De Angelis, Francesco : Miti greci in tombe etrusche. Le urne cinerarie di Chiusi. Monumenti Antichi, 73, serie monografica, 8. 640 p., 178 tav., 25 x 30, ISBN: 978-88-7689-290-5, 395 €
(Giorgio Bretschneider Editore, Roma 2015)
 
Compte rendu par Danilo Nati
 
Nombre de mots : 1297 mots
Publié en ligne le 2017-05-24
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2770
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          Les urnes cinéraires de Volterra, Chiusi et Pérouse représentent la plus remarquable série de monuments, tant du point de vue qualitatif que quantitatif, produite par ces trois importants centres de l'Étrurie du Nord pendant la période hellénistique. Les représentations des défunts sur les couvercles, les inscriptions onomastiques et l’utilisation massive de scènes mythologiques pour la décoration des cuves, principalement tirées de la mythologie grecque, offrent une quantité extraordinaire d’informations qui permettent de tracer un cadre articulé des phénomènes sociaux, artistiques et culturels qui ont eu lieu dans les centres en question.

 

          Dans cet ouvrage, publié dans la prestigieuse série monographique des Monumenti Antichi de l’Accademia Nazionale dei Lincei, Francesco de Angelis examine la production de Chiusi en albâtre, chronologiquement comprise entre le milieu du IIIe siècle avant J.-C. et les premières décennies du siècle suivant, avec l'objectif d'enquêter sur l'exploitation des images mythologiques dans la société de Chiusi.

 

         Après une brève introduction, le livre s'ouvre sur le premier chapitre « Le urne etrusche e la tradizione iconografica del mito » (Les urnes étrusques et la tradition iconographique du mythe), dans lequel sont exposées les réflexions méthodologiques qui ont dirigé le développement du travail. L’auteur se concentre notamment sur le complexe réseau des relations entre les mythes grecs et l'identité culturelle étrusque, et entre la tradition mythologique et la tradition artistique.  

 

         Le deuxième chapitre, « Le urne chiusine: cronologia e contesto storico » (Les urnes de Chiusi : chronologie et contexte historique), est consacré à l’examen des bases stylistiques et chronologiques de la production de ces monuments, moins volumineuse que celle de Volterra et de qualité supérieure à celle de Pérouse. Le nouvel examen systématique des monuments funéraires (le premier réalisé avec un tel degré de détail) est à l'origine d'une sériation circonstanciée, à la fois stylistique et chronologique, qui permet de suivre le développement et les articulations internes de la production de Chiusi d'une manière plus précise par rapport à ce qui a été possible jusqu'à présent. Les urnes sont organisées en groupes stylistiques, à leur tour divisés en trois sections : « noyau » (nucleo), « associations » (associazioni) et « juxtapositions » (accostamenti). La section noyau regroupe les urnes nécessaires à la définition des caractéristiques fondamentales du groupe relatif ; parmi les associations, on trouve notamment les urnes qui montrent une affinité forte avec celles du noyau ; les juxtapositions, enfin, comprennent les monuments dont le lien avec ceux des deux autres sections est moins fort. Dans le même chapitre, on trouve également un aperçu des connaissances sur l'histoire politique et sociale de Chiusi à l'époque hellénistique, reconstruite sur la base des sources littéraires, archéologiques et épigraphiques disponibles.

 

         Les quatre chapitres suivants (3 - 6) se composent d'une analyse iconographique serrée des scènes présentes sur les cuves des urnes, regroupées en quatre macro-groupes thématiques. L'un des éléments les plus intéressants issus de l'enquête est l'importance accordée par la production de Chiusi aux scènes de bataille, comme cela est illustré dans le chapitre 3. Parmi tous les thèmes présents sur les urnes et les sarcophages de Chiusi, le thème de la guerre est en fait, et de loin, prépondérant du point de vue numérique, ayant une importance sans parallèle dans l'art funéraire étrusque. 

 

         Même les scènes mythologiques, qui dépeignent les liens de fraternité et d'amitié analysés dans le chapitre 4, « Conflits entre frères et amitié fraternelle » (Conflitti tra fratelli e amicizia fraterna), représentent un motif de première importance au sein du répertoire de Chiusi, en particulier lorsque ces liens sont représentés par contraste, comme dans les images du fratricide mutuel entre Étéocle et Polynice, qui stigmatisent les conséquences de la rupture du lien de fraternité. Les représentations examinées dans ce chapitre (Étéocle et Polynice, Achille et Ajax, Oreste et Pylade), bien qu'appartenant plus ou moins directement à la sphère martiale, n'ont pas comme objectif principal un message à but militaire et semblent vouloir plutôt faire écho particulièrement aux craintes liées au contexte funéraire, comme le traumatisme de la mort d'un membre de la famille et les répercussions de cet événement sur la stabilité du noyau familial.  

 

         Dans le chapitre suivant, « La jeunesse à risque » (La giovinezza a rischio), sont examinées certaines scènes mythiques (Oreste et Pylade en Tauride, Alexandre menacé par Cassandre, Cacu et les frères Vibenna) qui, malgré un certain caractère d’hétérogénéité entre elles, permettent de mettre en évidence un autre motif récurrent sur les urnes, celui de la jeunesse, spécifiquement associé au contexte funéraire. Les protagonistes des scènes sont en effet représentés dans une situation de danger extrême, mais qui finit par se résoudre heureusement. Selon l'auteur, la mort apparaît dans ces scènes seulement comme une possibilité et sert à exacerber, par contraste, la perception de la précarité de la jeunesse.

 

         D'une autre façon, les monuments représentant le meurtre de Troïlus et d’Hippolyte, examinés immédiatement après la triade précédente, mettent en avant l'acte même de mourir. Il n'existe en effet aucune incertitude sur le sort des deux jeunes protagonistes. Leur jeunesse joue alors un rôle différent par rapport à celle des précédents : elle fonctionne en premier lieu comme attribut qui accentue l'inexorabilité du destin ainsi que le caractère soudain et traumatique de la mort. 

 

         Dans le chapitre 6, « La famille, le pouvoir et autres thèmes sur les urnes étrusques » (La famiglia, il potere e altri temi sulle urne etrusche), l'auteur examine finalement une série de scènes mythiques n'ayant pas de liens spécifiques entre elles (le meurtre de Clytemnestre et d'Egisthe, le conflit entre Pélops et Œnomaos, la chasse au sanglier de Calydon, le héros à l’araire), mais qui se retrouvent insérées de manière cohérente dans le même système d'interprétation construit par l'auteur ; ce dernier voit dans la guerre et dans le compagnonnage le cadre dans lequel les scènes mythologiques représentées sur les urnes de Chiusi acquièrent leur propre prégnance sémantique. 

 

         La dernière partie de l'ouvrage contient le catalogue, qui constitue la base documentaire utilisée pour l'étude. Le travail patient de collecte des informations pour chaque urne a conduit à un nombre non négligeable de nouveautés, comme la réunification des cuves et des couvercles disjoints et la récupération des indications de provenance de certains monuments. L'auteur présente quelques nouveautés, notamment en ce qui concerne l'aspect épigraphique : la publication d'inscriptions inédites, la correction de leçons transmises de manière imprécise et la proposition de nouvelles intégrations. L'ouvrage se termine par un appareil iconographique remarquable, composé de 182 plaques, toutes de haute qualité, qui rendent plus que justifiée l'absence de descriptions analytiques des représentations sur les cuves.

 

         L'auteur ne traite pas systématiquement les mythes attestés une seule fois dans le répertoire de Chiusi (comme le meurtre d'Agamemnon et la transformation des compagnons d'Ulysse en animaux par Circé), tandis que les thèmes de nature eschatologique ou ceux liés à la démonologie étrusque d’époque hellénistique ne sont point analysés. En particulier, les représentations qui voient comme protagoniste la figure de Scylla (attestée avec une certaine fréquence à partir de la fin du IIIe siècle et tout au long du IIe siècle avant J.-C.) auraient peut-être mérité une enquête plus approfondie.

 

         Grâce à une approche novatrice et ingénieuse, l'auteur, qui ne s'est pas limité à concevoir un catalogue des monuments de Chiusi, offre néanmoins un aperçu inédit de la culture figurative, des dynamiques sociales et culturelles de Chiusi et, plus généralement, de l'imagerie funéraire étrusque de l'époque hellénistique.  

 

 

Indice

Prefazione, 11

Abbreviazioni bibliografiche, 15

Introduzione: urne, miti e identità culturale, 55

I. Le urne etrusche e la tradizione iconografica del mito, 63

II. Le urne chiusine: cronologia e contesto storico, 103   

III. Le scene di battaglia, 157

IV. Conflitti tra fratelli e amicizia fraterna, 195

V. La giovinezza a rischio, 231

VI. La famiglia, il potere e altri temi sulle urne etrusche, 269

Conclusioni, 299

Schede, 307

Elenco delle illustrazioni, 433

Referenze iconografiche, 445

Indice analitico, 449