Viand, Antide (dir.): Nanterre et les Parisii au temps des Gaulois (IIIe-Ier avant J.-C.), exposition Espace Paul Eluard, Nanterre, 11 avril - 14 juin 2008, 15x24 cm, 128 pages, 200 ill., 19,50 euros, ISBN 9782757201626
(Somogy, Paris 2008)
 
Compte rendu par Nathalie Ginoux, INRAP / CNRS-Lille 3
 
Nombre de mots : 1156 mots
Publié en ligne le 2009-05-14
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=280
Lien pour commander ce livre
 
 

Ce petit catalogue au format 15 x 24, bien illustré, sous le titre : Nanterre et les Parisii, une capitale au temps des Gaulois ?, accompagnait l’exposition présentée du 11 avril au 14 juin 2008 à l’Espace Paul Eluard à Nanterre (92). Contrairement à ce que pourrait laisser penser le sommaire, son découpage en grandes parties et ses titres très généraux, il ne s’agit pas d’une synthèse sur l’histoire socio-économique des Parisii entre les IIIe et Ier siècles av. J.-C. mais d’un point sur l’actualité de la recherche archéologique, sur deux secteurs extrêmement limités : les territoires des communes actuelles de Nanterre et de Bobigny ; ce qui, à l’évidence, n’a pas la même portée.

 

La structure du livre se divise en quatre grandes parties :

  • « Les Parisii au IIIe siècle av. J.-C.»
  • « les Parisii au IIe siècle et au Ier siècle av. J.-C»
  • « Vue d’ensembles »
  • « Catalogue ».

Une bibliographie figure à la fin de l’ouvrage

 

Les deux premières parties, de taille inégale, annoncent un découpage chronologique mais offrent en réalité une description exclusivement thématique.

Celle qui ouvre le livre, intitulée « Les Parisii au IIIe siècle av. J.-C.», compte 18 pages et contient essentiellement les données funéraires : « La nécropole de Nanterre », « Unique en Europe : la nécropole de Bobigny », « les tombes à char des Parisii », « À la recherche des habitats ». La suivante, « les Parisii au IIe siècle et au Ier siècle av. J.-C», est nettement plus fournie (33 pages). Elle s’intéresse à l’archéologie des habitats et aux données socio-économiques : « L’urbanisme pré-romain en Gaule du Nord : les oppida », « L’oppidum siège des pouvoirs », « Economie et échanges », « Cultes et manifestations cultuelles » etc.

 

L’un des problèmes de fond de ce volume se révèle à la lecture de ces deux premières parties car on ne saisit pas le bien-fondé de la comparaison entre deux sites aussi différents que la nécropole exceptionnelle de Bobigny (527 tombes) et la petite unité funéraire de Nanterre (30 tombes). Si l’on doit trouver un point commun entre eux, c’est leur appartenance à la même période chronologique (1ère moitié du IIIe siècle av. J.-C.). Ils illustrent des situations complémentaires mais différentes et de ce point de vue ne peuvent être mis constamment sur le même plan.

Ainsi, la contradiction relevée précédemment entre la forme affichée et le contenu réel du livre tient dans cette tentative d’utiliser la description d’ensembles dont la représentativité est limitée (même s’ils sont pertinents) pour en tirer une synthèse. Le même problème d’échelle et de mise en perspective se pose dans la deuxième partie, toutefois à un degré moindre, à propos des habitats, des pratiques cultuelles et des mobiliers.

 

Les auteurs soulèvent dans le sous-titre, avec une ambiguïté entretenue tout au long de l’ouvrage, la question d’identifier Nanterre comme une « capitale » des Parisii. Comment comprendre cette interrogation ? S’agit-il d’un oppidum parmi d’autres du territoire des Parisii ? A ce titre, comment le terme de « capitale » peut-il être justifié ? S’agirait-il de « la Capitale » des Parisii ? Et dans ce cas, une telle hypothèse nécessiterait assurément d’être mieux défendue, sur des bases scientifiques, en présentant des arguments indiscutables.

 

En effet, parler de « site urbanisé » (page 46), de « trame urbaine » (page 38), semble, en l’état de la documentation présentée, quelque peu excessif. On nous indique la présence « par endroits des vestiges de niveaux de circulation contemporains de la ville gauloise » (page 41), de « rues », de « trames orthogonales », autant de termes employés sans qu’aucun plan ni photographie ni coupe stratigraphique ne viennent illustrer ce « type de structuration qui évoque les milieux les plus urbanisés de Gaule, s’inspirant des modèles italiques » (page 41).

L’importance d’une telle découverte, inédite dans le nord de la Gaule, aux portes de Paris, mériterait une démonstration autrement étoffée, y compris dans un catalogue destiné au grand public.

 

Les premières recherches archéologiques menées entre 1993 et 1995 par une équipe de l’AFAN (Association pour les fouilles archéologiques nationales, fouilles dirigées successivement par José Ajot et Jean-Claude Durand), si elles ont bien confirmé le développement important et structuré du bourg de Nanterre, n’ont pas montré de traces d’urbanisme. Et comme nous l’avons signalé, rien dans cet ouvrage n’en apporte de preuve matérielle pour les fouilles plus récentes, menées par l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives, fouilles dirigées par Antide Viand) à partir de 2003. L’unique vue de détail d’un « empierrement d’une rue gauloise » (page 40) nous laisse vraiment sur notre faim.

Rappelons ici pour mémoire que l’importance, aux confins du territoire des Parisii, de l’habitat groupé de Nanterre, jalon essentiel dans un réseau de sites contrôlant le cours moyen de la Seine, au cours des IIe et Ier siècles av. J.-C., a déjà été montrée, dans un article de synthèse consacré aux Parisii paru en 2002 (1). Cette référence est d’ailleurs curieusement oubliée dans la bibliographie.

 

La seconde partie de l’ouvrage se présente sous la forme binaire de deux catalogues. Le premier, intitulé « Vues d’ensembles » (22 pages), rassemble essentiellement les objets et mobiliers funéraires issus des fouilles de Nanterre et de Bobigny mais aussi d’autres découvertes comme le célèbre trésor de Puteaux dont un fac-similé était présenté dans l’exposition. Le second, appelé « Catalogue », montre sous la forme plus classique de 124 petites notices individuelles, d’autres objets, provenant des mêmes deux sites. L’ensemble de ces deux catalogues donne un très bon aperçu du type de mobilier et de sa conservation.

Le lecteur appréciera la réalisation soignée de la maquette de l’ouvrage qui met en valeur la qualité des photographies.

 

L’intérêt de cet ouvrage est donc avant tout sa richesse documentaire, centrée principalement sur les découvertes de Nanterre et de Bobigny. On regrettera quelques approximations (page 18 par exemple : « la présence d’un véhicule de combat semble être une caractéristique funéraire propre aux Parisii ») et surtout l’absence inexplicable de références dans les sources, comme les rapports des fouilles préventives effectuées depuis 1993 et dans la bibliographie, en particulier l’excellent article d’Iliana Pasquier sur la céramique peinte de Nanterre - le seul sur le sujet - paru en 1997 (2).

Pour conclure, ce petit livre se révélera fort utile au lecteur qui souhaite se tenir informé des dernières découvertes archéologiques. Cependant son contenu reste très en deçà de l’ambition affichée dans le titre et le sommaire, dans la mesure où les vestiges présentés et les hypothèses esquissées ne peuvent prendre un sens que dans une vision plus large, qui dépasse les seuls sites de Nanterre et de Bobigny. Nous attendons donc avec impatience la suite des travaux de recherche, en particulier la publication scientifique des données de fouille.

 

Notes :

(1) Nathalie Ginoux, Matthieu Poux, « Les Parisii, entre Gaule Celtique et Gaule Belgique. Peuplement et territoires », dans Territoires celtiques. Espaces ethniques et territoires des agglomérations protohistoriques d’Europe occidentale. Actes du XXIVe Colloque international de l’Association Française pour l’Etude de l’Age du Fer, Martigues (Bouches-du-Rhône), 1er-4 juin 2000, sous la direction de Dominique Garcia et Florence Verdin, Editions Errance, Paris 2002, p. 226-243.

(2) Iliana Pasquier, « la céramique peinte d’un habitat de La Tène finale : les "Guignons" à Nanterre (Hauts-de-Seine) », Revue Archéologique du Centre, 1997, p. 23-27.