Lohmann, Daniel : Das Heiligtum des Jupiter Heliopolitanus in Baalbek. Die Planungs- und Baugeschichte. The sanctuary of Jupiter Heliopolitanus at Baalbek. The history of its planning and construction (OrA, 38), 274 S., 196 Abb., 30 Taf., 1 Datentrager, ISBN : 978-3-89646-668-6, 64,80 €
(Verlag Marie Leidorf, Rahden 2017)
 
Rezension von Jacques des Courtils, université Bordeaux-Montaigne
 
Anzahl Wörter : 2571 Wörter
Online publiziert am 2020-05-26
Zitat: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3361
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          Le livre de de Daniel Lohmann présente la somme, probablement définitive, de toutes les données anciennes et récentes disponibles sur le temple de Jupiter à Baalbek et en fournit une analyse critique suivie d’une étude synthétique. L’ouvrage, de dimensions raisonnables, offre 237 pages de texte illustrées de 196 photos, auxquelles s’ajoutent 30 planches qui contiennent des plans d’ensemble et des relevés d’architecture (plans et coupes) ainsi que des tableaux (plans à échelle réduite des restitutions successives depuis 1670, nomenclature des sondages effectués de 2007 à 2010, tableau chronologique des phases de construction et des événements historiques). Le livre est fourni avec un DVD présentant les planches 6 à 10 qui peuvent être consultées à l’écran, ce qui permet des agrandissements fort utiles à l’observation des détails.

 

         L’auteur a repris l’ensemble de la documentation archivistique et des données archéologiques de terrain depuis les premières études et fouilles, enrichies par le très important programme d’étude mené sur le site de 2005 à 2012, sous la direction successive de Kl. Rheidt et la sienne propre, qui a consisté dans des campagnes systématiques de relevés architecturaux au 1/200 ainsi qu’en 18 sondages. Si l’on considère l’énormité et l’hétérogénéité de la documentation ainsi rassemblée et traitée, le délai très court d’étude et de publication confine à l’exploit.

 

         L’ouvrage est divisé en cinq chapitres suivis d’une conclusion. Le premier chapitre porte sur la méthodologie et décrit les objectifs de l’étude. La raison d’être de cette nouvelle publication repose sur le constat d’incohérences architecturales passées inaperçues ou pas prises en considération jusqu’ici, qui ont suggéré l’existence de phases architecturales dont l’existence n’était pas connue mais dont la description se heurte à d’énormes difficultés. En effet, le monument est gigantesque, complexe et mal conservé. L’auteur mène l’enquête d’une manière qui peut paraître laborieuse au lecteur mais qui s’avère indispensable pour 1°) détecter tous les indices architecturaux révélateurs, 2°) en découvrir la logique propre 3°) ordonner ces constats dans une description diachronique des phases successives du chantier en établissant une chronologie absolue, le tout débouchant sur une appréciation renouvelée de l’architecture de l’ensemble.

 

         Le 2e chapitre fournit une historiographie abondante qui, après l’énumération des études « historiques », énumère les travaux scientifiques des savants du XXe siècle à nos jours, en commençant évidemment par ceux, fondateurs et toujours indispensables, de D. Krencker et de Th. Wiegand. On soulignera que l’auteur a pu utiliser les archives des fouilles libanaises inédites. Ce chapitre est d’une grande richesse mais suppose que l’on ait déjà une bonne connaissance de l’édifice car l’auteur énumère les hypothèses qui ont été élaborées par les chercheurs successifs sur toute sorte de problèmes touchant les diverses parties des bâtiments, ce qui débouche, soit sur des réfutations, soit sur des acquis. Il eût peut-être été plus clair de placer ce chapitre après le suivant.

 

         En effet, c’est le 3e chapitre qui contient la description architecturale méthodique de l’ensemble du sanctuaire de Zeus dans son état actuel, en procédant depuis l’entrée (avant-cour semi-circulaire) puis en passant par le propylon, la cour hexagonale, la cour de l’autel (ou des autels) pour arriver au temple. L’abondance des vestiges (même si l’ensemble est très ruiné) et la complexité de l’ensemble font que ce chapitre est particulièrement ardu pour le lecteur : il paraît très souhaitable, à moins de connaître parfaitement les lieux, de se référer aux illustrations des publications anciennes (Wiegand notamment).

 

         Le 4e chapitre est celui qui contient l’apport archéologique essentiel de la publication, consistant tout d’abord dans une analyse méticuleuse de tous les indices architecturaux qui révèlent des interruptions, des reprises ou des modifications du chantier. Celles-ci peuvent porter aussi bien sur des aménagements (modification de la largeur des couloirs dans les soubassements avant leur achèvement) que sur d’importantes additions, comme celles d’un propylon, de la cour hexagonale ou de l’avant-cour semi-circulaire. Sur la base de ces observations, D. Lohmann a réexaminé le phasage et la chronologie absolue de la construction, ce qui l’amène à distinguer 4 phases principales. Avant la fondation du temple, il y a probablement eu la construction d’une fortification sur le sommet d’un tell pré- et protohistorique, fortification qu’il serait plausible d’attribuer à la période commençant par la prise de la Judée par Pompée, ce qui exclut l’intervention, souvent supposée, d’un souverain hellénistique. La fondation du temple proprement dit est datée de l’époque d’Hérode (la Beqaa est rattachée à la colonie de Berytus en 15 a.C.) et voit l’aménagement d’un propylée, d’une cour avec autel central et d’un temple qui n’a sans doute pas été terminé (a-t-il même été commencé ?). C’est la phase II qui voit le lancement d’un chantier gigantesque à la fois par les dimensions des édifices et par celles des blocs mis en œuvre. La publication apporte ici une grande nouveauté. En effet, cette phase est désormais subdivisée en deux : une première tranche (phase IIa, époque de Tibère-Caligula jusqu’à Claude) voit la construction du podium géant destiné au temple et celle du soubassement (parcouru de tunnels) de la cour de l’autel, chacun occupant un carré de 118 m de côté. Le temple est commencé, le côté nord de la cour reçoit un grand bassin et des portiques et exèdres longeant son côté nord. La phase IIb est flavienne et voit la continuation des travaux de la phase I mais non leur achèvement. Le seul texte antique qui se rapporte directement à la construction du temple est le graffito très précisément daté de l’année 60, laissé par un tailleur de pierre sur un tambour de colonne de la phase II (IGLS 6, 2733) : sur la foi de cette date, plusieurs chercheurs (von Gerkan, Eissfeldt) avaient proposé de dater la construction du temple de la période de Néron et des Flaviens, ce qui s’accorde à vrai dire avec le style des chapiteaux. Toutefois, Lohmann n’a pas de mal à montrer que le graffito correspond à la reprise des travaux dans la 2e phase, ce qui n’empêche pas de dater le début des travaux à l’époque julio-claudienne.

 

         C’est pendant la phase III que l’aménagement de la cour est terminé, mais avec des changements importants par rapport aux réalisations déjà avancées de la phase II : la cour est entièrement réaménagée et dotée d’un colonnade sur trois côtés (le 4e étant occupé par la façade du temple) comportant plus d’une centaine de colonnes monolithes en granit rose d’Assouan. Un second bassin est aménagé en correspondance du premier et le « grand autel » avec son réseau d’escaliers intérieurs est édifié. Enfin, une cour rectangulaire (barlongue) est ajoutée avant la cour de l’autel, dotée d’un large propylon qui est seulement commencé, de même que l’aménagement d’une avant-cour semi-circulaire. L’analyse stylistique de H. Wienholz, dont D. Lohmann adopte les conclusions, permet de dater ces travaux de la période antonine, mais ils se sont prolongés jusqu’à la fin du siècle.

 

         La phase IV voit un enrichissement notable avec la construction de la magnifique cour hexagonale, une addition au programme initial, l’achèvement du propylon flanqué de deux tours et, à l’avant de ce dernier, de la cour semi-circulaire qui en embrasse la façade. Cette phase se caractérise par une qualité de réalisation médiocre et est datée entre le règne de Septime Sévère et celui de Caracalla : il est possible que l’assassinat de ce dernier soit l’explication de l’abandon définitif des travaux, visible dans de nombreux indices d’inachèvement.

 

         Le 5e chapitre est consacré à l’analyse du sanctuaire sous ses divers aspects. L’architecture du sanctuaire a évolué au travers des phases successives. Le premier état présente un caractère fortement oriental avec son axialité, le développement en terrasses surélevées à partir du propylon et le temple sur une terrasse à plan en T, précédé de deux tours encadrant une cour devant le temple. La deuxième phase est marquée par l’irruption de l’influence romaine qui se traduit en particulier dans le temple géant corinthien, une stricte géométrie du plan d’ensemble (juxtaposition de deux carrés) et l’utilisation du pied romain. L’ordre corinthien peut être rapproché de celui du temple de Mars Ultor. L’élargissement de l’entrecolonnement central du temple est un écho des temples géants de l’Asie Mineure archaïque. La disposition en terrasse du temple de Baalbek, quant à elle, pourrait s’inscrire dans la mode des sanctuaires étagés de l’époque hellénistique (Asclépiéion de Cos, Lindos) mais il paraît plus approprié de la rapprocher des sanctuaires en terrasses d’Italie, Préneste, Anxur ou Gabii. Autre exemple d’éclectisme : si la cour de l’autel est bordée de niches et d’exèdres typiquement romaines, le Grand Autel avec ses escaliers intérieurs et sa plate-forme est typiquement oriental. D. Lohmann souligne par ailleurs le caractère « introverti » du sanctuaire, fermé par les hauts murs des cours et dont il trouve l’origine dans les fora impériaux. Les dimensions de la cour de Baalbek correspondent exactement à celles du forum de Trajan, à quoi s’ajoutent les colonnes en granit des carrières d’Assouan, propriété de l’empereur : tout cela milite en faveur d’un patronage impérial du projet dans sa 3e phase.

 

         L’auteur fait un long développement sur l’importance de l’eau dans le sanctuaire situé entre les cours supérieurs de l’Oronte et du Litanes et à équidistance entre deux de leurs affluents. Or dès la fondation de la colonie de Berytus, fut construit un aqueduc de 8 km dont l’arrivée est exactement dans l’axe du sanctuaire (situation analogue à Palmyre avec une source et un bétyle distants d’un peu plus d’1km du temple). La présence dans la cour de l’autel des deux bassins symétriques (probablement alimentés par les eaux de l’aqueduc déjà mentionné) est interprétée à la suite de H. Wienholz comme symbolisant les deux fleuves, voire leurs sources. L’eau joue aussi un grand rôle dans l’avant-cour semi-circulaire (euripe, puits et fontaines).

 

         Enfin, l’analyse architecturale d’ensemble souligne les traits les plus caractéristiques de l’ensemble : les agrandissements à partir du noyau primitif (temple et cour) se font par additions successives de bâtiments mais, plus qu’un respect des structures primitives, cette procédure témoigne plutôt d’une surenchère de la part des commanditaires successifs. En revanche, le mégalithisme caractérise la deuxième phase, non les autres. Si les comparaisons régionales montrent l’influence originelle des sanctuaires orientaux, les modifications successives traduisent la prégnance de plus en plus accentuée de l’imitation du modèle romain, tout particulièrement de celui de la cour fermée des fora impériaux.

 

         Cet ouvrage contient donc un réexamen complet et très détaillé de toutes les données anciennes et récentes sur le temple de Jupiter Heliopolitanus. La précision remarquable des analyses et, tout particulièrement, la finesse des observations architecturales, permettent des avancées remarquables, dont la plus importante est sans doute la distinction de deux périodes à l’intérieur de la phase II. La chronologie relative du chantier et la chronologie absolue de sa fondation et de ses diverses phases sont complètement bouleversées et la plus grande prudence est respectée lorsqu’il s’agit de les mettre en rapport avec l’histoire générale : ainsi le lien de la première phase du temple avec le rattachement de la Beqaa à la colonie de Berytos semble bien établi, ce qui s’accorde avec la ressemblance frappante du podium de Baalbek avec celui du temple de Jérusalem (achevé en 20 a.C.), de sorte que l’attribution du premier état du temple à Hérode s’en trouve solidement établie ; à l’inverse, le seul indice d’intervention de Caracalla est la dédicace de quelques chapiteaux du propylon, dont D. Lohmann refuse sagement de tirer argument pour attribuer à cet empereur un rôle important dans la dernière phase du chantier.

 

         La caractérisation de l’architecture lors des différentes phases est menée avec maîtrise. On ne peut que souscrire au constat d’une naissance placée sous le signe d’un éclectisme combinant orientalisme et premières influences romaines, puis de la présence de plus en plus manifeste de ces dernières. L’analyse fonctionnelle met en lumière la place particulière de l’eau, dans la cour de l’autel (deux grands bassins symétriques) et dans l’avant-cour semi-circulaire. Toutefois, le caractère tardif de cette dernière pourrait faire douter de l’importance réelle des aménagements hydrauliques qui y ont été faits sans avoir eu de prédécesseurs dans les siècles précédents.

 

         Sur le plan méthodologique, on ne peut qu’admirer aussi la prudence de la démarche. En effet, au lieu de considérer les modifications successives des constructions comme résultant d’une démarche constructive progressive quoique chaotique, l’auteur distingue avec beaucoup de clarté les projets (Plannungsphasen) et les réalisations effectives (Bauphasen) qui ne sont jamais allées jusqu’au bout des premiers. Cette distinction s’appuie sur des observations architecturales extrêmement précises et cohérentes (par exemple la non-concordance de murs avec les substructions), qui permettent aussi d’éliminer des hypothèses anciennes dénuées de fondement archéologique (en particulier l’idée que le bâtiment du temple était entièrement entouré d’un portique avec colonnades et exèdres).

 

         Avant d’ouvrir la publication de D. Lohmann, on pourrait se demander comment une telle richesse documentaire, descriptive et analytique, peut avoir été concentrée en 250 pages. La réponse est que l’auteur n’a pas repris la description systématique de tout le sanctuaire : il en fournit une description dans le chapitre III (Beschreibung der baulichen Anlagen) mais elle s’appuie largement sur celle de H. Winnefeld et B. Schulz, ce qui le dispense d’en reprendre tous les détails (et plus que des détails : le trilithon est souvent mentionné, jamais décrit ni même précisément localisé). Les photos éclairent pas à pas le texte tout au long de l’ouvrage, mais ce sont pour la plupart des photos de détail (et en petit format) qui, bien souvent, supposent, pour être replacées dans le contexte de l’édifice, une connaissance de celui-ci que ni les légendes (extrêmement succinctes) ni les dessins et plans ne fournissent. Certains dessins (pl. 11-12 et 18-21) présentent le même défaut : leur compréhension n’est pas évidente du tout, faute, en particulier, de légendes suffisantes. L’analyse stylistique est très sommaire : D. Lohmann souscrit, à juste titre, aux conclusions de H. Wienholz, mais cela impose au lecteur de se référer à la publication de ce dernier, d’autant que les éléments d’appréciation en ce domaine  (chapiteaux, rinceaux…) ne sont même pas illustrés dans le présent ouvrage. En somme, cette publication apporte des compléments et des rectifications archéologiques et historiques extrêmement précieux, mais qui seront beaucoup plus accessibles si l’on a sous la main les anciennes publications et leur apparat iconographique. Il n’en est pas moins vrai que, de la lecture du livre de D. Lohmann, notre connaissance du temple de Jupiter ressort modifiée, consolidée et complétée.

 

 

Table des matières

 

I Einleitung

I.1 Thema und Zielsetzung

I.2 Abgrenzung

I.3 Vorbedingungen

I.4 Herangehensweise und wissenschaftliche Methoden

I.5 Gliderung der Arbeit

II Die Geschichte der Bauforschung im Jupiterheiligtum

II.1 Frühe Quellen

II.2 Die ersten wissenschaftlichen Publikationen im 18. Jahrundert

II.3 Die ‚Reisewelle‘ im 19. Jahrundert

II.4 Die deutschen Ausgrabungen nach dem Kaiserbesuch von 1898

II.5 Französische Arbeiten

II.6 Vom ‚Krischentempel‘ zur ‚Gerkanmauer‘. Die Begründung der baumorphologischen Erforschung des Jupiterheiligtums

II.7 Die Libanesische Zeit

II.8 Neue Arbeiten seit dem Ende des libanesischen Bürgerkriegs

III Beschreibung der baulichen Anlagen

III.1 Regionaler Kontext

III.2 Der Ort Baalbek

III.3 Die Gesamtanlage des Heiligtums

III.4 Der halbrunde Vorhof

III.5 Das Popylon

III.6 Der sechseckige Vorhof oder ‚Hexagonalhof‘

III.7 Der Altarhof

III.8 Der Tempel des Jupiter Heliopolitanus

IV Die Planungs- und Baugeschichte des Jupiterheiligtums

IV.1 Die Ausgangssituation

IV.1.1 Prähistorischer Tell

IV.2 Phase I

IV.3 Phase II

IV.4 Bauphase III

IV.5 Der halbrunde Vorhof

IV.6 Phase 4

V Die Motive der Architektur des Heiligtums

V.1 Rom, Griechenland und der Vordere Orient – Kulturelle Einflüsse auf die Architektur des Heiligtums

V.2 Wasser, Fruchtbarkeit und Landschaft

V.3 Die Baupraxis des Ummantels und der Inkorporation

V.4 Die Inszenierung von Größe

VI Zusammenfassung und Fazit