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Reviewed by Frédéric Herbin, Service archéologique de la Ville de Lyon Number of words : 1230 words Published online 2018-08-29 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3359 Link to order this book
Cet ouvrage trilingue (tous les textes sont traduits en grec et en anglais) fait partie de ceux que l’on nomme les « beaux-livres », mais pas seulement … Son épaisse couverture cartonnée, reproduisant la photographie en noir et blanc d’un ouvrier grec posant pieds nus aux côtés de l’un des fameux lions de Délos peu après leur découverte en 1906, enferme 160 pages disposées à l’italienne (27 x 21 cm). Il se compose d’un sommaire, d’une préface, d’une introduction, de sept chapitres présentant 135 figures et d’une bibliographie. En tout, ce sont 143 documents (photographies, dessins, aquarelles, relevés, restitutions et pages de carnet) qui sont reproduits ici.
Après les pages de titre et le sommaire, une première illustration s’étale sur une double pleine-page : il s’agit d’un magnifique panorama vu depuis le quartier du théâtre, aquarellé par Camille Lefèvre. À la page suivante, la reproduction de la carte générale de l’île, publiée dans le premier tome de l’Exploration Archéologique de Délos (EAD), se trouve en regard de la préface signée par Alexandre Farnoux, directeur de l’École française d’Athènes (ÉfA). Ce dernier y présente la collection « Patrimoine Photographique » dont l’ouvrage qui nous occupe constitue le troisième opus et dont l’objectif consiste à faire connaître les riches fonds documentaires de l’institution, non seulement photographiques mais aussi cartographiques et archivistiques.
Dans le texte introductif de 15 pages qui suit la préface, Jean-Charles Moretti présente tout d’abord brièvement la situation géographique de l’île, centre des Cyclades, berceau légendaire d’Artémis et Apollon, et son histoire, depuis les premières traces d’occupation humaine du IIIe millénaire av. notre ère jusqu’à sa désertification progressive au vie s. ap. J.-C. Par la suite, Délos reçut la visite de divers cartographes, voyageurs et explorateurs jusqu’au xixe s. L’auteur retrace ensuite l’histoire des fouilles archéologiques françaises et, dans une moindre mesure, grecques, depuis les premières missions de reconnaissance suivant la création de l’ÉfA en 1846, en passant par les premières fouilles dirigées par Albert Lebègue sur le Cynthe en 1873, puis celles de Théophile Homolle, qui explora, entre 1877-1880, le sanctuaire d’Apollon et de ses abords, et par l’extension tous azimuts des recherches sur le terrain (1881-1900), jusqu’à « la grande fouille » organisée à partir de 1902 et jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale grâce à la donation d’un riche mécène, le duc de Loubat. Cette intensification des recherches sur le terrain fut doublée par une politique scientifique ambitieuse, menée par les directeurs successifs de l’ÉfA, Théophile Homolle et surtout, à partir de 1903, Maurice Holleaux, qui organisèrent, outre les fouilles, les travaux de relevé (dessins et photographies), de restitution et de restauration en favorisant la venue d’ingénieurs, de cartographes, de géologues et de jeunes architectes talentueux, Grands Prix de Rome ou Danois, en vue de préparer la publication des nombreux artefacts (inscriptions, sculptures, etc.) et monuments mis au jour. En regard de la première page du texte français et de chacune des traductions, une illustration pleine page laisse entrevoir le contenu du reste de l’ouvrage, respectivement : une carte de l’île dressée après la grande fouille par Henri Convert et des photographies en noir et blanc des fouilles du théâtre et de la salle hypostyle.
Le corps de l’ouvrage est divisé en sept parties thématiques, regroupant chacune un nombre inégal de figures dûment légendées. La première, intitulée « Délos avant les fouilles » (fig. 1-7), donne à voir un échantillon des cartes, dessins et relevés produits du XIIe au XIXe s., avant que les travaux de l’ÉfA ne débutent sur l’île.
La deuxième partie (« Les hommes », fig. 8-30) documente l’aspect humain de la fouille : photographies des archéologues et des directeurs de l’ÉfA, du personnel de la maison de fouille et des ouvriers mykoniates, pages de carnets de fouille avec liste d’ouvriers, portraits crayonnés, caricatures et reproduction de lettres officielles. À travers ces documents, on perçoit la dureté des conditions de travail durant la grande fouille des années 1910-1913, surtout pour les dizaines de paysans employés comme ouvriers, sous les ordres d’une poignée d’archéologues endimanchés arborant le casque colonial de l’époque. Il est néanmoins émouvant de mettre un visage sur les noms de ces grands savants et d’entrevoir ce que pouvait être leur vie à Délos.
La partie suivante est consacrée à une série de « Vues générales » (fig. 31-34). Trois photographies prises des hauteurs montrent l’état d’avancement de la fouille et un dessin de Camille Lefèvre propose une grandiose reconstitution de la plaine du sanctuaire d’Apollon.
Les quatre dernières parties présentent divers documents classés selon un ordre topographique : « Le sanctuaire d’Apollon et ses abords » (fig. 35-55), « Le quartier du théâtre » (fig. 56-99), « Le Cynthe et la haute vallée de l’Inopos » (fig. 100-110), et « Les quartiers au Nord du Sanctuaire d’Apollon » (fig. 111-135). Outre les photographies des fouilles en cours, des monuments découverts et du matériel exhumé, relevés et restitutions graphiques, dessins et aquarelles ont la part belle dans ces quatre sections. Cette sélection offre un échantillon du talent des architectes et des artistes qui ont pris part à l’entreprise délienne. De plus, l’auteur a souvent choisi, avec intelligence, de montrer plusieurs représentations d’un même sujet côte à côte, tels ces relevés « état actuel » confrontés à leurs restitutions (fig. 36-37, 69-71, 72 et 77, 92, 120-123) ou encore ces aquarelles ou dessins associés à une photographie (fig. 49-50, 66-68, 78-79, 82-89, 90-92).
Une page consacrée au matériel photographique utilisé à cette époque s’intercale entre la fin de la septième partie et la bibliographie sélective de trois pages qui clôt le livre. Quoique sélective, celle-ci est remarquablement complète et permettra au non-spécialiste d’ approfondir tel ou tel aspect de la fouille.
D’une manière générale, il faut souligner la qualité éditoriale de cette publication : la mise en page est soignée, les reproductions offrent une très bonne définition, les textes sont clairs et concis et leurs traductions exactes. On imagine que le choix des documents publiés ici a dû être difficile, tant les fonds documentaires consacrés à Délos et notamment ceux conservés dans les différents services de l’ÉfA sont importants[1]. Néanmoins, l’auteur a su en tirer un échantillon original et représentatif afin de montrer tous les aspects de ces premières fouilles archéologiques de Délos. Tous les documents présentés sont dûment légendés. À défaut d’un commentaire pour accompagner chaque figure, dont on comprend l’absence pour des raisons éditoriales, il aurait tout de même été utile d’indiquer si tel ou tel document était jusqu’alors inédit ou, au contraire, avait déjà été publié, avec, le cas échéant, la ou les références (cette indication a été donnée pour quelques-unes des premières figures [1, 3, 5, 6-7], mais non, par exemple, pour la fig. 44, publiée dans l’EAD 7).
Ce livre constitue un bel album pour les amateurs et les spécialistes de l’Antiquité. En documentant les premières fouilles exécutées sur l’île, le néophyte peut (presque) y découvrir le site (presque) comme le firent les acteurs de ces travaux et l’archéologue averti peut approfondir ses connaissances sur l’histoire de la fouille. Ainsi, la lecture de cet ouvrage est-elle – à tous points de vue – une invitation à (re)découvrir Délos, qui demeure l’un des plus beaux et des plus importants sites archéologiques de Grèce. Elle montre également l’extraordinaire richesse de ce « Patrimoine Photographique » que nous fait découvrir cette belle collection.
[1] Tous les documents provenant de cette institution ne sont pas conservés dans le fonds de la photothèque comme indiqué p. 2, certains sont conservés aux archives de la bibliothèque et d’autres à la planothèque.
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Editors: Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |