires en forme de porte, St. Morabito, p. 113-121. - Espaces et monuments funéraires en Arles : autour des stèles à portraits, V. Gaggadis-Robin, M. Heijmans, p. 123-143. - Le cénotaphe de Clarensac : un somptueux décor autour de l’épitaphe de M. Attius Paternus, M. Christol, D. Terrer, p. 145-158. - Sepulcrum, signa et tituli : quelques observations sur la « consecratio in formam deorum » et sur l’expression du statut des morts dans la Rome impériale, N. Laubry, p. 159-173. - Esculturas e inscriptions del entorno funerario de Barcino, M. Claveria, I. Rodà, p. 175-189. - Épigraphie et mise en scène de la domination sociale dans la Gaule méridionale tardive (IVe-VIe s.), Chr. Stein, p. 191-205.
Troisième partie : espaces de la religion - Signa in templo. Où situer le nouveau groupe statuaire de la famille impériale dans le sanctuaire de la Grange des Dîmes (Avenches, Suisse) ?, Ph. Bridel, p. 208-219. - Deux lieux de culte de domaine foncier sous le regard croisé de l’archéologie, de la sculpture et de l’épigraphie : Saint-Vincent (Saint-Paul-Trois-Châteaux) et Beauvoir (Allan), R. Golosetti, p. 220-239.
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Éditeurs : Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |