AA.VV.: Birchler Emery, Patrizia - Chamay, Jacques - Van der Wielen-van Ommeren, Frederike - Cottier-Angeli, Fiorella (dir.). Secrets d’atelier. Céramique antique, techniques et savoir-faire, 199 p., 168 ill. en coul., 26 ill. n/b, ISBN : 9783034330381, 36 €
(Peter Lang, Bern 2017)
 
Compte rendu par Nairusz Haidar Vela, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
 
Nombre de mots : 1889 mots
Publié en ligne le 2019-01-24
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3367
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          L’ouvrage Secrets d’atelier. Céramique antique, techniques et savoir-faire, édité par P. Birchle Emery, J. Chamay, F. Cottier-Angeli et F. Van Der Wielen-Van Ommeren, constitue le catalogue de l’exposition « Secrets d’atelier », tenue dans la Salle des Moulages de l’Université de Genève du 12 avril au 22 mai 2016. Consacré à l’histoire de la céramique antique à travers un choix d’œuvres issues de la collection Ostraca, ce catalogue collectif est le fruit d’une collaboration entre l’association Hellas et Roma et l’Unité d’archéologie classique de l’Université de Genève. De format A4, l’ouvrage compte 199 pages ; le choix du papier, la mise en page et la qualité des illustrations rendent la lecture très agréable. 

 

         Dans le cadre de cette exposition, 122 fragments de céramiques et objets ont été retenus afin d’illustrer les techniques de la céramique antique. La collection, qui se compose de tessons mais également de moules, de ratés de cuisson, de jetons, d’outils et de lampes a permis de mettre en lumière différents thèmes : matière première, façonnage, cuisson, réparation, techniques de décoration, fabrication et usages de moules, inscriptions sur céramiques et enfin, les « faux » et contrefaçons.

 

         L’ouvrage s’organise en deux volets ; le premier regroupe, après une introduction, huit contributions, tandis que le second est constitué du catalogue à proprement parler, à travers un choix d’œuvres présentées sous forme de notices.  Les auteurs des articles, au nombre de six, comptent des enseignants universitaires mais également des conservateurs et des restaurateurs de céramiques (L. E. Baumer, P. Birchler Emery, J. Chamay, L. Chrzanovski, F. Cottier-Angeli et F. Van der Wielen-Van Ommeren). Les notices du catalogue ont, quant à elles, été rédigées par ces mêmes auteurs, ainsi que par des étudiants de l’Université de Genève.

 

         Les articles sont de longueur variable ; nous pouvons également noter qu’ils ne sont pas tous illustrés et que la présence d’une bibliographie n’est pas systématique. Le premier article intitulé « Les vases grecs archaïques et classiques : généralités (VIe-IVe siècles av. J.-C.) », présente de façon simple et pédagogique les différents types de vases grecs. Divers aspects sont abordés, de la définition des différents noms de vases à la présentation de peintres et potiers grecs, sans oublier les pratiques culinaires et la notion d’atelier, ce qui offre un panorama complet de ces productions. Le second article, « À la recherche du secret de la céramique peinte. Les débuts de l’étude de la céramique grecque au XVIIIsiècle » est historiographique et retrace l’histoire de l’étude de la céramique grecque. L’auteur s’appuie essentiellement sur les techniques de fabrication et le décor des vases à figures noires et rouges. L’intérêt majeur de cet article réside dans l’introduction de citations d’ouvrages du XVIIIsiècle ainsi que d’illustrations de vases grecques réalisées au XVIIIe siècle, ce qui permet au lecteur de disposer des sources premières. Dans le troisième article, « Abrégé de l’art du céramiste », l’auteur présente la chaîne opératoire de la céramique. Les étapes de préparation de la matière première, du façonnage, de l’ébauchage, du tournassage, des finitions et enfin de la cuisson sont décrites. Si les techniques présentées n’ont que peu évolué de l’Antiquité à nos jours, l’auteur s’est appliquée à fournir des exemples archéologiques choisis à travers le bassin méditerranéen pour illustrer ses propos. Ainsi, elle signale entre autres la présence de bassins de décantation mis au jour à Thasos ou encore de rognures de tournassage trouvées à l’intérieur d’un cratère de Grande Grèce datant du IVsiècle avant J.-C., ce qui enrichit considérablement sa contribution. L’article suivant s’intitule simplement « Les différentes sortes de céramiques ». Un titre plus explicite aurait sans doute été préférable pour cette contribution présentant la céramique corinthienne, la céramique attique, la céramique étrusque et la céramique des lapyges. Les parties sont traitées de manière assez inégale, celle consacrée à la céramique corinthienne étant par exemple bien plus succincte que les autres. Néanmoins, l’article présente de façon très complète les techniques de fabrication et de décors des différentes catégories retenues. Le cinquième article « Céramique dite de Canosa : du peintre au coroplaste », traite des céramiques de Canosa. Ces vases, trouvés dans les tombes à chambre de Canosa en Apulie septentrionale, se caractérisent par une décoration combinant la peinture polychrome et les reliefs et figurines en applique. L’article est richement illustré, aussi bien par des photographies de vases complets en couleur et en noir et blanc que par des dessins et des photographies de détail de fragments. Il se divise en trois parties : une introduction énonçant les généralités de cette production, la région de production et son évolution, une deuxième partie qui présente les trois types de vases les plus caractéristiques, à savoir le cratère à volutes, l’askos et le vase plastique et, enfin, une troisième partie résumant les techniques de fabrication. Les trois types de vases choisis visent à illustrer l’évolution décrite dans l’introduction. Pour ce qui concerne le cratère à volutes, trois types de techniques de décoration sont exposées : peint selon la technique à figures rouges, peint en deux temps et peint selon la technique à la détrempe. La partie sur l’askos, vase de forme globulaire ou ovoïde, un peu aplatie et pourvue d’un goulot latéral et d’une anse en panier, illustre trois types de vases : l’askos otriforme de type apulien, l’askos globulaire de type daumien et l’askos ovoïde vraisemblablement créé pour remplacer l’askos otriforme au moment où l’atelier de tradition apulienne a arrêté la production des grands vases peints. Enfin, la partie « Éléments techniques » vise à présenter les résultats d’analyses réalisées sur les adhésifs et pigments d’un certain nombre de vases et d’appliques provenant probablement des nécropoles de Canosa et d’Arpi et conservés dans les musées de Genève, Zurich, Bari et Foggia ainsi que dans des collections privées. Plusieurs points sont abordés : la fixation des appliques, les adhésifs, les techniques picturales, l’enduit blanc, les pigments et les liens. La bibliographie est complète et thématique, ce qui la rend très pratique. Le sixième article, « Céramiques aux apparences d’argenterie », est un abrégé de celui publié dans la revue Antike Kunst de 1997 « La couleur de l’argent, Une enquête archéométrique autour des poteries à placage », publié par D. Cottier-Angeli, B. Dubosq et M. Harari. La contribution, qui intéressera particulièrement les professionnels de la restauration d’art, porte sur une catégorie de céramiques trouvées dans la région d’Orviedo et de Bolsana. Elles se caractérisent par un enduit mat de couleur blanc-gris ayant été comparées, en raison de leur décoration souvent en relief et à leur apparence métallique, à des œuvres d’orfèvrerie (toreutique). L’article s’organise en quatre parties : un rappel sur les premières études, une analyse des objets de la couleur de l’argent, une micro-analyse du recouvrement métallique et une conclusion. Le septième article « Le potier, artisan de lumière », porte sur les lampes et met en lumière deux techniques de fabrication : les lampes tournées et les lampes moulées. Dans une première partie, l’auteur s’attache à souligner les techniques de fabrication et les éléments communs aux deux méthodes de production. La deuxième partie, consacrée aux lampes tournées des Phéniciens à Alexandre et leur retour dès le IIe siècle après J.-C., expose la naissance, dès le premier millénaire avant J.-C., d’une forme standard de lampe grâce à la transformation d’une soucoupe ou plat-coupelle. Ces lampes vont conquérir l’ensemble de la Méditerranée et notamment le monde grec ; l’auteur expose les innovations techniques apportées par les Grecs, que ce soit dans la forme ou le décor. La troisième partie aborde la longue parenthèse des lampes moulées ou la révolution industrielle antique et retrace l’historique des lampes moulées du IIIe siècle avant J.-C. en Asie Mineure, en soulignant les possibilités offertes par le moulage. Enfin, les dernières parties sont consacrées à la technique de fabrication d’un moule pour lampe d’après les éléments archéologiques connus ainsi que sur la réalisation simple d’une lampe au moule. Le texte, synthétique et clair aurait été valorisé par la présence d’illustrations. Pour finir, le dernier article « À propos des faux » est court mais traite d’un sujet peu abordé puisqu’il s’agit de faire un point sur les contrefaçons présentes dans les collections.

 

         Ces huit contributions sont suivies d’un catalogue des objets retenus pour l’exposition, présentés sous forme de notices et illustrés par une ou deux photographies dont la qualité est remarquable. Les objets sont répartis en suivant une organisation thématique ; cinq thèmes ont été retenus : les techniques de fabrication (incluant la matière première, le façonnage, les formes spéciales, la cuisson et les réparations antiques), les techniques de décoration (les objets sont réparties en deux volets, d’une part les décors incisés, estampés et à reliefs et d’autre part les décors peints), les moules et productions moulées, les inscriptions sur céramique et, enfin, les faux. Dans chaque notice sont indiqués le numéro d’inventaire, la matière, les dimensions, la provenance, une datation et, parfois, des références bibliographiques. Bien que la qualité des contributions soit inégale, reflet de l’expérience des auteurs, aussi bien étudiants que spécialistes, les descriptions sont toujours très détaillées et les objets souvent bien remis en contexte. Le catalogue est suivi d’un glossaire des termes techniques ainsi que d’une bibliographie sélective venant compléter les bibliographies présentes à la fin des articles.

 

         Pour conclure, ce catalogue constitue une base documentaire de grande qualité puisqu’il ouvre au public une sélection de la collection Ostraca. Les articles, très clairs, sont accessibles à un lectorat de non-spécialistes tout en reflétant un travail minutieux de la part des auteurs et une grande qualité scientifique. L’ouvrage offre un tour d’horizon complet des différents aspects touchants aux céramiques, de l’organisation des ateliers et leurs outils, aux formes et décors produits. Ceci permet de resituer la céramique antique dans un vaste contexte non seulement historique mais également économique et social et intéressera, dès lors, aussi bien les céramistes que les céramologues et restaurateurs. Toutefois, en dépit de la qualité certaine de l’ouvrage, quelques remarques peuvent être émises. Ainsi, des dessins archéologiques des céramiques, en complément des photographies auraient constitué un apport certain pour les céramologues. Nous pouvons également déplorer l’absence d’illustrations et de bibliographie dans certaines contributions et surtout le manque de lien direct entre les articles et le catalogue puisque les renvois aux notices ne sont pas systématiques. Malgré ces quelques points en demi-teinte, ce volume est remarquable et trouvera parfaitement sa place dans la bibliothèque de tout amateur de céramiques. Rares sont les livres de céramologie qui abordent de façon aussi claire tous les aspects et la richesse de ce matériau ; à travers la collection Ostraca, ce catalogue a donc bien permis de dévoiler les secrets d’atelier.

 

 

Sommaire

 

Ouvrages publiés par l’Association Hellas et Roma  9

 

Comité scientifique et auteurs  10

 

Avant-propos, LORENZ E. BAUMER 11

 

La collection Ostraca, Comité scientifque Hellas et Roma 13

 

Introduction, PATRIZIA BIRCHLER EMERY  15

 

Les vases grecs archaïques et classiques : généralités (VIe-IVe siècles av. J.-C.), JACQUES CHAMAY, 17

 

A la recherche de la céramique peinte. Les débuts de l’étude de la céramique grecque au XVIIIe siècle. LORENZ E. BAUMER.  21

 

Abrégé de l’art du céramiste,  FIORELLA COTTIER-ANGELI, 29

 

Les différentes sortes de céramique, FIORELLA COTTIER-ANGELI, 35

 

Céramique dite de Canosa : du peintre au coroplathe, FREDERIKE VAN DER WIELEN-VAN OMMEREN, 45

 

Céramiques aux apparences d’argenterie, DAVID COTTIER-ANGELI, 61

 

Le potier, artisan de lumière, LAURENT CHRZANOVSKI, 69

 

A propos des faux, FIORELLA COTTIER-ANGELI, 73

 

Catalogue, 85

 

I. Techniques de fabrication 87

I.a La matière première


I.b Le façonnage


I.c Formes spéciales


I.d La cuisson


I.e Réparations antiques


 

II. Techniques de décoration
126

II.a Décors incisés, estampés et à reliefs


II.b Décors peints


 

III. Moules et productions moulées
157

 

IV. Inscriptions sur céramique
171

 

V. Faux
 183

 

Glossaire FIORELLA COTTIER-ANGELI 191

 

Bibliographie sélective 195