Caliò, L.M. - Des Courtils, Jacques (a cura di): L’architettura greca in Occidente nel III secolo a.C. Atti del Convegno di Studi. Pompei-Napoli 20-22 maggio 2015, (Thiasos Monografie, 8), 21x29,7, 432 p., ISBN : 978-88-7140-787-6, 50 €
(Edizioni Quasar, Rome 2017)
 
Compte rendu par Sandra Zanella, Université Paul-Valéry Montpellier 3
 
Nombre de mots : 2509 mots
Publié en ligne le 2019-06-24
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3332
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          L’ouvrage recueille les actes du colloque qui s’est déroulé entre le 20 et le 22 mai 2015 à Naples et dont le but principal, selon les mots des organisateurs, était de rassembler les connaissances afin de mettre en perspective l’ensemble des formes et expressions de l’architecture du iiie siècle av. n.è. en Occident. Ce volume, apparemment, privilégie, dans sa structure, une organisation géographique. Outre une préface des éditeurs (L. M. Caliò et J. des Courtils – p. 9-10) et une introduction de Cl. Pouzadoux (p. 11), un premier article vient poser, en guise de préambule, les termes du débat (E. Lippolis – p. 13-43). Sont ensuite présentées quatre communications sur la Campanie à travers les sites de Cumes, de Pompéi, d’Eléa et une synthèse sur la Campanie septentrionale. Une communication dédiée à l’acropole de Tarente déplace l’intérêt vers le sud. Six communications traitent ensuite de l’architecture de la Sicile. Cette partie sur l’Italie méridionale et la Sicile se clôt par une intervention concentrée sur l’architecture domestique de Grande Grèce. Les sites de Lavinium et de Signia, dans le Latium, mènent vers l’Italie centrale tandis qu’une troisième intervention, sur l’Étrurie, permet d’explorer le iiie siècle lors de l’expansion de Rome dans cette région. Les deux dernières communications ouvrent l’horizon au-delà de l’Italie, en portant le regard notamment sur l’architecture militaire de l’Épire, puis sur une mise en parallèle de la Sicile et de la ville de Cyrène. Une bibliographie générale se trouve en fin de l’ouvrage (p. 385-426).

 

         Le troisième siècle représente, pour l’archéologie du bassin méditerranéen, un problème essentiellement historiographique, et, par suite, méthodologique. Comme le soulignent la préface et la première contribution de E. Lippolis, ce siècle se situe à la charnière entre différentes spécialités de la recherche archéologique – les archéologies grecque, italique, romaine, étrusque –, ce qui a empêché le développement d’une tradition d’études spécifique. D’autre part, les profondes transformations politiques et culturelles survenues durant cette période – en particulier les guerres puniques, les campagnes de Pyrrhus, l’ascension de la dynastie lagide en Égypte, l’expansion progressive de Rome –, font que cette dernière est l’une des plus difficiles à caractériser et, par-là, à étudier. Cela se traduit par des incertitudes sur les datations des productions céramiques, fossiles directeurs des recherches archéologiques.

 

         L’écho de ces réflexions générales parcourt toutes les contributions. Elles soulignent en effet, selon la région d’enquête et les champs de recherche spécifiques tour à tour examinés, le renouveau des données sur des sites particuliers et la nécessité d’établir des corpora des formes architecturales.  Ces corpora deviendront des instruments de référence nécessaires pour aboutir à la recréation d’un contexte, qui fait encore défaut aujourd’hui. Les recherches en Campanie sont en cela symptomatiques : une importante avancée dans la connaissance des phénomènes architecturaux pour cette période est survenue suite aux nombreuses fouilles stratigraphiques effectuées à Cumes, Teano, Naples, Pompéi et Eléa/Velia (pour ne citer que les sites traités ou évoqués dans le volume), enrichissant ainsi considérablement les données disponibles. La mise en regard des expériences menées dans l’architecture cultuelle entre Cumes et Pompéi (M. Osanna, C. Rescigno p. 45-65) montre bien tout l’intérêt de regarder des sites sur des aires géographiques proches et soumises à des influences réciproques. Leur compréhension ne peut que s’accroître en regroupant les connaissances ponctuelles pour les insérer dans un système, dans le réseau dont elles sont le fruit. L’architecture privée telle qu’elle a été envisagée à Pompéi par F. Pesando (p. 67-81), bien que fragmentée par les grandes transformations qui touchèrent la ville au iie siècle, montre combien ce domaine reflète une société stratifiée et complexe. Cette complexité sociale ne sera toutefois comprise avec plus de précision qu’avec la publication systématique de l’intégralité des données primaires, venant enrichir les corpora disponibles. Il convient impérativement de tendre vers ce but pour consolider les instruments d’analyse disponibles.

 

         Un élément qui émerge avec force dans la première partie de l’ouvrage est l’importance de la ville au iiie siècle, sa planification et son devenir apparaissant comme une préoccupation centrale et un investissement communautaire. Pour Teano, F. Sirano (p. 83-94) montre clairement l’engagement de la ville dans la réalisation du sanctuaire au lieu-dit de Loreto.  La planification de l’espace, selon les points cardinaux et les axes de visibilité entre la ville et le sanctuaire, ainsi que les programmes décoratifs, révèlent l’expression d’une culture urbaine italique qui puise dans les références issues de Grande-Grèce via Neapolis et Cumes. En même temps, sont adoptées des solutions architecturales typiques de la tradition romaine républicaine, comme les constructions sur terrasse et la mise en place scénographique.

 

         Le cas d’Eléa présenté par G. Greco (p. 95-114) dévoile comment, à partir du début du siècle, un effort commun fut fait dans la gestion des eaux de source, avec comme conséquence la restructuration programmatique d’une partie de la ville et la réalisation d’un complexe gymnase-balneum. Ce dernier, de claire inspiration sicilienne, introduit néanmoins une forme « primitive » de chauffage sur pavement suspendu, innovation technique dont l’origine campanienne semble se confirmer et dont la datation est ici revue et rehaussée. Cette redéfinition du secteur central de la ville s’accompagne d’une monumentalisation de l’acropole à travers la réalisation d’un sanctuaire sur deux niveaux et de la réfection partielle des murailles. Toutes ces interventions parlent en faveur d’un projet urbain non soumis à des situations d’urgence mais relevant d’une mûre conception de la ville, d’inspiration grecque évidente, qui se fondit, dans le territoire campanien, avec les savoir-faire des Lucaniens - populations locales - en particulier à Eléa,.

 

         Des modifications importantes sont également mises en avant pour la ville de Tarente et pour son acropole. Grâce à une relecture des données disponibles et à de nouvelles fouilles dans la ville, notamment sur l’acropole, F. Giletti (p. 115-131) peut désormais tracer une histoire bien plus complexe pour ce secteur de la ville que celle que l’on considérait auparavant comme assez statique, « fossilisée » par son caractère sacré. En fait, l’acropole de Tarente connut pendant le iiie siècle av. n.è. de profondes transformations, notamment à caractère défensif, qui peuvent être facilement mises en parallèle avec les expériences de l’Italie du Sud et de la Méditerranée en général. À cela fait écho une profonde restructuration urbaine qui se traduisit par une organisation régulière des espaces de l’acropole.

 

         La partie centrale de l’ouvrage est dédiée à la Sicile qui, à travers le réexamen de dossiers connus et l’étude détaillée d’expressions architecturales spécifiques, se définit clairement comme un terrain privilégié pour lire et (re)lire le iiie siècle. Deux communications retracent les expériences de Grande-Grèce menées dans les villes : la contribution portant sur Syracuse d’E. C. Portale (p. 133-177) et celle relative à Mégara Hyblaea par H. Tréziny (p. 179-188). Les deux auteurs insistent sur l’importance d’une lecture croisée de données littéraires et archéologiques pour sortir des modèles interprétatifs rigides. Dans les deux cas, à des échelles différentes cependant, le iiie siècle représente un moment de fortes restructurations des espaces urbains. La ville devint centrale pour la population des campagnes, en se transformant en pôle d’attraction. Cela se traduisit par d’importantes redéfinitions urbaines qui ne marquèrent pourtant pas une rupture complète avec le passé. C’est le cas tout particulièrement pour la ville de Syracuse où les restructurations mises en place sous Hiéron II renouvelèrent complètement l’image de la ville selon des schémas réguliers et rationnels. Cette importante redéfinition urbaine veilla cependant à récupérer et à inclure les anciens espaces sacrés et de réunion avec la création de places et de portiques, ce qui permit la fusion de ces lieux hérités dans les nouvelles lignes urbaines. De telles transformations trouvent à cette époque un fort écho à Mégara Hyblaea, « ville nouvelle » mais qui maintint une liaison forte avec le passé, suivant en cela le discours politique commun du règne de Hiéron II. La production architecturale sacrée de ce tyran, analysée par M. Wolf (p. 189-203), confirme le grand engagement de l’architecture dans le discours politique. En reprenant l’analyse de détail de la décoration architecturale et l’emploi des ordres architecturaux, L. Campagna (p. 205-221) revient sur des questions de méthode. Il critique notamment une tradition des études qui s’est focalisée sur des éléments isolés pour lesquels on manque de points de référence chronologique fiables et souligne l’importance d’une étude contextuelle des éléments architectoniques. D’autre part, il met l’accent sur le fait que les événements traumatiques transmis par les sources ne devraient pas être vus comme des termini post quem non sans appel.

 

         Les réflexions de G. F. La Torre (p. 223-232) sur l’architecture privée vont également en ce sens. Il insiste sur la nécessité de remettre les expériences siciliennes, pour lesquelles il propose une relecture notamment chronologique, dans le contexte de l’histoire architecturale de la Méditerranée.

 

         Un des exemples les plus clairs de cette orientation est donné par la maison à péristyle de Monte Iato, présentée par S. Aiosa (p. 233-247), où la relecture des données disponibles amène à des propositions de reconstruction et à une chronologie qui insère cet édifice dans la production coloniale de l’île. Ce retour constant aux sources primaires entraîne une relecture des données qui, pour certains édifices, conduit à une redéfinition radicale des chronologies. Il en résulte une remise en contexte « naturelle » des expériences siciliennes au sein des expériences méditerranéennes. L’analyse transversale de ces dernières, menée par S. Guidone (p. 249-264), montre une architecture privée en transformation mais pour laquelle, dans les territoires de l’Italie méridionale, il n’est pas possible de tracer une trajectoire unitaire, tant la maison dépend étroitement de l’implication des élites locales dans la vie politique de la ville, elle-même conditionnée par les mutations politiques de ces années.

 

         L’avant-dernière partie de l’ouvrage démontre l’influence des climats politiques sur les phénomènes architecturaux. Les cas de Lavinium (A.M. Jaia, p. 265-284) et de Signia (F.M. Cifarelli, p. 285-300) dans le Latium permettent de faire le point sur deux villes profondément impliquées dans l’expansion romaine et dont l’architecture porte clairement les traces. C’est selon une clé de lecture résolument défensive, dans la lignée des colonies maritimes, que Jaia propose de relire la « fortification » du sanctuaire de Sol Indiges. Pour cet important sanctuaire, la phase de restructuration, contemporaine de la guerre contre Tarente, se traduit par sa transformation en un lieu fortifié, inséré dans le réseau de bastions défendant la côte tyrrhénienne.

 

         Un regard sur l’architecture étrusque de cette même période, présentée par L. M. Michetti (p. 301-322), pousse le champ de comparaison de l’hellénisation des formes architecturales aux territoires de l’Étrurie et en particulier à l’Étrurie méridionale. Les modalités de réception et d’intégration du langage hellénistique dans l’architecture mises en avant par l’auteure diffèrent fortement par rapport aux autres territoires envisagés dans le volume. L’architecture funéraire étrusque est, selon Michetti, le contexte où la transformation de la société se perçoit le plus clairement. En raison d’une architecture publique souffrant des changements politiques entraînés par la romanisation, ce sont en effet les tombes rupestres qui deviennent le réceptacle des dernières expressions de la société étrusque. Il est possible d’y lire la coexistence d’éléments conservateurs, fruits d’un système gentilice encore en puissance, avec une ouverture vers des modèles de tradition hellénistique, dans un contexte général de romanisation.

 

         La dernière partie de l’ouvrage ouvre les perspectives d’une rencontre avec certains territoires extra-italiens, à travers deux contributions. Ces dernières affrontent deux questions : la première propose le rapprochement formel entre les villes fortifiées épirotes et une culture poliorcétique partagée avec la Grande-Grèce et la Sicile (L.M. Caliò, p. 323-367). La deuxième, centrée sur l’architecture de Cyrène (O. Mei, p.  369-383) permet d’ouvrir sur l’expérience d’une ville se caractérisant par des spécificités architecturales, notamment dans l’ordre dorique, qui demeurent fidèles à la tradition en dépit du changement politique survenu avec la domination ptolémaïque et le royaume indépendant de Magas (274-247), dont l’auteur souligne une possible influence sur l’architecture et l’urbanisme de la ville.

 

         Face à la variété des approches qui oscillent en permanence entre le particulier et le général, et vu la qualité des contributions, on ne peut que regretter l’absence d’une retranscription des débats que les nouvelles lectures proposées, dont certaines sont franchement radicales, n’auront pas manqué de susciter. Si on explique facilement l’absence de conclusions par le propos même de l’ouvrage (et de la rencontre) qui était, d’une part, de faire un état de lieu des connaissances sur l’architecture de cette période, et, de l’autre, de mettre en réseau des données plus spécifiques, il aurait été à notre avis profitable de rendre compte des questions ayant suscité le plus de débats, afin qu’elles servent de point de départ pour une réflexion collective.

 

         Reste que cet ouvrage sera certainement un point de référence pour les études futures sur l’architecture du iiie siècle av. n.è. en Méditerranée centrale. Il souligne notamment l’importance d’un questionnement de nos méthodes et approches, permettant de nous libérer des superstructures mentales forgées par la sectorisation dont a longtemps souffert la recherche archéologique. Il nous semble que la démarche entreprise ici de mettre en regard différentes aires géographiques soit l’une des voies privilégiées vers une reconstruction des influences réciproques vécues par les populations qui évoluent dans ce iiie siècle riche en transformations politiques.

 

 

Table des matières

 

L.M. Caliò, J. des Courtils, Prefazione (p. 9-10)

C. Pouzadoux, Introduzione (p. 11)

E. Lippolis, L'architettura di III secolo a.C. (p. 13-43)

M. Osanna, C. Rescigno, Da Cuma a Pompei. Cantieri, maestranze e tradizioni architettoniche medio ellenistiche alla luce della documentazione archeologica: problemi e prospettive (p. 45-65)

F.  Pesando, Nuovi dati su Pompei fra III e I secolo a.C. Ricerche nella Regio VI (p. 67-81)

F. Sirano, Architettura ellenistica nel III secolo a.C. Il contributo dei centri della Campania settentrionale interna (p. 83-94)

G. Greco, Edilizia pubblica a Elea in età ellenistica (p. 95-114)

C. Giletti, L’acropoli di Taranto nel III secolo a.C. (p. 115-131)

E. C. Portale, Siracusa e la Sicilia nel III secolo a.C.: problemi conoscitivi e proposte di lettura dei fenomeni urbanistici e architettonici (p. 133-177)

H. Tréziny, Une ville royale à la campagne. Mégara Hyblaea à l'époque de Hiéron II (p. 179-188)

M. Wolf, Architettura sacra di III secolo a.C. in Sicilia orientale durante il regno di Ierone II (p. 189-203)

L. Campagna, La decorazione architettonica in Sicilia nel III secolo a.C.: problemi aperti e nuove prospettive (p. 205-221)

G.F. La Torre, Tradizione e innovazione nell'architettura domestica siciliana tra III e inizi del II secolo a.C. (p. 223-232)

S. Aiosa, La Casa a Peristilio 1 di Monte Iato: considerazioni per una nuova ipotesi ricostruttiva (p. 233-247)

S. Guidone, La cultura abitativa in Magna Grecia (p. 249-264)

A. M. Jaia, Edifici di culto a Lavinium in età medio repubblicana tra continuità e innovazione (p. 265-284)

F. M. Cifarelli, Sulle tracce della Signia medio repubblicana: problemi storici e archeologici (p. 285-300)

L. M. Michetti, Osservazioni sull'architettura etrusca tra la fine del IV e il III secolo a.C., tra edili­zia pubblica e committenza privata (p. 301-322)

L. M. Caliò, L'architettura fortificata in occidente tra la Sicilia e l'Epiro (p. 323-367)

O. Mei, Architettura pubblica a Cirene nel III secolo a.C. (p. 369-383)

Bibliografia (p. 385-426)