AA.VV.: Callegarin, Laurent - Kbiri Alaoui, Mohamed - Ichkhakh, Abdelfattah - Roux, Jean-Claude (dir.). Rirha : site antique et médiéval du Maroc. II Période maurétanienne (Ve siècle av. J.-C. – 40 ap. J.-C.), 218 p., 21 x 29,7 cms, ISBN : 9788490960271, 49 €
(Casa de Velázquez, Madrid 2016)
 
Compte rendu par Yves Roman, Université Lyon 2
 
Nombre de mots : 883 mots
Publié en ligne le 2016-12-07
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2809
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         L’ouvrage dirigé par L. Callegarin et alii est le résultat d’une coopération internationale qui a mobilisé plus d’une trentaine de chercheurs de formations diverses, venus de quatre pays différents (Maroc, France, Espagne, Algérie). Il rend compte des fouilles archéologiques menées sur le site de Rirha, au nord de la ville de Sidi Slimane, et, si l’on veut se référer à une plus grande ville, au nord de Meknès, au Maroc. Le projet scientifique initial était d’appréhender les dynamiques du peuplement humain dans la plaine alluviale du Gharb durant la période antique. La fouille devait amener à la prise en compte des restes importants de l’époque médiévale islamique. L’ouvrage dont il est question ici porte, lui, sur une partie seulement de la période « maurétanienne », puisque René Rebuffat fait débuter celle-ci au XIIe siècle av. J.-C.

 

         Du compte rendu d’une fouille conduite de manière exemplaire (les coupes et stratigraphies des pages 15-19, par exemple, sont impressionnantes) ressortent plusieurs conclusions. La première est l’ampleur d’une occupation qui débuta entre la première moitié du VIIe siècle av. J.-C. et la première moitié du VIe siècle av. J.-C., comme le prouve la découverte hors stratigraphie d’un bord d’amphore Rachgoun 1. Cette importance situe Rirha au niveau des sites régionaux, tels ceux de Sidi Ali Ben Ahmed (Thamusida) et de Sidi Ali Bou Inoun (Banasa). Bref, durant la période maurétanienne, c’est d’une véritable agglomération dont il s’agit, même si, ce qui relève de la normalité, on avait affaire à un bâti en terre, et plus particulièrement en brique crue. Cette implantation ne saurait s’expliquer par une entreprise coloniale de quelque origine qu’elle soit, phénicienne, grecque ou carthaginoise, cette conclusion rejoignant le point de vue développé par Fr. Villard autrefois. Il s’agit de l’une de ces sociétés indigènes, que l’historiographie traditionnelle a longtemps négligées, alors que des « formes propres de son développement interne » (P.-A. Février) auraient pu être relevées, étudiées. Et c’est bien ce que ce volume entend apporter. Pour poursuivre, on relèvera l’impossibilité de mettre en évidence une implication politique, mieux même, une véritable hégémonie culturelle d’un grand peuple voisin, même si l’influence punique est décelable, celle-ci ne cessant d’ailleurs aucunement avec la destruction de Carthage. Mais, et cela est important, les auteurs de l’ouvrage parlent d’une « “sémitisation” ayant acquis son autonomie » visible dans « l’usage du néopunique dans l’écriture aux IIe- Ier siècles av. J.-C. ». En un mot, un monde structuré, mais ouvert. C’est bien ce que font découvrir les mobiliers des différentes époques maurétaniennes. En effet, le site s’insérait, comme il est normal, dans la zone du « Cercle du Détroit », ce que prouve la présence d’amphores Maña-Pascual A4, de kalathoi ibéro-puniques, ou de la vaisselle de type Kouass. En revanche, il pouvait avoir sa vie propre, comme le montrent des ratés de cuissons, des fragments de parois de four, qui vont dans le sens d’une fabrication locale de céramique commune à l’époque tardo-maurétanienne.

 

         Mais la révolution était à venir. Elle se produisit, ce qui n’a rien d’étonnant vu la période, sous le règne de Juba II, à l’époque du changement d’ère chrétienne. Alors, comme à Volubilis ou Thamusida, la brique crue céda largement du terrain face à de petits moellons de dimensions diverses disposés en assises irrégulières et positionnés grâce à des cales (opus vittatum). L’écriture (libyque et néopunique) se répandit, comme la vaisselle fine d’importation d’origine italienne. À Rirha, l’action de Juba II avait joué son rôle et l’on voit se conclure la séquence sur une large présence romaine en Maurétanie occidentale avant la conquête claudienne.

 

         Cet ouvrage n’apportera pas, on le voit, de réponse à la question, qui divise les archéologues, de savoir qui étaient les maîtres du « Cercle du Détroit », maurétaniens ou espagnols. En revanche, il montre de manière exemplaire, sur une période longue, l’évolution d’une société indigène, ayant sa vie propre, et bientôt lentement ou brutalement confrontée à de puissantes cultures extérieures.

 

 

Sommaire

 

STRATIGRAPHIE ET BÂTI, 11
I. — Le Sondage Ancien 1 : une séquence stratigraphique de référence pour le site, 11
II. — Le niveau maurétanien tardif de l’Ensemble, 36
III. — L’architecture en terre crue, 44

LE FACIÈS CULTUREL DE LA PÉRIODE MAURÉTANIENNE, 85
I. — L’épigraphie prélatine à Rirha et dans ses environs, 85
II. — L’étude du numéraire préromain, 103
III. — Étude préliminaire d’une tête en terre cuite, 112

UN PREMIER APERÇU DU SITE AVANT LA CONQUÊTE CLAUDIENNE, 117
I. — Les origines de l’implantation humaine dans la région de Sidi Slimane, 117
II. — L’évolution du site de Rirha entre les VIIe-VIe siècles av. J.-C. et la première moitié du Ier siècle ap. J.-C., 119

CONCLUSION. — L’IMPLANTATION HUMAINE À L’ÉPOQUE PRÉROMAINE (VIIe s. av. J.-C. – 40 ap. J.-C.), 127

ANNEXE I. — CATALOGUE DES MONNAIES, 129
I. — Inventaire des monnaies mises au jour par les opérations du XXesiècle, 129
II. — Inventaire des monnaies issues des campagnes 2005-2012, 133

ANNEXE II. — PROSPECTION DU DOMAINE DU BEHT (2008). INVENTAIRE DU MOBILIER RECUEILLI, 147
I. — Secteur « nécropole », 147
II. — Secteur « terrasse », 148

ANNEXE III. — ARCHITECTURE EN TERRE CRUE. PROTOCOLES D’INVESTIGATION SUR LE TERRAIN ET EN LABORATOIRE, 151
I. — La fouille archéologique, 151
II. — Les prélèvements et les analyses micromorphologiques, 152