Raucoules, Armand: De la musique et des militaires à travers les siècles, 22x28 cm; 176 pages, 120 ill., 35 euros, ISBN 9782757201558
(Somogy, Paris 2008)
 
Rezension von Claire Joncheray, Université Paris 10
 
Anzahl Wörter : 1206 Wörter
Online publiziert am 2008-06-24
Zitat: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=281
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Le colonel Armand Raucoules propose une recherche sur le rôle de la musique dans l’armée. Ce livre n’est pas une histoire à travers les siècles mais un bilan sur les formations musicales de l’armée française [1] actuelles dans leur répertoire et leur origine.

 

La musique des militaires depuis la Révolution Française a servi à transmettre les ordres et soutenir le moral des troupes et des civils. On aurait aimé un peu plus d’anecdotes sur le sujet des transmissions, moins développé dans ce livre que les deux autres aspects même si le système de relais du tambour-major est évoqué. Aujourd’hui la musique sert au défilé, au quotidien des militaires selon les règlementations [2] et aux relations publiques de l’armée. Dans une société en paix, la musique donne en effet une image positive de l’armée : les représentations musicales en France et à l’étranger sont toujours très appréciées d’après l’auteur. Une série de groupes sont en effet très impressionnants : la nouba du régiment des tirailleurs avec ses instruments traditionnels du nord de l’Afrique et ses costumes orientaux ; les musiciens de la Garde républicaine à cheval ; la bagad de Lann-Bihoué et les chasseurs alpins avec les cors des Alpes. Les belles photos des formations musicales actuelles agrémentent le livre.

 

La préface de Frédéric Lodéon [3] nous donne une bonne définition de la musique militaire : c’est une musique de plein air dont le son doit porter loin. Ces deux contraintes et avantages en font l’originalité. Il conclut en gratifiant ce livre de quatre adjectifs : « technique, historique, nostalgique et serein ».

 

Il s’agit en effet d’un livre très technique, c’est-à-dire précis dans les descriptions des diverses formations musicales des corps de l’armée française contemporaine. Le troisième chapitre trahit son auteur par une pointe de fierté militaire : le colonel Raucoules « a réalisé un parcours musical de trente-quatre ans au sein de l’armée de Terre » [4] notamment en tant que chef de musique. L’auteur maîtrise ce vaste sujet par une pratique de la musique dans l’armée et surtout par une bonne documentation dans les archives militaires.

 

On peut discuter l’adjectif « historique ». Dans l’introduction, l’auteur précise qu’il n’a pas de volonté d’exhaustivité : ce n’est pas une histoire de la musique et des militaires, mais une « rétrospective historique » pour comprendre la place occupée par la musique dans l’armée et son rôle actuel. Les recueils de musique ou manuels du xixe siècle sont parfois utilisés comme livres de référence et non pas comme sources historiques. La référence des auteurs antiques mériterait d’être citée avec précision. La bibliographie n’est pas très récente, mais il est vrai que peu d’études sur la musique et les militaires existent en histoire contemporaine.

Notons quelques grands changements de la place de la musique dans l’armée française : la généralisation du fifre associé au tambour sous François ier, une prise de conscience de l’utilité de la musique pour les rythmes et marches avec Maurice de Saxe au xviie siècle, une diminution drastique sous Napoléon ier et une apogée de la musique militaire entre 1820-1860, avec l’adaptation de nouveaux instruments notamment les inventions d’Adolphe Sax. Il est intéressant de remarquer le besoin des commandants de faire valoir leur prestige grâce à des musiciens gagistes et de grands ensembles au xixe siècle. La 1ère guerre mondiale a fortement amputé la tradition orale des chants militaires mais, favorisant l’esprit patriotique, le début du xxe siècle a multiplié les répertoires et les concerts dans les kiosques prévus à cet effet.

 

L’aspect nostalgique par contre ne semble pas prévaloir : le livre présente plutôt une image dynamique des formations musicales militaires françaises actuelles, même si l’armée se doit en effet de maintenir la tradition, utilisant notamment des instruments de musique traditionnels régionaux. Le dynamisme se lit dans une adaptation des répertoires aux modes et aux goûts contemporains comme le jazz pour la musique des équipages de la flotte de Toulon. Le niveau de compétence des musiciens est très élevé grâce aux modes de recrutement, aux conservatoires militaires et peut-être à la professionnalisation de l’armée. De plus, une féminisation de ces formations fait partie de ce renouveau avec en 2007, pour la première fois, une femme reçue au concours de chef de musique.

 

Il reste quarante-deux formations militaires (musiques et fanfares [5]) actuellement en France. Il existe trente-trois formations dans l’armée de Terre - partagée en 5 régions, Île-de-France, Nord-Est, Nord-Ouest, Sud-Est, Sud-Ouest - trois dans la marine, trois dans l’armée de l’air et trois dans la gendarmerie. Les vicissitudes de la garde républicaine rendent un peu plus difficile à comprendre le chapitre sur l’évolution des formations de la gendarmerie.

Le livre est constitué de neuf parties : une première grande introduction, une étude sur le chant militaire français, puis une étude sur chacun des quatre corps d’armée. Fonctionnant comme dans un manuel, le livre se clôt sur deux chapitres d’usage encyclopédique : un répertoire des chefs de musique et compositeurs français, et un répertoire des instruments en usage dans les musiques et fanfares militaires avec un tableau diachronique des formations et de leur évolution de la Révolution Française à l’année 2006.

La première partie se présente comme un cadre chronologique et thématique général. Elle n’est pas à l’abri de quelques répétitions. On ne peut pas dire que l’« art musical [soit] à exclure dans l’Antiquité » (p.16). Il existait des notations musicales[6] et des concours de trompettes[7]. Il faut préciser aussi que les instruments cités page 17 sont majoritairement romains dans leur utilisation (tuba, lituus et bucina).

Dans la dernière partie, on constate que seules les percussions et les instruments à vent sont utilisés dans l’armée. Le passage sur les orgues est très intéressant. Dans l’Antiquité, les instruments de l’otium et ceux de l’armée sont bien différents contrairement à nos instruments contemporains.

Des encadrés sur des biographies, sur le nombre de musiciens, sur le nombre de formations et un glossaire sont bienvenus. Des cartes de la France et des tableaux de localisation des formations et des chronologies sur leur évolution participent d’un souci d’explications.

 

Ce livre permet de comprendre les changements du rôle de la musique au sein de l’armée française, surtout dans ses rapports au public. La maquette, les couleurs et les photographies dans le corps du texte en rendent la lecture agréable. Un grand travail sur les archives et le témoignage d’un directeur de conservatoire militaire permettent d’utiliser ce manuel comme un bon reflet de la place de la musique dans l’armée française en 2008.



[1] Les expressions « notre culture » ou « nos fanfares » du premier chapitre le prouvent.


[2] Les encadrés p.116-117 sur les batteries et sonneries de quartier aident le civil à comprendre les enjeux encore actuels de ces transmissions musicales. Mais, à l’heure des télétransmissions, la place de la musique dans les manœuvres pourrait être explicitée.


[3] Violoncelliste. Producteur et animateur d’émissions radiophoniques.


[4] Quatrième de couverture.


[5] Il faut distinguer les musiques qui sont des formations de professionnels, des fanfares qui peuvent être composées de soldats non exclusivement musiciens.


[6] J. Chailley, La musique grecque antique, Belles Lettres, 1979.


[7] Il existe des concours grecs de trompettes qui ressemblent à des concours athlétiques parce que la salpinx (trompette grecque) demande une grande puissance physique. cf. A. Bélis, Les musiciens dans l’Antiquité, Hachette Littératures, 1999.