Andreae, Bernard: Kleopatra und die Caesaren, éd. Ortrud Westheider, Karsten Müller. Mit Beiträgen von Dorothea Gall, Günter Grimm, Heinz Heinen, Eugenio La Rocca, Ernst Osterkamp, François Queyrel, Karin Rhein, Claude Rolley, Susan Walker, Guy Weill Gouchaux.
264 Seiten mit 219 Abbildungen.
22,5 x 28 cm. Pappband mit Schutzumschlag.
ISBN: 3-7774-3245-8
34,90 € [D] | 59,90 SFR [CH]
(München, Hirmer Verlag 2006)

 
Compte rendu par Jean-Michel Roddaz
 
Nombre de mots : 836 mots
Publié en ligne le 2007-03-21
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=27
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Ce bel ouvrage, parfaitement illustré, de près de 260 pages, consacré à l’iconographie de Cléopâtre, est dirigé par deux éminents spécialistes du domaine. Ils ont fait appel à plusieurs chercheurs, allemands et français notamment, qui se sont intéressés à tel ou tel aspect de la question. Il est vrai que les différentes contributions se recoupent parfois, se complètent souvent sans jamais s’opposer, ce qui est exceptionnel sur un sujet aussi difficile, car contrairement à ce qu’il peut sembler on sait peu de choses sur l’apparence physique de Cléopâtre ou de sa progéniture. La destinée tragique et la damnatio memoriae de celle qui avait été la regina amica populi romani avant de devenir la nefas Aegyptia coniux explique en grande partie cela et Cléopâtre est devenue davantage un mythe qu’un personnage de consistance historique, même si les témoignages littéraires ne manquent pas à son sujet

Le point de départ de la présentation n’est pas l’évocation du règne ou de la personnalité de la dernière des Ptolémées, sujet largement rebattu, mais le réexamen de l’identification de la reine d’Egypte dans la fameuse statuette découverte en 1874 dans les Horti Lamiani, appelée par commodité Vénus de l’Esquilin et qui serait une copie de l’époque claudienne d’un original de Vénus Isis représentant Cléopâtre, installé par César dans le temple qui dominait son forum. L’étude très précise et très convaincante conduite par B. Andreae réfute en grande partie cette hypothèse. Cette conclusion est reprise de manière encore plus catégorique avec un autre argumentaire dans la contribution, plus brève (p.138-141), de G.W. Goudchaux.

La partie plus proprement historique de l’ouvrage est développée dans un long chapitre d’une centaine de pages dans lequel plusieurs collaborateurs ont présenté les figures des grands ancêtres, comme Alexandre ou Ptolémée Sôter, le fondateur de la dynastie, mais aussi et surtout les contemporains de Cléopâtre. Il s’agit en fait de simples notices biographiques qui présentent le seul intérêt de présenter l’entourage et de situer l’iconographie de Cléopâtre dans le contexte de l’époque. Bien sûr, il n’est pas inutile dans un livre consacré à Cléopâtre de présenter César et Antoine, Octavie et Livie, mais pourquoi Cicéron, Pompée, Agrippa, Mécène et les poètes de son cercle sinon, pour ces derniers tout au moins, pour indiquer qu’ils ont mené la charge de la propagande hostile à la reine d’Egypte : on ne saisit pas toujours la logique de l’ouvrage. En revanche, la présentation de Césarion et des enfants de Cléopâtre et d’Antoine est davantage justifiée. Il n’en demeure pas moins que les témoignages iconographiques les concernant sont rares. On peut s’interroger sur l’identité de l’enfant représenté dans la statue du Cap d’Agde : Césarion ou Alexandre Hélios auquel C. Rolley consacre une contribution particulière nourrie en établissant d’intéressantes comparaisons avec les œuvres conservées au Museum Metropolitan de New York et au Musée de Baltimore ? Y-a t-il un lien entre la présence de cette statue et l’installation, après Actium, dans le sud-est de la Gaule, de vétérans ayant servi dans l’armée d’Antoine ? Plus réels et plus consistants sont les témoignages concernant Cléopâtre Séléné qui perpétua la dynastie par son mariage avec le roi de Maurétanie, Juba II. Les monnaies émises par son époux lui font une large place.

Les statues représentant Cléopâtre ne sont donc pas si nombreuses et les tentatives pour l’identifier dans d’autres se sont souvent révélées infructueuses. Ainsi, on a de bonnes raisons de ne pas la reconnaître dans la tête de Délos présentée par F. Queyrel, et s’il est intéressant de mettre en parallèle la soi-disant Cléopâtre de Nahman avec le portrait de la reine d’Egypte conservé au Musée du Vatican, la première ne représente certainement pas Cléopâtre. A défaut de bustes et de statues, il faut donc se retourner vers la numismatique pour avoir une idée du portrait de la reine d’Egypte. Les nombreuses émissions des années 47/46-42/41 ébranlent quelque peu le mythe, mais l’étude de F. Queyrel, en particulier, offre une bonne synthèse sur la question.

Vases et lampes constituent d’excellents supports de représentation ; la décoration du vase de Portland analysée par S. Walter (p.184-193) est un écho de la propagande qui se déchaîna contre les amants du Nil avant l’affrontement final ; il s’agit d’un thème récurrent que l’on retrouve dans tous les types de réalisation artistique comme en témoigne le parallèle qui peut être établi avec une fresque de Pompéi montrant Isis accueillant Io à Canope.

L’intérêt de l’ouvrage est également d’offrir au lecteur un vaste panorama de la postérité de Cléopâtre depuis le XIVème siècle et les œuvres de Dante et de Boccace jusqu’à nos jours, dans la littérature bien sûr en passant par Shakespeare qui s’est beaucoup inspiré de Plutarque, mais aussi dans la peinture avec les artistes des XVII et XVIIIèmes siècles jusqu’au cinéma contemporain ; une très utile rétrospective est présentée en fin de volume.

Malgré ses quelques faiblesses historiques, ce livre devrait devenir indispensable à tous ceux qui s’intéressent à l’iconographie de la dernière des Ptolémées, même s’ils doivent définitivement renoncer à tout savoir sur le nez de Cléopâtre.