Odler, Martin: Old Kingdom Copper Tools and Model Tools, (Archaeopress Egyptology, 14), xvi+292 p., ISBN : 9781784914424, 45 £
(Archaeopress, Oxford 2016)
 
Compte rendu par Rémi Legros, Mission archéologique française de Saqqâra
 
Nombre de mots : 1444 mots
Publié en ligne le 2018-10-21
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2993
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         L’ouvrage est une version remaniée et largement enrichie d’un travail universitaire, qui portait à l’origine sur les collections d’objets en alliage cuivreux égyptiens conservés dans les musées européens ainsi qu’à Boston. Les données ont ensuite été enrichies par une importante expérience de terrain, notamment sur le site d’Abousir.

 

         Comme le rappelle l’auteur dans son introduction, les outils en cuivre sont rares en raison de leur réutilisation régulière, mais la pratique du dépôt de modèles réduits dans les sépultures permet néanmoins d’appréhender de manière satisfaisante cet aspect de la culture matérielle égyptienne. Le propos est de rassembler la documentation pour tous les outils et modèles d’outils de l’Ancien Empire, quelle que soit leur catégorie (artisanat, cosmétique, textile, chasse, etc.), afin de reprendre de manière systématique la question de leur typologie. Seule la vaisselle a été exclue du champ d’étude.

 

         Les trois premiers chapitres replacent l’étude dans son contexte historiographique, tant vis-à-vis des études archéologiques générales et typologiques, que vis-à-vis de l’égyptologie elle-même. Concernant le champ égyptologique proprement dit, l’auteur remarque à juste titre la carence importante d’études sur le matériel métallique. L’étude de référence, publiée par Petrie en 1917, bien que novatrice en son temps est devenue obsolète eu égard aux découvertes nombreuses qui ont été réalisées depuis. Malgré quelques contributions notables qui jalonnent le siècle, une véritable synthèse sur la question faisait toujours défaut. Il faut donc souligner ici le premier élément essentiel concernant cette publication : elle fournit une mise à jour complète des données et traite la question sous tous ses aspects. Il s’agit ainsi d’une nouvelle étude de référence.

 

         Les chapitres 4 et 5 présentent certains aspects méthodologiques propres à l’étude. L’auteur choisit notamment de définir sa classification selon trois niveaux de perception. Les classes, tout d’abord, permettent une perception de l’objet du point de vue subjectif égyptien, qui correspond le plus souvent à une réalité hiéroglyphique (approche émique). Ensuite, les types sont caractérisés en fonction de leur diversité morphologique. Les variantes, enfin, sont fondées sur des critères plus objectifs, notamment morphométriques (approche étique).

 

         Le sixième chapitre (p. 29-53) reprend l’ensemble des données textuelles et iconographiques relatives aux outils de cuivre. Il permet à l’auteur de recontextualiser les objets par rapport à leur utilisation, alors que les contextes d’occupation et d’artisanat sont le plus souvent perdus. Le fait est d’autant plus vrai que les objets retrouvés dans les tombes ne sont généralement que des modèles.

 

         Il apparaît que le kit standard d’outils de cuivre remonte au moins au milieu du 4e millénaire, dès la 1e dynastie. Contrairement à ce qu’ont pu avancer certains auteurs, M. Odler considère que l’usage de ces outils reste réservé à une élite durant tout l’Ancien Empire. Les mentions textuelles et iconographiques sont assez rares, dans les listes d’offrandes notamment, mais tendent à se développer durant la Première Période Intermédiaire et le Moyen Empire, grâce à l’émergence des frises d’objets.

 

         Avec le chapitre 7, débute l’étude des sources archéologiques à proprement parler. L’auteur dresse l’inventaire de tous les sites où des outils de cuivre ont été retrouvés. Pour chaque site et chaque découverte, il restitue le contexte archéologique et propose une première approche chronologique. Richement illustré, ce chapitre présente de nombreux ensembles documentaires, qui permettent de visualiser et comparer très simplement les diverses combinaisons et associations propres à chacun des sites grâce à des planches synoptiques par période. Un tableau synthétique (p. 56-60) reprend l’ensemble des contextes archéologiques pour chacun des sites.

 

         Le chapitre 8, consacré à la typologie, est le plus riche (p. 98-212). L’auteur reprend successivement, de manière systématique et exhaustive, tous les types d’objets de son étude. Les outils étudiés relèvent des catégories suivantes : taille de pierre ou du bois (ciseaux, herminettes, haches, scies, forêts, coins) ; cosmétique (rasoirs, miroirs, pinces à épiler, bâtons à khôl, spatules ?) ; outils pour le textile et le cuir (aiguilles, poinçons, épingles) ; outils pour la chasse (hameçons, harpons, couteaux) ; armes (pointes de flèches et de lances, dagues). La méthodologie est toujours fondée sur le même principe.

 

         En effet, l’auteur développe tout d’abord une approche sémiotique dans laquelle il rapproche l’objet lui-même de l’iconographie, de la lexicographie et, lorsque cela est possible, de la paléographie. Il poursuit par une description de la base de données concernant l’ objet et établit les critères déterminants pour établir une typologie. Il développe ensuite chacun des types définis pour en préciser les caractéristiques, aussi bien formelles que chronologiques ou géographiques.

 

         Fort de cette typologie, l’auteur ajoute avec le chapitre 9 plusieurs remarques relatives à la culture matérielle (p. 212- 235). Les outils de taille réelle sont extrêmement rares. On constate néanmoins que les exemplaires connus sont très proches des modèles du point de vue de la forme. Seuls les miroirs sont toujours de taille réelle alors que pour les rasoirs, la distinction n’est pas toujours très claire. Il s’agit essentiellement de contextes funéraires, sauf pour les aiguilles, hameçons et harpons.

 

         Pour les modèles d’outils, ils représentent le kit standard de l’artisan. Bien que défini au début de l’ère dynastique, on constate certaines évolutions, comme les renflements sur les lames de ciseaux ainsi qu’un élargissement des lames. D’une manière générale, on observe une augmentation de la taille des modèles au cours de l’Ancien Empire.

 

         Le dépôt des modèles dans les tombes témoigne d’un statut social élevé. Le kit symbolise le patron-artisan, c’est-à-dire une capacité à être le commanditaire des objets précieux qui sont fabriqués. Les artisans étant souvent eux-mêmes représentés dans les tombes, ils sont placés au service du défunt et l’ensemble prend alors une vocation religieuse funéraire relative à la maîtrise du défunt sur le monde environnant.

 

         Durant la 4e dynastie, ces objets semblent réserver essentiellement aux princesses, alors qu’ils sont un peu plus largement disponibles aux dynasties suivantes. La 5e dynastie voit se développer une différentiation géographique avec des objets plus petits à Giza qu’à Abousir. La 6e dynastie montre une certaine originalité avec l’introduction de nouveaux types, notamment de haches, des kits plus gros, plus variés et la présence fréquente d’objets plaqués d’or.

 

         Sous le titre d’études de cas, le chapitre 11 présente une série d’études annexes complémentaires réalisées par l’auteur principal ou des collaborateurs.

 

         La première présente des résultats obtenus sur une analyse archéométallurgique (p. 238-248). Elle porte sur 8 échantillons de Giza et utilise diverses techniques (microscope, rayons-X, spectrométrie, etc.). Les résultats permettent d’identifier la composition exacte de l’alliage cuivreux, avec notamment la présence d’arsenic. Il est également possible d’identifier un certain nombre d’éléments intrusifs dans la couche de corrosion, qui indiquent que ces objets étaient le plus souvent déposés dans un linge.

 

         La deuxième étude présente les résultats d’une analyse morphométrique réalisée sur 199 herminettes. Basée sur la définition de points de repères sur un dessin en deux dimensions, l’analyse statistique est réalisée selon la méthode d’Analyse en Correspondances Principales. Aucun cluster sur la forme ne semble se dégager de manière évidente, mais on constate une variation importante de la taille en fonction du statut social du défunt.

 

         Enfin, deux études complémentaires viennent argumenter la datation des contextes, l’une par la vaisselle de pierre, l’autre par la céramique.

 

          Le catalogue

 

         Un deuxième volume peut être téléchargé sur le site internet de l’éditeur. Il fournit l’ensemble des données utilisées pour l’étude. Ce catalogue est organisé par contexte archéologique. Classé par lieu de provenance, chaque contexte est identifié par un code et précise les éléments géographiques et archéologiques, les données prosopographiques associées au propriétaire de la tombe, la datation, ainsi que la nature et la description succincte des artefacts de cuivre retrouvés dans le contexte.

 

         Le fait que ce catalogue soit disponible au format numérique constitue une vraie plus-value : l’usage qui peut en être fait n’est bien sûr pas une lecture continue, mais la recherche de telle ou telle référence. Grâce au format numérique, les outils de recherche automatique permettent de retrouver plus vite et de manière plus fiable les données que l’on recherche.

 

         M. Odler livre ici un ouvrage d’une grande qualité. Il développe son sujet d’une manière extrêmement complète et rigoureuse, faisant appel aux techniques des sciences dures, mais selon un objectif final lié au discours socio-historique. Le souci d’exhaustivité dans l’établissement du corpus, l’intégration de nombreuses données inédites auxquelles il a accès par ses recherches de terrain font de cet ouvrage une référence désormais incontournable pour les objets de cuivre en Égypte ancienne.