Picón, Carlos A. - Hemingway, Seán (ed.): Pergamon and the Hellenistic Kingdoms of the Ancient World, 368 p., 485 ill. in full color, 9 1/2’’ x 11’’, ISBN: 9781588395870, 65 $
(The Metropolitan Museum of Art, New York 2016)
 
Compte rendu par Yvan Maligorne, Université de Bretagne occidentale
 
Nombre de mots : 4053 mots
Publié en ligne le 2020-06-24
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2845
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          Comme le précise Carlos A. Picón dans son introduction au catalogue, l’exposition prolongeait celle de 2011-2012 à Berlin (Pergamon. Panorama der antiken Metropole). Elle n’avait pas pour but de rivaliser avec ce prestigieux précédent, mais entendait présenter une sélection d’œuvres d’art hellénistiques en faisant de Pergame une étude de cas. Il s’agissait en fait de profiter de la  fermeture pour restauration du Pergamonmuseum en 2015, qui fournit l’occasion d’obtenir le prêt de nombreuses œuvres majeures, dont des blocs du Grand Autel, du sanctuaire d’Athéna Polias Nikephoros ou de nombreuses sculptures. Ceci étant, l’institution berlinoise ne fut pas le seul prêteur et de nombreux musées ont contribué à l’exposition. C’est la troisième grande manifestation consacrée à Pergame en peu de temps, puisque la frise de Télèphe a fait l’objet d’une exposition à Rome en 1996-1997 (L’altare di Pergamo. Il fregio di Telefo, Rome, 1996). La manifestation de New York avait des visées larges, mais accordait à Pergame une attention particulière, la capitale des Attalides étant la seule ville présentée de façon quelque peu détaillée ; des autres grands royaumes, seul celui de Macédoine fait l’objet de plusieurs développements dans différents essais. Le titre de l’exposition rend bien cette double perspective mais l’on peut s’étonner de la curieuse précision finale, qui semble impliquer l’existence d’autres royaumes hellénistiques que ceux de l’Antiquité.

 

         Le catalogue de cette exposition, magnifique volume relié sous jaquette, très abondamment illustré, s’articule en deux parties qui se répondent : une suite de 12 essais, eux-mêmes répartis en quatre ensembles qui s’efforcent de proposer un panorama large de l’art hellénistique et de ses déclinaisons pergaméniennes (p. 8-99) ; le catalogue des œuvres exposées, structuré autour des grands thèmes de l’exposition (p. 100-313).

 

Les essais

 

I- Alexander the Great and his World

 

1- Art in the Age of Alexander, par Ariel Herrmann

         

         Le premier chapitre présente rapidement les évolutions de l’art grec durant la seconde moitié du IVe s., avec une insistance sur les figures de Philippe II et Alexandre III de Macédoine qui suscitent un art de cour. L’auteur évoque les artistes auxquels Alexandre avait confié la représentation de son image et s’arrête longuement sur Lysippe, sans pour autant dégager les grandes orientations de ses productions. On notera cependant une intéressante discussion sur l’Apoxyomène : la statue des musées du Vatican qui lui est traditionnellement identifiée est écartée au profit d’un type dont de plus nombreuses copies sont connues. Les portraits royaux sont évoqués, comme les objets de luxe découverts en Grèce du Nord, en particulier dans la tombe II de Vergina. Les développements sur la sculpture en marbre donnent l’occasion de mettre en lumière des statues moins connues : une chasse au sanglier en ronde-bosse conservée à Véroia ; une statue d’Eurydice, mère de Philippe. L’auteur se penche ensuite sur ce qu’il appelle l’art bidimensionnel, avec les mosaïques et reliefs, terminant par un saisissant relief athénien représentant un écuyer avec un cheval.

 

         L’auteur conclut sur les difficultés de datation de l’art hellénistique, et principalement de la sculpture, qui ne connaît pas un développement linéaire et qui a des tendances rétrospectives. À plusieurs reprises, il est fait référence à d’autres chapitres, au prix d’ailleurs d’un curieux excursus sur Pergame (p. 9).

 

2- Symbols of Power. Kings, hetairoi and common people in the Kingdom of Macedonia, par Polyxeni Adam-Veleni

 

         L’essai, très court, aborde la contribution de chacune des catégories mentionnées dans le titre à la production artistique. Il comporte une brève présentation de la monarchie macédonienne jusqu’aux règnes de Philippe II et Alexandre III. Pour la catégorie des hetairoi, sont évoqués les demeures, le rôle du banquet, l’architecture funéraire. Sont ensuite évoqués le rôle du règne de Philippe II dans les changements de structures de la société macédonienne, les modifications introduites par le règne d’Alexandre et enfin l’évolution de la monarchie macédonienne à l’époque hellénistique, qui voit le maintien de la catégorie des hetairoi. L’auteur s’intéresse ensuite plus brièvement aux « gens du commun » et au rôle nouveau des femmes.

 

II- The Kingdom of Pergamon

 

3- The German excavations at Pergamon. A chronology, par Ursula Kästner

 

         Cet historique des fouilles allemandes à Pergame résume les grandes étapes de l’exploration du site ; même si les interruptions n’ont jamais été très longues (1886-1900, 1913-1927, 1938-1955), les fouilles ont un caractère discontinu. Illustré de belles photographies anciennes, l’essai s’ouvre de façon un peu abrupte sur la visite de Carl Humann à Pergame, sans qu’on ne sache rien de l’état des connaissances à ce moment. On rencontre dans ce chapitre les noms désormais célèbres de fouilleurs de Pergame – Carl Humann, Alexander Conze, Wilhelm Dörpfler, Theodor Wiegand ou Wolfgang Radt – et l’on suit la lente constitution d’un droit des antiquités dans l’Empire ottoman et dans la jeune République turque, le site de Pergame jouant en la matière un rôle particulier.

 

4- Pergamon and the Attalids, par Volker Kästner

 

         Cet essai propose une histoire de Pergame. Après une intéressante présentation géographique, il résume l’histoire de la dynastie attalide, du royaume et du développement urbain de sa capitale, dont la monumentalisation est d’abord lente, avant de connaître sous Eumène II et Attale II une accélération considérable. Malgré de rapides allusions aux stoas à deux étages et quelques références aux terrasses, l’urbanisme pergaménien n’est pas véritablement caractérisé et on cherchera en vain dans ce chapitre, comme dans la suite de l’ouvrage, une présentation globale de la ville au terme du processus.

 

5- Commemorations of Victory: Attalid monuments and the defeats of the Galatians, par Massimiliano Papini

 

         L’essai s’ouvre sur l’histoire des pérégrinations des Galates jusqu’à leur installation en Asie mineure , sur les dangers qu’ils font peser sur les cités grecques et sur le rôle de protecteurs des Grecs que se sont attribué les Attalides, qui commémorent leurs victoires par des monuments spectaculaires dont le cadre principal est le sanctuaire d’Athéna Nikephoros à Pergame. L’auteur évoque successivement les sources littéraires, qui nous fournissent des informations sur les auteurs de ces statues, et les vestiges archéologiques, résumant la discussion sur l’attribution du grand groupe connu par des copies découvertes à Rome à la base circulaire et à la longue base rectangulaire. Le contenu sémantique des statues (et d’abord du Gaulois se Suicidant) n’est pas négligé : il figurerait la violence excessive, le désespoir irrationnel et la panique qui le conduisent au massacre des siens. Les dons faits à Athènes font l’objet de développements ; Athènes reste le lieu privilégié de la victoire sur les Orientaux et les Attalides s’inscrivent dans les pas d’Alexandre, dédiant sur l’acropole des boucliers pris au Granique. Dans ce « programme attalide », les statues élevées le long du mur sud de l’acropole (le « petit don attalide ») jouent un rôle éminent, les groupes s’étirant sur quelque 124 m de long, et comptant peut-être jusqu’à 130 figures de bronze élevées par un Attale (Papini penche pour Attale II). Les Attalides sont à leur tour honorés à Athènes par une séquence de piliers érigés à des points-clef de la procession des Panathénées.

 

6-The Pergamon Altar : Architecture, sculpture and Meaning, par Andreas Scholl

 

         L’essai – assurément l’un des plus stimulants du volume – s’attache d’abord à décrire rapidement l’architecture de l’autel et son décor. L’auteur cède à plusieurs reprises à un enthousiasme qui tourne à l’emphase  : «The overlifesize figures of unbelievably high artistic invention and sculptural quality » (p. 45) ; « It is nothing less than an artistic miracle and an almost unbelievable achievement of the unknown artist responsible for these figures that no grouping resembles another » (p. 46). Alors que la signification des deux frises a fait l’objet de maintes études, A. Scholl s’intéresse à celle de la forme architecturale. À la suite de Klaus Stähler, il réfute le lien entre les autels dits ioniens et l’autel de Pergame ; pourtant, si le monument de Pergame présente assurément des caractères singuliers, sa dérivation typologique, ou, pour employer un terme plus neutre, les parentés qu’il entretient avec maints monuments ioniens sont difficiles à nier. Andreas Scholl insiste sur la forme de la stoa sommitale à avancées latérales, qui relève d’une formule peu fréquente dont l’histoire a été retracée par J. J. Coulton : les premières occurrences sont athéniennes, avec les propylées de Mnésiclès, la stoa de Zeus Eleutherios et le bâtiment de scène à paraskenia du théâtre de Dionysos. Selon l’auteur, ce type renvoie à l’architecture palatiale, évoquée par les scènes des théâtres (le portique de Zeus Eleutherios lui-même évoquerait le palais de Zeus). Il en irait de même sur le Grand Autel, qui évoquerait aussi le péristyle central des grands palais (Vergina, Demetrias, mais aussi Pergame). L’autel serait donc une transposition de la résidence de Zeus sur le mont Olympe, décrite dans l’Odyssée, 4, 71-79. L’auteur emploie au passage les termes d’« archaïsant » et même d’« homérisant » pour expliquer que le dieu était vénéré, non avec un temple, mais avec un autel à ciel ouvert, comme sur l’acropole d’Athènes et comme ce fut longtemps le cas à Olympie. Les Pergaméniens auraient voulu donner à leur nouveau sanctuaire le plus haut degré de vénérable antiquité. L’emplacement du monument pourrait même être une allusion à l’emplacement du palais mythique, tout comme une allusion à la tradition littéraire qui situe la gigantomachie au sommet de l’Olympe, devant la résidence de Zeus (le socle décoré serait une allusion au sommet du mont, couronné par le palais, et le drame atteint son apogée sur l’escalier : certains géants ont presque atteint le sommet de la plate-forme et sont sur le point de prendre d’assaut le palais, mais sont arrêtés au dernier moment par les aigles de Zeus).

 

III- Arts in the Hellenistic Age

 

7- Earthy Arts: Vases, Terracottas and Small Bronzes, par Joan R. Mertens

 

         Alors que les essais précédents avaient pour sujets l’art royal et des productions de très haut niveau, ce chapitre se penche sur des réalités plus modestes. Les vases, d’abord. La fin de la prééminence des vases attiques (et donc d’un type de production de haut niveau et au contenu complexe décorant des objets utilitaires) s’accompagne de l’apparition de nouveaux centres de production, beaucoup plus nombreux, et de nouveaux types agrémentés de décors plus simples. Les média privilégiés pour les images bidimensionnelles de qualité sont désormais la peinture murale et la mosaïque. L’auteur évoque l’utilisation croissante de moules (ils existent depuis l’époque archaïque mais se répandent considérablement) qui a changé le processus de fabrication et l’apparence de la poterie. Il existe des productions raffinées, comme les braseros trouvés sur l’île de Délos, et même un artisanat virtuose dont l’origine est souvent incertaine.

 

         Les statuettes en terre-cuite, ensuite, connaissent grâce au moulage et à la multiplicité des centres de production un développement considérable. Athènes a été supplantée par les centres de production de Béotie (Tanagra) travaillant à partir de moules attiques, de la mer Noire, de l’Asie mineure occidentale (Myrina, Smyrne). Une très belle reproduction du Diadumène de Polyclète illustre les réussites de cette filière. Les statuettes en bronze, enfin, qui ont avec les statuettes en  terre-cuite des points communs techniques et iconographiques, en particulier dans la représentation de la maladie, de la laideur et du grand âge. Les centres de production sont difficiles à identifier : l’Asie mineure, le Levant, l’Égypte doivent en faire partie, Alexandrie étant souvent citée à cause de sujets tels que les nains, les pygmées, les dévots d’Isis et les Noirs.

 

8- Trends in Hellenistic Sculpture, par Kiki Karoglou

 

         Ce court chapitre présente les principales tendances de la sculpture hellénistique. Rappelant les obstacles qui entravent l’étude de cette statuaire, comme la perte des grands originaux en bronze, le manque de jalons chronologiques dû en particulier au goût pour l’éclectisme, les difficultés d’attribution des œuvres à de grands centres de production, l’auteure propose de s’intéresser aux types, à leurs fonctions et à leur présentation, en s’appuyant d’abord sur les originaux.

 

         La production hellénistique s’inscrit dans des traditions mais l’institution royale et le culte des souverains introduisent des nouveautés. La richesse des monarchies a donné une impulsion pour une présentation plus élaborée des sculptures. La compétition se manifeste surtout dans les cités nouvellement fondées, qui offrent des contextes nouveaux dans lesquels les points de vue sont savamment construits et contrôlés par les stoas et les propylées, qui permettent de véritables mises en scène tirant souvent profit de terrains en pente.

 

         Parmi les types statuaires, les statues honorifiques occupent une grande place et recourent à quelques codes iconographiques, dans la gestuelle, l’habillement, les marques de l’âge. Le rôle des Attalides dans l’Athènes hellénistique est ensuite rappelé. Les groupes les plus prestigieux sont souvent érigés dans des sanctuaires et l’auteur s’arrête sur la Victoire de Samothrace, prétexte d’un détour par l’acropole de Lindos et son relief rupestre figurant une triemolia. Les statues divines et leur recours à un style classicisant sont évoqués, mais aussi les nouvelles figurations nécessitant la mise au point de types nouveaux, comme la Tychè qui, dès le début de la période hellénistique, traduit la topographie d’Antioche dans une composition pyramidale impliquant plusieurs points de vue. Le groupe pergaménien de la libération de Prométhée par Héraklès permet tout à la fois d’aborder la dimension politique de la statuaire et son insertion dans des éléments paysagers. L’auteure retient l’identification plusieurs fois proposée d’Héraklès, dont les traits sont clairement individualisés, à Mithridate VI Eupator, qui se présenterait ainsi en libérateur des Grecs. Mais comment pourrait-on expliquer qu’une composition célébrant le roi du Pont soit restée en place dans le principal sanctuaire de l’acropole durant toute l’époque impériale, comme semble l’indiquer le contexte de découverte ? L’assimilation à un roi de Pergame est beaucoup plus vraisemblable. La place nouvelle de la sculpture dans les maisons est évoquée à travers les exemples de Dioscouridès et Cléopâtre dont les statues se dressent dans leur demeure de Délos, le fameux local des Poseidoniastes illustrant quant à lui le rôle de la sculpture dans les lieux de réunion des associations. Le baroque héroïque, le classicisme, le portrait honorifique, la mise en scène, l’allégorie : toutes ces tendances se prolongent dans l’art romain.

 

9-Hellenistic Royal Portraiture on Coins, par George Kakavas

 

         L’auteur se penche sur l’utilisation de la monnaie à l’époque hellénistique. Il ouvre son propos sur un portrait étonnamment laudateur d’Alexandre, dont l’image est d’abord utilisée comme source de légitimité par Ptolémée Ier Sôter et Lysimaque. Mais les portraits des Diadoques apparaissent très vite (avec Ptolémée Ier et Démétrios Poliorcète) au dos des monnaies, remplaçant l’image du conquérant, bientôt accompagnés de portraits féminins, le premier exemple étant fourni par les Lagides (Ptolémée II Philadelphe et Arsinoé II). La monnaie véhicule désormais des concepts idéologiques.

 

         Après ces considérations générales, G. Kakavas dresse des synthèses régionales, en commençant par les grands royaumes, lagide (avec une insistance sur la dimension dynastique du monnayage), antigonide, de Thrace, séleucide, attalide, considérant enfin des royaumes plus modestes et dont l’apparition est plus tardive, comme ceux du Pont, de Bithynie, de Cappadoce et de Bactriane. Ce dernier exemple illustre parfaitement le rôle de source que peut jouer la monnaie dans des contextes peu favorisés par les sources littéraires et épigraphiques.

 

10- Royal Patronage and the Luxury Arts, par Christopher S. Lightfoot

 

         L’auteur commence par montrer la façon dont les royaumes hellénistiques recourent au luxe en se plaçant largement dans la lignée de l’empire achéménide ; cette dérivation constitue d’ailleurs le fil du discours, et C.S. Lightfoot y revient constamment. Alexandre ayant mis la main sur des quantités gigantesques de métaux précieux – 16 000 talents à Suse et Persépolis –, ceux-ci sont dorénavant très abondants et favorisent l’artisanat de luxe. Ces productions sont utilisées pour exalter la personne royale à travers un discours sur l’opulence et la richesse, la tryphé.

 

         Les matériaux mis à contribution sont très variés : à côté de l’or et de l’argent, le verre, l’onyx, l’agate, le saphir, le grenat, l’ivoire, marqueur de prestige même à l’état brut, sous forme de défenses. La mosaïque est rangée dans cette catégorie de productions de luxe.

 

         Les objets du symposium tiennent une place éminente dans ces productions. La couleur et l’éclat, comme les variations de texture, sont des qualités importantes pour des objets qui sont souvent destinés à être tenus en main et admirés de près. Le goût pour les objets précieux a conduit à la constitution de collections, les rois voyant les gemmes, en particulier, comme un élément de leur pouvoir (Mithridate VI).

 

IV- The Hellenistic Kingdoms and Rome

 

11- Seafearing, shipwreks and the Art Market in the Hellenistic Age, par Sean Hemingway

 

         En ouverture d’un essai plutôt disparate, qui ne dresse pas de bilan à proprement parler, l’auteur rappelle le rôle de la mer à l’époque hellénistique : sont évoqués de façon assez inattendue les flottes des grands royaumes, les pirates, la guerre navale, les sièges, les difficultés de la navigation et leur incarnation mythologique. Il en vient ensuite au commerce des œuvres d’art, avec les épaves d’Anticythère, de Mahdia, du cap Artemision, et de Fourmigue C dans le golfe de Juan, chargées d’œuvres d’art. Elles renvoient aux pillages et au commerce d’œuvres d’art. Cela donne à l’auteur l’occasion d’évoquer des œuvres d’art produites à l’époque hellénistique avec des intentions rétrospectives conscientes (l’Apollon de Piombino et la statuette d’un cheval conservée au MET).

 

12- Greek  Art in Rome. A New Center in the first Century B.C., par Paul Zanker

 

         Après un rappel rapide des étapes de la prise de contrôle du monde hellénistique par Rome, P. Zanker s’intéresse à la reprise de l’art hellénistique par les Romains, d’abord sous la forme de butin, puis sous la forme de reproductions, d’abord par des ateliers attiques, puis par des artistes installés en Italie. Des œuvres d’art qui étaient à l’origine exposées dans des contextes variés sont reproduites et exposées dans des jardins. Sont ici mis à contribution la correspondance de Cicéron et l’ensemble mis au jour dans la Villa des Papyri d’Herculanum. L’auteur prend soin de développer son discours à partir des œuvres exposées au Metropolitan Museum, soit dans le cadre de l’exposition temporaire, soit dans les collections permanentes, pour évoquer ces sculptures de jardin : le cratère Borghèse, un lébès en bronze, des statues de personnes âgées. Les domus moins riches ne sont pas négligées (maison de Marcus Lucretius à Pompéi, villa de P. Fannius Synistor à Boscoreale). Les portraits sont ensuite invoqués pour illustrer les similitudes étroites entre l’art grec tardo-hellénistique et le portrait romain tardo-républicain : portraits de Pompée, du « général de Tivoli », de César, de Cléopâtre, de Juba II, de Ptolémée de Maurétanie. La dernière partie de l’essai est consacrée au choix du classicisme contre l’art hellénistique à partir du règne d’Auguste, un choix qui reflète le goût des Romains et qui a une dimension idéologique, mais un choix qui n’a rien d’exclusif. On retrouve en effet des échos du style hellénistique dans certains types de productions à vocation guerrière et dans des productions pour lesquelles l’art classique n’offre pas de modèles efficaces (le monde d’Aphrodite et celui de Dionysos dans ses aspects les plus vivants), sans qu’il y ait la moindre difficulté à faire cohabiter dans un même contexte des œuvres inscrites dans des styles et empruntées à des modèles différents.

 

Le catalogue

 

         Le catalogue comporte 264 numéros, répartis en six parties qui, sans reproduire exactement la structure des essais, entretiennent avec eux des rapports étroits : Alexander the Great and his World (n° 1-24) ; Excavations at Pergamon (n° 25-38) ; The Hellenistic City of Pergamon (n° 39-96) ; Royal Monuments of the Attalids (n° 97-128) ; Hellenistic Luxury Arts (n° 129-211) ; The Hellenistic Kingdoms and Rome (n° 212-264). Les œuvres exposées sont variées et d’un intérêt considérable :  nombreuses sculptures en marbre, grands et petits bronzes, statuettes en terre-cuite, objets en verre, bijoux en or et en argent, vaisselle en terre-cuite, bronze, argent, verre, pierres semi-précieuses, appliques en ivoire, pièces de monnaies, armes, instruments de musique, inscriptions, mais aussi firmans autorisant les fouilles de Pergame, carnets de fouilles, croquis et dessins. Leur répartition au sein des rubriques est parfois surprenante : si les deux parties consacrées à Pergame sont plutôt cohérentes – on y trouve néanmoins un buste d’Homère mis au jour à Baies (n° 42), au motif sans doute qu’un buste du poète ornait la bibliothèque de la capitale royale, ou un papyrus égyptien (n° 43) –, on aura plus de mal à comprendre la présence d’un buste (n° 145) ou de têtes (n° 146 et 150) en marbre, si belles soient-elles, dans la partie dévolue aux arts du luxe.

 

         Seule l’architecture est quelque peu négligée, comme elle l’est d’ailleurs dans les essais qui ouvrent le volume : si l’on excepte la sculpture architecturale, représentée par des reliefs du Grand Autel (n° 125a-e, 126a-b, 127 – nous reviendrons plus loin sur le 128) et de la stoa septentrionale du sanctuaire d’Athéna (n° 109a-c), ainsi que par une belle série d’acrotères du Grand Autel (n° 116-120), le catalogue n’accorde une place qu’à des fragments de l’autel de Dionysos (n° 50a-f) et à quelques chapiteaux ioniques du Grand Autel (n° 121-124).

 

         Même si aucun grand ensemble ne figure ici dans son intégralité – la frise de la Gigantomachie n’est par exemple représentée que par des fragments (n° 125 a-e), la Téléphie par trois plaques (n° 126a-b et 127) –, de nombreuses œuvres majeures sont rassemblées, prêtées par plusieurs musées. On ne peut toutefois qu’être frappé par l’absence de contexte clair pour bien des œuvres, en particulier celles qui sont conservées dans des musées américains (Metropolitan Museum, Baltimore, Boston, fondation Getty) ; beaucoup n’ont pas de provenance assurée : les « said to be from… » ponctuent régulièrement les notices.

 

         Celles-ci sont normalisées, magnifiquement illustrées, quelquefois de plusieurs photos. Certaines sont un peu sèches et descriptives, quand d’autres sont plus développées. On déplorera parfois des répétitions et, plus gênant, des contradictions entre des notices décrivant des œuvres appartenant à un même monument originel mais qui n’ont pas été confiées au même auteur : c’est le cas pour des copies de statues appartenant au « petit don d’Attale » (n° 99 et 100). La notice du groupe de la libération de Prométhée n° 110 ne reprend pas l’hypothèse d’une identification d’Héraklès à Mithridate, formulée par Kiki Karoglou dans son essai sur la sculpture hellénistique (p. 68).

 

         Certaines hypothèses apparaissent fragiles. Ainsi, la notice de la magnifique tête en relief n° 128, l’attribue au Grand Autel, ignorant les remarques de F. Queyrel, qui écarte cette proposition (F. Queyrel, « Les Galates comme nouveaux Géants. De la métaphore au glissement interprétatif », dans F.-H. Massa-Pairault et C. Pouzdoux (dir.), Géants et gigantomachies entre Orient et Occident, Naples, 2017, p. 211 et fig. 7). On notera enfin quelques ambiguïtés ponctuelles dans la traduction : dans la notice n° 193, l’« ellenismo » d’Eugenio Polito est rendu par « Hellenism ». L’ouvrage est complété par une bibliographie générale, par des notes et par un riche index, qui en facilite le maniement.

 

 

 

Sommaire :

 

Textes liminaires - VII-XV

Chronologie - XVI-XVII

Carte - XVIII-XIX

 

Introduction, par Carlos A. Picón - 1-7

 

Essays

 

I- Alexander the Great and his World

Art in the Age of Alexander, par Ariel Herrmann - 9-20

Symbols of Power. Kings, hetairoi and common people in the Kingdom of Macedonia, par Polyxeni Adam-Veleni - 21-25

 

II- The Kingdom of Pergamon

 The German excavations at Pergamon. A chronology, par Ursula Kästner - 27-31

Pergamon and the Attalids, par Volker Kästner - 32-39

Commemorations of Victory: Attalid monuments and the defeats of the Galatians, par Massimiliano Papini - 40-43

The Pergamon Altar : Architecture, sculpture and Meaning, par Andreas Scholl - 44-53

 

III- Arts in the Hellenistic Age

Earthy Arts: Vases, Terracottas and Small Bronzes, par Joan R. Mertens - 55-61

Trends in Hellenistic Sculpture, par Kiki Karoglou - 62-69

Hellenistic Royal Portraiture on Coins, par George Kakavas - 70-76

10- Royal Patronage and the Luxury Arts, par Christopher S. Lightfoot - 77-83

 

IV- The Hellenistic Kingdoms and Rome

Seafearing, shipwreks and the Art Market in the Hellenistic Age, par Seán Hemingway - 85-91

Greek  Art in Rome. A New Center in the first Century B.C., par Paul Zanker - 92-99

 

Catalogue

 

Alexander the Great and his World (n° 1-24) - 102-123

Excavations at Pergamon (n° 25-38) - 124-131

The Hellenistic City of Pergamon (n° 39-96) - 132-175

Royal Monuments of the Attalids (n° 97-128) - 176-207

Hellenistic Luxury Arts (n° 129-211) - 208-267

The Hellenistic Kingdoms and Rome (n° 212-264) - 268-313

 

 

Notes - 314-317

Bibliographie générale - 318-337

Index - 338-346