Villeneuve, Estelle: Sous les pierres, la Bible. Les grandes découvertes de l’archéologie, 264 p., illl. N&B et coul, 18 x 1,8 x 21,8 cm, ISBN-10: 2227491302, 26,90 €
(Bayard éditions, Paris 2017)
 
Compte rendu par Caroline Arnould-Béhar, Institut Catholique de Paris
 
Nombre de mots : 1496 mots
Publié en ligne le 2020-11-27
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3259
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          C’est à l’archéologie biblique ou « archéologie des pays de la Bible » qu’est consacré cet ouvrage destiné au grand public, à travers les grandes découvertes qui en sont issues. 

 

         Une longue introduction portant sur l’historiographie de la discipline précède la présentation des découvertes. L’auteur retrace les différentes étapes d’une histoire mouvementée – parce qu’impactée par des enjeux idéologiques majeurs –, jalonnée d’étapes décisives et qui a pour cadre la Palestine, l’Égypte et la Mésopotamie. Les acteurs de cette histoire apparaissent les uns après les autres, savants, explorateurs, archéologues, des pionniers qui ont fait progresser par leurs découvertes la connaissance et la compréhension du milieu dans lequel s’est formé le récit biblique. 

 

         L’évolution des méthodes et des objectifs est finement restituée. Il s’agit dans les premiers temps, au XIXe et encore dans la première moitié du XXsiècle, d’identifier les lieux cités dans la Bible et de rechercher des attestations de l’existence des peuples et des souverains mentionnés dans ses récits. C’est dans la seconde moitié du XXe siècle que l’archéologie va vraiment s’émanciper de son lien avec le texte biblique, amenant à ce constat que l’auteur attribue à l’archéologue britannique Kathleen Kenyon : « l’archéologie permet de reconstituer le cadre des sociétés qui se sont succédé dans le pays, mais en aucun cas elle ne “prouve” la tradition biblique » (p. 222).

 

         Trente-huit découvertes remarquables sont passées en revue, présentées de façon chronologique. À chacune sont consacrées six pages dont la première permet de contextualiser la découverte à l’aide d’une carte géographique et de quelques informations-clés telles que sa date et le nom de son inventeur. Quelques définitions la complètent ainsi qu’une courte bibliographie. Dans celle-ci, le lecteur trouvera la référence à une ou deux publications anciennes rapportant la découverte ainsi qu’un ou deux titres plus récents. Certains ouvrages ou articles auraient mérité de trouver leur place comme le petit livre de Catherine Metzger consacré à la mosaïque de Qabr Hiram (Musée du Louvre/Somogy, coll. « Solo », 2012) ou encore l’étude des peintures de la synagogue de Doura-Europos par Rachel Hachlili (Ancient Jewish Art and Archaeology in the Diaspora, Leyde, Brill, 1998, p. 96-141).

 

         La moitié exactement des notices concerne des découvertes réalisées au XIXe siècle, essentiellement hors de Palestine, en Égypte et en Mésopotamie. À cette époque, en effet, l’attirance pour les beaux objets susceptibles d’enrichir les collections des musées occidentaux pousse vers des sites grandioses et prometteurs. C’est seulement à partir du milieu du XIXe que l’on s’intéressera à la Palestine.

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         Le premier document présenté est le relief de Karnak découvert en 1828 par le jeune Jean-François Champollion, qui y déchiffre le nom du pharaon Sheshonq, le Shishak de la Bible, et celui du « royaume de Juda ». On est dans la première phase de l’exploration (plutôt qu’archéologie) biblique, alors qu’il s’agit de confirmer les dires de la Bible. L’évolution que l’on suivra au fil des notices fait écho à celle retracée dans l’introduction.

 

         Si certaines des découvertes sont bien connues du public, l’information ayant été amplement relayée par les médias, d’autres sont restées plus confidentielles et l’un des principaux intérêts de l’ouvrage est de les rendre accessibles à un public francophone et non spécialiste. Les références bibliographiques le disent bien : les travaux publiés sont principalement le fait de chercheurs anglo-saxons, pour les plus récentes en tout cas, et n’ont pas toutes fait l’objet d’une large diffusion.

 

         Les lecteurs découvriront ainsi le graffiti Ave Maria tracé en caractères grecs sur un socle de colonne d’un bâtiment pré-constantinien de Nazareth et avec lui l’implication des Franciscains dans la restitution de la Nazareth évangélique. Autre témoignage peu connu du grand public, la stèle d’Héliodore mise au jour à Maresha, dans le sud de la Judée, et dont des fragments sont apparus sur le marché des antiquités au début des années 2000. Il s’agit d’un décret officiel émanant du roi Séleucos IV qui éclaire les événements relatés dans le IIe livre des Maccabées, à savoir le soulèvement de Juifs contre la domination hellénistique. L’inscription fait en effet état d’une situation nouvelle concernant le Temple de Jérusalem, son placement sous le contrôle des Séleucides, ce qui aurait rendu possible l’action menée par Héliodore contre son trésor et le mécontentement qui s’en est suivi et qui débouchera sur la révolte des Maccabées.

 

         La découverte qui a eu le plus fort retentissement est d’évidence celle des manuscrits de Qumrân ou « manuscrits de la mer Morte ». L’auteur connaît bien la question pour lui avoir consacré plusieurs écrits. Si l’histoire de cette « rocambolesque et magistrale » découverte (p. 196) est relatée avec précision, son contenu-même ne fait l’objet que d’à peine plus d’une page. Là sont les limites de cet ouvrage, dont l’objet est de relater les découvertes et de mettre en lumière leur impact plus que de présenter de façon détaillée les vestiges et le matériel exhumés. Les références bibliographiques accompagnant les notices permettront au lecteur de se documenter davantage. À cette fin, une bibliographie générale en fin d’ouvrage aurait peut-être été utile.

 

         La dernière découverte présentée – la plus récente – est celle en 2007 du site de Khirbet Qeiyafa où furent exhumés les restes d’une cité fortifiée du Xe siècle avant J.-C. Elle permet à l’auteur de faire état, de manière limpide, d’un débat majeur dans l’histoire ancienne d’Israël : celui qui oppose les tenants d’une chronologie haute aux tenants d’une chronologie basse, ces derniers remettant en cause l’existence du royaume de Juda tel qu’il est présenté dans la Bible. On fera juste remarquer que le terme de « sanctuaire portatif » est plus approprié que celui d’« autel » pour désigner l’objet présenté p. 253.

 

         Au sujet de la synagogue de Doura-Europos (p. 160-165), il conviendrait mieux de parler de peintures murales que de « fresques », ce dernier mot renvoyant à une technique bien précise consistant à peindre sur l’enduit frais, ce qui n’était pas le cas à Doura. Une correction est à apporter également à la page 164 où il est question du 3e commandement au lieu du 2e.

 

         La sélection des découvertes était en soi une gageure tant elles ont été nombreuses au cours des deux derniers siècles. Certains sites n’ont pas été retenus mais sont mentionnés dans l’introduction, Jéricho ou Samarie par exemple. C’est le cas aussi de Césarée Maritime et de l’inscription à Ponce Pilate, préfet de Judée, qui y fut retrouvée. À notre sens, un peu plus de place aurait pu être accordée au Temple de Jérusalem – le plus récent, celui d’Hérode – qui, bien qu’évoqué aussi dans l’introduction, ne l’est, dans les découvertes, qu’à travers l’inscription révélée par C. Clermont-Ganneau (« La stèle des Gentils », p. 70). La connaissance de ce sanctuaire n’a cessé de progresser au cours du temps jusqu’à en permettre la restitution assez précise de certaines parties, en particulier le portique royal.

 

         Les « piscines » de Siloé et de Bethesda à Jérusalem auraient mérité d’être mentionnées dans l’introduction. Une découverte surtout aurait trouvé sa place dans l’ouvrage, celle des amulettes de Ketef Hinnom, de petits rouleaux d’argent inscrits mis au jour dans une nécropole de ce quartier de Jérusalem en 1979. Leur déchiffrement a permis d’y lire une variante de versets bibliques du Livre des Nombres constituant la bénédiction sacerdotale. Ces objets remontant au VIIe siècle av. J.-C. figurent parmi les plus anciennes attestations du texte biblique.

 

         On aurait apprécié que le lieu de conservation des documents soit indiqué dans les légendes, d’autant plus qu’il ne l’est pas toujours dans le texte (la stèle de Baal d’Ougarit conservée par le Louvre ou la stèle d’Héliodore par l’Israel Museum de Jérusalem, entre autres exemples).

 

         Un épilogue rédigé par l’auteur clôt l’ouvrage par un bref aperçu de la situation actuelle marquée à la fois par l’extraordinaire densité des découvertes et par un contexte de grande insécurité mettant en péril la vie même des archéologues.

 

         L’iconographie est de belle qualité. Les photographies anciennes sont d’un apport incontestable, comme celles du dégagement de la synagogue de Doura-Europos et de la dépose de ses peintures. Un plan du site ou de la structure évoquée aurait parfois été utile, comme pour les « écuries de Salomon » de Megiddo. Une carte de la région indiquant l’emplacement des découvertes citées est placée en fin de volume. La présentation est très soignée. On relèvera simplement l’erreur dans l’orthographe de Megiddo dans le titre de la page 166 et dans le sommaire. L’orthographe du site de Qabr Hiram nécessite aussi une petite correction par la suppression du tiret.

 

         ​Seule une culture approfondie de l’histoire et de l’archéologie de la région rendait possible la rédaction d’un tel ouvrage. Nous y retrouvons ce à quoi Estelle Villeneuve a habitué ses lecteurs, à travers ses ouvrages précédents et sa collaboration à la revue Le Monde de la Bible : une présentation aussi claire et vivante que rigoureuse et scientifiquement étayée.