Bémont, Colette - Chew, Hélène: Lampes en terre cuite antiques, Catalogue du musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, 21x27 cm, 584 pages, 160 ill., 100 euros
(Rmn, Paris 2007)
 
Compte rendu par Catherine Lochin, CNRS
 
Nombre de mots : 2303 mots
Publié en ligne le 2009-03-30
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=304
Lien pour commander ce livre
 
 

Le catalogue des lampes de terre cuite antiques du Musée de Saint-Germain-en-Laye est l’aboutissement d’un ancien projet de R. Joffroy. La tâche a été divisée entre les auteurs : H. Chew étudie l’histoire de la collection en s’attachant à rechercher ou à préciser l’origine archéologique des lampes à travers leur histoire et C. Bémont se consacre à l’étude archéologique des lampes.

 

L’histoire des collections (H. Chew)
    La première difficulté à laquelle se heurte la publication de la collection d’un musée est la multiplicité des provenances des objets ; les auteurs se trouvent aussi face à une grande disparité dans les informations sur les provenances des objets, parfois totalement absentes. L’historique des collections constitue donc une part importante de l’ouvrage. Dans le cas présent de nombreux documents proviennent de collections privées dont les propriétaires, comme le mentionnent les auteurs, ont souvent privilégié dans leurs achats des pièces spectaculaires, aux formes ou à l’iconographie rares mais dont la provenance archéologique et le lieu de fabrication sont souvent ignorés ; certaines séries sont issues de fouilles françaises, d’autres sont le produit de missions archéologiques à l’étranger, mais dans ce cas aussi les données archéologiques sont parfois incomplètes à l’exception des fonds provenant de fouilles faites en Grèce dans les mines du Laurion ou en Roumanie.
    Ces provenances très variées, souvent ignorées à cause de la constitution hétérogène des collections, ont obligé les auteurs à un important travail d’archive : ainsi en tête de chaque chapitre consacré à une région de fabrication se trouve l’historique des lampes qui en sont issues ; cette démarche a permis de préciser dans un certain nombre de cas la provenance archéologique des lampes malgré l’imprécision des renseignements transmis sur les circonstances de leur acquisition. Dans le catalogue des lampes, l’historique précis de chaque document souligne lui aussi les incertitudes sur le lieu de trouvaille ou d’acquisition d’une grande partie des documents.

L’étude des lampes (C. Bémont)
    Le catalogue des lampes est scindé en deux parties ; la première est consacrée aux lampes précoces sans décor, la seconde aux lampes du Haut et Bas Empire. Dans chacune, les documents sont classés par aire géographique de provenance et par ordre chronologique. Pour chaque région, le catalogue est précédé de l’étude typologique accompagnée de schémas clairs des différents éléments pertinents (becs, épaules) ; les lampes sont rattachées aux types recensés dans les études antérieures auxquels l’auteur ajoute des variantes propres à cette collection.
    Pour les lampes grecques d’époque précoce, seule la production de Grèce continentale est traitée de manière isolée ; l’appellation « périphérique » regroupe des lampes de provenances variées qui ne comptent chacune que peu d’exemplaires, ceci évite un morcellement important mais crée un groupe artificiel.
    Pour les lampes tardives provenant de diverses régions de l’empire (Afrique, Asie Mineure, Gaule et Grèce) dont l’origine archéologique est incertaine, l’auteur s’appuie sur l’étude céramologique pour cerner le lieu de fabrication et la datation. L’étude précise de l’objet amène parfois une remise en cause du lieu de production traditionnellement admis de certaines lampes. L’auteur explique clairement la démarche suivie pour parvenir à ce résultat : analyse minutieuse des formes et de la pâte, comparaison avec les lampes conservées dans d’autres collections, mise en relation des décors et des poinçons dont elles sont issues avec les marques de potiers pour cerner au plus près leur origine. Ne font exception à cette règle que quelques lampes gauloises issues de fouilles locales et données par les fouilleurs, dont la provenance est plus précise ; celles-ci bénéficient d’une réflexion supplémentaire sur les ateliers, malgré le peu de découverte d’officines, grâce à des comparaisons avec le matériel issu des mêmes fouilles et conservé dans d’autres musées. L’auteur présente, enfin, deux groupes de lampes provenant des fouilles d’Iglitza (ancienne Troesnis) en Roumanie et des mines du Laurion en Grèce.

    Un chapitre est consacré aux lampes ou fragments dont l’origine n’a pu être précisée ; il traite aussi des fragments minimes ou trop mutilés, des objets non caractéristiques, ou sans parallèle possible comme les lampes plastiques. Pour chaque élément un commentaire expose les difficultés particulières qui empêchent de déterminer le lieu de production. Ces imprécisions obligent, en l’absence d’analyse systématique, à une observation minutieuse de l’aspect des pâtes, des formes et des décors, jusqu’aux défauts de fabrication (GA213, p. 279), et à un examen minutieux des restaurations ; ainsi le catalogue des objets mentionne les restaurations et notamment quand elles sont fautives comme la restitution d’un trou de mèche ovale (It42).
    Dans le chapitre consacré aux faux, toute une série de documents est rassemblée (assemblage de fragments disparates réunis en une lampe, copies ou lampes inspirées de modèle connu) et traitée avec le même soin. Une analyse scientifique a permis de préciser la datation de quelques-uns de ces documents, et ainsi d’en écarter ou d’en retenir certains.

    Le catalogue des lampes tardives, païennes et chrétiennes, est précédé par l’étude des décors. Les auteurs insistent sur les limites de ce travail ; la composition hétérogène de la collection  empêche de tirer des conclusions sur la chronologie ou la fréquence des décors. Cependant certains résultats déjà établis pour des régions comme la vallée du Rhône ou l’Algérie ont pu être confirmés ; de plus l’examen attentif des motifs a permis la confirmation de la provenance supposée de quelques lampes gauloises du Haut Empire. Pour des lampes plus tardives et des lampes chrétiennes, les auteurs distinguent certains thèmes spécifiques à l’Afrique du Nord, la Grèce et l’Asie.
    Les médaillons figurés sont dessinés un à un, étudiés et comparés à des motifs similaires appliqués sur des lampes d’époque, de forme et de provenance différentes ou même sur d’autres objets qui portent des décors issus de poinçons ; ces comparaisons montrent à quel point l’identité d’une figure dépend des variantes introduites par le potier : cela est particulièrement clair pour le décor D12 où le personnage identifié à Dionysos sur la lampe publiée ici est utilisé sur un autre document pour évoquer un pêcheur à la ligne. Dans le répertoire des thèmes, chaque décor différent est dessiné, ceci évite le report constant aux planches photographiques qui suivent elles l’ordre du catalogue ; cela aboutit à donner le dessin de presque chaque lampe. Cette démarche n’est cependant pas inutile puisqu’elle permet la lecture plus aisée de certains documents dont l’état de conservation est médiocre. C’est toutefois une interprétation et certaines lectures sont faussées, ainsi pour une lampe représentant une scène de gladiature (It3/ D152), le vainqueur, sur la photographie, ne semble pas brandir son épée mais lever le bras contrairement à ce qui est montré sur le dessin.

L’étude des décors et ses problèmes
Les décors figurés sont classés par thèmes ; le monde divin mêle dieux et héros : Hercule, Ajax, Ulysse et d’autres héros non identifiés ou même non identifiables (D81-D85) ; en fait sous chaque nom sont rassemblées des représentations de personnages ou de symboles appartenant à son cercle ; ainsi sont regroupés Jupiter et ses amours, Apollon et les Muses et les représentations des Amours sont incluses dans le cercle de Vénus. Malgré ce principe certaines images sont étudiées hors de leur contexte ; on aurait pu rapprocher certaines représentations et les personnages qu’ils évoquent : ainsi la panthère au canthare (D86) aurait pu être incluse dans le monde dionysiaque et le Gorgonéion dans son bouclier d’écailles (D93) relié au masque de Méduse (D76). Il en va de même pour des accessoires (attributs) ou des symboles : les massues dressées (D94-D95) sont séparées des images d’Hercule (le commentaire fait référence à une image proche où un canthare est intercalé entre les massues, probable allusion au concours de boisson avec Dionysos), de même les couronnes avec ou sans palme (D96- D97) auraient pu être rattachées à Victoria ou insérées dans la partie consacrée au monde des jeux. Dans le même ordre d’idées, la représentation des deux cornes d’abondance (D91) peut être associée à celle du couple en buste sur les cornes d’abondance (D118), le classement de ce dernier document dans le monde humain est aussi contestable même si l’on y reconnaît des bustes impériaux parfois représentés de cette manière mais dans le cas présent la nudité du buste féminin vient contredire cette interprétation.
Pour la fin du catalogue le classement apparaît moins nettement : Africa précède Caelus et les divinités astrales (Hélios et Séléné) suivies d’allégories (Fortune et Victoria).

    L’interprétation de quelques images est discutable ; les représentations regroupées sous le nom de Diane sont particulièrement sujettes à caution ; la première (D8) est en effet plus probablement une bacchante, comme l’auteur en émet l’hypothèse, on peut d’ailleurs la comparer à Denauve 1017 ; les autres, deux bustes, ne sont pas plus probantes. Les lampes D18-D19 où l’auteur pense reconnaître Prométhée portant une torche, est plus probablement là aussi, comme il le suggère, un Satyre et Minerve (D68) évoque davantage un gladiateur qui rentrerait dans une série déjà bien représentée.
    Le parallèle établi entre un couple d’amours (D31) et les couples divins de Mars et Vénus ou Dionysos et Ariane n’est pas convaincant ; c’est ce qui ressort des comparaisons proposées : les lampes Denauve 906 et 1065 représentent des Amours dont l’un tient une grappe de raisin et sont bien plus proches de la lampe étudiée ici que les lampes Denauve 942-943 où Mars et Vénus sont dans une attitude très différente.
Pour une des lampes représentant Bacchus assis sur une panthère plutôt qu’un lion (D13) avec, à ses pieds, un canthare renversé, dans le catalogue, à propos de la lampe GA97 (GA96- 98, p. 250-251), l’auteur mentionne à la place du vase la présence d’armes, cette modification n’est pas justifiée.

    L’étude des lampes est suivie de celle des marques de potiers. Pour chaque potier latin et grec une notice complète, dont la structure comme pour les décors ou les lampes est détaillée en tête du chapitre, développe les différentes formes de la marque et regroupe les informations à son sujet : localisation de l’atelier, date, différentes graphies des marques, bibliographie, différents lieux de trouvaille ; cette partie est complétée par le recensement des marques (initiales, monogrammes, groupe de lettres inexpliquées ou marques anépigraphiques). Pour quelques lampes dont les circonstances de la trouvaille sont connues les auteurs décrivent en détail le contexte archéologique et le matériel qui les accompagnaient.

Plusieurs index (lieux de découverte, collectionneurs-vendeurs-déposants, décors, marques de potiers, inscriptions et thèmes illustrés) complètent le volume ainsi qu’une table de concordance entre les numéros d’inventaire du musée et ceux du catalogue. Ils sont suivis d’une abondante bibliographie divisée en deux parties, chaque auteur ayant établi la sienne propre.

    Du point de vue formel, plusieurs éléments contribuent à faciliter la consultation de l’ouvrage :
- détail de la structure des notices en tête de chaque chapitre (lampes précoces, lampes d’époque impériale, décors, potiers et marques)
- introduction précisant l’histoire des lampes par provenance (fouilles, achat, collection privée, dépôt d’un musée)
- étude typologique par provenance précédant la description minutieuse de chaque lampe avec ses particularités.
La reprise de la description du décor, sous une forme abrégée, dans la notice consacrée à chaque lampe ne fait pas double emploi avec l’étude des décors ; cette disposition permet sans alourdir le catalogue d’en faciliter la consultation en évitant le report constant à cette partie et la recherche d’un thème est facilitée par l’index des thèmes, y compris les motifs non figurés.

    La multiplicité des provenances et des lieux de fabrication ainsi que le hasard qui a présidé à la réunion des documents excluent toute synthèse ; ainsi les lampes gauloises, majoritaires dans la collection, proviennent pour la plupart de dons d’archéologues locaux, ce mode d’acquisition entraîne l’absence de présence de matériel de certaines régions comme la moitié occidentale de la Gaule et le petit nombre de lampes chrétiennes, incluses dans cette publication, comme le peu de variété des décors représentés pour ce type de matériel (conséquence de la constitution aléatoire de la collection). Le morcellement de la documentation et le manque d’homogénéité de la collection empêchent une quelconque synthèse mais les études sur les ateliers et les marques de potiers, et la recherche sur les lieux et le contexte des découvertes contribuent à faire de l’ouvrage plus qu’un catalogue de musée, un manuel.


Sommaire

Préface, Patrick Périn 5
Introduction, Colette Bémont 7
Histoire des collections, Hélène Chew 11
Remerciements  17
Abréviations/conventions 18

Catalogue
Lampes précoces 19
Structure des notices 20
Présentation générale 21
    Grèce précoce 22
    Grèce continentale (GRP 1-13) 25
    Lampes périphériques(GRP 21-31) 29
    Afrique précoce 32
    Tunisie (AFP 1 et 2) 33
    Egypte (AFP 11 et 12) 34
    Italie précoce 35
    ITP 01- 17) 37
    Espagne précoce 42
    ESP 1 et 2

Lampes du Haut et du Bas-Empire 45
    Catalogue des décors
    Structure des notices 46
    Présentation générale 47
    Monde divin (D 1-117) 49
    Dieux et personnages mythologiques gréco-romains (D 1-97) 49
    Dieux et personnages mythologiques égyptiens et asiatiques (D 98-105) 84
    Symboles chrétiens (D 106-117) 87
    Monde humain (D 118-192) 90
    Activités quotidiennes (D 118-130) 90
    Spectacles (D 131-183) 95
    Scènes érotiques (D 184-187) 113
    Sujets figurés indéterminés (D 188-192) 115
    Monde animal (D 193-284) 117
    Mammifères terrestres exotiques (D 193-204) 117
    Mammifères sauvages (D 205-D 223) 121
    Mammifères domestiques (D 223-241) 128
    Reptiles et insectes (D 242-249) 134
    Animaux marins (D 250-D 267) 137
    Oiseaux (D 268-284) 142
    Végétaux (D 285-317) 147
    Arbres, arbustes et feuilles (D 285-295) 147
    Compositions végétales (D 296-317) 150
    Objets (D 318-322) 157
    Décors géométriques (D 323-325) 159

Les lampes 161
    Italie classique et tardive  162
    IT 1-121  176
    Gaule romaine  208
    GA 1-373  229
    Afrique impériale  317
    Tunisie et Algérie (AF 1-45)  326
    Egypte (AF 51-56)  339
    Tripolitaine (AF 61 et 62)  341
    Asie Mineure  342
    Syrie-Palestine (AS 1-7)  347
    Chypre-Cilicie (AS 11- 21)  350
    Anatolie (AS 31-33)  353
    Proche-Orient (AS 41-45) 354
Roumanie  356
    DA 1-21  359
Grèce classique et tardive  366
    GR 1-25  370

Mobilier complémentaire  379
    Lampes et fragments d’origine indéterminée (01 1-31)  380
    Les faux ou copies (FX 1-14)  390

Les marques de potiers  399
    Structure des notices  400
    Les marques de potiers  401
    Potiers latins  402
    Potiers grecs 412
    Initiales, monogrammes et / ou groupes de lettres inexpliqués  413
    Marques anépigraphes  415
    Planches (signatures, lettres, etc.)  416

Planches  425

Annexes  529
    Table de concordance  531
    Bibliographie
    Histoire et provenance des collections  536
    Etude du mobilier  539
Provenances, Hélène Chew
Lieux et contextes de découverte  549
Planches 558
Index des lieux de découvertes (par pays, département, commune, lieu-dit)  564
Index des collectionneurs, vendeurs et déposants  566
Index, Colette Bémont
Index alphabétique des décors 570
Index nominal des marques de potiers 575
Rapports d’analyses étude du Centre de recherche et de restauration des musées de France (Antoine Zinc, Elisa Porto, Guirec) 578