Pastoureau, Michel - Vassilieva-Codognet, Olga (dir.): Des signes dans l’image. Usages et fonctions de l’attribut dans l’iconographie médiévale (du Concile de Nicée au Concile de Trente). 272 p., 21,0 cm × 29,7 cm × 1,6 cm, ISBN : 978-2-503-53673-6, 103,50 €
(Brepols Publishers, Turnhout 2015)
 
Compte rendu par Ismérie Triquet, Université Rennes II Haute-Bretagne
 
Nombre de mots : 2151 mots
Publié en ligne le 2016-10-11
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2727
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          Publié en 2013 chez Brepols sous la direction de Michel Pastoureau et d’Olga Vassilieva-Codognet, l’ouvrage intitulé « Des signes dans l’image. Usage et fonction de l’attribut dans l’iconographie médiévale (du Concile de Nicée au Concile de Trente) », constitue les actes du colloque de l’École pratique des hautes études (EPHE) qui s’est tenu les 23 et 24 mars 2007 à l’institut national d’histoire de l’art (INHA) de Paris. Il s’agit du troisième volume à avoir été publié dans le cadre des études du RILMA (Répertoire iconographique de la littérature du Moyen Âge) collection dirigée par Christian Heck. Ces actes sont divisés en quatre chapitres, et les différentes communications reviennent sur la question de l’attribut dans l’image médiévale entre deux conciles déterminants relatifs à l’histoire de l’iconographie.

 

 

« Horizons théoriques et historiographiques »

 

         L’ouvrage s’ouvre avec la contribution de Michel Pastoureau qui prend la forme d’une introduction. Intitulé « Pour une histoire de l’attribut dans l’image médiévale » le travail établit un état de la question sur le traitement des attributs dans les images médiévales,  et notamment la place et la fonction de ces derniers. Dans un premier temps, l’auteur donne une définition de l’attribut, puis il examine la manière dont ces figures particulières se sont développées dans l’art au cours des siècles. Ensuite, il sera question de la perception et de l’utilisation des attributs, mais surtout comment se sont fixées ces images. Enfin, l’auteur s’arrête sur la constitution de répertoires dont l’utilisation se généralisera dans diverses disciplines scientifiques. Puis, dans son intervention, Charlotte Denoël, pour sa part, s’intéresse aux « Attributs des saints à travers l’histoire : des hagiographes aux iconologues ». L’auteure revient sur le débat autour du culte des images ayant pris place à la fin du Moyen Âge, ce qui permettra également de voir comment ont évolué les attributs des saints et comment ils peuvent être liés aux facteurs historiques, politiques ou religieux. La réflexion débouche sur l’importance que prendra l’iconographie dans le domaine de l’archéologie avant de se généraliser aux autres disciplines scientifiques : il s’agit ici de réfléchir sur la méthodologie relative au traitement des images, et plus précisément des attributs, au cours de l’histoire. Dans une troisième contribution, Christian Heck pose la question de « L’attribut comme héritage ou substitut de la scène narrative ». Il traite de l’attribut dans le développement du culte des saints et de la dévotion individuelle. La multiplication des figures et leur représentation de manière isolée ont rendu nécessaires la création et la diversification des attributs. De même, le développement des saints patrons et la relation privilégiée du donateur avec ces derniers, qui se multiplient à la fin du Moyen Âge, ont des conséquences sur l’utilisation des attributs. L’étude met en relief la distinction entre signe et attribut et tente de montrer de quelle manière différencier ces deux principes. Enfin, dans sa communication, Claudia Cieri Via revient sur la « Morphologie et la syntaxe de l’attribut », notamment en expliquant la contribution de l’attribut au fonctionnement des images dans la seconde moitié du XVIe siècle. L’étude présente divers exemples de simples particuliers qui ont utilisé des attributs, traditionnellement associés à des figures divines, pour leurs propres portraits, tout en les enrichissant considérablement. Au XVIe siècle, l’attribut s’inscrit dans un système allégorique complexe où prennent également place des personnifications ou encore des devises héraldiques. Ce thème montre la richesse et la variété des figures utilisées.                                                                         

                       

 

« Les attributs au fil des siècles »

 

         Dans ce chapitre, les contributeurs ont mis en avant l’évolution qu’ont pu connaître certaines figures et leur attribut ; mais ils ont également étudié comment la notion même d’attribut s’est développée dans les milieux artistiques au cours des siècles. Inès Villela-Petit, dans son texte intitulé « Quand le signe surpasse le saint : quelques réflexions sur la naissance de l’attribut dans l’art chrétien ou sainte Agnès à la croisée des chemins », s’attache à mettre en valeur l’apparition des premiers attributs chrétiens. Son argumentation repose sur la figure de sainte Agnès et sur l’évolution de ses attributs. Après avoir étudié l’attribut de l’agneau, l’auteur met en lumière un intéressant parallèle entre sainte Agnès et les vestales, notamment dans leur rapport au feu comme symbolique de la pureté. Ensuite, Frédéric Tixier aborde la question de « Sainte Claire d’Assise et la monstrance eucharistique ». Il dévoile la genèse et l’évolution de l’attribut de la sainte à la fin du Moyen Âge en étudiant l’association entre sainte Claire d’Assise et la figure de la monstrance eucharistique ainsi que les diverses évolutions de cet attribut. Grâce à un travail pertinent de reproduction schématique des diverses formes du tabernacle, l’auteur fait saisir l’évolution figurative de l’attribut. Enfin, le chapitre se clôt sur une très longue recherche d’Olga Vassilieva-Codognet, « De la nef de l’Espérance à la voile de Fortune ». Le point de départ de cette étude est centré sur la manière dont la divinité romaine Spes deviendra la vertu théologale de l’Espérance. Le long développement permettra de saisir les différentes évolutions iconographiques des divers attributs de la figure de Fortune. Ainsi, entre apparition, développement et disparition d’éléments tels que la voile, le dauphin, le putto, la mer, etc., les modifications et appropriations de la figure de Fortune révèlent une histoire particulièrement riche. Au fil de la lecture de cette communication, on observe une importante évolution de la figure pour finalement la voir revenir à une forme proche du motif d’origine. À travers les images exploitées, il est évident que le motif et ses divers attributs ont connu une grande popularité, sur des supports aussi variés que la peinture, la gravure, la numismatique ou encore l’armurerie. Ainsi cet article apparaît comme une remarquable contribution à la compréhension de l’imagerie de Fortune entre Moyen Âge et Renaissance.              

       

 

« Attributs, pouvoir et société »

 

         Cette troisième partie porte sur la place que peuvent prendre les attributs au niveau sociétal et surtout sur la manière de les utiliser pour exprimer un pouvoir existant. Les trois contributions de ce chapitre traitent de questions très variées. Dans son article en anglais, Richard Marks aborde les figures de saint Érasme et de saint Eloy, de la popularité, des représentations et de l’utilisation de ces figures en Angleterre à la fin du Moyen Âge. Il met en exergue l’introduction et l’installation de saints patrons depuis le XIIIe siècle, notamment dans les églises paroissiales. Les deux figures étudiées sont originaires d’Europe mais vont connaître une très grande popularité du XIVe au XVIe siècle dans les régions du Kent et du Berkshire. Le développement et le renforcement du culte sont liés aux attributs et légendes attachés à saint Érasme et à saint Eloy. La figure d’Érasme, révérée au sein des professions maritimes, représente le saint patron des marins, ce qui explique l’essor de son culte dans les régions côtières. Le culte de saint Érasme est également présent dans les milieux hospitaliers et sa figure est attachée aux affections de l’estomac et des intestins, en mémoire de son martyr. Saint Eloy présente une iconographie liée à deux grandes légendes de son histoire ; il est tantôt lié à l’artisanat et plus précisément à la guilde des orfèvres, mais c’est dans le rôle de maréchal-ferrant qu’il apparaît le plus souvent. Les représentations de ces deux saints et leur développement au sein des églises paroissiales, mais également dans des œuvres royales,  permettent de comprendre leur place dans la vie quotidienne de la population, quelle que soit la classe sociale. Le travail entrepris par Jean-Luc Chassel  porte sur le « Langage des attributs dans les sources sigillaires du Moyen Âge ». Après une présentation précise et structurée de l’utilisation et de la création des sceaux au Moyen Âge, l’auteur examine l’apparition et le développement des images sigillaires relatives aux institutions ecclésiastiques. Les attributs représentés sur les sceaux ont connu une réelle évolution jusqu’à devenir des éléments d’une précision extrême, malgré la dimension du support sur lequel ils sont représentés. L’étude prend l'exemple de la mitre et de son utilisation sur les sceaux des institutions ecclésiastiques. Enfin, la contribution de Laurent Hablot porte sur le bâton de pouvoir dans l’image médiévale. L’auteur présente les différents types de bâtons que l’on peut rencontrer dans l’iconographie médiévale et tente d’en dresser une typologie. En partant de l’étude des bâtons princiers, il montre la manière dont, au fil du temps, se fixe l’image de ce motif dans ses différentes variantes. En effet, les bâtons de prince dérivent du sceptre royal et l’évolution iconographique verra l’attribut princier se distinguer du motif développé pour la royauté. L’étude traite ensuite du bâton d’office, attribut complexe et multiforme avant sa simplification à la fin du Moyen Âge. La recherche tend à voir dans ce bâton un symbole pertinent de pouvoir, particulièrement visible au sein de l’imagerie médiévale.     

 

 

« Les attributs entre Orient et Occident »

 

         La dernière partie ne comprend que deux communications, qui sont centrées sur la question des attributs entre Orient et Occident. Dans leur travail conjoint, Jannic Durand et Catherine Jolivet-Lévy étudient la question des attributs dans l’art byzantin. Après un rappel notamment sur l’absence d’importants répertoires, comme on en a pour l’art occidental, les auteurs mettent en exergue certaines exceptions et insistent sur les regroupements possibles. Ces regroupements révèlent un fonctionnement sous forme de catégories (les saints militaires, les martyres, les saint moines, etc.) qui présentent chacune des attributs communs. Les attributs sont donc des éléments d’individualisation collective. Cependant, quelques rares figures de l’art byzantin semblent avoir reçu un attribut personnel, voire une physionomie particulière. Le développement, au milieu du Moyen Âge, de représentations rassemblant de nombreuses figures hagiographiques, comme les Ménologues, nécessitent de pouvoir individualiser les saints figurés. Selon les conclusions des auteurs, l’art byzantin serait donc resté fidèle à la tradition définie au lendemain de l’iconoclasme ; il met en place, entre les IXe et Xe siècles, un système iconographique codifié, qui demeurera dominant pendant tout le Moyen Âge. Dans un second temps, pour illustrer ce constat de base, l’étude considère l’exemple des attributs dans l’iconographie des saintes femmes au sein de l’art byzantin en insistant sur quatre figures féminines : saintes Thècle, Marina, Paraskévi et Kyriaki. Comme cela avait été montré dans la première partie de l’étude, les représentations de saintes femmes sont également très codifiées et réparties en quatre catégories : les saintes femmes martyres, les saintes impériales, les fiancées du Seigneur ou épouses mystiques et enfin les moniales. Le travail autour de ces quatre figures féminines révèle que les attributs individuels des saintes dans l’art byzantin sont l’exception plutôt que la règle. Ainsi les conclusions relatives aux figures féminines confirment le postulat développé dans la première partie de l’étude. La seconde communication de ce chapitre traite de la question de « L’attribut en tant que signe d’identification des saints dans l’art du Levant au Moyen Âge tardif ». Michele Bacci y reprend les remarques de ses collègues sur la problématique des attributs dans l’art oriental. Cette étude met en relief des contacts plus ou moins directs, notamment après le Concile de Trente, entre la tradition latine et l’art du Levant, ce qui entraînera l’emploi d’attributs individuels au Moyen Âge tardif. Les contacts sont essentiellement dus à l’établissement des Croisés en Terre Sainte et au Levant aux XIIe et XIIIe siècles. L’art des Latins d’Orient apparaît donc comme un subtil mariage entre l’art byzantin et les conventions figuratives latines. L’art du Levant a adopté les éléments des arts voisins lorsque ceux-ci étaient utiles et efficaces.

 

         Les actes de colloque présentent des communications denses et variées qui maintiennent le dynamisme relancé depuis quelques années, notamment par les travaux de Michel Pastoureau, dans le domaine de l’iconographie et de la symbolique. Les contributeurs sont des spécialistes reconnus qui livrent ici des études fouillées et pointues. L’ouvrage s’inscrit dans la continuité des précédents recueils publiés dans le cadre des études du RILMA, et offre aux chercheurs un matériel de qualité richement illustré.

 

 

Sommaire

 

Horizons théoriques et historiographiques

Michel Pastoureau, Pour une histoire des attributs dans l’image médiévale  11-34

Charlotte Denoël, Les attributs des saints à travers l’histoire : des hagiographes aux iconologues  35-44

Christian Heck, Entre action et symbole : l’attribut héritage ou substitut de la scène narrative ?  45-66

Claudia Cieri Via, Morphologie et syntaxe de l’attribut. Contribution au fonctionnement des images dans la deuxième moitié du XVIe siècle  67-77

 

Les attributs au fil des siècles

 Inès Villela-Petit, Quand le signe surpasse le saint : quelques réflexions sur la naissance de l’attribut dans l’art chrétien ou sainte Agnès à la croisée des chemins   79-90

Frédéric Tixier, Sainte Claire d’Assise et la monstrance eucharistique : genèse et évolution d’un attribut (mil. XIIIe-fin XVe s.)   91-104 

Olga Vassilieva-Codognet, De la nef d’Espérance à la voile de Fortune   105-141 

 

Attributs, pouvoirs et société

Richard Marks, SS Eligius and Erasmus: attribute, audience and locus in late medieval England   143-156

Jean-Luc Chassel, Le langage des attributs dans les sources sigillaires du Moyen Âge. Emblématique, institutions et société   157-190

Laurent Hablot, Le bâton du pouvoir dans l’image médiévale  191-209

 

Les attributs entre Orient et Occident

Jannic Durand et Catherine Jolivet-Lévy, Les « attributs » des saints dans l’art byzantin et l’exemple des saintes femmes  211-238 

Michele Bacci, L’attribut en tant que signe d’identification des saints dans l’art du Levant au Moyen Âge tardif  239-26