Lehmann, Heike : Baalbek in the post-Roman period. Studies in architectural history between the 5th and 20th centuries, (Orient-Archäologie) 512 p., 2 tables, 164 plates, 14 supplements, 1 data storage medium, 21,0 x 29,7 cm, 69,80 €
(Verlag Marie Leidorf, Rahden 2016)
 
Compte rendu par Sterenn Le Maguer-Gillon
 
Nombre de mots : 994 mots
Publié en ligne le 2021-05-27
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2853
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          L’ouvrage de Heike Lehmann, Baalbek in nachantiker Zeit, est une étude architecturale de la ville de Baalbek du Ve au XXe siècle. Il s’agit du premier volume d’une série de publications de thèses de doctorat portant sur Baalbek et soutenues à la Brandenburgische Technische Universität de Cottbus-Senftenberg. Le second volume porte sur le sanctuaire de Jupiter héliopolitain (D. Lohmann, Orient-Archäologie 38, 2017) et le troisième sur les thermes d’Héliopolis/Baalbek (C. Brünenberg, Orient-Archäologie 39, 2018).

 

         L’ouvrage de H. Lehmann se compose de deux volumes. Le premier comporte les 188 pages de texte auxquelles s’ajoutent la liste des illustrations, un glossaire, un tableau chronologique et, surtout, 164 pages d’illustrations. Le catalogue d’illustrations est également consultable sur ordinateur grâce au DVD fourni. Enfin, le second volume contient 14 suppléments dont un plan général de Baalbek à l’échelle 1:2500, ainsi que les relevés, plans et coupes stratigraphiques pour le secteur de Bustan Nassif.

 

         La ville de Baalbek, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, a connu une occupation continue de l’Antiquité à nos jours. Si la période romaine est plus facilement accessible grâce aux monuments érigés, comme le temple de Jupiter héliopolitain, les périodes byzantine et islamique n’en sont pas moins importantes. En effet, la ville continue d’être occupée à ces époques et de nombreux bâtiments, dont les temples, sont réutilisés. Seule une étude architecturale minutieuse pouvait en rendre compte.

 

         L’ouvrage est divisé en cinq chapitres. Le premier chapitre développe le contexte général (développement historique de la ville, chap. I.1), la méthodologie de la recherche (chap. I.2) et enfin l’historique des recherches et les différents types de sources auxquels l’auteur a eu recours (chap. I.3). Le deuxième chapitre est consacré au contexte géographique et à la tradition de construction locale. Ce chapitre permet de comprendre la tradition architecturale dans la plaine de la Beqaa, où se situe Baalbek, et d’identifier les matériaux de construction disponibles (pierre, argile et bois, chap. II.2.4). Le troisième chapitre regroupe les sources historiques au sujet de la Baalbek islamique et ottomane, c’est-à-dire de depuis la conquête arabe (635) jusqu’au début du XXe siècle. Les inscriptions et les sources écrites, particulièrement des périodes Ayyubide et Mamelouke, décrivent une ville florissante grâce aux activités commerciales et agricoles. Les fouilles archéologiques ont mis au jour de nombreux bâtiments publics (ḥammām, hôpitaux, écoles religieuses et mosquées), corroborant ainsi les textes arabes décrivant Baalbek comme un centre intellectuel et religieux important. Ce chapitre présente également les descriptions faites par les Européens (chap. III.2), des archives photographiques (chap. III.4) et des archives témoignant des aménagements urbains entre 1850 et 1940, celles en particulier en lien avec les « Tanzimat » ou réformes ottomanes (chap. III.5). Le chapitre IV présente les structures post-antiques de Baalbek. Il développe l’étude de l’infrastructure urbaine et l’architecture domestique. Ce chapitre met en évidence les particularités de chaque période. Les fouilles menées à Bustan Nassif (chap. IV.2) ont mis en évidence un quartier médiéval complet comportant une partie habitat, un marché (sūq) et plusieurs bâtiments publics comme des ḥammām, un khān et une mosquée. Ce quartier a connu un important développement amorcé à la période byzantine et qui s’est poursuivi à la période islamique. Son étude témoigne des restructurations de la ville à la suite d’événements catastrophiques. Au XIIe siècle, un tremblement de terre cause la destruction de nombreuses structures. Suite à cet événement, un nouveau mur d’enceinte est érigé et le quartier Bustan Nassif est reconstruit. Il est à nouveau détruit au XIIIe siècle lors des invasions mongoles, puis rebâti. Le temple de Jupiter, érigé dans l’Antiquité, connaît également plusieurs aménagements aux époques byzantine puis islamique (chap. IV.3). Une basilique est érigée dans la cour de l’autel du temple. On y accédait par une impressionnante rue à colonnades qui a pu être reconstituée grâce à l’étude des piédestaux des colonnes, intégrés plus tardivement dans les murs des maisons bordant cette même rue. L’étude des quartiers de Hay al-Solh et de Hay al-Qalaa (respectivement chap. IV.11 et IV.12) témoigne d’un accroissement de l’activité de construction dans ces quartiers musulmans. Ils reflètent également l’habitat traditionnel de la Beqaa et rendent compte d’une société fortement liée au monde rural. À l’inverse, les maisons à hall central construites dans le quartier chrétien à la période ottomane tardive témoignent d’une société urbaine (chap. IV.13). Enfin, le chapitre V synthétise l’ensemble de ces données et met en évidence les influences urbaines et architecturales à Baalbek, à l’échelle locale et transrégionale. Les auteurs reviennent sur le développement urbain post-antique de Baalbek d’un point de vue chronologique (chap. V.1), puis sur l’évolution d’éléments précis (chap. V.2) : murs d’enceinte, réseau urbain, cimetières, mosquées etc., avant de conclure et d’ouvrir sur de nouvelles perspectives.  

 

         L’approche sur la longue durée (périodes byzantine et islamique jusqu’à la période ottomane) permet de cerner l’évolution urbaine et le processus d’islamisation à l’œuvre dans une ville importante du Levant. Cette question de l’islamisation après la conquête arabe au VIIe siècle a suscité de nombreux travaux archéologiques[1], en particulier en Syrie, mais l’apport de cette recherche est d’aller au-delà de cette chronologie en s’intéressant au développement de cette islamisation sur la longue durée. Cette étude se positionne ainsi dans la mouvance actuelle des études islamiques[2]. L’ouvrage constitue un outil pour mener des études comparatives dans un contexte régional ou interrégional. Ce type d’études s’avère fondamental pour appréhender les processus de transformation urbaine au Levant.

 

         Pour servir au mieux cette ambition, l’ouvrage offre une étude extrêmement détaillée des vestiges urbains et architecturaux, richement accompagnée d’images d’archives, de photos et de relevés de chantier, ainsi que de reconstitutions en 3D (par exemple planche 115).

 


[1] Voir par exemple Alan Walmsley, Early Islamic Syria: An Archaeological Assessment, Londres : Dukworth, 2007

[2] Bethany Walker, Timothy Insoll, Corisande Fenwick, The Oxford Handbook of Islamic Archaeology, p. 7.