Solano, Serena (a cura di) : Da Camunni a Romani. Archeologia e storia della romanizzazione alpina, (Studi e ricerche sulla Gallia Cisalpina), ISBN: 978-88-7140-782-1, 21,5x28, 358 p., 45 €
(Edizioni Quasar, Rome 2017)
 
Recensione di Clément Chillet, Université Grenoble Alpes
 
Numero di parole: 2084 parole
Pubblicato on line il 2018-07-05
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3239
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          Cet ouvrage est la publication d’un troisième et avant-dernier colloque tenu dans le cadre d’un projet de recherche de grande envergure intitulé « Roma e la Transpadana : processi acculturativi, infrastrutture, forme di organizzazione amministrativa e territoriale », issu de financements de recherches nationaux en Italie. Le volume compte dix-neuf articles ainsi qu’une préface et des conclusions. Il ne sera pas question, dans le compte rendu de développer chacune de ces communications, mais de retirer quelques éléments majeurs qu’apporte le présent travail.

 

         Loin de se limiter aux seuls Camunni, les auteurs de ce livre s’intéressent aux peuples de l’extrême nord de l’Italie, ou plutôt, devrait-on dire, aux peuples de l’arc alpin, puisque la zone concernée dépasse la frontière administrative de l’Italie pour comprendre aussi les franges sud de la Rhétie et du Norique. Le but était de réunir des études sur cet espace afin de présenter à la fois un état de la recherche (ce qui est souvent le cas, car bien des articles se présentent comme l’exposé de travaux achevés), et une prospective de travail (ce qui est moins souvent le cas).

 

         On peut regrouper les problématiques portées par le volume autour de deux pôles : celui de la romanisation, jamais vraiment définie, mais entendue comme le passage des cultures « locales » à une culture « romaine » ; celui de l’organisation et de l’exploitation des territoires de part et d’autre de la conquête romaine. Ces deux directions de recherche sont déclinées en articles ordonnés géographiquement, grosso modo depuis l’ouest jusqu’à l’est. La première partie (I- I Camuni) est la plus structurée et la plus riche car la zone offre plus de prises, du fait de l’abondance des sources relativement à d’autres espaces. La deuxième partie (II- I Reti) précède une troisième (III- Gli altri), beaucoup plus morcelée, quasiment vallée par vallée, présentant les données de manière un peu répétitive (voir les plans : « anciennes données » vs. « données nouvelles »). Les conclusions fort heureusement reprennent, en une synthèse rapide mais très utile, les avancées du lvre. On regrettera simplement l’absence d’un index par matière qui aurait été particulièrement intéressant dans une telle publication qui cherche à comparer, autour de problématiques semblables, des aires géographiques différentes.

 

         Quelques éléments sur les deux points de problématiques générales annoncés plus haut.

 

         Sur la romanisation : la question sous-jacente est celle de la rupture ou de la continuité dans les cultures locales, celle des rythmes et des modalités de la diffusion de la romanité dans les territoires. Même si les enjeux du débat ne sont jamais posés véritablement (le terme de romanisation est accepté comme tel, sauf chez Marzatico & Endrizzi), les questionnements menés dans le volume ont l’avantage de faire ressortir plusieurs éléments. D’une part, la définition d’une culture « locale », nécessaire dans le paradigme qui voit s’opposer (au sens le plus neutre du terme) « local » et « romain ». Plusieurs contributions de l’ouvrage mettent en évidence l’existence de traits qu’on pourrait qualifier « d’alpins » plutôt que de rhètes, camunes : certaines techniques de bâti et l’existence d’un plan de maison qu’on retrouve dans plusieurs zones de l’arc alpin en sont la preuve (voir Solanno 93-134 : un bel exemple de fouille d’une maison de ce type particulier). D’autre part, certaines communications remettent en cause explicitement le schéma traditionnel (sous-tendu par l’idée de rupture ou de continuité) qui verrait le contact avec Rome être l’annonce d’une plus ou moins brutale, mais néanmoins inexorable « décadence » des traits culturels locaux, « destinés » à être remplacés par la culture romaine (voir A. Marretta qui déconstruit le système de datation des graffiti rupestres camunnes, fondé sur l’idée ancienne d’une « belle époque » à laquelle succéderait un déclin stylistique entraîné par la romanisation). Plusieurs études montrent qu’il n’en est rien et que l’entrée dans l’empire de Rome échappe à cette dialectique de la rupture/continuité : on apprend ainsi que, à très longue échelle, des techniques de construction utilisées avant la conquête sont réutilisées au moment de la chute de l’Empire, ce qui signifie qu’elles ne furent jamais totalement oubliées ; Poggiani Keller montre que la conquête, marquée par des abandons de site, n’empêche pas la réutilisation de modèles d’organisation du bâti après quelques décennies de rupture, ou bien Marretta étudiant les graffiti rupestres, qui montre que la romanisation administrative et politique, lorsqu’elle est rapide et complète, s’accompagne plus facilement de la persistance voire d’un renouveau de traits locaux. De même, si certains auteurs insistent sur le phénomène aujourd’hui bien connu de pré-romanisation, c’est à dire de diffusion de traits romains avant la conquête militaire proprement dite (Marzoli, De Leo & Di Stefano, Janke et al.), d’autres montrent comment les vestiges attribuables à un ensemble culturel celte ne relèvent pas forcément des persistances, mais peuvent dater d’après la conquête, remettant ainsi en cause une chronologie trop simpliste.

 

         Cela dit, nombreuses sont les études qui examinent cette pénétration des traits de culture romaine dans de très nombreux domaines : religion (transformation de lieux de cultes locaux grâce à la romanisation de la divinité : sanctuaire de Spina di Breno, p. 37 ou bien Pozzi & Sacchi pour le lieu de culte du forum de Civitas Camunnorum), écriture (en particulier Montagnaro & Valentini ou bien Solano, 27-48.), onomastique, modes de construction (les deux articles de Solano), modes alimentaires (Solano, p. 27-48 et 93-134 insiste sur le rôle de la noix qui n’est pas un produit local, comme marqueur de l’influence de Rome), mode d’exploitation des ressources naturelles, etc.

 

         Ce premier groupe de questions est très lié, dans l’ouvrage, au second champ problématique, celui de l’organisation du territoire. En étudiant les rythmes et les mécanismes de la romanisation, les auteurs montrent comment la prise en compte de facteurs tels que la proximité ou l’éloignement de routes de piémonts ou de traversée alpine, la position et l’altitude des installations par rapport aux vallées, la proximité ou non de ressources naturelles exploitables/exploitées, la persistance de sanctuaires, ou bien le passage de frontières administratives (entre Italie et provinces) est absolument fondamentale dans la compréhension des phénomènes de diffusion de la culture romaine.

 

         Le questionnement sur l’organisation et de l’exploitation du territoire, occupe aussi une place autonome dans les communications réunies ici. On relèvera cinq facteurs étudiés par les auteurs pour comprendre la manière dont Rome étendit son empire (au sens d’un territoire et d’un mode de gestion).

 

1- Le réseau viaire, comprenant à la fois des routes anciennes réutilisées par Rome mais aussi de nouvelles, des routes principales, ainsi que des routes secondaires dont il ne faut pas négliger l’importance lorsque l’obstacle naturel à franchir est aussi imposant que les Alpes et qu’un des espaces transalpins directement concerné par ce passage est la zone de front du limes danubien (Marzoli, De Leo & Di Stefano), des routes aux statuts variés (Luciani), etc.

 

2- Les sanctuaires, dont certains auteurs montrent qu’eux aussi étaient organisés en réseaux allant jusqu’à constituer un « paysage sacré » (Solano, p. 37-39) mis en évidence par des parcours cultuels (Poggiani Keller), et que les routes qui y donnaient accès avaient une importance majeure pour le maillage du territoire des cités (Luciani).

 

3- Les différents modes de gestion du territoire adoptés par Rome : le faible nombre de cités (municipes ou colonies) créées par Rome laissait ouverte la question des très vastes territoires échappant au maillage civique qui enserrait au contraire la presque totalité du territoire italien. Le volume se distingue par une étude de cas de municipalisation menée sur le long terme, celui des Camunni (Faoro), mais aussi et surtout par une étude du soi-disant phénomène d’adtributio dont le dossier est magistralement repris par Baroni dans une contribution très solide remettant en cause les interprétations traditionnellement adoptées par la critique.

 

4- L’organisation des zones de commandement et l’organisation des frontières provinciales : l’étude de Gleirscher s’inscrit contre l’idée d’une origine celte du site du Magdalensberg, mais au contraire montre comment le centre de commandement passa du site de Gurina à celui du Magdalensberg, emporium de fondation romaine avant de passer enfin à Virunum la capitale provinciale du Norique : la progression du front d’organisation de l’empire se comprend ainsi mieux et se connecte à la fois au rythme de la conquête, des fondations urbaines et des aléas propres à l’espace montagnard (abandon de Gurina et destruction du premier emporium du Magdalensebrg suite à un tremblement de terre). Cette organisation de l’empire se voit aussi dans l’organisation du tracé des frontières provinciales dont il est loisible de se demander s’il suivait des frontières culturelles, repérables à certains faciès archéologiques (Janke).

 

5- Enfin, dernier point que l’on pourrait mettre en avant : les dynamiques d’implantation des habitats. Globalement, il semble que la règle générale à partir de la conquête soit l’installation dans les zones basses de vallée, s’accompagnant d’un abandon des zones d’altitude au contraire très privilégiées lors de la période proto-historique. Cet abandon cependant, quoique généralisé sur toute l’aire prise en considération, reste très différencié selon les situations particulières (voir par exemple Poggiani Keller). Les auteurs soulignent bien les spécificités de la zone alpine qui rendent difficile parfois le simple repérage des vestiges de hauteurs soumis à des contraintes climatiques et géologiques rudes, ou bien leur interprétation, attendu que certains ne furent que des installations temporaires ou saisonnières. Les cas les plus évidents d’installations dans les zones basses sont bien évidemment les fondations urbaines, dont l’exemple de Civitas Camunnorum (Bozzi & Sacchi) et de Tridentum (Bassi) est analysé au regard des dernières fouilles. Ces dynamiques induites par la conquête ou bien proprement romaines s’accompagnent de mouvements démographiques qu’il est parfois possible de percevoir : aux déplacements forcés de population (Mariotti), s’ajoutent ceux qui sont volontaires et catalysés par l’implantation de nouveaux centres (Lenzi) ou bien les installations volontaires de la part de Rome (Gleirscher montre que le tiers celte de la population du Magdalensberg n’est pas local, mais installé sur place au même titre que la composante romaine et grecque de la population perceptible dans l’onomastique du lieu).

 

         Plusieurs autres domaines sont abordés sur lesquels nous ne nous attarderons pas dans ce compte rendu (l’exploitation des ressources alpines, les évolutions sociales, des élites en particulier, etc.), qui renforcent l’intérêt indéniable de ce volume pour la compréhension de l’intégration de l’arc alpin de l’Italie septentrionale dans l’empire. L’abondante bibliographie rassemblée par les articles, dont la volonté est clairement de faire un état de la recherche, constitue un outil indéniable. Le livre est clairement illustré de figures, cartes, plans et dessins, généralement en noir et blanc, sans que cette caractéristique n’atténue la qualité documentaire des images. Enfin, comme le laisse entendre un article (Luciani) qui compare des documents alpins à des documents issus de Narbonnaise et d’Italie centrale, on notera que, concernant aussi bien les études de cas que les grandes tendances mises en avant par les contributions et par l’auteur, des conclusions seront d’un grand intérêt pour l’étude de l’intégration territoriale d’autres espaces de l’empire.

 

 

Sommaire

 

Giovannella Cresci Marrone : « Premessa » p. 9-10

I- I Camunni

Raffaella Poggiani Keller : « Una visione d'insieme sulle vallate alpine lombarde: spunti di ricerca », p. 13-26

Serena Solano : « Da Camunni a Romani? Dinamiche ed esiti di un incontro di culture », p. 27-48

Alberto Marretta : « Da Camunni a Romani : il ruolo dell'arte rupestre », p. 49-67

Chiara Bozzi : « Furio Sacchi, Per una rilettura del foro di Cividate Camuno », p. 69-92

Serena Solano : « La romanizzazione in mostra. Die pietre e di legno. Una casa alpina fra età del Ferro e romanizzazione », p. 93-134

Davide Faoro : « Res Publica Camunnorum: Ius Latinum e municipalità nell'Italia imperiale », p. 135-144

 

II- I Reti

Franco Marzatico & Lorenza Endrizzi : « Dalla protostoria alla storia : Reti e Romani alla luce delle fonti archeologiche », p. 147-173

Cristina Bassi : « Tridentum città romana. Osservazioni cronologiche sulla fondazione », p. 175-195

Katia Lenzi : « Alcune riflessioni sulla romanizzazione della Valsugana trentina : vecchi dubbi e nuovi strumenti d'indagine », p. 197-206

Catrin Marzoli, Alessandro de Leo &Stefano di Stefano : « La romanizzazione in area media alpina atesina. Dinamismo e conservatorismo culturale in una terra di confine », p. 207-220

Anselmo Baroni :  « ... partem ne adtributam quidem : sulla cosiddetta adtributio, yet again », p. 221-233

 

III- Gli altri

Federico Barello : « Alcuni dati sulla romanizzazione della Valle di Susa », p. 237-245

Mattia Balbo : « Tra Galli e Liguri : l’etnogenesi dei Libui di Vercellae », p. 247-255

Stefania Jorio & Chiara Niccoli : « La romanizzazione del territorio di Como. Nuovi e vecchi dati a confronto », p. 257-271

Rosanna Janke : « Tra Ticino e Reno : tappe della romanizzazione nei territori dell’attuale Svizzera italiana », p. 273-280

Valeria Mariotti : « La romanizzazione dell'alta valle dell'Adda tra vecchi e nuovi dati: un caso anomalo ? », p. 281-290

Laura Montagnaro &Alessandra Valentini : « Gli attori della romanizzazione nella venetia: la galassia pedemontana e alpina », p. 291-309

Paul Gleirscher : « Madgalensberg e Gurina. Nuovi dati sulla romanizzazione del Norico », p. 311-326

Franco Luciani, : « ‘Tituli viarum vicinalium’ ? Riflessioni in margine ad alcuni cippi paganici da Iulia Concordia, dalla Gallia Narbonensis e dal Samnium », p. 327-349

Elvira Migliario : »Conclusioni », p. 351-357