|
||
Compte rendu par Marie-Christine Hellmann, CNRS Nombre de mots : 1254 mots Publié en ligne le 2017-04-27 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2893 Lien pour commander ce livre
C’est une fois de plus un livre magnifiquement illustré qu’a édité la Fondation Onassis, en collaboration avec le Ministère grec de la Culture et des Sports, dont dépendent l’Éphorie de Piérie et les « Fouilles de Dion », au sud de la Macédoine. Conçu par le directeur de ces fouilles pour accompagner l’exposition du même nom, montée au printemps 2016 au Centre culturel Onassis de New York, l’ouvrage est divisé en deux parties de longueur à peu près égale : une série de sept petites études du site antique et de son fonctionnement dans son cadre naturel, avant un catalogue d’objets classés d’après leurs lieux de trouvaille, avant tout des sanctuaires — d’où la photographie, en couverture, d’un détail de la statue de culte de Zeus Hypsistos tenant son foudre, tandis qu’une vue aérienne de son sanctuaire occupe la quatrième de couverture.
La plupart des publications sur Dion ont été éditées en grec (dont D. Pandermalis, Δίον, η ανακάλυψη, Athènes 1999, 300 pages elles aussi richement illustrées), mais le président du Musée de l’Acropole d’Athènes n’a jamais ménagé ses efforts pour toucher un public élargi, en anglais ou, plus rarement, en français, comme en 2011 dans le catalogue de l’exposition du Louvre, Au royaume d’Alexandre le Grand, la Macédoine antique, p. 273-274, et dans le Dossier d’archéologie afférent (n° 347, septembre-octobre 2011, p. 56-61). À ce jour Dion reste néanmoins un site très peu connu du grand public même cultivé, parce que les fouilles d’envergure y sont récentes et que d’autres villes de la Macédoine lui font de l’ombre. Une vue satellitaire de la plaine entre le mont Olympe et le golfe Thermaïque, où la cité de Dion est au sud d’une zone de basiliques, de nécropoles et de tombes « macédoniennes », s’imposait donc au début et à la fin de l’ouvrage de 2016, qui offre toutes sortes d’informations sur le paysage, l’histoire et la société de Dion, où une colonie romaine fut fondée par Octave-Auguste dans le secteur d’un antique sanctuaire de Zeus Olympien et des Muses, animé par les panégyries (les Olympia) qu’avaient instaurées le roi de Macédoine Archélaos.
Après une intéressante préface et deux vues satellitaires sur deux doubles pages, montrant un parc archéologique composé du centre de la cité puis des sanctuaires et des thermes au sud-est de l’enceinte, D. Pandermalis rappelle (p. 19-29) que le lieu, tombé dans l’oubli sous une végétation dense, avait été identifié dès 1806 par l’Anglais W. Leake. Plusieurs explorations, sondages et fouilles ont suivi, entrecoupés de longues interruptions, jusqu’à l’intervention de G. Bakalakis à partir de 1964 puis de D. Pandermalis en 1970, toujours au nom de l’Université Aristote de Thessalonique. C’est alors seulement que la ville, ses sanctuaires extra-urbains et d’autres monuments grecs, romains ou paléochrétiens ont été dégagés, l’apogée de Dion étant placée sous les Sévères. Mais la nécessité de drainer constamment une zone soumise aux inondations complique la protection des vestiges : dans la ville, l’agora et le forum, le cardo maximus, des bains, un odéon, des maisons dont l’énorme Villa de Dionysos, à plusieurs cours et une salle de banquet au sol mosaïqué représentant l’épiphanie de Dionysos encadrée par des masques de théâtre ; à l’extérieur des murailles, qui remontent au IVe s. av. J.-C., d’autres bains, un théâtre grec et un autre romain, des sanctuaires dont celui de Zeus Olympien, longtemps recherché en vain, celui de Zeus Hypsistos (plus récent que le premier, il correspond à Jupiter Optimus Maximus), ceux de Déméter, d’Asclépios et d’Artémis, et celui d’Isis.
Les contributions qui suivent sont variées. Très engagée dans les fouilles récentes, Semeli Pingiatoglou résume nos connaissances sur le culte de Déméter (p. 31-39), dont le grand sanctuaire hors les murs, un des plus anciens de Dion, a pour singularité d’avoir toujours fonctionné depuis l’époque archaïque tardive avec deux temples, sans doute dédiés l’un à Déméter et l’autre à Korè-Perséphone, en association avec Aphrodite d’après les trouvailles. Sophia Kremydi étudie le monnayage utilisé à Dion sous les rois de Macédoine et dans la colonie romaine (p. 41-47) : on voit qu’Athéna, représentée au revers, était une divinité importante, à côté de Zeus Olympien ou encore Asclépios. Angelos Chaniotis évoque la vie dans cette même colonie (p. 49-55), à partir de l’habitat, du grand complexe balnéaire et de l’odéon associés au gymnase, au stade et aux compétitions athlétiques, tandis que deux rares instruments de musique, un orgue hydraulique et une sorte de harpe (nabla) figurée sur une stèle funéraire, doivent être liés aux concours musicaux et dramatiques qui avaient lieu dans le théâtre. Les épitaphes de l’époque révèlent une certaine mobilité sociale et une relative visibilité des femmes, ainsi qu’une culture mixte, où des traditions locales en rencontrent d’autres importées.
Richard P. Martin examine comment (p. 57-65) les mythes grecs, nés dans l’Olympe, se sont implantés à Dion. Zeus, qui a donné son nom à la cité, est bien un dieu d’en haut, entouré de Muses comme son fils Apollon, lui-même très présent à Dion, à l’instar de son fils Asclépios qui profita des sources de la zone, et l’arrivée ultime d’Isis est à relier au succès durable du culte de Déméter. Ce Zeus Olympien de Dion, dont on a retrouvé le grand autel pour des hécatombes, ne pouvait manquer d’intriguer, c’est pourquoi Fritz Graf a tenu à le distinguer (p. 67-73) du Zeus Lykaios d’Arcadie, qui est également un dieu des hauteurs, contrairement au Zeus Olympien d’Olympie et à celui d’Athènes.
Enfin, Katerina Boli et Maria Katsakiori co-signent (p. 75-84) un panorama de la fascinante biodiversité autour du mont Olympe, classé par l’UNESCO dans le Réseau mondial des réserves de biosphère.
Vient ensuite un catalogue de 76 objets ou groupes d’objets, commentés le plus souvent par Maria Iatrou, tous avec une excellente photo en couleur et une bibliographie sélective. Ils sont conservés au Musée archéologique de Dion.
Si l’on s’en tient aux seuls textes, il est clair qu’ils n’ont pas été rédigés pour des spécialistes, qui les trouveront un peu superficiels et continueront de se reporter aux nombreux titres, en grec ou en anglais, mentionnés dans la liste bibliographique finale. Un ouvrage si soigné leur sera néanmoins très utile et les charmera autant que le grand public cultivé, avec ses vues de montagnes, d’orchidées, de crocus et de batraciens, mais aussi des clichés anciens, des plans et des images bien nettes des vestiges découverts, qu’il s’agisse de bâtiments ou d’objets très divers : mosaïques, bijoux, verres, monnaies, reliefs, statuaire, terres cuites, bronzes, stèles inscrites… La ville sacrée des Macédoniens mérite à coup sûr de prendre place parmi les « grands » sites grecs.
Sommaire
Avant-propos par A. S. Papadimitriou, Président de la Fondation Alexandre S. Onassis, p. 9
Préface par D. Pandermalis, p. 10
Cartes satellitaires, p. 12
ESSAIS
Ancient Dion, a Chronicle of the Excavations, par D. Pandermalis, p. 19 The Cult of Demeter at Dion, par S. Pingiatoglou, p. 31 From the Kingdom of Macedonia to the Colony of Dion: the Use and Function of Coinage, par S. Kremydi, p. 41 Snippets of Everyday Life in Roman Dion, par A. Chaniotis, p. 49 Greek Myths at Dion: Divine Family in a Human Landscape, par R. P. Martin, p. 57 Zeus Olympios and his Cult in Greece, par Fr. Graf, p. 67 Mount Olympus and its Natural Wealth, par K. Boli et M. Katsakiori, p. 75
CATALOGUE
The Sanctuary of Zeus Olympios, par M. Iatrou, p. 90 The Sanctuary of Zeus Hypsistos, par M. Iatrou, p. 94 The Sanctuary of Demeter, par S. Pingiatoglou, p. 99 The Sanctuary of Isis, par M. Iatrou, p. 108 The Villa of Dionysus, par D. Pandermalis, p. 114 The Great Baths, par M. Iatrou, p. 124 Finds form the City and the Necropolis, par M. Iatrou, p. 129
Bibliographie, p. 151
Crédits des illustrations, p. 159
|
||
Éditeurs : Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |