Bossard, Adrien - Besson, Claire - Norcia, Audrey: Passé recomposé - Quand archéologie et art contemporain se rencontrent, 56 p., 28 fig., 21,5x27cm, ISBN : 9788836635627, 12€
(Silvana Editoriale, Milano 2017)
 
Compte rendu par Claire Joncheray, Université Paris X-Nanterre
 
Nombre de mots : 944 mots
Publié en ligne le 2019-03-27
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3258
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         Presque dix ans après le compte rendu paru dans Histara (http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=225&lang=fr) dont le sujet s’articulait autour du catalogue de l’exposition de Jean Le Gac au château de Saint-Germain-en-Laye sous le titre La chasse au trésor, une nouvelle occasion nous est donnée de réfléchir sur le lien entre l’art contemporain et l’archéologie. La thématique a cependant changé : si de nombreuses études ont porté sur l’influence des objets archéologiques et des artéfacts des civilisations passées sur l’art contemporain, la recherche tant artistique que scientifique s’intéresse aujourd’hui aux liens entre la pratique archéologique, et non plus uniquement l’objet, et la recherche de l’artiste contemporain.

 

         Une nouvelle tendance de l’art semble se focaliser sur le geste de l’archéologue et le concept de découverte. L’exemple nous est offert par le catalogue de l’exposition Passé recomposé, quand archéologie et art contemporain se rencontrent réalisée au musée archéologique de l’Oise en 2017. Le conservateur du musée A. Bossard en introduction du petit catalogue rappelle que, cette même année, d’autres expositions sur cette thématique ont eu lieu : Retour vers le futur au Musée archéologique départemental de Jublains et Archéologie du Présent au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne. Ces expositions suivent celle du projet NEARCH au Centquatre-Paris intitulée Matérialité de l’invisible, en 2016. Plusieurs colloques organisés par Michaël Jasmin et Audrey Norcia depuis 2009 permettent d’approfondir le développement en direction du grand public de cette démarche archéo-artistique, née au Royaume-Uni dans les années 1990.

 

         Dans l’exposition du musée archéologique de l’Oise, seize œuvres (notice du catalogue, p.42-51) étaient présentées selon trois conceptions du lien entre l’archéologie et l’art ; premièrement une réflexion sur le passage du temps avec le dépérissement des objets et des hommes, les transformations des maisons, l’interprétation des traces des hommes ; deuxièmement la technique archéologique avec des carottages, des dessins, des collections, des restes de fouilles ; troisièmement, une récupération des objets antiques dans les structures modernes comme avec des statues Moai ou le disque de Chambon. Les créateurs Michaël Jasmin, Arnaud Pottier, le collectif Fossile, le collectif Polymorf’ et Florent Perris, ou encore Thomas Porato avec l’aide de Mickael Dufossé et de ses lycéens, ont réalisé des œuvres originales à cette occasion dont certaines sont désormais entrées dans les collections du Musée archéologique de l’Oise. En revanche, les œuvres d’Anne et Patrick Poirier, Daniel Spoerri, Laurette Atrux-Tallau, Pascal Kern, Jean Clareboudt, Chanéac et Marc Pessin sont des prêts des FRAC de Picardie et du Centre-Val de Loire, du Musée de Picardie, du Centre national des arts plastiques ou des artistes eux-mêmes.

 

         L’interprétation des œuvres dans le catalogue se place dans une vision nettement archéologique, argumentée par trois articles de spécialistes de l’archéologie : A. Bossard, Conservateur du musée ; Claire Besson, Conservatrice du patrimoine du SRA d’île de France ; et Audrey Norcia, Docteur spécialiste du rapport entre l’archéologie et l’art contemporain.

 

         Le premier article (Archéologie et art contemporain, discours et processus, Adrien Bossard, p. 11) présente de façon positive la relation entre les deux démarches, artistique et archéologique. Les deux disciplines abordent les objets à partir de thématiques communes comme le rapport à la mémoire, le mode de vie, le génie humain. L’œuvre d’art peut être légitimée par la fouille car le geste crée son objet pour l’artiste comme pour l’archéologue. De plus, la notion de temps ou de décalage chronologique entre l’objet et sa découverte lui donne du sens. Le déjeuner sous l’herbe de Daniel Spoerri fouillé par l’INRAP en est un bel exemple.

 

         Le second article (La déconstruction de l’œuvre, Claire Besson, p.21) présente de manière plutôt négative le rapprochement entre l’archéologie et l’art. L’enfouissement prôné par les artistes limite la définition de la pratique archéologique. En effet, l’archéologie est une science plus complexe qui regroupe des techniques et des disciplines très diverses afin de répondre à un besoin permanent de données informatives en vue de construire une histoire. L’art cependant permet à la discipline archéologique de se placer dans une réflexion épistémologique et de se renouveler. Le statut de l’archéologie s’est considérablement transformé en 2013 par l’ajout de la période contemporaine.

 

         Le troisième article (Échapper à l’objet et au temps ? du musée à la terre, Audrey Norcia, p.31) explique et justifie la pratique de ces artistes par leur désir d’exprimer une certaine critique de la société contemporaine comme le refus du gaspillage (Arman ou Tinguely), du musée (Guillaume Bijl ou Boltanski), des sites et des contextes (A. et P. Poirier et M. Jasmin qui mélangent les périodes historiques). Le retour à la terre et à l’enfouissement serait à comprendre comme la recherche d’un « musée le plus juste », c’est-à-dire une sorte de retour aux sources, comme pour le Land Art. La pratique archéologique peut, par ce biais, s’inscrire également dans une nouvelle tendance de l’art contemporain.

 

         Ce catalogue d’exposition nourrit la réflexion autour du lien entre la pratique artistique et la pratique archéologique de la découverte et de la mise en scène de l’objet. Les articles fourmillent de noms d’artistes, d’idées et de concepts en histoire de l’art contemporain et en épistémologie de la science archéologique. Ils montrent une belle dynamique artistique et déplacent le questionnement finalement sur l’avenir des musées d’archéologie dans le monde actuel de la culture. Le musée ne peut ignorer lui aussi le sens des objets qu’il expose et le but à la fois pédagogique et artistique qu’il propose dans une société de consommation tournée vers l’efficacité et la rentabilité.

 

 

Sommaire

 

Archéologie et art contemporain, discours et processus, Adrien Bossard, p. 11

La déconstruction de l’œuvre, Claire Besson, p.21

Échapper à l’objet et au temps ? du musée à la terre, Audrey Norcia, p.31