García, Jorge Tomás : Pausias de Sición. Maestri dell´arte classica, 4. 151 p., 25 fig., 14,5 x 21 cm, ISBN: 978-88-7689-293-6,
72,25 €
(Giorgio Bretscheider, Rome 2015)
 
Recensione di Marion Muller-Dufeu, Université Lille SHS
 
Numero di parole: 1446 parole
Pubblicato on line il 2016-09-16
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2656
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          Dans la collection des Maestri dell’arte classica, ce livre fait suite à celui consacré à Polygnote de Thasos. Une courte introduction de deux pages évoque le but de la recherche, qui est de présenter « de façon conjointe les témoignages archéologiques, textuels et littéraires qui nous parlent de Pausias pour établir avec le plus de certitude possible une image vraisemblable de ce peintre. » Ce programme est celui que nous devrions tous nous proposer lorsque nous considérons un artiste antique. Il n’est malheureusement pas certain que le résultat soit atteint dans ce livre.

 

         Le premier chapitre est consacré à « Pausias et son temps » : l’auteur rappelle en quelques mots les (rares) éléments connus de la biographie du peintre, et s’attarde davantage sur le contexte historique dans lequel il a vécu, dressant un tableau assez complet de l’histoire de la cité de Sicyone depuis la fin du VIIe s. av. n. è. jusqu’à la montée en puissance de la Macédoine. L’auteur commente largement les liens étroits de Pausias et de ses condisciples sicyoniens avec la cour d’Alexandre, mais il considère ces liens comme acquis et ne cherche pas à les démontrer. En revanche, il discute et établit clairement les dates du peintre. Le chapitre se termine sur une chronologie récapitulative de ce qu’on appelle « l’école de Sicyone » et de ses différents membres.

 

         Le deuxième chapitre s’attache aux œuvres connues par les sources antiques ; l’auteur fait le point sur nos connaissances à propos des diverses œuvres du peintre mentionnées par les sources : Méthè et Éros dans la tholos d’Épidaure, Glycéra et la peinture de fleurs, l’Immolatio boum, les peintures du pavillon de Prolémée II, la restauration des peintures de Polygnote à Thespies, et enfin les peintures « pornographiques » ou « rhyparographiques » de Pausias. L’analyse s’appuie ici surtout sur les sources textuelles : ce n’est guère qu’à propos des peintures de la Tholos d’Épidaure que l’auteur utilise superficiellement les résultats des explorations archéologiques. Il évoque à ce sujet les rapports étroits entre l’architecture et la peinture de Pausias, en particulier à propos de l’ornementation des caissons du toit, et évoque les progrès des architectes grecs du IVe s. av. n. è. dans le domaine de la voûte. Cependant, et cela principalement à cause du peu de détails donnés par les sources, nous ne savons pas, en dehors de leur titre, en quoi pouvait consister les peintures d’Épidaure. Enfin, bien que l’auteur considère que le rapport entre architecture et peinture représente la « véritable innovation » de l’art de Pausias, il nous faut bien nous résigner à constater que nous ne pouvons le percevoir que dans la Tholos d’Épidaure et, dans une moindre mesure, dans le Pavillon de Ptolémée II, puisque les autres œuvres du peintre connues par les textes sont plutôt des œuvres de « chevalet ». Celles-ci nous sont un peu mieux révélées par les textes anciens et peuvent être mises en rapport avec des peintures et/ou des mosaïques que nous avons retrouvées : c’est en particulier le cas pour les peintures de fleurs, dont de nombreux exemples pourraient s’étaler sur le sol des maisons ou les murs des tombes de Macédoine ou d’ailleurs à cette époque. De même l’Immolatio boum est comparée rapidement, pour son innovation dans le domaine de la perspective, avec une mosaïque conservée à Corinthe. Pour la restauration des œuvres de Polygnote à Thespies, l’auteur ne peut guère que reprendre les maigres éléments donnés par les sources : nous ne connaissons même pas le thème des œuvres originales, et nous ignorons quelle fut l’appréciation donnée au travail de Pausias. Quant aux peintures « pornographiques » ou « rhyparographiques » de Pausias, il doit là encore se contenter de définir, à l’aide des textes anciens, le sens de ces termes. Il esquisse cependant une recherche dans les peintures de Pompéi ou d’Herculanum pour y trouver des parallèles possibles à ce genre d’œuvres.

 

         Le troisième chapitre est le plus long, malgré l’absence de toute source primaire ; il étudie d’abord la naissance de l’art pictural en tant que tel à Sicyone au vVe s. av. n. è. en un grand développement où il compare, en suivant les données des textes anciens, les caractéristiques attribuées à l’école de Sicyone et à l’école attico-thébaine : la première serait plus théorique, influencée en partie par la sculpture d’un Polyclète, tandis que la seconde serait plus libre, plus spontanée. C’est aussi l’occasion de revenir sur le débat entre τεχνή et ἐπιστήμη, et d’essayer de montrer que l’école de Sicyone appuyait sa pratique sur une théorie que les maîtres enseignaient à leurs élèves. L’auteur décrit ensuite la technique de l’encaustique utilisée préférentiellement par Pausias et ses compagnons en s’appuyant sur les divers témoignages que nous ont laissés les Anciens. Il tente encore de définir le style propre du maître, en analysant les commentaires livrés par les Anciens et s’efforce de trouver, dans les œuvres contemporaines du peintre, celles qu’on peut mettre en rapport avec lui. L’auteur commente ainsi, outre les peintures murales et les mosaïques déjà évoquées au chapitre précédent, les vases apuliens et leur décoration exubérante de rinceaux et de têtes féminines ; si ces rapprochements sont séduisants, il leur manque cependant, à mon sens, d’être véritablement justifiés pour être totalement convaincants. Il étudie ensuite les problèmes de perspective auxquels Pausias s’est attaché dans l’Immolatio boum et rapproche ce tableau, dans ce domaine précis, de la mosaïque de la Bataille d’Issos et en particulier de la façon dont l’artiste y a représenté le cheval du premier plan : étude du raccourci, mais aussi rappel du goût de Pausias pour les détails réalistes, comme le reflet du soldat mourant dans le bouclier, qui rappelle les effets de transparence recherchés par le peintre. Enfin, il montre comment Rome s’est intéressée à ce style nouveau et comment ses artistes l’ont réutilisé, de façon presque systématique, dans le motif du sacrifice. Ces dernières analyses sont particulièrement intéressantes : elles dévoilent comment a pu se former le goût des Romains dans ce domaine de l’art qui ne leur était guère connu jusqu’à leurs expéditions en Grèce. L’auteur s’efforce également de comprendre quelles caractéristiques de l’art de Pausias ont pu contribuer à sa vogue à l’époque impériale. Le chapitre se termine sur l’analyse d’un style récurrent dans les scènes de sacrifice exécutées par les artistes impériaux et que l’auteur attribue à l’influence de l’Immolation boum de Pausias.

 

         Le quatrième et dernier chapitre rassemble les quelques sources connues sur Pausias (le chapitre ne renferme que 11 textes, dont 2 qui ne figurent pas dans le recueil de Reinach), présentées dans leur langue originelle avec une traduction en espagnol. La traduction du texte 9 est malheureusement corrompue : outre qu’elle est plus longue que le texte donné, la fin ne me semble pas totalement rendre la signification du texte. Plutôt que « Dans les entrecolonnements on voyait des peintures des artistes de l’école de Sicyone, alternant avec une grande variété de portraits choisis ; et il y avait aussi des tuniques de toile d’or. » je préfèrerais lire : « (…) des peintures (…), qui alternaient une grande variété de portraits choisis et des tuniques de toiles d’or. »

 

         L’étude est complétée par des notes abondantes, une bibliographie également bien fournie et un index. Enfin, vingt-cinq illustrations en noir et blanc viennent compléter l’information du lecteur : elles comportent une carte de la région de Corinthe et de Sicyone ; le plan, l’élévation et la restitution de la Tholos d’Épidaure ; la restitution du pavillon de Ptolémée II et toute une série d’œuvres contemporaines de Pausias, peintures murales, mosaïques et vases peints qui servent à l’auteur de points de comparaison pour commenter l’œuvre et le style de Pausias ; enfin un plan du portique de Pompée et une série de reliefs impériaux consacrés au thème du sacrifice qui viennent illustrer le thème de la réception de Pausias par Rome.

 

         L’ensemble est agréable à lire et s’efforce de souligner de façon claire les innovations apportées par Pausias à son art. On regrettera cependant une certaine négligence dans la forme : les fautes d’impression sont assez nombreuses et compliquent parfois la lecture (Tangara systématiquement pour Tanagra, J. Camay au lieu de Chamay, par ex.). Plus grave p. 53, la confusion entre la Tombe d’Eurydice et celle de Philippe II, qui se répercute dans les illustrations associées, d’autant plus regrettable que les questions traitées ici sont essentielles dans le développement de l’art pictural de cette époque. Plus largement, comme on a pu déjà le dire ici ou là, on regrettera que tous ces commentaires ne soient pas assez clairement justifiés par le recours aux textes anciens, rares certes, mais qui auraient sans doute mérité d’être analysés de façon plus précise.

 

         Ce livre mérite cependant de figurer dans les bibliothèques de ceux qui s’intéressent à la peinture grecque, car il met en lumière avec conviction un des « Maîtres de l’art classique » dont on ne connaît généralement que le nom.