|
||
Compte rendu par Guy Meyer Nombre de mots : 4145 mots Publié en ligne le 2016-09-27 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2702 Lien pour commander ce livre
John Mckesson Camp deuxième du nom (Camp est son nom de famille, Mckesson son deuxième prénom), directeur des fouilles de l'Agora d'Athènes depuis 1994, a profondément marqué de son empreinte notre connaissance de la principale cité de la Grèce ancienne depuis sa thèse The water supply of ancient Athens from 3000 to 86 B.C. soutenue à Princeton en 1977. Il mérite largement qu'on salue son inlassable activité. On regrettera que les éditeurs n'aient pas cru nécessaire de donner une bibliographie de ses livres, articles et comptes rendus ni de notice biographique de cet acteur important de la scène athénienne.
Les éditeurs s'expliquent rapidement, trop rapidement, sur le pluriel paradoxal, du titre «Cities», à la toute fin de l'introduction, page XXXII: «Qu'entendons-nous quand nous disons que ce livre traite des cités appelées Athènes ? Chaque auteur traite d'un aspect différent de la vie et de la culture d'Athènes ou de l'Attique et chacun d'entre nous comprend différemment ce qu'Athènes représente dans des domaines différents pour différents individus. Cette collection d'articles n'a pas la prétention de dresser un portrait complet ou intégral de la cité, et, en vérité, cette diversité d'approches, précisément, souligne le fait que l'étude du passé, bien qu'exigeante, est à la fois complexe et comme un défi.» En un mot, il ne se dégage pas une vision d'ensemble, ce qui, ma foi, pourrait être problématique. Peut-être aurait-il mieux valu insister sur la diversité des images que l'évolution historique donne de cette cité dans son évolution et sur les contradictions que cette évolution suppose, et qui parfois cohabitent, puisqu'Athènes, parangon de la démocratie, fut aussi une cité impérialiste et autoritaire à l'égard de ses alliés, après avoir été une cité aristocratique, puis tyrannique, pour devenir sous l'Empire une cité de seconde zone dans la province d'Achaïe, restant, toutefois, une capitale intellectuelle : cité multiple, donc, dans la diversité de ses régimes et de ses avatars. On pourrait aussi justifier ce pluriel par rapport aux différentes lectures que les modernes ont donné de cette cité dont on fait volontiers un paradigme alors qu'elle est, par bien des aspects, exceptionnelle.
Quatorze contributions dressent ce portrait à multiples facettes d'Athènes et de son territoire. Ces interventions sont classées par ordre alphabétique d'auteur, ce qui accentue l'aspect kaléidoscopique du livre. Les notes sont rejetées en fin des communications. Ces études sont complétées par une copieuse bibliographie, aux pages 389-440, soit cinquante et une pages, et par un index. L'ouvrage est illustré, sauf erreur, de cinquante images en noir et blanc.
Les contributions proprement dites s'ouvrent sur une étude d'iconographie funéraire traitant des reliefs représentant des scènes de banquets couchés sur des stèles mortuaires attiques du IVe siècle avant J.-C., par W. E. Closterman, « Family meals: banquet imagery on classical Athenian funerary reliefs », pages 1-22 (notes comprises ; j'indique systématiquement les paginations des articles en incluant les notes). L'échantillonnage est constitué « d'au moins 19 représentations », page 1, principalement cataloguées, pour dix-huit d'entre elles, par Dentzer, Le motif du banquet couché dans le Proche-Orient et le monde grec (Rome, 1982), auxquelles s'ajoute un exemplaire trouvé dans les fouilles de l'agora (Athenian Agora, vol. 35 [2013], cat. 133, pl. 37), cf. note 3, p. 15. Ces scènes de banquets constituent une sorte de cas particulier au sein d'un très vaste corpus, mais bien loin de constituer un paradoxe, Closterman démontre que cette imagerie s'inscrit bien dans le cadre plus général de l'iconographie funéraire de l'Athènes classique. Douze de ces stèles associent l'épouse assise au bout de la couche. L'auteur ajoute, aux pages 9-10, cinq autres stèles qui deviennent sensiblement du premier groupe, soit un total de 17 représentations (il en resterait deux ?). Dans ce second groupe, l'épouse, si c'est bien elle, paraît absente. Il me semble que l'auteur, dans sa conclusion, gomme un peu trop la spécificité de ces représentations qui restent rares dans l'imagerie funéraire athénienne. Ne serait-il pas fructueux d'exploiter la piste évoquée page 13 : ces stèles, lorsque l'épitaphe est conservée, ne portent jamais de démotique. Les personnes qui ont choisi ces représentations originales pourraient bien être étrangères au corps civique athénien. Pour l'œnochoé du Louvre Ma 3229 (MND 995), il aurait fallu renvoyer à Marianne Hamiaux, Louvre, les sculptures grecques, I2 (2001), p. 228, n° 241, et à ThesCRA, II, p. 250, n° 258.
La découverte d'une ruine, peut-être celle d'un fort, aux lisières des territoires d'Athènes et de Mégare, à Trikeraton (on regrettera l'absence d'une carte ou d'un croquis topographique), fournit l'occasion à Kevin F. Daly, « On when and where to find Athenian forts », pages 23-60, de réexaminer la politique et la stratégie défensive athénienne et de remettre en cause les conclusions de Josiah Ober dans Fortress Attica, publié en 1985. Daly démontre sans peine que les Athéniens se sont souciés bien avant le quatrième siècle de défendre le territoire de l'Attique par des forts, des garnisons et des guetteurs. Il fait feu de tout bois et n'additionne pas toujours des pommes avec des pommes, pour reprendre son expression (p. 27). Il est plus difficile de dater et même d'évaluer les moyens mis en œuvre avant le quatrième siècle, et encore plus de reconstituer un système cohérent de protection territoriale. L'auteur ne tient absolument pas compte du pari stratégique de Périclès qui conduisit ses concitoyens à délaisser la défense du territoire : ce qui suppose que dans une politique militaire plus traditionnelle, on aurait opté pour sa défense. Il donne, néanmoins, une piqure de rappel salutaire en rappelant qu'Athènes, comme d'autres cités et dans d'autres circonstances, avait défendu très tôt son territoire face aux ennemis.
Laura Gawlinski s'intéresse au moyens pratiques, surtout, et législatifs, dans une moindre mesure, de protéger les sanctuaires du territoire athénien : « Securing the sacred: the accessibility and control of Attic sanctuaries », pages 61-87. Elle remarque que trois des sanctuaires principaux de l'Attique étaient enfermés dans des enceintes impressionnantes, de type militaire : l'Acropole, Éleusis, Sounion. Comme l'auteur le reconnaît explicitement (p. 66), « l'objet original de ces fortifications, celles de l'Acropole, Éleusis et du sanctuaire de Poseidon à Sounion, ont peu de chose ou même rien à voir avec la nature sacrée de ces endroits ». Cette « fonction originelle (original purpose) » n'est guère expliquée et son articulation avec la protection des sanctuaires contre les sacrilèges et, en particulier, le vol (hiérosylia) demeure assez floue, puisque, comme le rappelle l'auteur (p. 62) à propos de Sophocle, Œdipe à Colone, vv. 1-20, il existe, à l'inverse, des lieux sacrés dont les limites ne sont pas matérialisées par des bornages ou par des murs. Si je comprends bien l'argumentation, le rôle de ces fortifications pour éviter les sacrilèges serait secondaire par rapport à leur « fonction originelle » et je supplée : « militaire ». Il n'en demeure pas moins vrai que ces murailles étaient utiles pour protéger les sanctuaires en cas de guerre (pp. 66-68). À ce propos, j'ajouterai que certains épisodes de la Guerre du Péloponnèse montrent que le problème de la protection des sanctuaires en temps de conflits armés ne se limite pas aux Guerres Médiques et au IVe siècle a. C. et après comme l'écrit l'auteur (pp. 66-67) : e.g. l'affaire des Athéniens retranchés dans le sanctuaire d'Apollon, à Délion (Béotie), cf. Thucydide, IV, 97-98, les Athéniens s'y étaient conduits comme dans un lieu profane, selon les Béotiens. La suite de l'exposé remarque, à juste titre, qu'il existait dans la loi, les usages et les défenses matérielles, différents degrés de protection, mais au lieu de s'en tenir à des exemples précis, l'auteur élargit le problème aux propriétés sacrées en général, dont on sait que, comme le domaine public, elles étaient souvent victimes d'appropriations illégales. Certes, en plus des diverses limites matérielles, des magistrats et des prêtres (pp. 71-73) veillaient au respect des propriétés sacrées. L'auteur conclut sur la crainte de la colère divine. Cette communication, un peu décousue, aurait gagné à rester centrée sur les sanctuaires proprement dits, plutôt que d'englober les propriétés sacrées. Il me semble aussi que la peur de la vengeance divine n'était guère opérante. Dans une société aussi monétarisée que l'était la société athénienne dès l'époque classique, l'amende, pour les citoyens et les hommes libres, punissait généralement le sacrilège. Il me semble que l'étude des limites matérielles des sanctuaires, murs, bornes, etc., mériterait un traitement exhaustif et chronologique, si possible en regard avec les lois sacrées connues par l'épigraphie et les sources littéraires.
Si les hasards de l'ordre alphabétique faisaient que les deux exposés précédents traitaient, dans une optique très différente, des fortifications, Seán Hemingway, « The eagle of Zeus in Greek art and literature », pages 89-114, nous ramène, en partie, à l'iconographie. L'auteur étudie l'aigle de Zeus depuis la période géométrique jusqu'à la fin de l'époque hellénistique dans le monde grec. L'auteur précise dès le départ (pp. 89-90) que tous les aigles ne se rapportent pas nécessairement à Zeus. D'un autre côté, l'association de l'aigle à Zeus doit être fort ancienne (p. 90). Selon l'auteur, un bouclier de bronze de la grotte de l'Ida, en Crète, dont l'interprétation est délicate, représenterait pour la première fois l'aigle de Zeus, emportant un sphinx mâle dans ses serres. Je laisserai l'auteur à son interprétation : « Serait-ce l'apothéose de Minos représenté sous la forme d'un sphinx... (?) » L'auteur rappelle ensuite que l'aigle est le messager de Zeus et son agent, notamment quand il dévore le foie de Prométhée. Cet épisode mythologique nous ramène à l'évocation de l'aigle dans le théâtre athénien classique, puis dans l'iconographie céramique et sculpturale. Selon l'auteur, les peintres et les sculpteurs athéniens ont largement contribué à populariser l'imagerie de l'aigle de Zeus. Il me semble que cette étude qui, tout en se prétendant générale, est un peu trop athénocentrée, néglige les représentations monétaires (les témoignages numismatiques ne sont jamais cités) ou autres éléments, du reste, des cités du monde grec, ce qui conduit à en relativiser les résultats. Une étude plus serrée de l'aigle de Zeus à Athènes aurait été sans doute plus profitable. L'auteur a voulu, de manière un peu forcée, intégrer son interprétation très discutable, du bouclier de la grotte de l'Ida, ce qui l'a conduit à élargir son sujet à tout le monde grec : il aurait dû choisir de traiter l'un ou l'autre sujet.
Catherine M. Keesling examine une dédicace versifiée et fragmentaire sur un bol en bronze de l'Acropole d'Athènes au regard de la division en classe par Solon du corps civique athénien, « Solon's property classes on the Athenian Acropolis ? A reconsideration of IG 13. 831 and Ath. Pol. 7. 4 », pages 115-135. Un anonyme, il ne subsiste que deux lettres de son nom ou, selon Keesling, de son démotique, avait dédicacé un vase à Athéna (Pallas Tritogenes). Il serait qualifié de Zeugite, mais le mot est fragmentaire : le gamma n'a été lu que par Pittakis, qui n'est qu'une autorité bien faible en la matière (cette remarque étant de ma responsabilité, mais plusieurs exemples montrent que Pittakisà a tendance à « lire » des lettres qui vont dans le sens de ses interprétations), et il n'en subsiste que les trois lettres « ITES », restituées en « Zeugites ». Cette mention d'une classe solonienne est un hapax dans l'épigraphie athénienne. L'auteur rappelle alors que les autres bols de bronze dédiés à Athéna sur l'Acropole sont plutôt des prix gagnés dans des concours. L'auteur en vient alors à examiner La république des Athéniens du corpus aristotélicien qui invoque un témoignage épigraphique : une statue de Diphilos, associée à un cheval, dédicacée, en vers, par Anthémion fils de Diphilos, passé de la classe « des thétes à celle des cavaliers ». Cette prétendue inscription, puisqu'on ne l'a pas retrouvée, pose à son tour d'insolubles problèmes. La solution proposée par l'auteur qui invoque IG, I3, 880, me semble un peu forcée. Il apparaît, en revanche, que la dédicace IG, I3, 831, ne mentionnait sans doute pas une classe solonienne. Je suis plus réservé sur sa proposition de lecture qui ferait du dédicant de cette inscription un athlète du dème de Boutadai.
Nancy L. Klein s'intéresse aux fragments architecturaux de petits monuments de l'Acropole, avant la réalisation du programme architectural de Périclès: « The architecture of the Athenian Acropolis before Pericles; the life and death of the small limestone buildings », pages 137-163. L'auteur a étudié plus de deux cents fragments architecturaux en calcaire provenant de l'Acropole. L'intérêt principal de cette étude est chronologique. Il est résumé dans le tableau 6.3, page 154, sur la durée de vie des différents monuments, dont certains auraient survécus à l'occupation d'Athènes par les Perses au cours de la seconde Guerre Médique. L'auteur ne fournit pas tous les éléments qui étayent cette chronologie, mais sa tâche est d'autant plus compliquée que ces éléments architecturaux proviennent de fouilles anciennes.
Elisabeth M. Langridge-Noti étudie la production et l'exportation de deux échantillons de cratères athéniens, « "To market, to market": poterry, the individual, and trade in Athens », pages 165-195. Le premier échantillon correspond à des cratères à volutes retrouvés à Athènes, Corinthe et Corfou ; le second, à trois cratères à colonnes trouvés dans la nécropole de Spina ; tous sont attribués au « Peintre d'Eucharides ». Après des considérations générales sur l'organisation des ateliers, leurs emplacements, et les endroits où l'on vendait la céramique à Athènes, l'auteur s'intéresse à qui achète et qui exporte. En ce qui concerne ces deux derniers points, l'auteur invoque deux type de sources écrites : 1) le corpus des discours attribués à Démosthène : Discours 32, 4-6 ; 33, 4-5 ; 34, 6-9 ; 35, 10-13 ; 36, passim ; 2) les dédicaces grecques du sanctuaire de Gravisca. Les intermédiaires entre les producteurs et les derniers acheteurs sont des marchands, en grande partie étrangers à Athènes qui connaissent les goûts des marchés locaux. Ces intermédiaires achètent des formes particulières de vases et parfois de décors (p. 178). Dans le cas de Spina, les habitants semblent friands de cratères athéniens à décor peints et plus particulièrement de cratères à colonnes, qu'on retrouve régulièrement dans le matériel funéraire : presque toutes les tombes publiées en ont livrés. C'est un exemple de plus d'un produit destiné à un marché spécifique. (p. 178). Les intermédiaires acquièrent des lots, soit d'une forme particulière, soit des services formant un ensemble (p. 179). Les cratères à colonnes du « Peintre d'Eucharides » retrouvés à Spina peuvent avoir constitué un de ces lots (p. 179). Dans la mesure où les artistes qui travaillent dans les ateliers de céramique sont eux-mêmes souvent des étrangers, ils choisissent des thèmes iconographiques susceptibles de plaire dans un vaste marché méditerranéen (« "generic" enough to be acceptable in most Mediterranean circumstances », des thèmes suffisamment généraux pour être acceptés dans la plupart des contextes méditerranéen, p. 182).
L'établissement militaire de Koroni a livré des timbres amphoriques et des amphores non timbrées. Mark L. Lawal, « The transport amphoras at Koroni: contribution to the historical narative and economic history of the early Hellenistic Aegean », pages 197-229, en reprend l'étude à la lumière des nombreux progrès effectués dans ce domaine depuis les premières publications de 1962 à 1964 dans la revue Hesperia. Le fort de Koroni, selon les conclusions de ses fouilleurs, aurait été occupé par une garnison ptolémaïque au cours de la guerre de Chrémonidès. L'auteur compare ce matériel avec le matériel contemporain d'Érétrie, de Korésia-Arsinoée (île de Kéa), des sites ruraux de l'Attique, les uns associés à la présence de troupes ptolémaïques et les autres non, Athènes et en Égypte. Il en résulte une différence entre le matériel athénien et attique sans rapport avec les Ptolémée et les autres établissements. Une partie des résultats chronologiques est résumée dans le tableau 8.1, page 210 (Koroni et Érétrie). L'auteur estime que les timbres amphoriques reflètent une brève occupation du site de Koroni par un contingent lagide au tout début de la guerre de Chrémonidès (pp. 211-212). Il apparaît, d'autre part, que les amphores retrouvées à Koroni correspondent à des fournitures destinées à un contingent ptolémaïque et que ce matériel est différent de celui qui sert à l'approvisionnement d'Athènes et de sa campagne : ces troupes ne vivent que partiellement sur le pays (pp. 212-213). L'augmentation des émissions monétaires égyptienne pour faire face à l'effort de guerre ainsi que les importations de vin pour les rations ont certainement eut des conséquences sur l'économie de la Méditerranée orientale, et plus précisément le bassin Sud-Est de l'Égée et Rhodes en particulier (pp. 213-216). Cet article marque une étape dans l'étude de la Guerre de Chrémonidès. Les travaux en cours dans les domaines numismatiques et des timbres amphoriques permettront peut-être d'affiner encore la chronologie de cette guerre et ses répercussions économiques.
Kathleen M. Lynch, « Drinking cups and the symposium at Athens in the Archaic and Classical periods », pages 231-271, s'occupe de la vaisselle des banquets au travers de l'évolution de la répartition des différentes formes de vases. Elle considère que le symposion tel qu'on le présente habituellement, est une sorte d'idéal qu'il faut moduler chronologiquement en fonction de l'évolution des pourcentages des différents genres de vaisselles selon les périodes. Je ne suis pas convaincu par cette pétition de principe, mais, en revanche, cette étude apporte des données chiffrées par tranches chronologiques qui peuvent rendre service aux céramologues.
Camilla MacKay étudie trois fours de potiers médiévaux produisant des copies de majolique, « Three late Medieval kilns from the Athenian Agora », pp. 273-288.
La communication suivante, de Jeremy McInerney, « "There will be blood...": The cult of Artemis Tauropolos at Halai Araphenides », pp. 289-320, retourne à la religion, et plus précisément à l'un des nombreux rendus cultes à Artémis en Attique, ici une « étrangère », puisqu'il s'agirait d'une déesse originaire de Chersonèse Taurique installée dans le petit dème côtier d'Halai Araphénidès (aujourd'hui Loutsa), où les activités cultuelles dans son sanctuaire sont attestées, sans solution de continuité, depuis l'Helladique Récent (pp. 289 et 291). L'auteur présente plus de conjectures que de certitudes : il accumule les arguments plutôt qu'il ne démontre. Je présente ici ses trois conclusions. 1) L'Artémis Tauropole n'aurait été importée de Chersonèse Taurique dans ce vénérable sanctuaire que vers le milieu du Ve siècle avant J.-C., et sans doute pendant la Guerre du Péloponnèse, parce qu'Athènes avait besoin de s'approvisionner en céréales depuis ces lointaines contrées. Elle aurait alors pris la place d'un culte plus ancien (pp. 301-303). 2) L'étymologie, qui me semble discutable, de l'épiclèse renverrait au levé héliaque de la constellation du Taureau et à l'apparition des Hyades (amas d'étoiles situé dans cette constellation), au début du printemps, qui marque le commencement de la période favorable à la navigation en direction du Pont-Euxin, aujourd'hui la Mer Noire (pp. 304-309). Il me semble que l'auteur n'a pas bien pris en compte les difficultés de navigation relatives au passage des détroits des Dardanelles et du Bosphore : régime des vents, des courants et des marées. Il cite une mésaventure advenue à Lord Byron, près de Ténédos (p. 308). Les instructions de navigations, tant françaises que britanniques, sont beaucoup plus précises (e.g. E. Taitbout de Marigny, J. S. Hobbs, New sailing directions for the Dardanelles, sea of Marmara, Bosphorus, Black sea... [Londres, 1847]; Anonyme, Service hydrographique de la Marine, Instructions nautiques, série D (V), Méditerranée orientale, I [Paris, 1958]). Enfin, 3), Halai serait le complément du sanctuaire de Brauron. Ce dernier étant consacré à l'initiation des jeunes filles, celui d'Halai serait dévolu aux garçons : on y aurait pratiqué une sorte de mise en scène d'un sacrifice humain (pp. 309-311), cf. Euripide, Iphigénie en Tauride, vv. 1489-1491 (cité p. 296). Ce n'est pas impossible, mais le témoignage de Ménandre (cité pp. 291-292) et les offrandes de loutrophores (p. 291) - ces deux éléments sont négligés par l'auteur - suggèrent que ce sanctuaire à un rapport avec le mariage. Ce n'est d'ailleurs pas nécessairement contradictoire avec l'initiation des jeunes gens.
L'auteur fait allusion, par deux fois (n. 13, p. 313 ; p. 309, avec la n. 111, p. 319), à un décret du dème d'Halai Araphénidès : il aurait fallu renvoyer à SEG, 34, 103 (avec le lemme complet à cette date), avec, en complément, SEG, 45, 123.
Dans « Homage and abuse: three portraits of Roman women from the Athenian Agora », Lee Ann Riccardi, pp. 321-350, traite de trois têtes de statues honorifiques d'Athéniennes d'époque impériale. La première partie traite de manière très complète de ces trois têtes : description et datation d'après les coiffures (pp. 322-325 ; 326-329 ; 329-332). Signalons au passage que la seconde tête est représentée sur la couverture au moment de sa découverte : les quatre illustrations de la couverture ne sont pas légendées. Dans une seconde partie (pp. 332-335), l'auteur traite rapidement et de manière trop générale des statues honorifiques, puis, dans une troisième (pp. 335-339), des mutilations et des actes de désacralisation infligés par les chrétiens aux monuments païens de l'Antiquité, là encore globalement, mais sans se soucier d'exhaustivité.
M. B. Richardson, « Polis inscriptions and jurors in fourth century Athens » (le titre est trop général par rapport au sujet), pp. 351-358, étudie les citations d'inscriptions dans les discours de Démosthène, à partir de deux exemples : les étiquettes qui accompagnaient les couronnes conservées sur l'Acropole et fondues sur ordre d'Androtion ; la loi de Dracon qui figurait sur un « axon », cf. IG, I3, 104. Le contexte de ces citations montre que l'orateur, en supposant que les jurés connaissent les textes qu'il mentionne, ce qui toutefois ne présume pas qu'ils les aient lus, crée ainsi une connivence avec son public. L'auteur (pp. 360-366) donne, en appendice, toutes les allusions à des inscriptions publiques dans les discours de Démosthène.
La communication de Christina A. Salowey, « Sophokles' Philoctetes: the cult of Herkles dramatized », pp. 369-387, vient conclure l'ouvrage. L'auteur poursuit deux buts. D'une part, elle cherche à expliciter le rôle d'Héraclès dans la pièce de Sophocle et d'autre part, elle met en rapport, de manière un peu forcée, le héros de Sophocle avec le culte d'Héraclès à Athènes : fonction militaire (p. 376), pouvoirs curatifs (p. 377), patronage du gymnase (pp. 379-380). L'auteur montre bien, en revanche, comment des allusions à Héraclès, tout au long de la pièce, prépare le dénouement et aussi que sa présence dans le mythe de Philoctète est une innovation de Sophocle. Les références épigraphiques dans les notes laissent à désirer : ainsi, n. 39, p. 385, l'auteur pour Épidaure, renvoie à la vieille édition de Max Fraenkel, Inscriptiones Graecae, IV (Berlin, 1902) et non pas à la réédition de Hiller, IV, I2, inscrptiones Epidauri (Berlin, 1929) ; le relief inscrit de Boston, n. 51, p. 386, correspond à SEG, 28, 232. Pour la note 38, il aurait fallu renvoyer au dictionnaire topographique d'Athènes de John Travlos (édition anglaise ou allemande), qui manque dans la bibliographie: Pictorial dictionary of ancient Athens (New York, 1980) ; Bildlexicon zur Topographie des antiken Athen (Tübingen, 1971), s.v. Herakles Alexikakos, pp. 274-277 de l'édition allemande.
Ce florilège rend bien compte des activités de l'École Américaine d'Athènes, dans la ville et en Attique. John Mck. Camp II mérite largement ces offrandes et je souhaite me joindre à ceux de ses élèves qui ont rédigé ces communications pour lui rendre hommage à mon tour. Les études anciennes lui sont largement redevables. Il n'en demeure pas moins que la plupart de ces communications sont très spécialisées : elles rendront surtout service à des chercheurs avertis.
Sommaire
Introduction
Family meals : banquet imagery on classical Athenian funerary reliefs / by Wendy E. Closterman, 1
On when and where to find Athenian forts / by Kevin F. Daly, 23
Securing the sacred : the accessibility and control of Attic sanctuaries / by Laura Gawlinski, 61
The eagle of Zeus in Greek art and literature / by Seán Hemingway, 89
Solon's property classes on the Athenian acropolis ? : a reconsideration of IG 13.831 and Ath. pol. 7.4 / by Catherine M. Keesling, 115
The architecture of the Athenian Acropolis before Perikles : the life and death of the small limestone buildings / by Nancy L. Klein, 137
"To market, to market": pottery, the individual and trade in Athens / by Elizabeth M. Langridge-Noti, 165
The transport amphoras at Koroni : contribution to the historical narrative and economic history of the early Hellenistic Aegean / by Mark L. Lawall, 197
Drinking cups and the symposium at Athens in the archaic and classical periods / by Kathleen M. Lynch, 231
Three late medieval kilns from the Athenian agora / by Camilla Mackay, 273
"There will be blood ..." : the cult of Artemis Tauropolos at Halai Araphenides / by Jeremy McInerney, é !ç
Homage & abuse : three portraits of Roman women from the Athenian agora / by Lee Ann Riccardi, 321
Polis inscriptions and jurors in fourth-century Athens / by M. B. Richardson, 351
Sophokles' Philoktetes : the cult of Herakles dramatized / by Christina A. Salowey, 369
|
||
Éditeurs : Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |