Cavalieri, Marco (dir.) - Smith, Christopher (préf.): Cures tra archeologia e storia. Ricerche e considerazioni sulla capitale dei Sabini ed il suo territorio, ( Fervet Opus, 3), 217 pp., 15 x 24 cm, 63 fig. colori e 5 tav., ISBN : 978-2-87558-581-3, 27 €
(Presses universitaires de Louvain, Louvain-la-Neuve 2017)
 
Compte rendu par Stéphane Bourdin, Université de Picardie-Jules Verne
 
Nombre de mots : 1965 mots
Publié en ligne le 2018-06-27
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3298
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          Même si la cité sabine de Cures, lieu de naissance du roi Titus Tatius, à 30 km au nord de Rome, joue un rôle de premier plan dans les légendes sur les premiers temps de la Ville, elle est pendant très longtemps demeurée, paradoxalement, à peu près inconnue. Aujourd’hui encore, malgré les travaux conduits par la Surintendance du Latium, l’Université de Rome La Sapienza, la British School at Rome (depuis un premier article de T. Ashby jusqu’au Tiber Valley Project) et l’Université de Louvain (en 2013-2014), malgré le volume consacré au site dans la collection Forma Italiae[1], il manque une synthèse de grande envergure sur la ville, ses nécropoles et son territoire. Ce n’est pas toutefois l’ambition de ce livre, qui cherche avant tout à attirer de nouveau l’attention sur cette région méconnue et à proposer des pistes sur les potentialités patrimoniales du site. Le curateur du volume, qui a entrepris en 2013 un programme d’étude et de mise en valeur, financé par l’Université catholique de Louvain, évoque à demi-mot, dans son introduction, les difficultés rencontrées par le projet, qui n’a visiblement pas reçu tout le soutien qu’il méritait. Le volume offre cependant un premier état des lieux et une mise au point précise sur ce que l’on sait de Cures, depuis les premières occupations au Paléolithique jusqu’au Moyen Âge et définit également des directions de recherches futures.

           

         Plusieurs articles font le bilan des connaissances sur la phase pré- / proto-historique. P. Santoro rappelle les débats sur l’identification de la ville, dont le nom est conservé dans celui du Passo Corese et du Fosso Corese, jusqu’à sa correcte localisation par G.B. Chigi en 1777 dans le secteur d’Arci et revient sur les fouilles conduites dans la nécropole de Colle del Forno, qui constitue la partie septentrionale des cimetières de la cité voisine d’Eretum (Montelibretti), par le CNR, dans les années 1970 et à nouveau dans les années 2000. En parallèle, l’examen du matériel et la reprise des fouilles dans la nécropole de Poggio Sommavilla par G. Alvino, la création de plusieurs musées (Magliano Sabina, Fara in Sabina, Monteleone Sabino), l’organisation d’expositions (depuis Civiltà arcaica dei Sabini nella Valle del Tevere en 1973) et la rédaction de plusieurs synthèses[2] ont attiré l’attention et redonné toute leur importance aux antiques Sabins. P. Solaini présente un peu plus loin une étude anthropologique sur un échantillon d’ossements de la nécropole (correspondant aux fouilles de 2003 à 2008, le matériel ostéologique des fouilles 1971-1979 n’ayant pas été conservé) : sur 69 individus recensés, on identifie clairement 7 femmes et 8 hommes. Sont présentés la répartition par âge de cette population funéraire, le régime sanitaire général et les principales pathologies identifiées. La tombe monumentale 36, par exemple, qui a livré un petit trône de bronze, des chaudrons, un char et deux chevaux sacrifiés (2e moitié du VIe siècle av. J.-C.), appartenait à un homme âgé de 24-35 ans, souffrant d’une pathologie lui imposant de garder la tête inclinée.

           

         Les prospections, conduites de 1985 à 1989 par de jeunes archéologues du Centro Regionale di Documentazione dei beni culturali e ambientali autour de Fara Sabina (présentées ici par C. Belardelli et S. Vitagliano), visaient à contextualiser les fouilles entreprises au même moment par la Sapienza et la Surintendance. Elles ont mis au jour une fréquentation paléolithique, assez peu caractérisée (quelques éclats de débitage) et surtout plusieurs sites d’époque archaïque le long du Corese ou sur les collines environnantes. Une occupation plus dense entre Colle Vecchio et Colle di Puzzaroli correspond peut-être à un deuxième secteur de l’habitat de Cures, tandis qu’un autre site, fortifié, occupait le sommet du Monte San Martino. La colline occidentale a fait l’objet de fouilles, entre 1981 et 1984, comme le rappellent C. Belardelli, F. Floridi et A. Guidi : outre des tombes alla cappuccina d’époque romaine, déjà repérées par R. Lanciani en 1875, des sondages ont révélé la présence d’une cabane (A), associée à une structure secondaire circulaire, avec du matériel allant du VIIIe à la fin du VIe s. av. J.-C. Dans la zone B, la Surintendance a fouillé plusieurs structures de production, elles aussi perturbées par des tombes romaines plus récentes : une structure circulaire marquée par trois trous de poteaux, une vasque ovale pour la décantation de l’argile, un four à céramique et deux petits puits. L’ensemble est daté, sur la base du matériel recueilli, entre le milieu du VIIIe et la fin du VIIe siècle av. J.-C.

           

         M. Cavalieri présente les résultats de l’enquête conduite en 2013-2014 par l’Université de Louvain : outre la situation géologique du site, il évoque les prospections de surface et géophysiques – sans en développer les résultats – et présente le dossier des thermes, dont une partie est désormais recouverte. Le matériel et les décorations de cet édifice font penser à une première phase d’utilisation entre la fin du Ier s. av. J.-C. et le début du Ier s. ap. J.-C., puis au IIe s. ap. J.-C., tandis qu’une inscription d’Arci évoque la restauration de l’édifice, vers 200 ap. J.-C. Un édifice, immédiatement au NO, est occupé, lui, plus tardivement, jusqu’aux IIIe-IVe s. ap. J.-C. Mais ce secteur, qui mériterait d’être fouillé, n’a pu être que nettoyé.

           

         En complément, F. Giletti présente la situation du territoire de Mompeo, à une vingtaine de km au NE de Cures, qui fait l’objet de prospections depuis 2010. La région a été, après son passage sous la domination romaine en 290 av. J.-C., largement occupée par un réseau de fermes, dont on ne connaît en général que les murs de soutènement, puis, à partir de la fin du Ier s. av. J.-C., de villae se consacrant à la viticulture et à l’oléiculture. Au lieu-dit Monte, dans la commune de Mompeo, un puissant terrassement sur deux niveaux porte ainsi une villa, sur cryptoportique, occupée du IIe s. av. au IVe s. ap. J.-C.

           

         Après ces petites fenêtres ouvertes sur le plus ancien passé (une cabane protohistorique, une partie des thermes d’époque impériale, une villa), le dossier sur l’Antiquité tardive et le Haut Moyen Âge est un peu plus étoffé. V. Fiocchi Nicolai revient sur l’histoire du diocèse de Cures. Quelques inscriptions signalent encore des institutions au début du IVe s. ap. J.-C. (un curator rei publicae Curium Sabinorum, un ordre des décurions à l’époque de Constance Chlore). Cures est mentionnée comme siège épiscopal en 465, mais dès le début du VIe siècle, le diocèse semble être centré sur l’église de S. Antimo, à 5 km de la ville antique, sur la via Salaria (avant son regroupement avec le diocèse de Nomentum à la fin de ce même siècle).

           

         La reprise, dans les archives de fouille de la Surintendance, de documents concernant une opération conduite au lieu-dit Polledrara en 1989-1990, permet d’identifier l’édifice découvert avec l’église martyriale de S. Giacinto, dont le culte est attesté dès le Ve siècle. L’édifice, large de 15 m et long de 22 m, qui a livré notamment des fragments de décorations de marbre et d’un fût de colonne du milieu du VIIIe siècle, était entouré de tombes sans mobilier, elles aussi inédites. Sur la base du matériel (notamment des lampes de type catacomb lamps), L. D’Alessandro reconstitue une occupation du IVe au VIIe s. par un petit cimetière et une construction de l’église, sur le lieu de sépulture du martyr, au VIIIe siècle.

           

         H. Patterson, s’appuyant sur les résultats du Tiber Valley Project de la BSR, propose une belle synthèse sur le peuplement de la région entre le IIIe et le VIIIe siècle. Avec la perte progressive du contrôle des provinces, la Sabine, comme les autres régions proches de Rome, retrouve un rôle prééminent dans l’approvisionnement de la Ville. Le déclin des villae s’accompagne d’une revitalisation des zones rurales, par le développement de fermes. La zone décline toutefois (chute de 60 % du nombre de sites), à partir du milieu du Ve siècle, et encore plus au VIe siècle, avec les guerres gothiques et les invasions lombardes. La région occupée par les Lombards connaît de nouvelles fondations, en position défensive, comme à Casale San Donato. M. L. Mancinelli revient sur cette présence lombarde, visible dans la diffusion d’un certain nombre de toponymes (fara, sculcola, gualdus…), d’anthroponymes (en -sci/schi notamment) et sur l’importance de l’abbaye de Farfa dans l’organisation du peuplement de la région.

           

         Après une présentation par M. L. Agneni du système territorial des musées de Sabine, notamment du musée de Fara in Sabina qui conserve un cippe avec une inscription paléo-sabellique et les mobiliers des tombes de Colle del Forno, T. Leggio propose, pour conclure, un panorama de l’histoire de la région, évoquant l’époque des villae romaines, consacrées aux cultures spéculatives, la christianisation lente et irrégulière de la région, les incursions lombardes et la consolidation d’une zone-tampon entre le duché de Spolète et l’État pontifical, le développement de l’abbaye de Farfa (fondée au milieu du VIe s., reconstruite à la fin VIIe-début VIIIe s., provisoirement abandonnée à l’époque des incursions sarrasines) et enfin l’incastellamento et l’affirmation des pouvoirs seigneuriaux à partir du Xe siècle, avec notamment la construction du château d’Arci et le renforcement de l’abbaye de Farfa.

           

         Ce livre met finalement bien en lumière les connaissances sur la ville et sa région, mais surtout ce que nous ignorons sur Cures à l’époque des Sabins, sur la ville d’époque hellénistique puis romaine – notamment sur sa matérialité : y avait-il une agglomération, un centre public, des lieux de culte ? –, sur les nécropoles d’époque romaine ou postérieures, sur le déclin progressif de Cures aux IVe-Ve siècles etc. Nous ne pouvons que nous associer au curateur pour souhaiter une poursuite et une intensification des recherches dans ce secteur.

 

 


[1] M.P. Muzzioli, Cures Sabini, Florence, 1980.

[2] G. Alvino (dir.), I Sabini. Testimonianze di una cultura, cat. expo., Rome, 1993 ; G.  Alvino (dir.), I Sabini. La vita, la morte, gli dèi, expo. Rieti, Rome, 1997 ; M.C. Bettini, A. Nicosia, I Sabini popolo d’Italia. Dalla storia al mito, Rome, 2009.

 

 

 

 

Table des matières

 

- D. Basilicata, Presentazione, p. VII-VIII.

- C. Smith, Premessa, p. 1-2.

- A. Betori, Prefazione, p. 3-9.

- M. Cavalieri, Introduzione al volume, p. 11-16.

- P. Santoro, Note di storia degli studi sulla Sabina tiberina, p. 17-24.

- C. Belardelli, S. Vitagliano, Intorno a Cures. Ricognizioni archeologiche nel territorio di Fara in Sabina, 1985-1992, p. 25-43.

- C. Belardelli, F. Floridi, A. Guidi, Strutture, materiali ceramici e territorio protostorico : Cures (campagne di scavo 1981-1984, aree A, B, C e D), p. 45-56.

- M. Cavalieri, Considerazioni a margine degli interventi geo-archeologici nell’area del complesso termale di Cures (campagne 2013-2014), p. 57-75.

- V. Fiocchi Nicolai, La diocesi di Cures nella storia insediativa della città, p. 77-103.

- L. D’Alessandro, Fara in Sabina, loc. Polledrara. Notazioni sulla documentazione e sui materiali conservati negli archivi e nei depositi della Soprintendenza Archeologia per il Lazio e l’Etruria meridionale, p. 105-115.

- H. Patterson, Settlement and Economic Trends in the Sabina tiberina from the Late 3rd to the 8th Centuries, p. 117-138.

- M. L. Mancinelli, La presenza longobarda in area curense : spunti di ricerca, p. 139-152.

- F. Giletti, Alcune considerazioni sul territorio sabino in agro di Mompeo (RI), tra vecchie acquisizioni e nuovi scavi. La villa di località Monte, p. 153-171.

- P. Solaini, Il campione paleobiologico della necropoli di Colle del Forno (Montelibretti, RM), p. 173-181.

- M. L. Agneni, Il sistema museale del territorio di Fara in Sabina : un percorso didattico e culturale in itinere, p. 183-191.

- T. Leggio, Cures : frammenti di storia. Riflessioni conclusive, p. 193-214.