Collange-Perugi, Adeline - Mandrella, David (dir.): Flamands et Hollandais. La collection du musée des Beaux-arts de Nantes. Catalogue d’exposition. 300 p., 290 x 230 350 illustrations, ISBN : 9788836630950, 29 €
(Silvana Editoriale, Cinisello Balsamo/Milano 2015)
 
Recensione di Emmanuel Lamouche, Université de Nantes
 
Numero di parole: 1512 parole
Pubblicato on line il 2017-10-27
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2651
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          Durant les longues années de sa fermeture pour travaux de 2011 à 2017, le musée des Beaux-arts de Nantes a mené une intelligente campagne d’expositions temporaires et de prêts d’œuvres. Ainsi, pendant que les visiteurs du musée des Beaux-arts de Rennes pouvaient admirer L’Apothéose de saint Eustache et de sa famille de Simon Vouet, l’un des joyaux des collections nantaises, le bel ensemble de sculptures possédé par le musée s’est vu consacrer une exposition hors les murs et un catalogue raisonné en 2014[1]. L’année suivante, le Château des ducs de Bretagne a accueilli une grande exposition sur les peintures flamandes et hollandaises du musée, qui a permis au public de redécouvrir un ensemble remarquable mais jusque-là méconnu. Le catalogue publié pour l’occasion lui redonne désormais la place qu’il mérite, et poursuit la grande entreprise de publication des collections anciennes du musée, après les ouvrages consacrés à ses peintures italiennes (1994) et françaises (2005)[2].

 

         Après une riche préface de Jacques Foucart (p. 13-21), où sont mis en valeur les points forts de la collection d’œuvres du Nord et les acquisitions du XIXe siècle, l’introduction d’Adeline Collange-Perugi et Isabelle Doutriaux, replace les tableaux flamands et hollandais du musée – mais aussi les œuvres espagnoles – au sein du vaste ensemble de peintures acquises par François Cacault (1743-1805) principalement en Italie où il mena une carrière diplomatique. L’exposition et le catalogue s’inscrivent ainsi dans le sillage d’une série d’études sur la collection Cacault, d’où étaient absentes généralement les peintures du Nord, comme le soulignent les deux auteurs (p. 25). 1155 tableaux, 64 sculptures et plus de 10 000 gravures furent acquis par Cacault, qui projeta avec son frère Pierre (1744-1810) un étonnant « musée-école » dans leur domaine de Clisson, au cœur du vignoble nantais[3]. La vente de la collection à la Ville de Nantes en 1810 constitua le véritable acte fondateur du musée des Beaux-arts. Si les Cacault plaçaient au-dessus de tout la peinture italienne, force est de constater qu’ils surent acquérir des œuvres majeures d’autres écoles, et c’est l’un des grands apports du catalogue que de rééquilibrer l’appréciation qu’on avait de leur goût jusqu’ici.

 

         Dans une mise en page moderne et colorée, l’ouvrage présente deux grandes parties, toutes deux conçues par David Mandrella avec la collaboration d’Adeline Collange-Perugi : la première contient les notices de 68 œuvres de la collection considérées comme les plus importantes et pour la plupart présentées dans l’exposition du Château des ducs. Elle en reprend les grandes sections, par genres picturaux : la peinture d’histoire, le portrait, la scène de genre, la nature morte et le paysage. Chaque section est introduite par un paragraphe rappelant l’importance de chacun des genres dans le développement de la peinture flamande et hollandaise. Les deux entités géographiques et culturelles ne sont jamais séparées dans le catalogue, ce qui offre souvent des confrontations intéressantes. Les notices satisferont autant l’historien de l’art par les informations qu’elles contiennent, que le public amateur par la clarté du discours. On regrettera toutefois la brièveté de certaines notices. Parmi les œuvres présentées dans cette première partie, une trentaine est de provenance Cacault, souvent de très grande qualité : pour donner une idée de la diversité des tableaux rassemblés par les deux frères, citons les deux Matthias Stom (cat. 4 et 5), aujourd’hui exposés dans une splendide salle consacrée à la peinture du XVIIe siècle (mais entrés dans la collection sous des attributions fantaisistes), une Diane au bain de Peter Lely (cat. 7), dont Jacques Foucart souligne l’importance (p. 18-19), le Portrait de femme de François II Pourbus, célébré par Stendhal et Flaubert et qui fait la couverture du catalogue et l’affiche de l’exposition (cat. 19), le fascinant Portrait d’une fillette en Flore rendu à Govert Flinck (cat. 21) et le spectaculaire Paysage d’hiver de Gysbrecht Leytens (cat. 58). Le reste de la collection est constitué de dépôts de l’État, dont le plus célèbre – et aussi le plus controversé – est le Judas Macchabée de Rubens (cat. 10), déposé à Nantes en 1804. On lui préfèrera peut-être l’immense toile de Theodor Boeyermans représentant Les Vœux de saint Louis de Gonzague (cat. 16), déposée en 1809, l’une des grandes redécouvertes liées à l’exposition et à la réouverture du musée. Plus récemment, La Cène attribuée à Gérard Douffet, entrée à Nantes en 1997 à la suite d’un échange avec le musée des Beaux-arts de Lille, ne manque pas d’attirer l’attention par sa composition inhabituelle (cat. 15). Enfin, un grand nombre de tableaux proviennent d’acquisitions du XIXe siècle : un Jeune homme écrivant de Jacob van Oost l’Ancien, entré en 1847, Le Départ des cavaliers de Philips Wouwerman et un Buveur plein de vitalité d’Adriaen Brouwer (tous deux dons Urvoy de Saint-Bedan, 1854, cat. 29 et 36), ou encore une importante nature morte de Pieter Claesz. acquise en 1896 (legs De Corseul, cat. 37).

 

         La seconde grande partie de l’ouvrage contient un outil de travail essentiel : le catalogue raisonné de la collection (p. 181-267). Cette partie, contenant 302 numéros, est divisée en plusieurs sections : les Pays-Bas XVe-XVIe siècles, puis XVIIe-XVIIIe siècles, et les anonymes flamands et hollandais des XVIIe et XVIIIe siècles. Pour reprendre la belle expression de Jacques Foucart (p. 18), « l’enchanteur pays des attributions » ayant parfois des frontières très floues, les tableaux de « l’école allemande » et de « l’école espagnole » sont également pris en compte. Outre la nécessité scientifique évidente du catalogue raisonné, il faut souligner que pour le public comme pour l’historien de l’art, l’un de ses intérêts principaux est de donner accès virtuellement aux réserves du musée, où parmi les copies et les œuvres mineures se cachent parfois de belles surprises qu’on aimerait voir un jour exposées dans le parcours permanent[4]. Du côté des Allemands, c’est le cas par exemple d’un paysage « à la Rosa » de Christian Wilhelm Ernst Dietrich (cat. raisonné 250) et d’un Portrait de danseuse ou d’actrice attribué à Johan Anton de Peters (cat. raisonné 256). Côté espagnol, un Portrait de jeune fille retient l’attention non seulement comme « une belle œuvre d’atelier de Murillo » (cat. raisonné 269), mais aussi parce que Mérimée, Stendhal et Flaubert ont écrit sur elle.

 

         Depuis la publication de ce catalogue, le musée de Nantes a rouvert ses portes. Si de façon générale l’on peut regretter – en particulier pour les grands formats – que les peintures anciennes soient désormais présentées au rez-de-chaussée du musée, il ne fait aucun doute que les tableaux flamands et hollandais ont gagné en visibilité au redéploiement des collections. Deux des grands tableaux Cacault, la Madeleine pénitente d’Abraham Bloemaert (cat. 1) et le Saint Sébastien de l’entourage d’Hendrick Goltzius (cat. 11) ouvrent ainsi la première grande salle de peintures du XVIIe siècle – l’un des points forts du musée – face à la célèbre Diane d’Orazio Gentileschi. La plupart des œuvres flamandes et hollandaises occupent une salle dédiée, tout en longueur, dans une configuration assez bien adaptée à des œuvres de dimensions réduites. Ainsi, grâce à la publication du catalogue, les visiteurs du musée et les chercheurs bénéficient désormais d’un outil indispensable pour apprécier une collection de belle ampleur, offerte de nouveau à tous les regards.

 

 


[1] Cyrille Sciama, Édouard Papet (dir.), La sculpture au musée des Beaux-arts de Nantes : Canova, Rodin, Pompon… Catalogue sommaire des sculptures XVIIIe-XIXe siècles, cat. expo. (Nantes, L’Atelier, 27 juin – 31 août 2014), Nantes, Musée des Beaux-arts, et Milan, Silvana Editoriale, 2014.

[2] Béatrice Sarrazin, Catalogue raisonné des peintures italiennes du musée des Beaux-Arts de Nantes XIIIe-XVIIIe siècle, Nantes, Musée des Beaux-Arts, et Paris, Réunion des musées nationaux, 1994 ; Claire Gérin-Pierre, Catalogue des peintures françaises XVIe-XVIIIe siècles, Nantes, Musée des Beaux-Arts, et Paris, Réunion des musées nationaux, 2005.

[3] Voir Chantal Georgel, Hélène Rousteau-Chambon (dir.), La collection Cacault. Italie-Nantes, 1810-2010, Paris, INHA, Les Collections électroniques, 2016 (https://inha.revues.org/6957).

[4] Les collections nantaises sont également consultables sur le site https://www.navigart.fr/museedartsdenantes/#/



 

Sommaire

 

Préface de Jacques Foucart, p. 13

 

Introduction, p. 25

Adeline Collange-Perugi, Isabelle Doutriaux, avec la collaboration de David Mandrella

« ‘Couleur et exécution d’un vrai maître flamand’ : les écoles flamandes, hollandaises et espagnoles au sein de la collection Cacault »

 

Œuvres exposées (David Mandrella, avec la collaboration d’Adeline Collange-Perugi), p. 37

  1. Peinture d’histoire : l’influence de Rubens et Rembrandt (p. 39)
  2. Le portrait : entre société et intimité (p. 85)
  3. La peinture de genre : verve satirique et délectation pittoresque (p. 103)
  4. Nature morte : opulence flamande et festin monochrome hollandais (p. 121)
  5. Le paysage : entre vision réaliste et idéale (p. 145)

 

Catalogue raisonné des peintures flamandes, hollandaises, allemandes et espagnoles du XVe au XVIIIe siècle (David Mandrella, avec la collaboration d’Adeline Collange-Perugi), p. 181

Pays-Bas XVe-XVIe siècles (p. 182)

Pays-Bas XVIIe-XVIIIe siècles (p. 190)

Anonymes flamands et hollandais des XVIIe-XVIIIe siècles (p. 238)

École allemande (p. 250)

École espagnole (p. 257)

Anciennement attribués aux artistes du Nord et espagnols et rendus aux Italiens et aux Français (p. 262)

 

Annexes, p. 269

Tableau de correspondance entre les numéros d’inventaire du musée et les notices du catalogue (p. 270)

Bibliographie (p. 279)