Léger, Ruth M. : Artemis and Her Cult, vi+178 p.,13 col. pl., ISBN : 9781784915506, 30 £
(Archaeopress, Oxford 2017)
 
Reviewed by Marion Muller-Dufeu, Université de Lille
 
Number of words : 1105 words
Published online 2018-08-29
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3439
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          Comme on le voit à l’énumération des appendices, qui rassemblent un récapitulatif des principaux cultes d’Artémis en Attique, des tableaux statistiques sur les objets trouvés à Sparte, à Éphèse et à Tégée, des plans et des photos relatifs à ces trois sites, R. M. Léger s’appuie principalement, pour tenter de définir le culte d’Artémis, sur l’étude de trois des sanctuaires de cette divinité : Artémis Orthia à Sparte, Artémis Éphésia à Éphèse, Artémis Brauronia en Attique et en outre sur celui d’Athéna Aléa à Tégée. Le choix de ce dernier exemple peut paraître surprenant au premier abord, mais l’auteur développe l’idée que, comme dans le cas d’Artémis Orthia, le sanctuaire devait d’abord être dédié à une divinité locale (Orthia ou Aléa), plus tard assimilée à une divinité panhellénique, et qu’à Tégée, celle-ci avait au moins autant d’affinités avec Artémis qu’avec Athéna. L’idée est intéressante, et sans doute juste, mais elle mériterait à mon sens d’être mieux argumentée pour emporter pleinement l’adhésion.

 

         Le texte principal s’articule en six chapitres : une introduction présente d’une part la méthode de l’auteur, d’autre part les différents sites étudiés. Pour la méthode, il s’agit d’examiner plusieurs sites, à travers le maximum de témoignages possibles, qu’ils proviennent de sources écrites (textes littéraires et épigraphiques) ou de sources matérielles issues des fouilles pratiquées sur les lieux. L’auteur rappelle bien que les monographies qui concernent les sites choisis sont plutôt anciennes, mais son étude s’appuie principalement sur elles et ne comporte que peu de relectures personnelles du matériel mis au jour. L’ouvrage est fondé principalement sur le mémoire de PhD de l’auteur, ce qui explique certainement l’absence d’analyses originales.

 

         Le deuxième chapitre, intitulé Artemis, vise à rappeler les principales caractéristiques de la divinité, telles qu’elles ont été établies par la recherche : Mère des dieux (l’auteur ne justifie pas cette caractéristique appliquée à Artémis, si ce n’est peut-être, mais c’est assez peu clair, par l’appellation commune de πότνια θηρῶν) ; déesse de la sauvagerie, des animaux et de la chasse ; déesse de la naissance, des bébés et des enfants, ainsi que des jeunes animaux ; déesse des jeunes et du mariage, des rites de passage : cette partie évoque les danses associées aux rituels de la déesse et son caractère « assoiffé de sang ». Ce chapitre liste aussi les personnalités divines qui lui sont assimilées ou associées, comme Gorgone, Ilithyie, Iphigénie, Hélène ou Hécate.

 

         Le troisième chapitre (Archéologie relative à l’activité cultuelle) donne, pour chacun des sites étudiés, les éléments archéologiques qui permettent d’en affirmer le caractère cultuel : architecture (en particulier présence de temple et/ou d’autels), mobilier votif, inscriptions, existence d’une statue de culte. Là encore, il s’agit le plus souvent de compiler les publications des fouilles anciennes (ou plus récentes quand cela est  possible). L’auteur a certes tenté de regarder elle-même les objets recueillis dans les musées. Cependant son étude manque parfois d’un regard critique : ainsi, à propos des masques de terre cuite découverts à Sparte, elle reprend le classement de Dickins, avec deux catégories, d’une part des objets modelés (à cette époque, pourtant le moulage est beaucoup plus répandu), d’autre part des objets peints, ce qui ne manque pas de surprendre, les deux procédés étant généralement utilisés conjointement dans ce genre de matériel. Elle reprend également l’évolution évoquée par Dickins, avec une technique « réussie » pendant une première période de 580 à 550 environ, puis un « déclin rapide » de la mise en œuvre, avec des détails moins apparents et une diminution de la taille, après 550 : la description évoque plutôt les résultats du surmoulage qu’une exécution moins soignée. Mais les objets photographiés dans l’appendice 9, tous visiblement pris dans la « meilleure » catégorie et donnés sans échelle, ne permettent pas de trancher cette question que l’auteur ne s’est visiblement pas posée. Par ailleurs, l’auteur traite sur le même plan d’objets provenant de la période archaïque et de la période impériale, comme si aucune évolution n’avait pu se produire dans le culte. C’est dans ce chapitre que la place de la déesse Aléa est examinée avec le plus de détails : l’auteur y affirme que l’on peut identifier la divinité honorée sur un site à travers les objets que l’on y a trouvés, et que cette méthode devrait être appliquée à d’autres sites. Or, c’est ce qui a été fait pour l’Artémision de Dyrrhachion, avant que des inscriptions sur vase ne viennent confirmer l’identification du sanctuaire, auparavant attribué à Aphrodite[1].

 

         Le quatrième chapitre recense les éléments communs aux sanctuaires étudiés pour obtenir une vue d’ensemble qui permettra de caractériser le culte d’Artémis à travers tout le monde grec. Cette comparaison s’appuie essentiellement sur les mobiliers mis au jour dans ces sanctuaires, ainsi que sur les éléments architecturaux qui s’y trouvent. C’est là que sont exploités les tableaux des appendices, qui recensent tous les objets, classés par catégories iconographiques et répartis chronologiquement, découverts dans les différents sanctuaires. L’auteur tente alors d’interpréter les différents types iconographiques pour les relier au sens qu’elle donne au culte d’Artémis. Mais cette interprétation n’est pas toujours claire : en particulier, il est difficile de savoir quelle position a l’auteur sur les figurines féminines trouvées dans ces contextes. Tantôt elle semble pencher pour la thèse de la divinité, tantôt pour celle de la mortelle, mais elle ne semble jamais prendre parti nettement pour l’une ou pour l’autre. Ce va-et-vient entre les deux théories est un peu gênant.

 

         Le cinquième chapitre résume l’activité cultuelle des sanctuaires en présentant en parallèle ce qui concerne les garçons et ce qui concerne les filles : rites de passage, rôle des danses dans l’initiation, mariage et paternité/maternité. Ce parallèle, intéressant en lui-même, qui rejoint les travaux d’autres chercheurs actuels, n’appelle pas d’autre commentaire.

 

         Enfin la conclusion dessine une description du culte d’Artémis à travers les résultats des analyses consacrées aux études de cas précédentes : l’auteur retrace le caractère d’Artémis et les rituels de son culte, reprenant en fait ce qui avait déjà été relaté dans le chapitre deux. On a donc un peu l’impression d’un travail qui tourne en rond, où les différentes analyses illustrent une thèse prédéfinie et concluent sur la situation initiale.

 

         L’intérêt principal de cet ouvrage réside donc dans la mise en forme des résultats des fouilles consacrées aux sites étudiés, et dans la comparaison de ces résultats. La bibliographie est riche, mais pas forcément complète : ni P. Ellinger, ni F. Quantin par exemple n’y apparaissent, bien que l’auteur cite plusieurs ouvrages francophones, ce qui est à souligner dans un ouvrage anglo-saxon. On reste un peu sur sa faim à la lecture de cet ouvrage sérieux, mais qui n’apporte pas grand chose de nouveau.

 

 

[1] Voir : A. Muller, F. Tartari, « L’Artémision de Dyrrhachion : identification, offrandes, topographie », CRAI 2006, p. 65-92