Cool, H.E.M. : The Small Finds and Vessel Glass from Insula VI.1 Pompeii: Excavations 1995-2006, (Archaeopress Roman Archaeology, 17), xii-304 p., ISBN : 9781784914523, 50 £
(Archaeopress, Oxford 2016 )
 
Reviewed by Clémentine Barbau, Université d’Aix-Marseille
 
Number of words : 1534 words
Published online 2018-08-30
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3094
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          Hilary Cool, éminente spécialiste de l’instrumentum et de la vaisselle de verre d’époque romaine, auteur de nombreuses études sur les mobiliers de Bretagne romaine[1], nous offre ici une monographie entièrement dédiée aux découvertes de Pompéi.

 

         Avec cet ouvrage, c’est plus de 5000 artefacts métalliques, céramiques, osseux, en pierre et en verre (« small finds »), ainsi que les récipients en verre découverts lors des fouilles de l’insula VI.1 de Pompéi, menées par les universités de Bradford et d’Oxford entre 1995 et 2006 (dans le cadre du Anglo-American Project in Pompeii, AAPP), qui sont présentés. Les objets en fer ne sont pas concernés par cette publication, car leur état de conservation ne permettait pas de les analyser sans traitement radiographique préalable. On espère qu’ils pourront faire prochainement l’objet d’un addendum afin de compléter ce corpus. Les quantités de données à traiter ont nécessité une publication en deux parties : d’une part, ce présent livre qui expose l’étude thématique d’une sélection d’objets, accompagnée d’un catalogue et de planches de dessins ; d’autre part, une version numérique en ligne sur le site Archaeological Data Service donne accès au catalogue complet du matériel récolté, à des informations complémentaires sur les contextes et sur les fouilles anciennes.

 

         Cette étude, après un premier chapitre méthodologique, présente les mobiliers par catégories, en neuf chapitres, apportant des précisions typologiques et chronologiques et proposant une discussion sur leur fonction et sur ce qu’ils apportent quant à la compréhension de la vie quotidienne des habitants. Elle se termine par une synthèse sur l’apport de cette analyse contextuelle à l’évolution chronologique et spatiale de l’insula, mais aussi aux changements de modes de vie et aux transformations économiques à la période tardo-républicaine et au début de la période impériale à Pompéi. C’est bien ces aspects contextuels, ainsi que les discussions sur la chronologie des mobiliers et la notion d’assemblage qui font tout l’intérêt de l’ouvrage. En effet, cette approche globale vient renouveler les traditionnels catalogues typologiques par catégories de mobilier (sur la vaisselle de bronze[2], sur les ustensiles de toilette[3]), ou encore les catalogues d’exposition dédiés aux « beaux objets »[4], qui manquaient de réflexion sur les contextes, sur les occupations antérieures à l’éruption volcanique et sur l’évolution des usages. Le texte est complété par trois annexes : le compte rendu des fouilles de la fin du XVIIIe (en ligne) ; les contextes recelant des balles de frondes, témoignage du siège de Pompéi par Sylla (en ligne) ; une base de données référençant la vaisselle de verre découverte dans les niveaux contemporains de l’éruption, par forme, type et couleur. Une bibliographie, dans laquelle le lecteur retrouvera toutes les références récentes sur les études de l’instrumentum en Europe occidentale, précède un index par noms de lieu et par objets, en fin de volume.

 

         Dès le début (Chapitre 1 : « An Introduction to the Finds and the Site »), les méthodes sont clairement exposées, ainsi que les problèmes rencontrés lors de l’analyse des mobiliers. L’historique des fouilles anciennes est rappelé, ainsi que les méthodes utilisées pour les fouilles récentes, en matière de stratigraphie, d’enregistrement des données et de traitement des artefacts. Quant à la chronologie de l’insula, elle est clairement exposée par bâtiment (l’auberge, le triclinum, la Maison des Vestales, la Maison du chirurgien, le sanctuaire, le puits et la fontaine) et rapportée au phasage général du site, ancré en chronologie absolue grâce à trois termini bien identifiés : le siège de Pompéi par Sylla en 89 avant J.-C., le tremblement de terre de 62 après J.-C. et l’éruption volcanique de 79 après J.-C. Ensuite, les choix méthodologiques et leurs limites pour l’étude de l’instrumentum sont également énoncés. Inspirée de la très riche monographie de Nina Crummy sur les mobiliers de Colchester[5], H. Cool applique à ce corpus pompéien la même approche, visant à appréhender le mobilier par grandes catégories fonctionnelles, comme cela est également de rigueur en France, depuis les travaux de J.-P. Guillaumet. Après l’identification des artefacts, l’objectif est de caractériser la culture matérielle, en corrélation avec les données stratigraphiques et la distribution spatiale, afin de mettre en évidence des changements dans les usages. Puis, les neuf chapitres typologiques qui suivent  présentent les objets par type, avec une réflexion sur leur localisation et une comparaison avec d’autres sites ; en outre, des renvois typo-chronologiques aux publications françaises et suisses sont effectués, en l’absence de travaux similaires en Italie, ce qui permet une mise en perspective européenne des mobiliers de Pompéi. Ces présentations par groupes de mobilier se trouvent accompagnées par un catalogue de notices ainsi que par des planches de dessins intégrés au texte, et se terminent par une mise en contexte des objets à l’échelle de l’insula.

 

         Ensuite, l’étude typologique et fonctionnelle (chapitre 2 : « Dress Accessories and Jewellery ») s’ouvre sur les accessoires de vêtement (fibules, boucles de ceinture, boutons) et les bijoux (épingles, boucles d’oreille, bagues, intailles, perles, ainsi que les amulettes phalliques). Au-delà de la répartition des objets par phase et par secteur, la réflexion porte sur l’usage de ces parures, l’évolution de la mode et la mise en évidence de populations exogènes présentes à Pompéi. Les chapitres 3 et 4 (« Toilet, Pharmaceutical and Medical Equipment ») concernent la catégorie de la toilette, des soins du corps et de la médecine, avec respectivement les récipients en verre, en céramique et en albâtre (balsamaires, pyxides), ainsi que les divers instruments utilisés pour la toilette (strigiles), pour la préparation et l’application de cosmétique (spatules, agitateurs, palettes à fard) et pour la médecine (scalpels). L’analyse des contextes semble mettre en évidence une évolution dans les usages, à partir de la période augustéenne, où les flacons en verre et les ustensiles en alliage base cuivre sont davantage représentés.

 

         Les chapitres 5 et 6 abordent le domaine domestique (« Household Equipment »), avec une partie sur la vaisselle en verre et en alliage cuivreux, puis une seconde sur les ustensiles (cuillères) et les éléments d’ameublement et d’aménagement (charnières, renforts, appliques, éléments de serrure, clous et rivets en alliage cuivreux). Pour la vaisselle en verre, le constat est le même que précédemment, avec une diversification des formes à partir de la période augustéenne. Pour les autres artefacts domestiques, la discussion porte sur les éléments en ivoire (charnières, renforts) et sur leur utilisation courante dans cette insula, alors qu’ils sont plutôt rares dans d’autres sites (Augst par exemple).

 

         Le chapitre 7 (« Craft Equipment ») rassemble les objets liés à l’artisanat du textile (aiguilles, fuseaux et fusaïoles, pesons), au travail des métaux (moules) et des matières dures animales et à la pêche (hameçons, plombs de filets). Le chapitre 8 (« Items Associated with Recreation ») examine le domaine du jeu et présente une série de dés et des jetons en verre, en os, en ivoire, en pierre et en céramique. Concernant les jetons en verre, l’auteur propose, à partir d’une approche statistique, une hypothèse originale sur leur utilisation comme éléments de décoration intérieure pour les murs des bâtiments, plutôt que comme jetons de jeu. Le chapitre 9 (« Articles Associated with Religious Activity ») traite des objets associés aux activités religieuses (vaisselle miniature, pesons miniatures, figurines en terre cuite, clochettes) et l’auteur note la part importante d’artefacts découverts dans la zone du puits, lui conférant une fonction rituelle, avant l’aménagement du sanctuaire.

 

         Enfin, le chapitre 10 (« Other functions and miscellaneous ») rassemble les objets qui n’ont pas été traités auparavant, avec tout de même deux catégories, celle de l’écriture (stylets, boîtes à sceau) et celle du transport (éléments de harnachement) ; peut-être auraient-ils pu faire l’objet de chapitres à part, tout comme la statuaire et les verres à vitre qui semblent respectivement caractériser le domaine religieux et celui du second œuvre. Enfin, les non-classifiés, c’est-à-dire les objets que l’on sait identifier, mais dont on ne connaît pas la fonction exacte (tels que les anneaux) et les indéterminés sont rapidement présentés.

 

         Les apports historiques de ce travail se trouvent enfin repris et commentés dans le chapitre interprétatif (Chapitre 11 : « Changing Patterns at Pompeii ») clôturant l’ouvrage. Ce dernier, en reconsidérant l’ensemble du corpus dans son contexte, envisage l’évolution des usages et des comportements des populations de Pompéi à partir des transformations mises en évidence dans la culture matérielle.

 

         En somme, certains choix de classement fonctionnel des artefacts s’avèrent encore discutables et, par ailleurs, l’absence des objets ferreux (pour des raisons liées à leur conservation) réduit indéniablement les champs de l’interprétation et de la caractérisation des contextes. Néanmoins, il ne fait aucun doute que ce volume, richement documenté, constitue une référence indispensable sur l’instrumentum de la période romaine, catégorie de mobilier encore trop peu étudiée, mais qui se révèle être incontournable pour comprendre les modes de vie des populations de l’Antiquité.

 


[1] H. COOL, Eating and Drinking in Roman Britain, Cambridge, 2006 ; H. COOL, M. BAXTER, Brooches and Britannia, Britannia 47, 2016, p. 71-98.

[2] S. TASSINARI, Il vasellame bronzeo di Pompei, Rome, 1993.

[3] L. BLIQUEZ, Roman surgical instruments and other minor objects in the National Archaeological Museum of Naples, Mayence, 1994.

[4] Rediscovering Pompeii (catalogue de l’exposition IBM-Italia, 12 juillet-15 septembre 1990), Rome, 1990 ; P.G. GUZZO, Argenti a Pompei (catalogue de l’exposition Museo Archaeologico Nazionale, 2 avril – 11 septembre 2006), Naples, 2006.

[5] N. CRUMMY, The Roman small finds from excavations in Colchester, Colchester, 1983.