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Compte rendu par Nicolas Mathieu, Université Pierre Mendès-France, Grenoble Nombre de mots : 1250 mots Publié en ligne le 2017-09-11 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3073 Lien pour commander ce livre
Cinquième tome du Nouvel Espérandieu dirigé par H. Lavagne, ce livre, relié, présente toutes les qualités d’édition des précédents, notamment du troisième (Toul et la cité des Leuques, G. Moitrieux, 2010). Il concerne une vaste zone située à l’ouest des Bituriges du Massif Central jusqu’à la façade atlantique de la Gironde à la Charente voire la Sèvre niortaise : la cité des Santons, Angoulême et son territoire, dont le statut et le sort exacts, sous l’autorité romaine, ne sont pas clairs ni vraiment connus. Sur les limites du territoire des Santons, L. Maurin dresse le tableau des connaissances (p. XIII-XVIII) en rappelant que, globalement, les limites anciennes des diocèses se rapprochent le plus de ce qu’était ici le territoire des cités antiques. Angoulême et son territoire ont fourni 66 documents, Saintes et son territoire 259 (dont 185 pour Saintes même). Au total, les 381 témoignages recensés ont été répartis en 353 notices - car certains appartenaient manifestement à un même monument -, auxquelles doivent être ajoutées des sculptures incertaines, d’époque médiévale ou moderne ou antiques mais étrangères d’origine au territoire (une moitié en provenance de Bordeaux, l’autre de Rome, au gré de déplacements ou d’achats). C’est quatre fois plus qu’au moment de la publication du Recueil d’Espérandieu et Lantier en 1908 et 1949. Il y a 66 lieux de provenance différentes. Même si les trois quarts sont issues des Santons avec une concentration à Saintes, cela indique une grande diffusion de la sculpture dans l’espace étudié, jusqu’aux îles (Oléron et Ré), donc dans les campagnes.
Les descriptions précises et fines des blocs favorisent les comparaisons, parfois dans la mise en évidence de séries, de particularités locales qui pourront s’insérer dans des aires géographiques et culturelles avec l’étude des cités à venir (Pétrucores, Pictons, Lémovices). L’étude des nombreux décors de corniches modillonnaires (n° 173-175), de métopes (n° 176-177), de frise (n° 181), de décors de frises comportant des armements (militaires ou de gladiateurs : n° 163, 166), celle de rondes-bosses d’animaux (lion, n° 282-284) met sur la voie de monuments publics ou funéraires. Ces informations sont très précieuses pour les historiens car elles contribuent à compléter ou affiner leurs connaissances et interprétation de la société qu’ils étudient à travers les inscriptions. Ainsi se rend-on compte, à la lecture des notices, du faible nombre de stèles funéraires - alors que des nécropoles sont connues - mais du grand nombre, proportionnellement, de grands monuments (stèles monumentales, ornements de piles, mausolées), comme on peut le supposer par les fragments de décors. Ce sont deux caractéristiques du corpus du territoire étudié : domine la ronde-bosse et beaucoup de figures lapidaires sont sur des blocs architecturaux.
À ces apports doit en être ajouté un autre. Par comparaison avec les volumes précédents, une des nouveautés soulignées par H. Lavagne (p. VIII) réside dans l’intégration de la sculpture préromaine. En évitant une séparation, les auteurs du volume mettent en valeur continuité et complémentarité déjà assurées par les inscriptions (voir par exemple ILA, Santons, 20 : C. Iulius Marinus, notable santon du début de l’Empire, premier flamine augustal de la cité, curateur des citoyens romains de la ville, questeur mais aussi uergobret). En l’occurrence, le dossier des sculptures d’individus avec un torque, fourni (n° 8, 37, 46, 67, 82, 92, 141, 157, 225, 261), est instructif des mélanges et brassages. Par exemple, le n° 8, à Saintes, est un monument représentant un dieu assis en tailleur accompagné d’une parèdre et, au dos, trois figures dont un Hercule classique, un dieu anonyme, peut-être un Cernunos. Une telle combinaison rappelle le pilier des nautes parisiaci à Lutèce. De même, presque une quarantaine de déesses-mères ont été recensées mais on les voit rarement dans des triades ou avec une représentation de la maternité comme chez les Éduens, une des cités où l’on en connaît aussi beaucoup. Tout cela dessine les traits d’un territoire où l’empreinte indigène enracinée, profondément, s’est mêlée aux marques romaines. En témoignent les sculptures de dieux assis en tailleur (n° 8-11 à Saintes, 292, 301, 325, 367 dans le territoire d’Angoulême. La description minutieuse, notamment lorsque les monuments sont incomplets, acéphales, cassés aux bras ou avant-bras etc. (on pense à l’observation consistant à déterminer lequel des deux genoux est en avant par rapport à l’autre) permet seule de poser les hypothèses les plus plausibles dans les interprétations. Avec le n° 292, à Agris, sculpture incomplète, ce sont des détails décoratifs et dans la posture qui autorisent à y voir plutôt un Cernunos ou un dieu assis en tailleur qu’un Mercure. Posture et provenance sont deux éléments de comparaison indispensables. Un des intérêts de ce volume est de faire pénétrer le lecteur dans des territoires qui ont conservé des éléments de culture celtique et ont accueilli des influences méditerranéennes et romaines par la voie de Narbonne à Bordeaux, en intégrant progressivement ces dernières après la réorganisation administrative de l’Aquitaine. G. Moitrieux parle justement de « mélange de témoignages issus de la tradition gréco-romaine et d’autres représentatifs du substrat indigène » (p. 19). Les premiers sont le plus souvent, au départ, d’importation et en marbre. À Barzan, important site de la cité, on trouve les deux : des témoignages en marbre et d’autres en calcaire. Et au fur et à mesure du temps, cette sculpture régionale s’avère diverse ; riche aussi de sculptures classiques (dieux, héros, scènes mythologiques, stèles funéraires, éléments de mausolées), parfois copies de modèles narbonnais.
Enfin, en l’état actuel de la documentation, il semble que ce secteur n’ait pas été marqué par l’influence de l’Orient alors qu’il n’était pas isolé des voies d’échanges routières, fluviales ou maritimes.
Les coquilles sont très rares et mineures. Dans l’index épigraphique, il faut corriger le n° 380 en 379 en deux endroits. Signalons une petite incohérence dans l’index des gentilices : Caius Iulius Victor mais Julia Sac… Pour la notice 147, à la référence à la sources (CAG 17/2, 2007, p. 341-342, fig. 248-249), il convient d’ajouter AE, 2007, 937 et de mettre ce numéro dans le chapeau introductif en tête de l’index épigraphique et dans la liste des inscriptions, tout comme les n° 143-144 et 148. Regrettons que les citoyens romains aient été indexés à leur premier nom (le prénom), comme dans la Carte archéologique de la Gaule et nom à leur nomen, ce qui étonne toujours les historiens et épigraphistes…
Sachons gré, une fois encore, à l’éditeur de la collection et aux auteurs du volume d’avoir intégré des index conçus simplement et clairement. Le programme annoncé des prochaines parutions se présente comme riche et prometteur ; il semble que plusieurs d’entres elles soient déjà bien avancées. On les attend donc avec impatience.
Sommaire
Note explicative, H. Lavagne, p. VII-IX Le territoire des Santons et la question des limites, L. Maurin, p. XIII-XVIII Remarques sur la sculpture, G. Moitrieux, p. XIX-XXIII Le catalogue est organisé en six parties : A) Saintes et son territoire : Saintes, notices 1-185 (p. 3-117) ; territoire de Saintes, notices 186-259 (p. 118-143) B) Angoulême et son territoire : Angoulême, notices 260-291 (p. 144-157) ; territoire d’Angoulême, notices 292-325 (p. 157-172) C) Incerta : notices 326-353 (p. 172-180) D) Dubia : notices 354-380 (p. 181-185) E) Sculptures médiévales ou modernes : notices 381-388 (p. 186-188) F) Sculptures d’origine étrangère : notices 389-396 (p. 189-192). Suivent les index : - Index général, p. 193-196 (noms communs, noms propres) - Index géographique, p. 196-197 (provenance) - Index épigraphique, p. 197 (monuments du volume comportant une inscription) - Index des localités et musées cités à titre de comparaison, p. 197-199 - Index des lieux de conservation, p. 201 - Table des concordances (NEsp., Esp., CIL, ILA, Santons), p. 203-205.
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Éditeurs : Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |