Maldonado, Guitemie: Le cercle et l’amibe. Le biomorphisme dans l’art des années 30, Collection : L’art et l’essai, 16.5x22 cm, 352 pages, 26 ill. coul. et 45 n/b, broché, 45 euros, ISBN : 2-7335-0620-7
(CTHS - INHA, Paris 2007)
 
Compte rendu par Paul-Louis Rinuy, Université Paris 8 Saint-Denis-Vincennes
 
Nombre de mots : 502 mots
Publié en ligne le 2010-02-26
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=262
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            Issu d’une thèse de doctorat soutenue à l’université Paris IV sous la direction de Serge Lemoine, ce livre  de grande tenue intellectuelle  a pour mérite de traiter un sujet souvent évoqué  dans l’historiographie de l’art contemporain  mais qui restait jusque là flou et imprécis. Définir,  de manière cohérente mais suffisamment souple pour être opératoire,  le « biomorphisme » qu’Alfred Barr préférait en 1936 désigner sous l’appellation d’« art abstrait non géométrique » dans  son exposition fondatrice Cubism and abstract art au Museum of Modern  Art de New York  constitue  précisément le point de départ (introduction et chapitre 1) de l’ouvrage.  Le biomorphisme ne forme en rien une  école ou un groupe artistique  et il est compris par l’auteur  plus comme un vocabulaire que comme un style ;  il est cette tendance à choisir non le carré ou la construction  géométrique simple et rigide mais l’ovale et la sinuosité, la forme pleine et étale  sans aspérité,  éventuellement porteuse de suggestions référentielles au monde des galets ou  à des organismes cellulaires comme l’amibe. Le  biomorphisme est  le monde  « des formes lisses en courbes continues » (p. 65),   « des formes planes et fermées porteuses également d’allusions anthropomorphiques » (selon les mots de William Rubin cités p. 16),  dont « Arp et Miro sont sans conteste les représentants les plus authentiques » (p. 18),  avec Henry Moore, Barbara Hepworth et bien d’autres qui se sont, par intermittences et rapides fulgurances, inscrits dans cette tendance.  Un  des grands  mérites de la méthode intellectuelle comme de l’écriture sensible de G. Maldonado  consiste justement en la finesse de son analyse et en son utilisation nuancée et subtile des catégories esthétiques pour mettre en lumière des parentés entre des œuvres parfois opposées par une histoire de l’art contemporain  trop schématique.

 

         Le chapitre 2, « Morphologies »,   vise à  analyser les rapports entre cet art abstrait et les formes naturelles que d’esquisser une analyse de la fabrique des œuvres biomorphiques,  élaborées par frottage pour Max Ernst ou lisant dans les  pierres, les murs et les nuages, selon la méthode de Léonard de Vinci qui a su inspirer Brassaï Miro ou Tanguy. A partir de ce panorama, G. Maldonado tente, et c’est l’objet de son chapitre 3,  de repérer des manifestations de cet « art de l’entre-deux »  aussi bien  chez Kandinsky, Kupka, Klee,  que chez certains surréalistes ou dans l’œuvre de  personnalités comme Jean Hélion. Les chapitres 4 et 5, respectivement consacrés aux « Morphogenèses » et à « l’Art des réalités instables », font la part belle aux sculptures de Jean Arp  comme à des réflexions plus conceptuelles sur la « durée » ou sur les relations nouvelles qui s’élaborent à l‘époque entre l’espace et le temps, dans le Manifeste dimensionniste lancé par Charles Sirato en 1936 et inspiré du professeur d’Einstein, Minkowski.

 

        Un des grands mérites de ce livre important est de bousculer les catégories trop aisément admises, entre arts décoratif et peinture ou sculpture par exemple : le chapitre conclusif, « Résonances du biomorphisme », analyse ainsi tel vase d’Alvar Aalto ou  tel agencement architectural de Le Corbusier, qui reposent  sur des principes esthétiques nourris par le biomorphisme.  Précis, bien documenté et élégamment écrit, cet ouvrage permet de comprendre avec de nouveaux concepts  l’art des années 1930, dans son oscillation entre finalité purement esthétique et quête d’élucidation du réel.